« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 7 février 2012

Procréation médicalement assistée et double don : la Cour de cassation bloque la QPC

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Le droit positif ne modifie pas sa position toujours réservée à l'égard des techniques de procréation médicalement assistée. La  Cour européenne, dans une décision du 3 novembre 2011 avait considéré comme conforme à la Convention la loi autrichienne qui interdit les méthodes d'assistance à la procréation fondées sur un double don d'ovocytes. Est ainsi affirmé le principe selon lequel un enfant doit être génétiquement rattaché à au moins l'un de ses deux parents. 

C'est aujourd'hui au tour de la Cour de cassation de pérenniser cette prohibition du double don, dans une décision de la 1ère Chambre civile, rendue le 19 janvier 2011. Elle était saisie par une femme qui s'est rendue en Espagne pour bénéficier d'un double don de gamètes, et qui a demandé la prise en charge des différentes interventions à la Caisse primaire d'assurance maladie. Elle conteste le refus qui lui a été opposé, en invoquant l'inconstitutionnalité de l'article L 2143-1 du code de la santé publique qui énonce qu'un enfant "ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple". La Cour de cassation va estimer que cette disposition ne doit pas être transmise au Conseil constitutionnel. 

On pourrait évidemment méditer sur le cas de cette requérante qui se rend en Espagne pour échapper aux contraintes de la loi française, et exige ensuite le remboursement des frais qu'elle a exposés. On pourrait aussi s'interroger sur la sévérité très inhabituelle de la Cour de cassation, qui a généralement tendance à laisser passer les QPC avec une grande mansuétude.

Irrecevabilité de la QPC

Quoi qu'il en soit, la Cour n'est évidemment pas liée par la décision la Convention européenne. Cette dernière avait en effet admis la conventionnalité de la législation autrichienne interdisant le double don, en se fondant sur sa compatibilité avec l'article 8 de la Convention, qui énonce le droit à la vie privée et familiale. La Cour, saisie d'une demande de QPC, doit se pencher sur la conformité de cette interdiction à la Constitution et non pas à la Convention européenne. En l'espèce, la Cour choisit de déclarer la QPC irrecevable, en estimant que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la constitutionnalité de l'article L 2143-1 csp. 

La décision est juridiquement parfaite, dès lors que le Conseil avait effectivement été saisi de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 et qu'il avait lors déclaré sa conformité à la Constitution dans une décision du 27 juillet 1994.  

Certes, mais il n'en demeure pas moins que la Cour aurait pu statuer différemment et renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel. 

Berthe Morisot. Le berceau


Le changement de circonstances

Il est vrai que le Conseil s'était prononcé en juillet 1994, et la Cour affirme "que n'est survenu aucun changement de circonstances de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel". Plusieurs éléments pourraient cependant venir à l'appui du raisonnement contraire. En effet, la loi de 1994 a été modifiée par la loi du 7 juillet 2011 qui, elle, n'a jamais été déférée au Conseil. Cette nouvelle intervention du législateur pourrait elle être considérée comme un changement de circonstances ? Peut-être pas. Mais le développement considérable du "tourisme de la procréation" constitue également une évolution qui n'avait guère été envisagée en 1994 et qui pose aujourd'hui des problèmes nouveaux. En tout état de cause, la Cour aurait pu considérer que la loi de 1994 avait connu un changement de circonstances. 

Des questions sans réponses

L'irrecevabilité présente cependant l'avantage de ne pas avoir à s'interroger sur le problème essentiel de ce texte. En effet, il conduit à écarter les couples doublement stériles du droit d'accéder aux techniques de procréation. On pourrait évidemment y voir une rupture du principe d'égalité devant la loi, voire une discrimination pure et simple à l'égard de ces couples qui souffrent d'un double handicap. Et la question n'est pas résolue par la décision de 1994, le Conseil ne s'étant pas prononcé sur ce point, certainement pour laisser au législateur le soin de définir ce qui est acceptable ou non par la société en matière de bioéthique. 

En refusant la transmission de la QPC, la Cour de cassation laisse cependant ces questions sans réponses. C'est dommage. 



lundi 6 février 2012

Vidéoprotection ou vidéosurveillance. Encore des caméras.

