Pages
« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
vendredi 9 mars 2012
Contraventions routières et droit au juge
mercredi 7 mars 2012
La loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
- les recherches interventionnelles comportant un risque thérapeutique dans la mesure où sont effectués sur le patient des actes non justifiés par une prise en charge habituelles, par exemple l'utilisation sur un patient d'une molécule nouvelle ;
- les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur des médicaments et n'entrainent que des risques et des contraintes minimes.
- les recherches non interventionnelles enfin, dans lesquelles il s'agit d'étudier des traitements pratiqués selon une procédure habituelle, et souvent sur une très longue durée. Les patients ne courent alors aucun risque spécifique.
Chérie, je me sens rajeunir. Howard Hawks. 1952 |
lundi 5 mars 2012
La centralisation européenne de la protection des données
S'agissant de droits fondamentaux, il serait évidemment très fâcheux que les Etats membres ne puissent adopter des dispositions plus protectrices dans leur ordre interne. Pour le moment cependant, rien dans le règlement ne consacre une telle possibilité. Il est vrai que l'on imagine mal la Commission faisant un recours contre un Etat membre au motif qu'il est allé au-delà du standard de protection imposé par le droit communautaire. Mais est-on jamais à l'abri d'une action de lobbying bien organisée ?
La gestion des recours
La résolution du Sénat reprend la principale critique opposée par la CNIL au projet communautaire. Pour traiter des requêtes des ressortissants des Etats de l'Union, le projet donne compétence à l'autorité de contrôle du pays dans lequel le responsable du traitement en cause a son "principal établissement". L'idée générale est de faciliter les démarches des entreprises qui n'auront donc plus qu'un interlocuteur unique à l'échelon européen, notamment pour la déclaration des traitements automatisés.
Quant au citoyen, il risque tout simplement d'être renvoyé à l'autorité de contrôle d'un autre pays. Ce risque est loin d'être négligeable si l'on considère que beaucoup d'entreprises actives dans le domaine de la vente sur internet ont établi leur siège en Irlande, pays au régime fiscal jugé plus avantageux. De manière très concrète, un citoyen français voulant contester la collecte ou la conservation de données le conservant devra donc saisir la CNIL, qui saisira ensuite l'autorité irlandaise de protection des données. Cette dernière risque d'être rapidement engorgée, à moins que la difficulté même d'une telle procédure dissuade les recours. Et la CNIL de son côté, se trouve dessaisie de son pouvoir de sanction et limitée à un rôle de boîte aux lettres.
Le nivellement sur le standard le plus bas
La procédure induit ainsi une inégalité fondamentale, puisque le citoyen est moins bien traité que le responsable du traitement qui, lui, est assuré d'avoir un interlocuteur unique. La personne fichée est privée du droit de voir son recours instruit par l'autorité de contrôle qui lui est la plus accessible, et privé surtout de la possibilité de se voir appliquer un droit interne plus protecteur.
Sur ce plan, le projet de réforme communautaire peut être présenté comme l'instrument d'une nouvelle forme de perversité juridique, qui consiste à aligner les libertés fondamentales sur le standard le moins protecteur, comme si le rôle du droit communautaire consistait seulement à dégager en ce domaine un minimum de principes communs.
vendredi 2 mars 2012
La délinquance étrangère et "réitérante". Le retour des peines plancher
Ces chiffres sont évidemment destinés à faire frémir le bon citoyen inquiet pour sa sécurité. Si on les regarde de près toutefois, on s'aperçoit qu'ils sont obtenus à partir des statistiques des personnes "mises en cause", car celles des condamnations ne sont pas fiables. Sans doute, mais un criminologue, même moyen, doit tout de même savoir qu'une personne "mise en cause" n'est pas nécessairement condamnée. A moins peut être de considérer que les étrangers ne bénéficient pas du principe de la présomption d'innocence ? Le même criminologue sait également que pour donner l'illusion de lutter contre la délinquance, il suffit parfois d'augmenter le nombre de gardes à vue, et donc le nombre des personnes "mises en causes". En clair, en augmentant les gardes à vue, on augmente aussi mathématiquement les chiffres de la délinquance étrangère.
Récidive et réitération
Qu'à cela ne tienne, la proposition Garraud adopte la notion de réitération. En langage policier, elle désigne une succession d'infractions de nature différente commises par une seule personne. Un délinquant "réitérant" est celui qui va par exemple se livrer à un trafic de stupéfiants, avant d'être l'auteur d'un cambriolage, puis d'un vol avec violences etc. Il est vrai que la notion de réitération figure dans la loi du 12 décembre 2005, mais elle apparaît alors comme une notion fourre-tout destinée à contourner la notion de récidive. Elle s'applique un effet en cas de "nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale". Dans cette hypothèse, la loi interdit la confusion des peines et organise au contraire leur cumul. Pour autant, elle ne définit pas clairement le champ d'application de la "réitération".
Le Récidiviste. Ulu Grosbard. 2007. Dustin Hoffman |
Le retour des peines plancher
Elle sert pourtant de fondement au projet de loi qui reprend cette notion pour justifier l'élargissement des peines plancher. Il s'agit en effet de renforcer la peine complémentaire d'interdiction du territoire française (ITF) pour les délinquants réitérants et pour les personnes de nationalité étranger.
Le prononcé de l'ITF devient ainsi obligatoire pour les étrangers en situation irrégulière et ceux qui résident régulièrement depuis moins de trois ans, dès lors qu'ils ont commis un crime ou un délit puni d'une peine de cinq années d'emprisonnement. A l'égard des réitérants, la proposition de loi impose de prononcé de peines plancher pour les auteurs du même type d'infractions. Les seuils de peines minimales sont compris entre un sixième et un cinquième de la peine maximale encourue.
