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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 6 décembre 2016
La géolocalisation : quelques précisions sur sa définition
samedi 3 décembre 2016
Les crèches devant les juges du fond : Eloge de la complexité
La première décision
Les critères posés par le Conseil d'Etat
L'Adoration des Mages. Lorenzo Monaco. 1421 |
L'interprétation des juges du fond
Comment gérer la complexité
lundi 28 novembre 2016
Le mythe de la liberté d'accès aux décisions de justice
Elles constituent aujourd'hui la trace d'une conception qui reposait sur l'idée que le corpus des décisions de jurisprudence était le champ clos des spécialistes, à ne pas mettre entre toutes les mains. Il est vrai que le support papier ne permettait guère une ouverture très large. Pendant bien longtemps, les décisions de l'ordre judiciaire devaient être recherchées dans le Bulletin des arrêts des différentes chambres de la Cour de cassation, et dans le célèbre Lebon pour le Conseil d'Etat. Ce dernier est édité "en vertu d'une délégation de service public" depuis 1821 "sous le haut patronage du Conseil d'Etat" par des maisons d'édition successives qui ont été finalement intégrées dans le groupe Dalloz par des mouvements de concentrations successifs. Il constitue, à lui seul, une institution si vénérable qu'il serait sans doute impertinent de s'interroger sur l'existence même de cette délégation et des différents appels d'offre qui ont permis son renouvellement constant. Quoi qu'il en soit, tous les recueils de jurisprudence présentent les deux mêmes caractéristiques : ils sont payants et ne donnent qu'une image déformée de la jurisprudence, dans la mesure où ils ne sont pas exhaustifs mais reposent sur des choix effectués par la juridiction elle-même.
Le service public de la diffusion du droit sur internet
Aujourd'hui, les choses ont changé, au moins sur le papier. Le décret du 7 août 2002 crée un "service public" de la diffusion du droit par internet. Le site Legifrance, mis en oeuvre par la Direction de l'information légale et administrative (DILA) est au centre de ce nouveau service public. Il diffuse gratuitement les données publiques et constitue un instrument précieux de documentation. Il n'en demeure pas moins que la base Legifrance n'est pas non plus exhaustive. Le décret de 2002 mentionne ainsi que le nouveau service public "met gratuitement à la disposition du public les données suivantes : (...) 3° La jurisprudence : les décisions et arrêts du Conseil constitutionnel, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, et du tribunal des conflits". Sont donc largement absentes de Legifrance les décisions des juges du fond et surtout celles des cours d'appel.
Pourquoi cette lacune ? Tout simplement parce que les décisions des cours d'appel figurent dans une base de données gérée par la Cour de cassation, JuriCA, souvent présentée comme "un outil de communication et de recherche" indispensable à la "construction des savoirs juridique et sociologique". C'est sans doute vrai pour les magistrats qui bénéficient, heureusement, d'un accès direct et gratuit par l'intranet Justice. Pour les autres, leur curiosité scientifique n'est pas suffisante pour justifier un accès à JuriCA. Il faut aussi de l'argent, et même beaucoup d'argent.
Un arrêté du 23 mars 2009 fixe ainsi le montant des redevances perçues en contrepartie de l'accès à ces décisions. Il concerne en pratique la fourniture d'arrêts en masse, fourniture effectuée pratiquement en temps réel, contrairement à Légifrance qui ne met les décisions en ligne qu'avec un certain retard. En d'autres termes, et pour être très clair, la Cour de cassation vend les arrêts des cours d'appel. Et elle les vend très cher, puisque l'on considère qu'il faut environ 100 000 € pour s'offrir l'ensemble du stock. Le résultat est que les clients sont les grands éditeurs juridiques qui vont ensuite offrir un accès à travers leur propre plate-forme, également accessible moyennant une rétribution très élevée.