Le décret du 27 janvier 2012 relatif à la vidéoprotection est passé largement inaperçu. Il est vrai qu'il ne s'agit que de mettre en application la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ( Loppsi 2). La loi précise le régime juridique de l'utilisation de ces technologies. C'est ainsi que l'installation d'un système de vidéoprotection est soumise à une autorisation administrative, et que des contrôles sont organisés, soit par une commission département de vidéoprotection, soit par la CNIL à la demande de la commission départementale, du responsable du système, ou de sa propre initiative. 

L'un des apports de la Loppsi 2 a été de transformer la terminologie employée. La "vidéosurveillance" est devenue "vidéoprotection". Dans les deux cas, il s'agit d'installer le plus grand nombre de caméras possibles sur la voie publique et dans les lieux et établissements ouverts au public. Mais la vidéoprotection fait moins peur que la vidéosurveillance. A la caméra qui espionne la vie privée du citoyen succède la caméra qui protège les honnêtes gens. Le problème est que c'est la même caméra et que les données conservées sont les mêmes.

Le décret du 27 janvier 2011 présente l'intérêt d'illustrer parfaitement l'évolution intervenue dans ce domaine. Son objet principal est de vendre des systèmes de vidéoprotection (ou surveillance) à des élus locaux quelquefois réticents.

La technique du "Kid"

Il existait déjà un système bien connu dans lequel les élus étaient largement incités par le ministère de l'intérieur à demander un audit de sécurité pour leur commune. L'audit était réalisé par une société privée, proche du ministre de l'intérieur, qui conseillait à la collectivité locale d'investir dans un système de vidéoprotection. Le hasard faisant bien les choses, il y avait toujours une société spécialisée dans la vidéoprotection proche du ministre de l'intérieur et qui était susceptible de répondre aux besoins de la commune. C'est une technique bien connue depuis le célèbre film où l'on voit le Kid casser une vitre, et Charlot arriver prestement avec tout l'outillage du parfait vitrier.

Il convient aujourd'hui de passer à l'échelon supérieur en imposant aux élus une nouvelle forme de centralisation de la décision dans ce domaine. Le terrorisme offre alors un argument parfait pour justifier  le développement de la vidéoprotection.


Le Kid. Charlie Chaplin. 1921


Le rôle du préfet

Le décret établit la liste des finalités possibles de la mise en oeuvre d'un système de vidéoprotection par les autorités publiques. On y trouve évidemment la protection des bâtiments publics ou accueillant du public, la prévention des risques naturels et technologiques, la régulation des flux de transport, la constatation des infractions aux règles de la circulation, le secours aux personnes et la défense contre les incendies, toutes finalités aussi précises que légitimes. D'autres sont moins précises, dès lors que la vidéoprotection répond à un objectif de prévention sécuritaire, qu'il s'agisse de la "prévention des atteintes à la sécurité des personnes" ou de la "prévention d'actes de terrorisme".

Dans tous les cas, l'installation d'un système est soumise à une autorisation du préfet, soit du lieu de l'installation, soit du lieu du siège social du demandeur, lorsque la demande concerne plusieurs départements.  L'administration préfectorale conserve un rôle moteur dans le déploiement de la vidéoprotection sur le territoire. Elle dispose pour cela d'un argument de poids, celui de la menace terroriste.

L'effet d'aubaine du terrorisme

La loi du 21 janvier 1995 faisait déjà de "la prévention d'actes de terrorisme" l'une des finalités possibles de la vidéoprotection. Dans ce cas, le préfet peut passer outre le principe de libre administration des collectivités locales et "proposer aux communes de délibérer" sur l'installation d'un tel système. La seule condition est que les communes visées soient "confrontées à un risque de terrorisme". Il est vrai que le préfet doit expliquer "les motifs qui font craindre des actes de terrorisme", mais on peut s'interroger sur l'impact de cette motivation. Comment peut-on préciser l'étendue d'une menace qui, par définition, est diffuse et protéiforme ? Le terrorisme présente la particularité de frapper n'importe où et n'importe quand, et il sera tentant de considérer que la menace touche indifféremment l'ensemble du territoire, et ses 36 000 communes.

