Jean Dréville. Les affaires sont les affaires. 1942. D'après la pièce d'Octave Mirbeau |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
lundi 30 janvier 2012
Secret des affaires, patriotisme économique et intérêts privés
vendredi 27 janvier 2012
Le Tonsuré désemparé face à la laïcité
L'association diocésaine, à l'inverse, s'appuie sur l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes". Elle invoque également l'article 9 de la Convention européenne selon lequel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion". Derrière ces références à la liberté de religion se cache en réalité la revendication de la supériorité du droit religieux sur le droit laïc. En l'espèce, il s'agit d'imposer un sacrement comme élément conditionnant le droit à une prestation sociale. L'atteinte au principe de laïcité est alors évidente, car la religion sort de la sphère privée pour pénétrer dans la vie sociale.
mardi 24 janvier 2012
Génocide arménien : le Conseil constitutionnel comme dernier recours
On pouvait espérer qu'un Sénat récemment passé à gauche se garderait de donner au gouvernement une victoire politique sur un sujet qui est bien loin de susciter le consensus et qui a provoqué une grave crise diplomatique avec la Turquie. La Commission des lois du Sénat avait d'ailleurs adopté, le 18 janvier 2012, une motion d'irrecevabilité, estimant que ce texte était contraire à la Constitution. En séance plénière cependant, le Sénat a rejeté cette motion d'irrecevabilité, comme il a rejeté la question préalable et la motion de renvoi en commission. Ce vote témoigne ainsi du succès de l'intense activité de lobbying développée par une communauté arménienne très active et dont on comprend qu'elle représente un poids électoral non négligeable.
On sait que la loi actuelle pénalise la négation des génocides, et plus précisément du génocide arménien. Elle doit donc être appréciée par rapport à la loi du 29 janvier 2001 dont l'article unique "reconnaît publique le génocide arménien de 1915". Si la loi de 2001 est considérée comme inconstitutionnelle, celle de 2012 pourra l'être "par ricochet", dans la mesure où elle met en oeuvre des dispositions inconstitutionnelles. Depuis sa décision du 25 janvier 1985, le Conseil constitutionnel contrôle la loi promulguée "à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine". Non seulement le Conseil accepte alors de contrôler la constitutionnalité de la loi ancienne, mais il la contrôle alors même qu'elle lui avait déjà été déférée et déclarée conforme à la Constitution (décision du 15 mars 1999).
En l'espèce, la loi du 29 janvier 2001, celle qui reconnait le génocide arménien, n'a pas été déférée au Conseil, et on peut y déceler trois moyens d'inconstitutionnalité.
François Gérard 1770-1837 Portrait de Jean-Jacques Rousseau en costume arménien |
Le premier moyen, peut être le plus évident, réside dans l'absence de caractère normatif de la loi de 2001. Dans une décision du 29 juillet 2004, le Conseil a ainsi affirmé que "la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative". C'est ainsi que dans une décision du 21 avril 2005, il a considéré comme inconstitutionnelle une disposition affirmant que "l'école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d'intelligence pour valoriser les talents". De la même manière, un texte qui se borne à "reconnaître" un génocide sans en tirer de conséquences particulières peut être considéré comme dépourvu de fondement constitutionnel.
Le second moyen trouve son origine dans l'atteinte à la liberté d'expression des historiens et des chercheurs, précisément garantie par un "principe fondamental reconnu par les lois de la République", depuis la décision du 20 janvier 1984. Or l'objet de la loi est précisément de consacrer une histoire officielle, à laquelle les historiens doivent se soumettre sous peine désormais de sanction pénale.
Enfin, il est sans doute possible d'invoquer l'incompétence du législateur. Dès lors que la loi votée traite de la reconnaissance d'un génocide intervenu dans un pays étranger et dont ont été victimes des populations étrangères, on peut penser que la loi empiète sur les compétences de l'Exécutif, puisque le Président de la République est "garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités" (art. 5), et qu'il "nomme et accrédite les ambassadeurs" (art. 14). Le gouvernement, quant à lui, "conduit la politique de la nation", y compris évidemment la politique extérieure. Considérée sous cet angle, la loi de 2001 porte atteinte à la séparation des pouvoirs, puisque le Législatif empiète sur les compétences de l'Exécutif (art. 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789).
