l'impartialité, fonction rhétorique
Et pourtant, le principe d'impartialité est juridiquement défini, et donne lieu à une jurisprudence relativement précise.
Morris et Gosciny. Lucky Luke. Le Juge. 1959 |
Autonomie du principe d'impartialité
De son côté, la Cour européenne des droits de l'homme trouve le fondement juridique du principe d'impartialité dans le droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans sa décision Adamkiewicz c. Pologne du 2 mars 2010, elle précise quelque peu les critères utilisés pour déterminer si une juridiction est impartiale, ou non. Ces critères sont ceux utilisés par les juges français.
Critères de l'impartialité
Le premier critère peut être qualifié de "subjectif" parce qu'il consiste à pénétrer dans la psychologie du juge, à rechercher s'il désirait favoriser un plaideur ou nuire à un justiciable. Dans ce cas, l'impartialité est présumée, jusqu'à preuve du contraire (CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c. Belgique). La Cour européenne se montre très rigoureuse à cet égard et ne constate la violation du principe d'impartialité que lorsque la preuve est flagrante. Tel est le cas, dans l'arrêt Remli c. France du 23 avril 1996, pour un jury de Cour d'assises jugeant un Français d'origine algérienne, dont l'un des jurés a tenu, hors de la salle d'audience mais devant la presse, des propos racistes.
L'animosité à l'égard de l'accusé doit donc être patente, et sa preuve sauter aux yeux. On ne voit pas sur quelle preuve pourrait s'appuyer Nicolas Sarkozy pour prouver la partialité du juge qui l'a mis en examen, ou plutôt des juges puisqu'ils sont trois à instruire l'affaire. Aucun d'entre eux n'a pris une position publique mentionnant une quelconque hostilité à son égard. Quant à la chronique signée par le juge Gentil, elle ne témoigne d'aucune animosité personnelle, puisque le nom de Nicolas Sarkozy n'est même pas mentionné.
Le second critère est présenté comme "objectif", parce qu'il s'agit de contrôler l'organisation même de l'institution judiciaire. Le tribunal doit apparaître impartial, et inspirer la confiance. Sur ce point, la Cour européenne a développé une jurisprudence qui interdit l'exercice de différentes fonctions juridictionnelles par un même juge, dans une même affaire (par exemple : CEDH, 22 avril 2010 Chesne c. France). La Cour de cassation reprend exactement le même principe dans une décision de la Chambre criminelle du 8 avril 2009. Elle y rappelle l'importance de l'impartialité fonctionnelle, qui interdit notamment à un magistrat de connaître d'une affaire pénale, alors qu'il avait déjà eu à juger de son volet civil. Dans ce cas, ce n'est pas le juge qui est en cause, mais l'organisation judiciaire qui ne satisfait pas au principe d'impartialité. Sur ce point, on ne voit pas quel argument pourrait être utilisé pour contester l'institution même du juge d'instruction, qui, on le sait, instruit à la fois à charge et à décharge.
Ces principes constituent le socle sur lequel sont appréciés les recours mis à la disposition des justiciables qui s'estiment victimes d'un manquement à l'impartialité. La récusation a en effet pour objet de contester l'impartialité d'un magistrat identifié (approche subjective). Le renvoi pour cause de suspicion légitime, quant à lui, met en cause l'impartialité de la juridiction de jugement dans son ensemble (approche objective).