La procédure mise en oeuvre, issue de la Loppsi 2 permet au préfet, dans un premier temps, de proposer au maire la création d'un système de vidéoprotection pour assurer la prévention d'actes de terrorisme ou "la protection des intérêts fondamentaux de la Nation". Le Conseil municipal doit en délibérer dans un délai de trois mois, et une convention doit être signée entre la commune et le préfet, précisant les conditions de financement et de fonctionnement du système. Dans l'hypothèse où le conseil municipal persévèrerait dans sa réticence, le préfet peut  imposer un système de vidéoprotection, "lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent". On s'en doute, les renseignements précis sur les activités terroristes sont généralement couverts par le secret de la défense nationale. L'élu local sera donc mis devant le fait accompli, à partir d'une motivation extrêmement vague, dont il ne sera pas en mesure d'apprécier le bien-fondé. Sur ce plan, le terrorisme apparaît comme l'instrument d'un déploiement de la vidéoprotection sur l'ensemble du territoire, sans que ses motifs soient clairement établis.

S'il y un secteur qui n'est pas en crise, c'est donc bien celui de la vidéosurveillance, même si on l'appelle désormais vidéoprotection.


vendredi 3 février 2012

QPC de Marine Le Pen. Quelles chances de succès ?

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 1er février 2012, a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel la Question prioritaire de constitutionnalité relative à la publicité des parrainages à l'élection présidentielle. Cette QPC intervient à l'occasion d'un recours présenté au Conseil d'Etat par Marine Le Pen, contestant la légalité du décret du 8 mars 2011 qui organise le dépôt des candidatures à l'élection présidentielle. Elle invoque à ce propos l'inconstitutionnalité de l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 , dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 1976, qui définit les règles de présentation des candidats, ce que l'on appelle communément les "parrainages". 

Le Conseil constitutionnel a désormais trois mois pour statuer. Il s'agit cependant d'un délai maximum, et aucune disposition ne lui interdit de prendre sa décision plus rapidement. Il serait en effet très fâcheux que l'élection présidentielle se déroule sur le fondement d'une règle dont la constitutionnalité suscite aujourd'hui des doutes non seulement de Marine Le Pen, mais aussi du Conseil d'Etat. La contrainte des  cinq cents signatures est aujourd'hui au coeur du débat, et il est important de lever ces doutes. 

L'obstacle du caractère organique de la loi

Le Conseil d'Etat pouvait estimer d'emblée la QPC irrecevable, puisque, aux termes de la loi organique du 10 décembre 2009, qui détaille les conditions de recevabilité de la QPC, la disposition législative critiquée ne doit pas avoir été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans un recours antérieur. Le Conseil d'Etat aurait donc pu écarter cette QPC pour ce motif. 

Le changement de circonstances

Il n'en a rien fait, et a contraire admis la recevabilité de la QPC. Pour parvenir à ce résultat, il a repris, non sans une certaine audace, la jurisprudence élaborée par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision sur QPC du 30 juillet 2010. Alors même qu'il s'était déjà prononcé sur  la garde à vue dans une décision de 1993, il avait décidé de se pencher une nouvelle fois sur sa constitutionnalité, en invoquant le changement de circonstances de fait intervenu depuis cette date. En l'espèce, ce changement de circonstances résidait dans le fait que la garde à vue était peu à peu devenue le support essentiel de l'enquête pénale, la plupart des infractions ne donnant pas lieu à une instruction. 

En l'espèce, quel peut être le changement de circonstances de fait justifiant le nouvel examen de constitutionnalité ? Le Conseil d'Etat évoque simplement "les changements ayant affecté la vie politique et l'organisation institutionnelle du pays". On peut penser qu'il n'est pas insensible aux arguments de Marine Le Pen, qui estime que les parrainages, surtout depuis qu'ils sont publiés, c'est à dire depuis 1976, sont devenus un instrument de domination des grands partis sur les petits, grâce aux pressions auxquels les élus de tous bords peuvent être soumis. Les processus de décentralisation et d'intercommunalité ont effectivement accentué la politisation de la vie locale, rendant extrêmement difficile la recherche des signatures par les groupements politiques dépourvus d'un ancrage solide dans les collectivités territoriales. 

L'argument est puissant, et le Conseil d'Etat le reprend à sa compte pour admettre la recevabilité de la QPC. Il peut aussi jouer un rôle négatif pour le recours de Marine Le Pen, puisqu'il offre au Conseil constitutionnel de le rejeter d'emblée, en estimant qu'il n'y a pas eu changement de circonstances. 

Monnaie romaine. Scène de vote.


