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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
dimanche 28 juillet 2019
Le projet de loi bioéthique : Le débat se prépare
jeudi 25 juillet 2019
Les droits de l'homme sans l'homme
Droits humains
Droits naturels
dimanche 21 juillet 2019
Le patrimoine de Marine Le Pen devant le Conseil d'Etat
Une décision faisant grief
Mais pas une sanction
mercredi 17 juillet 2019
Le juge des réfugiés tweetait trop
Autonomie du principe d'impartialité
De son côté, la Cour européenne des droits de l'homme trouve le fondement juridique du principe d'impartialité dans le droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans sa décision Adamkiewicz c. Pologne du 2 mars 2010, elle précise quelque peu les critères utilisés pour déterminer si une juridiction est impartiale, ou non. Ces critères sont aujourd'hui ceux utilisés par les juges français.
Critères de l'impartialité
L'animosité à l'égard de l'accusé doit donc être patente, et sa preuve sauter aux yeux. La Chambre sociale de la Cour de cassation se réfère ainsi à l'impartialité subjective dans une décision du 12 juin 2014, à propos d'un contentieux portant sur le détachement d'un salarié, pour exercer des fonctions auprès d'un syndicat. Elle casse la décision du conseil des prud'hommes de Strasbourg qui présentait le requérant comme "un militant qui se retrouve sur la sellette, alors qu'il n'avait jamais démérité", critiquant le syndicat qui avait "supprimé la cellule de formation syndicale, avec comme dans une arène, la mise à mort irrémédiablement de M. X..., qui n'était plus que l'ombre de lui-même". Le salarié était ensuite comparé à "David contre Goliath", au "pot de terre contre le pot de fer", alors que le syndicat est présenté comme un "rouleau compresseur". Un tel lyrisme a conduit la Cour de cassation à penser que les prud'hommes avaient une certaine sympathie pour le requérant et une antipathie équivalente pour le syndicat défendeur.
L'obligation de réserve
dimanche 14 juillet 2019
La CEDH et les violences à l'égard des femmes, en Russie
Article 3 et gravité des dommages
Dès lors, la CEDH apprécie si les autorités russes ont mis en oeuvre des procédures de protection adéquates contre ces violences et si ces procédures ont été appliquées au cas de Mme Volodina. Les exigences en ce domaine ont été posées dans l'arrêt du 28 mai 2013 Eremia c. République de Moldavie. La première d'entre elles réside dans la pénalisation des violences domestiques, soit par la création d'infractions spécifiques, soit en en faisant des circonstances aggravantes. La seconde se trouve dans l'existence, dans le droit pénal, de mesures de protection des victimes.
Les lacunes du droit russe
Il apparaît qu'en droit russe, sauf durant une brève période de 2016 à 2017, la violence domestique n'a jamais été mentionnée dans le code pénal russe, ni en tant qu'infraction distincte, ni en tant que circonstance aggravante. Or la décision Valiuliene précisait déjà que les Etats doivent créer un système légal visant à sanctionner ce type de violences.
La spécificité du droit russe fait que les violences légères ne peuvent être poursuivies que sur plainte d'une personne privée, avec une procédure particulière dans laquelle l'intérêt public n'est pas représenté. La victime se retrouve donc seule, y compris dans les procédures qu'elle engage, seule et donc soumise à des pressions de toutes sortes pour qu'elle retire sa plainte. La Cour européenne sanctionne donc le système russe. Elle note au passage, conformément à sa décision Sandra Jankovic c. Croatie du 5 mars 2009 qu'un Etat peut choisir de régler les différends de basse intensité par une procédure purement privée, mais elle précise que les violences domestiques ne peuvent être soumises à un tel régime, considéré comme impropre à empêcher leur récurrence.
