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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
lundi 28 septembre 2015
Nadine Morano : la race, le racisme et la lutte contre le racisme
samedi 26 septembre 2015
Le travail en prison : l'appel au législateur
Le précédent de 2013
Concert de soutien aux ouvriers d'Arcelor Mittal, 6 avril 2012
L'incompétence négative
Ces droits ou libertés ainsi violés figurent, à ses yeux, dans le Préambule de 1946. Il invoque ainsi la sauvegarde de la dignité de la personne, dont la valeur constitutionnelle a été réaffirmée par la décision du Conseil constitutionnel rendue le 27 juillet 1994, ainsi que les alinéas 5 à 8 qui déclinent les différents liés au travail : droit à l'emploi, non-discrimination dans le travail, droit à l'action syndicale, droit de grève, droit à la détermination collective des conditions de travail. Est en outre invoquée une violation de la liberté contractuelle que le Conseil constitutionnel fonde, depuis sa décision du 19 décembre 2000, sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. celui-là même qui affirme que la "liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui".
L'incompétence négative pourrait donc être sanctionnée si le législateur avait renvoyé au pouvoir réglementaire la définition et l'organisation du travail des personnes détenues. Le requérant espère évidemment beaucoup du précédent que constitue la décision QPC du 25 avril 2014, par laquelle le Conseil avait admis l'incompétence négative, le législateur ayant renvoyé au pouvoir réglementaire l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires.
La situation est cependant très différente, et la décision du 25 septembre 2015 refuse de sanctionner une incompétence négative. Reprenant sa jurisprudence de 2013, il fait observer que chacun des droits invoqués par le requérant s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Or, le cadre juridique du travail en prison est définit par la loi. Celle-ci ne renvoie pas au pouvoir réglementaire le soin de définir son organisation, mais se borne à confier à l'administration pénitentiaire le soin de prendre des décisions individuelles l'autorisant ou l'interdisant à tel ou tel détenu. Le législateur prend d'ailleurs soin d'affirmer que ces actes doivent définir avec précision les conditions de travail et la rémunération de l'intéressé.
L'appel au législateur
Le rejet de la requête ne faisait guère de doute. Si le régime juridique du travail en prison n'est pas inconstitutionnel, on ne doit pas nécessairement en déduire qu'il est satisfaisant. Certes, on ne doit sans doute pas rêver à une stricte égalité entre les détenus et les salariés de droit commun, ne serait-ce que parce que la détention impose des conditions de sécurité plus grandes. Le travail en prison ne doit cependant s'analyser comme l'exploitation, par certaines entreprises, d'une main d'oeuvre bon marché et qui n'a pas le droit de se plaindre.
Le Conseil constitutionnel affirme d'ailleurs clairement que le système n'est pas satisfaisant. Il énonce ainsi qu'il "est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits". Sur ce point, la décision se présente comme un appel au législateur qui devrait sans doute engager une réflexion sur cette question.
mardi 22 septembre 2015
QPC : premier recours devant la Cour européenne des droits de l'homme
La QPC
Un double filtre
- La disposition contestée doit être applicable au litige ou constituer le fondement des poursuites ;
- Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;
- Elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
Pierre de Belay. Trois avocats. 1936 |
Applicabilité de l'article 6 § 1
L'épuisement des recours internes
L'absence de droit d'accès à un tribunal
Vers de nouveaux recours
Sur la procédure de QPC : Chapitre 3, section 2 § 1 du manuel de libertés publiques
vendredi 18 septembre 2015
Bisphénol A, liberté d'entreprendre et mondialisation
Une liberté organisée par la loi
Liberté d'entreprendre et santé publique
L'exercice du contrôle de proportionnalité
Liberté d'entreprendre et distorsion de concurrence
mardi 15 septembre 2015
Mesure de sûreté ou sanction pénale, la définition de la Cour européenne des droits de l'homme
La réforme de 2008
Observons que cette compétence préfectorale n'a pas disparu, puisqu'elle s'exerce pour la période antérieure à la décision de justice et qu'elle peut s'exerce à l'égard de toute personne dont on va considérer qu'elle constitue un danger pour elle-même ou pour autrui, quand bien même elle n'aurait commis aucune infraction punissable.
Lanskoy. Etude pour le Journal d'un fou. Collage |
La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de 2008
Le Conseil constitutionnel a refusé de qualifier une telle mesure de peine pénale ou de sanction. En revanche, s'appuyant sur la gravité de la mesure et la durée indéterminée de l'enfermement, il a estimé qu'une telle décision ne saurait s'appliquer rétroactivement à des personnes déjà condamnées au moment de l'intervention de la loi de 2008.
La jurisprudence de la Cour européenne
Les différentes mesures de sûreté
Les trois moyens développés par le requérant peuvent sembler très forts, sauf si on les regarde de plus près. On s'aperçoit alors qu'ils ne s'appliquent que très imparfaitement au problème juridique posé par l'arrêt Berland. La loi de 2008 ne qualifie pas la rétention de sanction pénale et, au contraire, laisse subsister une large compétence préfectorale en matière d'internement d'office. Le Conseil constitutionnel comme la Cour européenne se prononcent, quant à eux, sur la rétention mise en oeuvre à l'issue de la peine et décidée par le juge au moment de son prononcé. Au demeurant, la Cour européenne sanctionne surtout le fait que la rétention allemande est effectuée au sein des locaux pénitentiaires, situation qui met en cause son caractère thérapeutique. Elle précise d'ailleurs cette position dans un arrêt O.H. c. Allemagne du 24 novembre 2011 que cette rétention ne se distingue pas suffisamment de la peine pénale pour justifier un traitement différent.