Et maintenant ?
Evidemment, il apparaîtrait logique que le Conseil soit saisi, dès l'adoption définitive de la loi... Mais le sera t il ? Le vote au Sénat vient précisément de montrer que le clivage sur ce texte passe à l'intérieur des partis. Il y a donc peu de chances de saisine avant promulgation, d'autant que chacun sait que les éléments d'inconstitutionnalité ne sont pas négligeables.
Reste donc l'hypothèse de la QPC, dans l'hypothèse où les associations arméniennes décideraient d'utiliser le texte pour engager des procédures, par exemple pour demander réparation des préjudices subis du fait des dommages causés à leurs arrière-grands-parents, voire à leurs arrière-arrière-grands-parents. Espérons qu'ils le feront, ce qui permettra enfin la saisine du Conseil constitutionnel.
Et si aucune action contentieuse n'est engagée ? La loi demeurerait inappliquée, ce qui est souvent la sanction des mauvaises lois. Et cette inapplication révèlerait urbi et orbi qu'elle n'avait d'autre fondement qu'électoral.
dimanche 22 janvier 2012
La Cour européenne au secours des enfants en rétention administrative
Leonora. Pablo Trapero. 2008. Martina Gusman |
vendredi 20 janvier 2012
La protection de l'identité, lien fort ou lien faible ?
Le retour de Martin Guerre. Daniel Vigne. 1982. Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Bernard-Pierre Donnadieu |
mardi 17 janvier 2012
Discours électoral et réforme du parquet
Giovanni Battista Tiepolo. Portrait de Daniele Dolphin, procureur de Venise. Vers 1750 |
La Cour européenne
lundi 16 janvier 2012
Confiscation douanière et propriété
Rien à déclarer. Dany Boon. 2010. Philippe Magnan, Benoît Pelvoorde, Eric Godon |
vendredi 13 janvier 2012
Le SOPA, instrument du contrôle américain sur internet
Le Stop Online Piracy Act est un projet de loi actuellement débattu devant le Congrès américain. Il suscite actuellement un grand débat aux Etats Unis, où les plus grandes entreprises du net comme Google, Facebook, ou Wikipedia annoncent une action mondiale de blackout pour protester contre ce projet. Elles estiment en effet que la liberté d'expression sur internet se trouve directement menacée.
Or force est de constater que, pour le moment, les niveaux d'exigence sont très différents selon les Etats. Certains ne mettent en place aucune réelle protection du droit d'auteur et apparaissent désormais comme des "Paradis de données" où vont se réfugier les "sites voyous". D'autres, et c'est le cas en France, posent un principe d'irresponsabilité du fournisseur d'accès mais permettent le blocage des contenus illicites, mais seulement de ceux-là, et seulement des sites relevant du droit national.
Ces divergences ne sont pas surprenantes, à une époque où l'usage de l'internet commence seulement à susciter une certaine forme de réglementation. Sur ce point, le SOPA apparaît comme bien autre chose qu'un "super-hadopi". Sorte de cheval de Troie de la loi américaine, il apparaît comme l'instrument de son universalisation. Les Européens doivent en être conscients et développer rapidement leurs propres standards, avant que la censure américaine de l'internet ne devienne universelle.
mercredi 11 janvier 2012
L'évaluation par la délation au Quai d'Orsay
Les lecteurs du Journal officiel du 5 janvier 2012 ont découvert un arrêté du 26 décembre 2011 relatif à l'évaluation d'agents d'encadrement supérieur relevant du ministère des affaires étrangères. Son article 1er consacre la création, au Quai d'Orsay, d'un "dispositif d'évaluation, dit évaluation à 360°". En réalité, cette procédure est appliquée sans fondement juridique depuis plusieurs années, et l'objet réel de cet arrêté est de la pérenniser. Quant à l'évaluation "à 360°", la formule est mystérieuse, peut être même volontairement obscure, et on ne peut manquer d'observer que ce texte cultive l'ambiguité, ou plutôt les ambiguités.