En outre, le droit russe ignore les ordonnances d'éloignement qui permettent de protéger la victime en enjoignant à l'agresseur de ne pas s'en approcher. Il s'agit là de mesures préventives, déjà exigées dans la décision M. et autres c. Italie et Bulgarie du 31 juillet 2012. Sur ce point, la passivité d'un Etat constitue, en soi, un manquement à l'article 3 de la Convention européenne (CEDH, 12 juin 2008, Bevacqua et a. c. Bulgarie, 12 juin 2008)
Discrimination
Aux yeux de la CEDH, ces lacunes du droit russe sont constitutives d'une discrimination, au sens de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En l'espèce, la CEDH s'appuie sur la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée par une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur en 1981. Le comité chargé de contrôler sa mise en oeuvre a précisé que la violence envers une femme était celle dirigée contre elle "parce qu'elle est une femme ou qu'il l'affecte de manière disproportionnée". Dans sa recommandation n° 35, ce même comité a ensuite affirmé, en 2017, que la violence envers les femmes constitue, en soi, une forme de discrimination, allant même jusqu'à affirmer que cette prohibition était un principe coutumier du droit international.
La CEDH ne reprend pas à son compte ce dernier point, mais constate que les violences domestiques affectent les femmes de manière disproportionnée, et que les autorités russes n'ont rien fait pour remédier à cette situation. Or, la Cour réaffirme régulièrement que l'égalité des sexes constitue l'un des objectifs essentiels qui doivent être poursuivis par les Etats dans le cadre de la lutte contre les discriminations et le Comité pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes a, plusieurs fois, demandé à la Russie de mettre fin à cette inertie. Pour toutes ces raisons, la CEDH estime donc que cette dernière est constitutive d'une discrimination.
Situation française
La décision Volodina devrait sans doute susciter la réflexion des autorités françaises. Notre système juridique répond-il aux exigences posées par cette décision ? La première condition, celle qui porte sur l'existence d'une infraction spécifique, semble remplie : l'article 222-8 du code pénal alourdit ainsi la peine de 15 à 20 ans d'emprisonnement lorsqu'une violence est faite "sur le conjoint".
La seconde condition semble également remplie, au moins théoriquement. La loi du 26 mai 2004 a établi un "référé violences conjugales" qui permet, avant le divorce, de saisir le juge des affaires familiales pour ordonner au conjoint violent de quitter le domicile conjugal. La loi du 9 juillet 2010 a même créé une ordonnance de péril imminent, cette fois indépendante d'un éventuel divorce, et également rendue par le juge civil avec sensiblement le même type de mesure. Enfin, le procureur de la République peut prononcer une mesure de sûreté avant tout jugement, avec notamment l'interdiction du domicile et l'interdiction d'approcher la victime. Encore faut-il, pour user de cette procédure, que des poursuites aient été formellement engagées.
Tout cela existe, sur le papier. Mais les procédures en cause sont lentes et difficiles à mettre en oeuvre. Les victimes hésitent à formuler des demandes d'ordonnance, car les représailles peuvent intervenir bien avant qu'elle soit notifiée à l'intéressé, et la période entre la demande et la mise en ouvre de l'ordonnance est aussi une période de particulière vulnérabilité pour la victime. Que penserait la Cour du droit français ? On ne doute pas qu'un jour une victime lui posera la question.
mercredi 10 juillet 2019
La haine sur internet, ou la police exercée par les GAFA
L'inutile "haine"
Le débat parlementaire montre que personne ne s'est interrogé sur la notion de "haine", comme si son utilisation tombait sous le sens. Or, le droit a vocation à encadrer, voire à sanctionner, des comportements, mais pas des sentiments. Et la frontière n'est pas toujours évidente à déterminer. Imaginons, par exemple, qu'un internaute tienne des propos virulents contre une religion, disant le plus grand mal de Jésus ou du Prophète. Ses propos seront-ils considérés comme "haineux" ? La "haine" pourrait alors masquer un retour pur et simple du blasphème. Mais personne ne s'en est préoccupé lors des débats.