Le caractère sérieux de la QPC : l'article 4 de la Constitution

Disons le franchement, ce serait dommage, car la QPC mérite d'être étudiée au fond. La conformité à la Constitution de l'organisation actuelle des parrainages doit être examinée par rapport aux alinéas 1 et 3 de l'article 4 de la Constitution. 

L'alinéa 1 de l'article 4 énonce que "les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage". Rien ne dit dans cette disposition que l'accès au suffrage doit être filtré. Le fait d'imposer la règle des cinq cents signatures conduit à interdire à certains partis de défendre leurs chances devant les électeurs, ce qui porte atteinte aux droits de vote et d'éligibilité. Sur ce point, le Conseil constitutionnel pourrait effectuer un contrôle des motifs justifiant cette atteinte aux droits fondamentaux de l'expression politique et apprécier s'ils sont proportionnés à l'intérêt public poursuivi. Ces parrainages sont habituellement justifiés par la double volonté d'empêcher les candidatures "farfelues" et de limiter le nombre de candidats. Sur le premier point, l'histoire nous apprend que les candidats fantaisistes se sont toujours retirés avant le dépôt des parrainages. Sur le second, on dénombre douze candidats en 1974 et douze en 2007, ce qui montre bien que les parrainages, et leur publicité, n'ont en aucun cas contribué à réduire le nombre des candidats. Est-il d'ailleurs opportun de vouloir réduire le nombre de candidats aux élections, dans une démocratie ? Le véritable filtre démocratique résulte en effet de l'élection à deux tours, qui permet de clarifier les choix tout en les laissant ouverts au premier tour. 

Dans le cadre de ce contrôle, le Conseil peut se demander si les objectifs poursuivis ne peuvent être obtenus par d'autres moyens. Rien n'interdit de penser à une présentation des candidats par les électeurs eux-mêmes, solution dont nul ne pourrait contester le caractère démocratique. En effet, la représentativité d'un parti ne s'apprécie pas nécessairement à l'aune de ses élus, mais aussi à celle de ses électeurs. 

L'alinéa 3 de l'article 4 de la Constitution précise que "la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation". Ce droit à l'expression pluraliste des opinions, à laquelle participent les partis politiques, est garanti par le Conseil constitutionnel. Dans le cadre du contentieux électoral, il contrôle ainsi le respect de l'égalité entre les partis, notamment en matière de temps d'antenne disponible à la radio et à la télévision (décisions du 6 septembre 2000, Pasqua, et du 7 avril 2005 Génération Ecologie). 

De même, la référence à une participation "équitable" des partis à la vie démocratique prend en considération le fait que les formations politiques peuvent être traitées de manière différente selon le nombre de leurs électeurs ou de leurs élus. Mais ce traitement différencié qui peut intervenir dans le domaine de l'accès aux médias ou du financement électoral ne saurait certainement pas aboutir à priver complètement un parti politique de l'accès aux élections. 

La QPC posée par Marine Le Pen ne saurait donc être considérée comme le simple recours du FN contre le reste de la classe politique. Il concerne l'ensemble de notre démocratie. On ne doute pas le Conseil constitutionnel sera conscient de cet enjeu, et aura à coeur de rendre sa décision aussi rapidement que possible. 

A suivre, dans moins de trois mois... 


mercredi 1 février 2012

La loi sur le génocide arménien déférée au Conseil constitutionnel

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Lors du vote de la loi pénalisant la négation des génocides, l'intervention du Conseil constitutionnel apparaîssait comme le "dernier recours", dernier rempart contre une pratique qui fait de la loi non plus l'expression de la volonté générale mais de celle des lobbies. A dire vrai, nous n'osions espérer cette saisine du Conseil, car les clivages à propos de ce textes passaient à l'intérieur des partis politiques. Par voie de conséquence, les signataires de ces deux saisine sont issus d'initiatives individuelles, pour une fois détachées de tout attachement partisan. La saisine du Sénat est due à l'initiative du sénateur Jacques Mézard (groupe RDSE à majorité radicaux de gauche) et celle de l'Assemblée nationale a été initiée par Jacques Myard et Michel Diefenbacher (UMP). 

On ne dispose pas encore du texte de la saisine, mais on peut penser que ce sont précisément ceux qui avaient été développés par le rapporteur de la  Commission des lois du Sénat, le 18 janvier, lorsqu'elle avait précisément adopté une motion d'exception d'irrecevabilité fondée sur l'inconstitutionnalité de la loi. 