Un objet juridique non identifié
D'une part, on peut s'interroger sur l'influence qu'elle peut avoir sur le principe hiérarchique. Dès lors qu'un "agent d'encadrement supérieur" sait qu'il va être évalué par ses subordonnés, ou seulement par certains d'entre eux sans qu'il sache lesquels, ne risque-t-il pas d'hésiter à prendre certaines décisions ? Aura-t il l'audace de refuser le renouvellement d'un contrat à un agent contractuel particulièrement peu actif ou incompétent dans l'exercice de ses fonctions, sachant que cet agent figure peut-être sur la liste de ceux qui doivent l'évaluer, et qu'il n'hésitera peut-être pas à l'accuser de toutes les turpitudes ? On le voit, cet anonymat risque de susciter l'immobilisme du supérieur hiérarchique, mais aussi, peut-être, des règlements de compte bien peu glorieux de la part de ses subordonnés.
D'autre part, on doit également se poser des questions sur l'influence de cet anonymat quant à d'éventuelles poursuites disciplinaires qui seraient engagées à partir de cette évaluation anonyme. Un haut fonctionnaire sera-t-il sanctionné sur la base de témoignages anonymes ? Dans ce cas, le principe du contradictoire est évidemment violé de même que l'"égalité des armes" au sens où l'entend la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, le haut fonctionnaire victime de la sanction ne bénéficie que d'un entretien avec les "évaluateurs centraux" (art. 6), mais il n'a pas le droit, par exemple, à une confrontation avec celui ou celle qui a porté contre lui des accusations qui peuvent être très graves. Il n'a même pas accès à l'intégralité du dossier mais seulement à une "synthèse" établie par ces mêmes "évaluateurs centraux".
L'égalité des armes
La commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a bien vu le danger pour les droits de la défense que représente une telle procédure. Dans un avis du 4 novembre 2010, à l'époque où l'évaluation à 360° était mise en oeuvre sans aucun fondement juridique, elle a considéré comme communicables tous les documents ayant fondé l'évaluation d'un fonctionnaire du Quai d'Orsay. Aux yeux de la CADA, cette communication est indispensable, car le résultat de l'évaluation "est susceptible d'avoir une influence sur le déroulement de la carrière de l'intéressé". La Commission s'efforce de rétablir l'égalité des armes, mais on doit observer que cet avis est resté lettre morte, le Quai d'Orsay ayant purement et simplement refusé de le suivre.
Cette question de l'égalité des armes conduit à s'interroger sur la finalité de cette procédure. En principe, une procédure d'évaluation n'a rien à voir avec le pouvoir de sanction. L'article 6 précise cependant que les "évaluateurs centraux", qui finissent par ressembler à des commissaires politiques, peuvent formuler des "recommandations". Et rien ne leur interdit, évidemment de "recommander" l'exercice du pouvoir de sanction, s'ils estiment que l'évaluation met en évidence des comportement fautifs.
C'est évidemment tout le danger de cette "évaluation à 360°" qui peut alors être présentée comme une alternative à la procédure de sanction prévue par le statut de la fonction publique. Et cette alternative permet au ministère des affaires étrangères de se dispenser du respect des garanties les plus élémentaires dues au fonctionnaire.
Sur ce plan au moins, la publication de l'arrêté du 26 décembre 2011 présente un aspect positif. En effet, cette "évaluation à 360°" qui existait déjà sans aucune base légale, est maintenant consacrée par un texte, et ce texte peut être contesté devant le juge. On peut en particulier se demander si une telle procédure ne relève pas d'un décret, voire d'une loi. Espérons que le Conseil d'Etat en sera bientôt saisi.