Le juge écarté
Le CSA
Le déclin de la liberté
Sur la liberté d'expression : Chapitre 9 du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.
vendredi 5 juillet 2019
La CEDH face aux violences familiales
Le droit à la vie
Les Indégivrables. Xavier Gorce, 1er février 2018 |
L'adéquation des moyens mis en oeuvre
mardi 2 juillet 2019
La proposition de loi contre les "violences éducatives ordinaires"
Le 2 juillet 2019, le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi sur l'interdiction des violences éducatives ordinaires, texte immédiatement requalifié par la presse en loi "anti-fessée". Cette proposition a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2018 par Maud Petit (MoDem, Val de Marne) et plusieurs de ses collègues. L'idée était dans l'air, car le 22 janvier 2019, Laurence Rossignol (Socialiste, Oise) a déposé une seconde proposition, devant le Sénat cette fois. Les deux textes sont relativement similaires et d'une extrême brièveté. Celle qui vient d'être adoptée comporte deux articles.
Le premier déclare que "les enfants ont droit à une éducation sans violence. Les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de moyens d’humiliation tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales".
La Convention sur les droits de l'enfant
Observons tout de même que, contrairement à ce qui a été affirmé parfois, la loi n'a pas pour objet de mettre le droit français "en conformité avec la Convention". Il y était déjà, car l'enfant était déjà protégé par le code pénal. Il interdit toute violence envers les personnes et retient comme circonstance aggravante le fait que la victime soit un mineur de 15 ans ou un descendant en ligne directe. En cas de violences légères infligées à des enfants, les peines peuvent donc atteindre trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (art. 222-13 du code pénal), ou cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende (art. 222-14 du code pénal). Ces dispositions ne sont en rien modifiées par la présente proposition de loi qui ne comporte qu'un volet civil.
Le "droit de correction"
Ces dispositions nouvelles conduiront-elles la Chambre criminelle de la Cour de cassation à faire évoluer sa jurisprudence ? Dans un arrêt du 29 octobre 2014, elle invoquait l'existence d'un "droit de correction" reconnu aux parents, aux conditions toutefois qu'il ne cause aucun dommage à l'enfant, qu'il reste proportionné au manquement commis et enfin qu'il soit dépourvu de caractère humiliant. Cette jurisprudence n'a pas été formellement écartée par la Cour de cassation et, là encore, la proposition de loi n'impose pas directement sa remise en cause. D'une part, rien n'interdit de réduire le "droit de correction" à des mesures particulièrement coercitives consistant à priver de dessert l'enfant récalcitrant ou à l'expédier le gamin agité dans sa chambre. D'autre part, la proposition de loi ne comporte, rappelons-le, aucune disposition pénale.
Reste évidemment à se demander comment sera appliquée la loi. Son article 2, ou plutôt son article second car c'est aussi le dernier, prévoit que le gouvernement remettra au parlement un rapport, un an après la promulgation de la loi, évaluant les besoins et moyens d'une "politique de sensibilisation, de soutien, d'accompagnement et de formation à la parentalité". Vaste programme qui montre bien que la loi n'est guère en mesure, à elle seule, d'empêcher la violence familiale. D'abord, parce qu'elle ne modifie que la définition de l'autorité parentale, ce qui signifie qu'elle ne pourra être invoquée qu'a posteriori, lorsque, pour une raison pour une autre, il s'agira de retirer l'autorité parentale à l'un des conjoints ou aux deux. Ensuite parce que le droit ne pénètre que difficilement dans la sphère de la vie privée.
L'attention des enseignants et leur formation pour qu'ils soient en mesure de déceler d'éventuelles violences physiques ou psychologiques, l'accroissement du nombre de travailleurs sociaux susceptibles de suivre et d'assister les familles en difficulté, toutes ces politiques publiques sont certainement plus importantes qu'une formule un peu creuse que les parents n'entendront qu'une seule fois, lorsqu'ils se marient, si ils se marient. Mais précisément, la loi présente l'avantage d'offrir à l'opinion une belle formule déclaratoire, qui a l'avantage de faire plaisir à tout le monde, pour un coût extrêmement modeste.