Les ricochets

On sait que la loi actuelle, celle qui a été adoptée le 23 janvier, pénalise la négation des génocides. Elle doit donc être appréciée par rapport à celle du 29 janvier 2001, dont l'article unique "reconnait publiquement le génocide arménien de 1915". Il s'agit, en quelque sorte, d'un contrôle par ricochet, la loi de 2012 pouvant être déclarée inconstitutionnelle parce qu'elle met en oeuvre la loi du 29 janvier 2001, elle même inconstitutionnelle. Ce contrôle indirect est effectué par le Conseil depuis sa décision du 25 janvier 1985.

Cette loi de 2001, qui n'avait pas été déférée au Conseil constitutionnel, recèle bien des incertitudes constitutionnelles, qu'il s'agisse de l'absence de caractère normatif de la loi ou de l'atteinte à la liberté d'expression des chercheurs. Ces arguments sont puissants, et comme il est bien difficile de les contester au plan constitutionnel, les "éléments de langage" arrivant tout droit de l'Elysée se placent résolument sur un plan politique. En clair, l'inconstitutionnalité de la loi de 2001 reconnaissant le génocide arménien reviendrait à mettre en cause, par un second ricochet, la constitutionnalité de la loi Gayssot de 1990 qui sanctionne le négationnisme, à propos de la Shoah. 

Le contrôle de constitutionnalité, non plus cette fois de la loi de 2001, mais du texte voté le 23 janvier 2012, montre cependant que les deux dispositifs sont différents. 

Vauvenargues 1715-1747


Inconstitutionnalité du texte voté le 23 janvier 2012

Bien qu'il s'en inspire, le texte actuel est différent de la loi Gayssot. La qualification de génocide, dans le cas de la Shoah, résulte à la fois d'une convention internationale, l'Accord de Londres du 8 août 1945, et d'un certain nombre de décisions de justice rendues à la fois par le Tribunal de Nüremberg et par des juridictions françaises. La Cour de cassation, dans une décision du 7 mai 2010 a d'ailleurs refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la loi Gayssot, estimant qu'elle "ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où l'incrimination critiquée se référait à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant, de façon claire et précise, l'infraction". 

S'agissant de la pénalisation du génocide arménien, on observe au contraire qu'il n'a donné lieu à aucune convention internationale, ni à aucune décision de justice rendue par une juridiction internationale ou française. Il n'existe donc pas de définition juridique précise des actes qui sont à l'origine de ce génocide et des personnes qui en sont responsables. Sur ce plan, la proposition peut être contestée au nom du principe de légalité des délits et des peines. Dans sa décision du 21 avril 2005, le Conseil constitutionnel estime que ce principe est respecté lorsque l'infraction est définie "dans des conditions qui permettent au juge (...) d'interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d'arbitraire". 

Il appartient désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces différents moyens d'inconstitutionnalité. Dans cette affaire, le Parlement a réussi à montrer qu'un texte de circonstance voté par une majorité de circonstance peut être contrecarré par une minorité de circonstance. On ne peut à cet égard exclure une autre interprétation que celle de la sauvegarde de l'Etat de droit. A vrai dire, en adoptant ce texte, le Parlement donnait satisfaction au lobby arménien. En le soumettant au Conseil constitutionnel, d'autres parlementaires de tous bords donnent satisfaction au lobby turc. Jeu de rôles... Mais au bénéfice de l'Etat de droit, on peut rappeler la formule de Vauvenargues : "Appuyons nous sur les mauvais motifs pour nous fortifier dans les bons desseins".


Voir aussi le commentaire de Marianne Gourcuff sur CPDH

lundi 30 janvier 2012

Secret des affaires, patriotisme économique et intérêts privés

Le 23 janvier 2012, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires. Ce texte est dû à l'initiative de Bernard Carayon, député UMP du Tarn, qui se présente volontiers comme un penseur de l'intelligence économique, ce qui n'engage à rien dans la mesure où personne n'est jamais parvenu à définir les contours de cette science nouvelle. 