La réutilisation des données
La réutilisation des données se heurte également à des obstacles importants. En principe, les autorités françaises ont adopté le principe de l'Open Data. Depuis le décret du 20 juin 2014, les licences Legifrance sont en principe gratuites. En témoigne un arrêté du 24 juin 2014 relatif "à la gratuité de la réutilisation des bases de données juridiques (...) de la DILA". Toute personne a donc le droit d'accéder aux décisions de justice et des réutiliser. La DILA joue le jeu, et avec elle, bon nombre d'institutions qui mettent en ligne et autorisent le téléchargement de données publiques.
Certes, mais cet accès ne fait pas l'affaire de ceux qui ont l'habitude de vendre les décisions de justice. Leur argument essentiel pour s'opposer à l'Open Data réside dans la nécessairement anonymisation des décisions de justice. Depuis une recommandation du 29 novembre 2001, la CNIL estime "qu'il est préférable que les éditeurs de bases de données de décisions de justice librement accessibles sur des sites internet s'abstiennent (...) d'y faire figurer le nom et l'adresse des parties au procès ou des témoins". Cette prohibition a ensuite été étendue aux gestionnaires des sites en accès restreint, au nom du droit à l'oubli numérique. L'arrêté du 9 octobre 2002 relatif à Legifrance reprend ensuite ce principe.
Cette exigence d'anonymisation est tout-à-fait légitime mais il n'est guère concevable qu'elle puisse durablement empêcher l'accès au droit en Open Data. Rappelons en effet que la directive du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public, applicable en droit français depuis juillet 2015 affirme que "la publicité de tous les documents généralement disponibles qui sont détenus par le secteur public, non seulement par la filière politique, mais également par la filière judiciaire (...) constitue un instrument essentiel pour développer le droit à la connaissance, principe fondamental de la démocratie". Derrière ce style digne des institutions de l'Union européenne apparaît à l'évidence la nécessité de développer l'Open Data. Des solutions devront donc être trouvées, par exemple par des conventions prévoyant l'anonymisation des données par celui qui souhaite les réutiliser.
Les compétences de la CADA
En attendant, on doit relever une intéressante jurisprudence de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Cette autorité indépendante, chargée de donner un avis sur le caractère communicable ou non de certains documents, se trouve en dans une situation pour le moins improbable, en raison du partage de ses compétences entre d'un côté la réutilisation des informations publiques, et de l'autre l'accès aux documents administratifs.
Dans un conseil du 27 juillet 2010, elle s'estime compétente pour rendre un avis sur toute décision défavorable en matière de réutilisation des informations publiques contenues dans des jugements ou arrêts judiciaires. En revanche, dans un avis du 28 avril 2016, elle déclare irrecevable une demande dirigée contre le refus opposé par la Cour de cassation à un accès aux décisions contenues dans JuriCA, en vue de leur réutilisation. Celles-ci ne sont pas considérées comme des "documents administratifs" au sens de la loi du 17 juillet 1978. Autrement dit, la CADA est incompétente pour se prononcer sur l'accès aux décisions de justice, mais compétente pour se prononcer sur leur réutilisation. La Commission a dû se rendre compte de l'étrangeté de la situation, et elle a pris soin de mentionner qu'il "appartiendra au demandeur, s'il l'estime utile, de la saisir de toute décision défavorable en matière de réutilisation qui serait apparue dans ses échanges ultérieurs avec le Premier Président de la Cour de cassation". Un véritable appel à une nouvelle saisine que la CADA semble souhaiter.
Doctrine.fr : refonder l'accès au droit
De toute évidence, l'Open Data fait bouger les lignes. Tous ceux qui souhaitent continuer à faire commerce des décisions de justice vont devoir évoluer, parfois dans la douleur. Le droit positif offre en effet un véritable droit à la communication des décisions de justice et un droit à leur réutilisation. Les responsables du tout jeune moteur de recherche Doctrine.fr l'ont bien compris et ils se sont engagés dans un combat courageux contre les "majors" du système en utilisant tout simplement ces nouvelles règles. Avouons que la situation ne manque pas de sel : une jeune Start Up utilise le droit pour refonder l'accès au droit.
jeudi 24 novembre 2016
Cachons les gays : mais que font les polices ?
