« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 22 mars 2013

Mini-miss : une proposition de loi et un consensus ?

Dans la suite du rapport qu'elle avait remis en mars 2012 à Roselyne Bachelot, Chantal Jouanno, sénatrice UDI de Paris, vient de déposer une proposition de loi "visant à protéger les enfants de l'hypersexualisation".

Derrière cette formulation un peu abstraite apparaissent deux préoccupations très pragmatiques. D'une part, le texte interdit la participation des fillettes de moins de seize ans aux concours de beauté, généralement appelés "mini-miss". D'autre part, il interdit aux entreprises d'employer des mineures comme mannequins pour vendre des produits destinés aux adultes. Sont directement visées les grandes firmes de mode et de cosmétiques, parfois tentées de choisir comme "égéries" de très jeunes adolescentes.

La nécessité de légiférer

On peut regretter qu'il soit nécessaire de légiférer dans ce domaine, car on pourrait penser que le rôle des parents est précisément de protéger leur enfant de ce type d'instrumentalisation. Tous les pédopsychiatres s'accordent  pour affirmer qu'une fillette vêtue d'une mini-robe, chaussée de talons hauts, maquillée comme une voiture volée, et déambulant sur un podium en prenant des poses suggestives, est transformée en "friandise sexuelle", formule employée par Boris Cyrulnik. Cette hypersexualisation risque de susciter des troubles dans son développement psychologique, puisque, devenue objet de désir, elle ne peut plus vivre normalement sa vie d'enfant. Le problème est que les concours de mini-miss sont généralement proposés aux fillettes par des mères inconscientes.

Dès lors que les parents ne protègent pas leurs enfants, le législateur est donc fondé à intervenir. L'article 3 al. 1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant justifie pleinement son intervention, puisqu'il mentionne que "l'intérêt supérieur de l'enfant" doit "être une considération primordiale" dans toutes décisions le concernant. De la même manière, la proposition de la loi se fonde directement sur le droit à la dignité, que le Conseil d'Etat, depuis le célèbre arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995, considère comme un élément de l'ordre public, au même titre que la sécurité publique, l'hygiène publique, voire la morale publique. Comme l'affirmait déjà Françoise Dolto, l'enfant est une personne, et a droit au respect de sa dignité au même titre qu'un adulte.

Des zones de non-droit

Jusqu'à aujourd'hui, cette question de l'hypersexualisation restait dans une surprenante zone de non-droit. L'emploi des enfants de moins de seize ans dans des activités de spectacle, de cinéma ou de mannequin est certes soumis à autorisation administrative par l'article  L 7124-1 du Code de travail. Mais les critères d'octroi de cette autorisation ne sont pas clairement précisés, et on vu des magazines de mode l'obtenir sans difficulté pour présenter des photos de jeunes lolitas. La proposition de loi établit désormais des critères plus précis, n'autorisant les enfants à exercer le métier de mannequin que pour assurer la promotion de produits destinés aux enfants.


La Petite. Louis Malle. 1978. Brooke Shields


L'organisation des concours de mini-miss s'est également développée en dehors de toute réglementation. Des contentieux commencent donc à apparaître. Le premier a eu lieu devant le tribunal grande instance d'Auch le 20 février 2012, lorsque l'organisatrice d'une de ces manifestations a demandé réparation du préjudice commercial né du retrait, à la demande du Planning Familial, de l'élection des mini-miss du programme d'une soirée festive. Le juge ne s'est pas vraiment montré compréhensif, et lui a refusé toute indemnité. Il a même condamné la plaignante à rembourser les frais engagés lors du procès par le Planning Familial. D'autres contentieux risquent également d'intervenir, cette fois devant le juge administratif, car il est fort probable que des élus n'hésiteront pas à interdire ce type de manifestation.

La proposition de loi déposée par Chantal Jouanno affirme une position claire, en faisant de l'organisation de concours de mini-miss un délit dont l'auteur peut être condamné à deux années d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. Cette peine peut aussi être prononcée à l'encontre des "personnes qui favorisent, encouragent ou tolèrent l'accès des enfants à ces concours". La précision n'est pas sans intérêt, puisque les parents des mini-miss peuvent ainsi être poursuivis. Les associations oeuvrant dans le domaine des droits de l'enfant se voient reconnaître les droits reconnus à la partie civile, ce qui les autorise à exercer une mission de vigilance dans ce domaine.

Il reste au Parlement à adopter ce texte. Il n'a échappé à personne que Chantal Jouanno est sénateur UDI, et que son rapport avait été remis avant l'alternance de juin 2012. Est-il vain d'espérer que, pour une fois, une proposition de loi suscite un consensus entre la majorité et l'opposition, dans l'intérêt supérieur des enfants ? On veut croire que la proposition de loi sera rapidement adoptée, peut-être à l'unanimité.






1 commentaire:

  1. Il faut arrêter de raconter n'importe quoi sur les MINI-MISS qui est un concept, un label et une marque déposés en France en 1989 soit il y a 24 ans ! Il est ridicule de faire l'amalgame avec les concours américains ou autres "conneries" actuellement assimilées à tord à des concours de "MINI-MISS".
    La seule tenue acceptée pour ces concours est la robe de cérémonie dite robe de princesse à l'exclusion de toutes autres, sans maquillage ou artifice ni maillot de bain ou talons hauts. Où est l'hypersexualisation dans tout cela ?

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