Après trois tentatives infructueuses, il est enfin parvenu à faire voter ce texte qui punit de trois années d'emprisonnement et 375 000 € d'amende le fait de "révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance une information protégée relevant du secret des affaires de l'entreprise (...) dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle". Sur le fond, la proposition est directement inspirée de l'Economic Espionage Act, loi américaine votée en 1996, sous la Présidence de Bill Clinton. Le patriotisme économique passe donc d'abord par la copie servile des Etats Unis. Il est vrai que, depuis quelques années, nos législateurs considèrent qu'une bonne loi doit nécessairement trouver son inspiration Outre-Atlantique. 

En lisant le texte, on songe évidemment aux bureaux d'études piégés par la stagiaire chinoise, aux officines d'intelligence économique qui s'appuient sur cette pseudo-science nouvelle pour se livrer à des activités d'espionnage à l'ancienne et voler des secrets industriels, aux débauchages de cadres pour mettre la main sur les savoir-faire de la concurrence. Dans ce contexte il apparaît évidemment indispensable de protéger les données confidentielles de l'entreprise. 

Observons toutefois que, contrairement à ce que l'on nous dit, la proposition n'intervient pas dans un espace de non-droit. 

Le secret de fabrique

Issu de l'ancien code pénal, le "secret de fabrique" figure toujours dans les article L 621-1 du code de la propriété intellectuelles et L 1227 du code du travail. Il s'apparente à une forme de secret professionnel imposée aux salariés d'une entreprise, et qui a pour objet de protéger les procédés techniques de fabrication présentant un caractère innovant ou original susceptible d'intéresser la concurrence. A contrario, la Cour de cassation, dans une décision du 21 janvier 2003, estime qu'un procédé déjà très connu dans le milieu professionnel concerné ne saurait être considéré comme un secret de fabrique. Lorsque l'infraction est caractérisée, le coupable peut être condamné à un emprisonnement de deux années et une amende de 30 000 €.

Ces dispositions sont très peu utilisées, alors même qu'elles pourraient permettre d'incriminer une bonne partie des comportements d'espionnage industriel, dont les auteurs sont bien souvent les salariés de l'entreprise espionnée.  


Jean Dréville. Les affaires sont les affaires. 1942.
D'après la pièce d'Octave Mirbeau

Le secret industriel et commercial

Le "secret en matière industrielle et commerciale" figure dans la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs, alors présenté comme une exception au principe de libre communication (art. 6).  Au-delà du "secret de fabrique", l''émergence du "secret industriel et commercial" a permis d'étendre la confidentialité à tous les documents relatifs à la situation économique et financière de l'entreprise, subventions, montages financiers, stratégies commerciales et industrielles. En 2010, 14, 7% des avis défavorables à la communication de documents émis par la CADA reposaient ainsi sur le secret industriel et commercial.          

Contrairement au secret de fabrique, le secret industriel et commercial n'est pas de nature pénale, mais il a néanmoins pour objet et pour effet de garantir la confidentialité de certaines données de l'entreprise. Force est de constater qu'il est surtout utilisé pour empêcher l'accès à des données relatives à l'environnement ou la sécurité sanitaire par des associations actives dans ces domaines. 

Au-delà de ces deux notions, les secrets de l'entreprise sont également protégés par la législation sur les brevets, mais aussi par le code pénal dans ses dispositions relatives aux atteintes aux biens. Car le vol d'information n'est-il pas, avant tout, un vol ? Peuvent également être utilisés l'abus de confiance, le recel, l'intrusion dans un système informatique, la livraison d'informations à une puissance étrangère et plus généralement toutes les infractions concernant les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Enfin la "loi de blocage" du 16 juillet 1980 interdit de communiquer des renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères, y compris dans le cadre d'une procédure judiciaire. 

Le secret des affaires

On le voit, les secrets de l'entreprises sont protégés, et même abondamment protégés, par le droit positif. Il serait sans doute utile de s'interroger sur les motifs de la relative inapplication de ces dispositions. N'est-il pas vrai qu'une entreprise victime d'espionnage industriel préfère souvent taire le désastre pour ne pas nuire à sa notoriété ? 

Quoi qu'il en soit, la proposition Carayon a pour objet de centrer le droit positif sur une notion de "secret des affaires", cette fois très largement défini. Un nouvel article 325-1 serait donc introduit dans le code pénal, selon lequel "Constituent des informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ne présentant pas un caractère public dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci."

La définition, très large, du secret des affaires ainsi que la référence aux "mesures de protection spécifiques" qui permettent à l'entreprise d'en définir elle même les contours, laisse penser qu'il s'agit de sanctuariser le secret des affaires, d'en faire une sorte de principe fondamental.