Les mesures ministérielles
La campagne de communication a pour objet de protéger la santé publique, et l'on sait que la prévention du SIDA fait aujourd'hui l'objet d'une véritable politique publique, avec un Conseil national du SIDA (CNS) qui donne son avis sur toutes les campagnes de prévention initiées par le ministère de la santé, et un plan quinquennal qui définit les priorités dans ce domaine. Cette organisation est cependant loin d'être aussi rigide qu'il n'y paraît. C'est ainsi que le cinquième plan a pris fin en 2014, sans qu'il semble être question de l'élaboration du sixième. Par ailleurs, le caractère public de cette politique est largement battu en brèche par l'intervention de différentes associations auxquelles l'administration sous-traite une partie de la politique de prévention, ainsi que par le recours à des intermédiaires privés. Dans le cas présent, les affiches sont diffusées par le réseau privé J.C. Decaux, même si ce réseau entretient des liens étroits avec l'Etat.
La politique de santé peut être considérée comme une mesure de police. Au plan de l'Union européenne, l'article 45 § 3 du traité prévoit que la libre circulation peut être limitée par un Etat membre "pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique", la santé étant donc considérée comme un élément de l'ordre public. En droit interne, le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 19 mars 2007 rendu à propos de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qu'il appartenait au Premier ministre de prendre les mesures de police applicables à l'ensemble du territoire, "au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique".
Le Premier ministre dispose seul du pouvoir réglementaire, mais il appartient aux ministres concernés de mettre en oeuvre les politiques publiques de prévention, et c'est précisément ce qui a été fait par la ministre de la santé.
Le pouvoir des maires
Cette politique publique nationale n'a pas pour effet de neutraliser le pouvoir de police générale détenu par les maires. Observons d'ailleurs, mais ce n'est qu'une question de terminologie, qu'il ne s'agit pas de "censure" au sens juridique du terme. Celle-ci implique en effet, dans sa définition même, un contrôle préalable qui n'existe pas en l'espèce : les maires n'exercent pas une censure antérieure destinée à empêcher l'affichage mais en prononcent l'interdiction a posteriori.
Il est admis depuis longtemps que les élus peuvent réglementer l'affichage sur le territoire de leur commune au titre de leur pouvoir de police. Encore faut-il qu'il soit constitutif d'un trouble à l'ordre public (C.E., 29 avril 1938, Maigret, rec. 384 ; C.E. Sect. 19 juin 1942 Chambre syndicale de l'affichage en France et autres). L'essentiel de la jurisprudence porte ainsi non pas sur le contenu du message, mais plutôt sur son support. Une mesure de police peut ainsi interdire un panneau publicitaire qui risque de chuter sur la tête des passants ou de distraire les automobilistes.
Morale publique
Il arrive cependant, certes plus rarement, que la mesure de police porte sur le contenu du message et plus précisément sur la "moralité publique", élément traditionnel de l'ordre public. Dans un arrêt du 11 mai 1977, le Conseil d'Etat admet ainsi la légalité de la décision du maire de Lyon interdisant la pose de deux enseignes lumineuses "Sex Shop" à proximité immédiate du Mémorial de la Résistance. En l'espèce, les élus ne prononcent pas directement le mot "morale" mais invoquent la protection de la jeunesse, dès lors que sont visées les affiches placées à proximité des écoles. Le problème est qu'il n'existe aucun fondement juridique spécifique justifiant une interdiction d'affichage sur cette base. De fait, la mesure ne peut relever que du pouvoir de police générale, ce qui nous ramène à la moralité publique.
