Le champ de l'article 11
Le Conseil affirme d'abord que la proposition de loi entre bien dans le champ de l'article 11 de la Constitution, qui énonce que peut être soumis à référendum tout projet de loi portant "sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics (...)". Pour le Conseil, le fait de qualifier ADP de "service public national" au sens du Préambule de 1946 se rattache clairement à la politique économique.
L'absence de promulgation
L'article 11 de la Constitution précise que "cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". Sur ce point, les services du premier ministre produisaient sur ce point un raisonnement juridique simple. La loi Pacte, décidant la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) avait été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, deux jours après le dépôt de la proposition de loi référendaire. Ils en déduisaient donc que le parlement s'était prononcé sur cette question, et que le recours au référendum était devenu impossible, le recours devant le Conseil constitutionnel étant, par ricochet, sans objet.
A l'appui de cet argument, ils invoquaient la disposition qui affirme que le référendum ne peut intervenir si le parlement s'est prononcé sur la proposition de loi dans un délai de six mois. Une telle analyse repose sur une double confusion. D'une part, le délai de six mois ne concerne que la loi proposant une référendum et pas celle que le référendum propose d'abroger ou de modifier. D'autre part, l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 affirme nettement que le point de départ de ce délai de six mois se trouve dans seconde décision du Conseil constitutionnel. Cas si le Conseil intervient une première fois pour apprécier la conformité à la Constitution de la proposition de référendum, il intervient une seconde fois pour proclamer les résultats de la consultation. Ce délai de six mois ne commence donc à courir qu'une fois que le nombre de signatures a été atteint.
Même s'il n'avait guère de chances de prospérer, ce moyen illustre tout de même une étrange démarche qui vise à permettre au Parlement de s'exonérer quand il le souhaite des normes qu'il a lui-même édictées. En clair, l'idée générale est que la loi s'impose à tout le monde, sauf à ceux qui la votent.
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne souhaite pénétrer dans des analyses complexes et difficilement lisibles par les citoyens. Ses normes de référence demeurent l'article 11 et la loi du 6 décembre 2013 et l'on distingue clairement sa volonté de ne pas être responsable de l'échec d'une procédure référendaire. On trouve dans cette décision récente des traces d'une jurisprudence bien ancienne, la célèbre décision du 6 novembre 1962 portant sur la loi référendaire relative à l'élection du président de la république au suffrage universel. Le Conseil se déclarait incompétent pour apprécier ces textes qui "constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". En l'espèce, le peuple ne s'est prononcé, et peut-être ne se prononcera-t-il jamais dans la mesure où la procédure du RIP est largement contrôlée par le parlement, mais au moins ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui empêchera l'exercice de la démocratie directe, quand bien même il déplairait à l'Exécutif.
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