L'opposabilité 

L'enjeu de la proposition de la loi n'est pas tant de permettre la répression des infraction que d'accroître la rigueur de l'opposabilité de ses dispositions. 

Il est vrai que la proposition prévoit que le secret des affaires ne sera pas opposable au juge, ce qui entrainera nécessairement une modification des règles gouvernant le principe du contradictoire. Le juge devra conserver les pièces couvertes par le secret, et ne pas les communiquer à l'autre partie, ce qui entrainerait une violation immédiate de ce même secret. On observe à ce propos que le législateur accepte pour le secret des affaires ce qu'il a refusé pour le secret de la défense nationale... sans que l'on puisse comprendre les raisons d'une telle différence de régime juridique entre les deux types de secrets.

L'alinéa 3 du nouvel article L 325-2 du code pénal prévoit une dérogation en faveur de celui qui "informe ou signale aux autorités compétentes  des faits susceptibles de constituer des infractions (...) dont il a connaissance". Cette disposition ne concerne que celui qui dénonce à la justice les comportements délictueux. En revanche, elle ne saurait s'appliquer au syndicaliste qui fait connaître publiquement les projets de délocalisation de son entreprise. 

Patriotisme économique et intérêts particuliers

De la même manière, le secret des affaires sera parfaitement opposable aux journalistes, et par exemple au Canard Enchaîné qui ose affirmer que le groupe Bouygues aurait bénéficié de quelques avantages dans le contrat de construction du "Pentagone à la française" et qui est actuellement poursuivi devant les tribunaux. Cette interprétation est confirmée par la modification de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, qui autorise un journaliste à diffuser des informations couvertes par le secret, mais seulement "pour les nécessités de sa défense", lorsque par exemple il est poursuivi pour diffamation. 

La proposition Carayon ne vise pas seulement à protéger les intérêts légitimes des entreprises. Elle leur permet aussi d'être à l'abri des investigations dérangeantes des journalistes d'investigation. Derrière l'intérêt général et le "patriotisme économique" hautement revendiqués se cachent des intérêts privés qui préfèrent l'ombre à la lumière. Les affaires sont les affaires. 


vendredi 27 janvier 2012

Le Tonsuré désemparé face à la laïcité

ien que l'actualité juridique ne soit pas toujours de nature à faire sourire, il est cependant des décisions jurisprudentielles moins tristes que les autres. La seconde chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 20 janvier 2012 a ainsi été conduite à se pencher sur... la tonsure. 

M. X. a été ordonné prêtre en 1972, après avoir suivi une formation au grand séminaire, d'octobre 1965 à juin 1967. Ordonné prêtre en 1973, il quitte l'état ecclésiastique en 1981. Il demande ensuite la liquidation de ses droits à pension à de la caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac). Rien que de très banal. 

Le dernier recours contre "la première tonsure"

Le problème est que précisément la Caisse refuse à M. X. de valider les trimestres de formation passés au grand séminaire dans la liquidation de ses droits à pension. A ses yeux, l'élève d'un grand séminaire se consacre exclusivement à l'étude, et n'exerce aucun "ministère" ni aucune autre activité sacerdotale. C'est seulement à partir de "la cérémonie de première tonsure"qu'il devient effectivement un ministre du culte catholique, en l'occurrence le 1er janvier 1973 dans le cas de M. X. 

Ayant sans doute le sentiment qu'on lui cherchait des poux dans la tonsure, M. X. a donc saisi la justice d'ici-bas, à savoir le tribunal des affaires de Sécurité sociale. Après un véritable chemin de croix judiciaire, il a obtenu satisfaction devant la Cour d'appel de Dijon, dans une décision du 8 juillet 2010. Mais la Caisse des cultes et l'association diocésaine de Dijon ont saisi la Cour de cassation, qui a finalement confirmé le jugement d'appel. Conformément aux principes du droit commun, la Cour estime que l'élève d'un grand séminaire doit être considéré comme "membre d'une congrégation ou collectivité religieuse", compte tenu du "mode de vie communautaire" et de la "volonté commune d'approfondissement d'une croyance et d'une spiritualité partagées" qui y règnent. Elle en déduit donc que les années de séminaire entrent dans le calcul des droits à la retraite. 