Circonstances locales
Encore faut-il que des circonstances locales extérieures aux convictions du maire justifient la mesure. Cette condition est clairement énoncée en matière de police cinéma. Un élu peut en effet, depuis le célèbre arrêt du 18 décembre 1959 Société des Films Lutétia, interdire la diffusion d'une oeuvre cinématographique "à raison du caractère immoral du film et de circonstances locales". Là encore, la jurisprudence récente se montre très réticente à cet égard, et les élus ont fini par renoncer à exercer ce pouvoir de police. Le maire de Villiers-sur-Marne avait ainsi annoncé, en janvier 2015, l'interdiction de Timbuktu sur le territoire de sa commune pour éviter que "les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes". Il a rapidement battu en retraite, sans doute informé, un peu tard, de l'illégalité manifeste d'une telle mesure, en raison précisément d'une absence de circonstances locales justifiant un trouble effectif à l'ordre public.
De toute évidence, les élus qui ont interdit la campagne d'affichage contre le SIDA risquent de se heurter à la même jurisprudence, car aucune des conditions n'est remplie. L'atteinte à la moralité publique n'existe qu'à l'aune de leurs convictions religieuses. Elles sont parfaitement respectables, mais certainement pas de nature à fonder une jurisprudence, d'autant que le juge hésiterait sans doute à qualifier d'immorale une campagne de prévention initiée par l'Etat. Quant aux circonstances locales, elles ne justifient en aucun cas une interdiction, les affiches n'ayant pas suscité de manifestation particulière de la part de la population.
Il est très probable que ces arrêtés seront finalement suspendus par le juge des référés. Il est très probable aussi que la campagne de prévention du ministre est passée totalement inaperçue dans les communes concernées par les interdictions. Il n'en demeure pas moins que l'initiative des élus Les Républicains témoigne surtout de leur volonté de faire revenir dans l'espace public une certaine idée de la morale qu'ils estiment devoir imposer à leurs électeurs. Mais n'y sont-ils pas incités par un discours dominant qui insiste sur le respect des convictions religieuses de chacun, y compris lorsqu'elle s'affichent dans l'espace public ?
dimanche 20 novembre 2016
Non bis in idem devant la Cour européenne des droits de l'homme
Un guide touristique des paradis fiscaux
L'article 4 du Protocole n° 7
Le caractère pénal et les "critères Engel"
Une procédure intégrée
Un lien matériel et temporel suffisamment étroit
A ce lien matériel s'ajoute un lien temporel. Dans la décision Kapetanios et autres c. Grèce du 30 avril 2015, les requérants se plaignaient d'avoir été condamnés à une amende fiscale pour contrebande après avoir été définitivement acquittés par le juge pénal. La Cour a vu dans cette absence de lien temporel une atteinte au principe Non bis in idem.
Non bis in idem et principe de sûreté
L'arrêt A. et B. c. Norvège s'efforce de simplifier quelque peu une jurisprudence complexe. La Cour revient à l'esprit du principe Non bis in idem qui ne vise pas à interdire de cumuler les sanctions pour un même fait, mais qui veut simplement assurer la sécurité juridique de la personne concernée. Si elle a effectivement commis une infraction, elle doit certes en assumer les conséquences mais ce n'est pas pour autant qu'elle doit, parfois durant des années, est confrontée à des procédures de nature différente et qui peuvent finalement conduire à une sanction globale disproportionnée. Considéré sous cet angle, Non bis in idem devient, en quelque sorte, un élément du principe de sûreté.
Il est évident que le droit français devra s'interroger sur cette jurisprudence. Car même s'il refuse de considérer la "nature pénale" de la procédure fiscale, il n'en demeure pas moins que le cumul des procédures, tant en matière fiscale que disciplinaire, n'est pas organisé de manière à former un ensemble cohérent et propre à garantir la sécurité juridique des personnes. Loin de là.
mardi 15 novembre 2016
La loi sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, sans le secret des sources
Les contrôles
La transparence financière
Le secret des sources
L'essentiel de la loi réside cependant dans ce qui n'y figure pas, ou plus dans ce qui n'y figure plus. En effet, la loi du 14 novembre 2016 a été publiée, amputée de son article 4 relatif au secret des sources des journalistes, annulé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 novembre 2016.