Conventionnalité et constitutionnalité
Les auteurs de la proposition affirment haut et fort la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif mis en oeuvre. Pour garantir la conformité à l'article 8 de la Convention qui protège le droit de mener une vie familiale normale, ils prennent soin d'exclure le prononcé de ces peines pour les étrangers "protégés".
Pour garantir la conformité à la Constitution, ils invoquent une jurisprudence affirmant que les peines plancher ne violent pas le principe d'individualisation des peines, notamment la décision du 16 septembre 2011 rendue à propos des amendes forfaitaires en matière de code de la route. Le principe de nécessité de la peine, quant à lui, fait l'objet d'un contrôle "de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue", formulation figurant dans la décision du 9 août 2007. Y a t il ou non disproportion manifeste ? Il est bien difficile de répondre à cette question.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas tant l'inconventionnalité ou l'inconstitutionnalité de ce texte qui pose réellement problème que la malhonnêteté de ses motifs. Reposant sur des statistiques douteuses et sur une conception purement policière de la récidive, il témoigne d'un dévoiement de la loi elle-même. Celle devient l'instrument d'une politique sécuritaire qui repose sur la manipulation de l'opinion, particulièrement en période électorale.
mercredi 29 février 2012
Enterrement des lois mémorielles
Salvador Dali. Persistance de la mémoire. 1931 |
samedi 25 février 2012
Détenus atteints de troubles mentaux : la Cour européenne sanctionne une politique d'abandon
Comparutions devant les cours d'assises
Vol au dessus d'un nid de coucou. Milos Forman 1976. Jack Nicholson. |
De 2005 à 2009, c'est à dire durant l'instruction et jusqu'au procès d'appel devant la Cour d'assises, M. G. se plaint d'avoir été incarcéré dans des locaux pénitentiaires la plupart du temps, emprisonnement entrecoupé d'une douzaine de séjours en établissement psychiatrique (plus précisément des services médicaux psychologiques régionaux, SMPR), pour des hospitalisations d'office ne dépassant jamais quelques semaines. Il considère que l'absence de suivi psychiatrique constant a entravé son traitement, et fait observer à ce propos que son état s'est considérablement amélioré depuis que la seconde Cour d'assises l'a placé en hospitalisation d'office. A ses yeux, ces quatre années d'incarcération non assorties de traitement de longue durée sont constitutives d'un traitement inhumain et dégradant.
Dans son arrêt Slawomir Musial c. Pologne du 20 janvier 2009, la Cour a effectivement considéré que l'emprisonnement d'une personne souffrant de graves troubles mentaux, en l'espèce la schizophrénie, constitue un traitement inhumain et dégradant, si deux conditions sont réunies : d'une part, une absence de traitement spécialisé, d'autre part des conditions matérielles inappropriées.
Observons d'emblée que la Cour ne met pas en cause le principe de la détention, mais bien davantage ses conditions matérielles.
La Cour se garde bien de prendre une décision de principe, et s'appuie sur les faits de l'espèce pour estimer que, dans le cas précis de M. G. cette alternance d'hospitalisations d'office et d'incarcération est constitutive d'un traitement inhumain et dégradant, dès lors qu'elle faisait obstacle à la stabilisation de son état de santé. En l'espèce en effet, tous les critères dégagés par sa jurisprudence sont réunis pour parvenir à une telle solution.
Le premier critère réside dans la gravité de la pathologie. Dans sa décision Rivière c. France du 11 juillet 2006, la Cour estimait déjà que le caractère grave et chronique de certains troubles mentaux rendait pratiquement impossible l'incarcération dans des locaux pénitentiaires non adaptés à ces pathologies. C'est particulièrement vrai dans le cas de la schizophrénie, car le traitement est nécessairement de très longue durée et les risques de suicide importants.
Le second critère réside dans l'appréciation du lieu de détention. La Cour fait observer que M. G. était incarcéré à la prison des Baumettes de Marseille, et que la Cour des comptes elle-même reconnaissait dans son rapport 2005-2010 sur l'organisation des soins psychiatriques que "la notoriété de la maison d'arrêt marseillaise (...) n'a d'égale que le délabrement et l'insalubrité de son service médico psychologique régional (SMPR)". En 2010, douze des trente-deux lits étaient fermés et six emplois de soignants étaient vacants. Autrement dit, M. G. s'est retrouvé incarcéré dans les conditions du droit commun, tout simplement parce que la vétusté du SMPR des Baumettes ne permettait pas de l'accueillir.
Le troisième critère est le danger que représente M. G., pour lui-même certes puisque la schizophrénie se traduit souvent pas des tendances suicidaires, mais aussi pour les autres. La Cour s'appuie sur les nombreux rapports médicaux constatant le risque de passage à l'acte du requérant, menaçant ainsi la sécurité de ses codétenus et celle d'un personnel pénitentiaire souvent bien désarmé à l'égard des pathologies mentales les plus graves.
La Cour fait évidemment observer qu'elle est consciente des efforts déployés par les autorités françaises, qui multipliaient les séjours de courte durée en SMPR précisément pour éviter ces passages à l'acte dont le danger ne leur avait pas échappé. Elle ne remet jamais en cause la nécessité d'enfermer M. G. pour le protéger contre lui-même mais aussi pour protéger les tiers. Elle ne s'intéresse qu'aux conditions de cet enfermement, et sanctionne finalement les autorités françaises pour la misère dans laquelle elles tiennent les services chargés, au sein des établissements pénitentiaires, de gérer la maladie mentale.