On pourrait évidemment méditer sur cet acharnement des autorités diocésaines, bien peu charitable à l'égard d'un prêtre dont on nous dit qu'il a quitté l'état ecclésiastique. Mais l'affaire n'est pas si anodine, car derrière "la première tonsure" se cache en réalité d'autres enjeux.

Des sacrements dans le droit social, comme des cheveux dans le potage

La Cavimac gère le régime de retraite des religieux conformément droit commun. L'article L 382-15 du code de la sécurité sociale prévoit cependant, et c'est tout de même une légère entorse au principe de laïcité, la consultation d'une commission consultative bipartite, comprenant des représentants de l'administration et "des personnalités choisies en raison de leur compétence, compte tenu de la diversité des cultes concernés". Cette commission participe à l'élaboration d'un règlement intérieur de la Caisse des cultes qui définit les critères d'affiliation des assurés, "en considération des règles et spécificité de chaque culte religieux". On observe néanmoins que les représentants de la religion catholique sont au nombre de 27 dans la Commission, alors que les autres religions disposent de 5 représentants, le culte protestant ayant choisi de ne pas s'affilier à cette Caisse, mais de demeurer dans le régime général. 

L'article 1.23 du règlement intérieur établi par cette commission, et en vigueur au moment des faits énonçait : "En ce qui concerne le culte catholique, la date d'entrée en ministère est la date de la tonsure, si celle-ci a eu lieu avant le 1er janvier 1973, ou la date du diaconat si celui-ci a été conféré après le 1er janvier 1973. Depuis le 1er octobre 1988, c'est la date du premier engagement qui sera retenue". Qu'il s'agisse de tonsure, de diaconat, ou de premiers voeux,  ce sont donc des sacrements qui conditionnaient le droit à la retraite. 


Georges Brassens. La petite marguerite


L'arrêt du Conseil d'Etat de novembre 2011

Le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 novembre 2011, M. Jean Jacques A. a déclaré illégales l'article 1.23 de ce règlement intérieur. On observe cependant que la haute juridiction ne sanctionne pas ces dispositions pour violation du principe de laïcité mais pour incompétence. Ce moyen n'est pas tiré par les cheveux. Il est même parfaitement logique dans le mesure où l'incompétence est un moyen d'ordre public dont l'existence suffit à entraîner l'annulation de l'acte, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments juridiques. En l'espèce, le Conseil d'Etat observe qu'une caisse gérant l'assurance vieillesse n'est pas compétente pour définir les périodes d'activité prises en considération pour l'affiliation, ces éléments relevant du code de la sécurité sociale. 

A cet égard, la décision rendue par la Cour de cassation le 20 janvier 2012 apparaît comme la conséquence logique de l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 novembre 2011. Dès lors que le règlement intérieur qui fixait la date d'ouverture des droits selon des critères purement religieux est annulé, les ministres du culte sont donc dans la situation du droit commun, conformément à l'article L 382-15 qui précise qu'ils "relèvent du régime général de sécurité sociale".

Pourquoi tant d'acharnement des autorités ecclésiastiques à défendre un droit déja écorné par les juges du fond (voir par exemple la décision du Tribunal des affaires sociales du Morbihan du 30 juillet 2007) et presque anéanti par la décision du Conseil d'Etat ? 

L'effet boomerang de la liberté religieuse

La décision conduit à une situation étrange, car notre requérant s'appuie sur le droit laïc et demande l'application du droit commun.

L'association diocésaine, à l'inverse, s'appuie sur l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes". Elle invoque également l'article 9 de la Convention européenne selon lequel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion". Derrière ces références à la liberté de religion se cache en réalité la revendication de la supériorité du droit religieux sur le droit laïc. En l'espèce, il s'agit d'imposer un sacrement comme élément conditionnant le droit à une prestation sociale. L'atteinte au principe de laïcité est alors évidente, car la religion sort de la sphère privée pour pénétrer dans la vie sociale. 

L'enjeu de la décision était donc bien éloigné de la tonsure de M. X. En admettant la supériorité du droit religieux sur le droit laïc, le juge aurait probablement ouvert la boîte de Pandore. Pourquoi alors ne pas reconnaître par exemple la supériorité de la Charia pour résoudre les litiges civils ? De quoi faire dresser les cheveux sur la tête aux partisans de l'égalité devant la loi.