La
loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine est passée inaperçue, sans doute en raison de la densité des débats parlementaires et politiques. Cette législation a pourtant pour objet de mettre en oeuvre l'un des droits les plus essentiels de l'homme, le droit à l'intégrité du corps humain.
Nul ne conteste évidemment la nécessité d'expérimenter les nouveaux traitements médicaux mis au point par les chercheurs. L'expérimentation est pourtant potentiellement dangereuse pour l'intégrité des personnes, qui ne sauraient être considérées comme de simple cobayes. Pendant bien des années pourtant, le droit positif était remarquablement discret sur le sujet. L'article 7 du Pacte des Nations Unies de 1966 sur les droits civils et politiques se bornait à conditionner l'expérimentation au libre consentement du sujet (art; 7). La jurisprudence, quant à elle, n'évoquait la question qu'à propos des pratiques les plus choquantes, relevant du droit commun. Elle condamnait ainsi pour empoisonnement les médecins nazis qui avaient inoculé des virus aux prisonniers des camps de concentration, à titre soi-disant expérimental.
La loi Huriet Sérusclat : la distinction fondée sur l'objet de la recherche
Le législateur n'est intervenu qu'avec la loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988, modifiée à de multiples reprises au point qu'elle a été qualifiée de "millefeuilles législatif"par le le rapporteur du texte, Olivier Jardé (député UMP de l'Oise). Elle reposait sur une distinction simple. D'une part, les recherches à finalité thérapeutique directe, c'est à dire qui portent sur une personne malade et ont pour objet de la soigner, devaient être gratuites, soumises aux principes de responsabilité et de consentement de l'intéressé. D'autre part, les recherches dépourvues de finalité thérapeutique directe, c'est à dire portant sur une personne en bonne santé qui n'attend aucun avantage personnel de l'expérimentation, étaient également soumises aux principes de responsabilité et de consentement, mais pouvaient donner lieu à une indemnisation de celui ou celle qui acceptait de s'y prêter.
La loi du 5 mars 2012 : la distinction fondée sur les risques encourus
Le législateur de 2012 modifie totalement cette approche en privilégiant une distinction fondée sur le risque. Il distingue non plus deux, mais trois types de recherches :
- les recherches interventionnelles comportant un risque thérapeutique dans la mesure où sont effectués sur le patient des actes non justifiés par une prise en charge habituelles, par exemple l'utilisation sur un patient d'une molécule nouvelle ;
- les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur des médicaments et n'entrainent que des risques et des contraintes minimes.
- les recherches non interventionnelles enfin, dans lesquelles il s'agit d'étudier des traitements pratiqués selon une procédure habituelle, et souvent sur une très longue durée. Les patients ne courent alors aucun risque spécifique.
A partir de ces risques, la loi met en place un système de consentement à géométrie variable. Pour les recherches impliquant un risque thérapeutique, le consentement écrit du patient est exigé. Pour celles qui n'emportent qu'un risque minimum, le consentement devra être "libre et éclairé", mais pourra être oral. Enfin, en cas de recherches non interventionnelles, l'interessé sera informé et pourra refuser de se prêter à l'expérimentation. Le consentement ne disparait donc jamais totalement, mais prend une intensité variable.
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Chérie, je me sens rajeunir. Howard Hawks. 1952 |
Réforme de la procédure
Toutes les recherches, quelle que soit la catégorie à laquelle elles sont rattachées, doivent donner lieu à l'autorisation préalable d'un Comité de protection des personnes (CPP). Sur ce point, la loi n'innove guère car les CPP existent depuis la loi du 9 août 2004. Au nombre d'environ une quarantaine répartis sur l'ensemble du territoire, ils sont composés paritairement de scientifiques et de représentants de la société civile. En revanche, l'idée nouvelle de désigner le CPP compétent par tirage au sort, de manière aléatoire, répond certainement à une volonté très positive de garantir une plus grande indépendance dans l'appréciation des recherches qui lui sont soumises.
La nouvelle loi innove encore en plaçant les CPP sous la tutelle d'une Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, dont le rôle sera d'assurer la coordination des pratiques des Comités et qui pourra, le cas échéant, intervenir comme instance d'appel. Cette nouvelle autorité indépendante, voulue par le Sénat, sera placée auprès du ministre de la Santé.
Au terme de l'analyse, une loi certainement positive, comme en témoigne d'ailleurs la qualité du travail parlementaire. Il ne reste plus qu'à souhaiter une autre réforme, celle de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, dont on sait que les membres ne sont pas toujours dépourvus de liens avec les professionnels du médicament.
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