La décision de la Cour est d'autant moins surprenante que, dans une décision Claes c. Belgique du 10 janvier 2013, elle avait déjà affirmé, à propos du droit belge cette fois, que les internements des personnes atteintes de troubles mentaux après déclaration d'irresponsabilité pénale ne constituaient pas des détentions "après condamnation" au sens de l'article 5 § 1 de la Convention.
jeudi 10 septembre 2015
Le rapport Combrexelles ou l'éloge de la contractualisation
Le droit à la détermination collective des conditions de travail
Les conflits gelés
La classe ouvrière va au paradis. Elio Pietri. 1972 |
Le champ d'application : les accords ACTES
Les accords de branche
Les contrats d'entreprise
Vers une réforme des syndicats
Sur le droit à la négociation collective : Chapitre 13 Section 2 du manuel de Libertés publiques
mardi 8 septembre 2015
Le recours contre un décret non publié ou comment concilier secret défense et contradictoire
Absence d'illégalité de principe
Secret défense v. Publication
Un texte couvert par le secret de la défense ne peut être publié sans emporter une violation de ce secret. Dans le cas présent, les requérants font état d'un article de L'Obs mentionnant un texte de 2008. Ils n'en connaissent pas la date et ne l'ont pas vu. C'est d'ailleurs fort heureux pour eux car, dans le cas contraire, ils pourraient être poursuivis sur le fondement de l'article 413-11 du code pénal qui interdit de détenir et/ou de porter à la connaissance du public des informations couvertes par le secret de la défense nationale. Les contrevenants risquent une peine de cinq années de prison et 75000 € d'amende.
Les requérants sont donc confrontés à une question bien délicate, celle de l'existence même du décret. Ils la déduisent du fait que le gouvernement n'ait pas démenti son existence après l'article de l'Obs. Ce raisonnement est dépourvu de fondement juridique, tout simplement parce que le secret défense s'étend à son existence même. Autrement dit, affirmer qu'une pièce couverte par le secret n'existe pas, c'est déjà violer le secret. Dans cette hypothèse, seul le silence des agents concernés est conforme à l'obligation de respect du secret défense qui leur est imposée par la loi.
Il est vrai que l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique et des libertés prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, publié celui-là, doit formellement dispenser de publication l'acte réglementaire qui crée un fichier couvert par le secret de la défense nationale ou de la sécurité publique. En l'espèce, cependant, il ne s'agit pas de la création d'un fichier, mais d'un décret autorisant des interceptions. La loi du 6 janvier 1978 n'est donc pas applicable en l'espèce.
Observons que les requérants n'ont pas cru bon de demander préalablement communication du décret sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs. Ils ont considéré, et c'est une évidence, qu'un décret couvert par le secret défense entre dans les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs définies par son article 6. Certes, l'article 6 autorise les autorités à ne pas communiquer, mais il ne leur interdit pas de communiquer. On doit donc en déduire que cette absence de demande de communication, avec saisine éventuelle de la CADA, a empêché de développer un contentieux à partir d'une décision solide et datée, en l'espèce le refus de communication.
En l'état actuel du droit, il suffit donc que le ministre compétent affirme tranquillement que le décret évoqué par L'Obs n'existe que dans l'imagination des journalistes pour rendre le recours irrecevable.
Secret défense v. Procédure contradictoire
Il se trouve dans une position étrange. S'il exige de l'administration la communication du décret, et s'il l'obtient, le principe du contradictoire l'oblige à communiquer le document au requérant, ce qui emporte une violation du secret défense. S'il refuse cette communication au requérant, il ne viole plus le secret de défense, mais il porte une atteinte grave au principe du contradictoire.
Quoi qu'il en soit, ce partage du secret n'est pas admis par le droit positif. Le Conseil d'Etat, il faut bien le reconnaître, ne s'en plaint guère. N'a-t-il pas, durant bien des années, rendu des décisions contentieuses sur le fondement d'avis consultatifs donnés par lui-même et non publiés ?
En matière de secret défense, il a cependant utilisé quelques expédients lui permettant d'exercer un contrôle, très modeste, sur l'usage de ce secret par les autorités. Avec l'arrêt Coulon du 11 mars 1955 il a été confronté à une sanction disciplinaire prise sur le fondement de pièces classifiées. Si l'administration refuse au juge la communication de ces éléments couverts par le secret, il peut lui demander de justifier sa décision de classement. Si ces justifications ne parviennent pas à le convaincre, il peut alors déclarer l'acte illégal. Certes, mais cela ne concerne que les décisions individuelles, et la jurisprudence Coulon n'est donc pas applicable au cas d'un décret non publié.
La loi du 8 juillet 1998 a mis en place une procédure qui permet à n'importe quel juge, judiciaire ou administratif, de demander au ministre compétent la déclassification du document. Celui-ci saisit alors la Commission consultative du secret défense (CCSDN) qui rend un avis, que le ministre suit, ou pas. In fine, la communication au juge d'une pièce classifiée relève donc du pouvoir discrétionnaire du ministre.
Les bijoux de la Castafiore. Hergé. 1963 |
Le précédent du fichier Cristina
Quoi qu'il en soit, cette jurisprudence ne constitue pas un moyen très solide. En effet, son fondement juridique réside dans l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, et un décret en Conseil d'Etat avait été publié, autorisant le pouvoir réglementaire à ne pas publier le décret de création du fichier. Le Conseil d'Etat sera-t-il tenté de généraliser cette jurisprudence initiée à propos d'une loi spéciale ? Rien n'est moins certain.