Les insuffisances de la loi Dati
Il n'en demeure pas moins que la loi Dati n'est pas parvenue à empêcher d'empêcher l'espionnage des communications des journalistes par les services de renseignement lors de l'affaire Woerth-Bettencourt. La jurisprudence s'est pourtant vaillamment efforcée de lui donner un contenu, donnant une définition étroite de l'impératif prépondérant d'intérêt public susceptible de justifier une atteinte au secret des sources. Dans une décision du 25 février 2014, la Chambre criminelle de la Cour de cassation reproche ainsi à la chambre de l'instruction de n'avoir pas suffisamment démontré que des investigations et perquisitions effectuées chez un journaliste dans le seul but de démontrer une violation du secret professionnel relevaient d'un tel impératif.
Les amendements introduits dans la loi du 14 novembre 2016 n'amélioraient pas sensiblement le droit positif et la simplification annoncée était purement cosmétique.
Les atteintes licites au secret des sources
En 2016, le législateur a renoncé à la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public, largement contestée par les journalistes. Il a préféré énumérer les infractions au nom desquelles il est possible de porter atteinte au secret des sources. En matière criminelle, l'atteinte pouvait ainsi être justifiée par le double intérêt de la prévention et de la répression de l'infraction. En matière délictuelle en revanche, une atteinte au secret des sources ne pouvait reposer que sur la nécessité de prévenir l'infraction. Il était donc interdit de porter atteinte à ce secret dans le but d'assurer la répression d'un délit, quelle que soit sa gravité. Pour ne prendre qu'un exemple, la loi interdisait de porter atteinte au secret des sources dans le but de réprimer des faits constitutifs d'une association de malfaiteurs en vue d'actes de terrorisme.
Pour le Conseil, le législateur n'a pas assuré "une conciliation équilibrée entre la liberté d'expression et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la recherche des auteurs d'infractions et la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle".
L'immunité pénale
Le contrôle de proportionnalité est d'une intensité identique lorsque le Conseil examine les personnes bénéficiant de l'immunité pénale au nom du secret des sources. Dans ce domaine, le législateur affirmait, de manière quelque peu surprenante, que le secret ne concernait pas seulement les journalistes mais aussi "les collaborateurs de la rédaction", notion faisant l'objet d'une définition extrêmement large. Etaient ainsi titulaire du secret des sources "toutes les personnes qui, par leur fonction au sein de la rédaction (...) sont amenées à prendre connaissance d'informations permettant de découvrir une source (...)". La personne chargée du standard téléphonique se trouvait protégée par le secret des sources, dès lors qu'elle avait mis en communication une personne identifiable avec un journaliste. Il en était de même du pigiste, voire du stagiaire s'il avait entendu parler d'investigations en cours en distribuant les cafés. C'est donc un principe d'irresponsabilité générale des employés de l'entreprise de presse ou de médias audiovisuels qui était posé.
Il n'est pas surprenant que le Conseil ait estimé, une nouvelle fois, que la conciliation était déséquilibrée entre la liberté d'expression et le secret des correspondances d'un côté, et la recherche des auteurs d'infractions ainsi que les exigences des intérêts de la Nation de l'autre côté.
De toute évidence, il n'a pas échappé au Conseil que ces dispositions étaient le résultat d'un lobbying efficace des différents syndicats et associations chargés de défendre les intérêts des journalistes. L'annulation ainsi prononcée impose désormais une nouvelle intervention du législateur et sans doute une plus grande modération des lobbys lors des futurs débats. Tous sont clairement avertis que le Conseil exercera sur le futur texte un contrôle de proportionnalité exigeant. N'a t il pas rappelé que la protection des sources des journalistes n'est pas un droit de valeur constitutionnelle, principe qu'il avait déjà affirmé dans sa décision QPC du 24 juillet 2015, mais que le législateur avait feint d'oublier ? Il serait sans doute utile de préciser, dans les débats à venir, que le secret des sources est indispensable, précisément parce qu'il n'est pas une prérogative des journalistes mais un instrument de protection d'un tiers, cette "source" dont finalement on parle bien peu.
Sur le secret des sources : Chap 9, section 1 § 2, B du manuel de libertés publiques.