La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 9 mai 2019 a quelque chose d'historique. Elle porte le numéro 2019-1 RIP, formule qui signifie qu'elle est la première à intervenir en matière de référendum d'initiative populaire. En déclarant conforme à la constitution la proposition de loi référendaire "visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, le Conseil constitutionnel permet que soit effectivement engagée la procédure susceptible, peut-être, d'aboutir à un référendum.
Après le dépôt de la proposition parlementaire déposée par plus d'un cinquième des membres du parlement et son vote dans les conditions du droit commun, après la présente décision du Conseil intervenue un mois après sa saine, s'ouvre désormais la troisième étape vers le RIP. Ses promoteurs doivent désormais obtenir un nombre de signatures équivalent aux dixième du corps électoral. On évaluait ce seuil à 4 500 000 électeurs, mais le Conseil constitutionnel a fait les comptes, et il précise que c'est désormais 4 717 396 signatures qu'il convient de réunir.
La décision du Conseil frappe par sa concision : une seule page, et onze petits paragraphes. Il est vrai que la proposition de loi ne compte qu'un article unique. Les moyens d'inconstitutionnalité développés par le secrétaire général du gouvernement sont ainsi rapidement écartés.
Le Conseil affirme d'abord que la proposition de loi entre bien dans le champ de l'article 11 de la Constitution, qui énonce que peut être soumis à référendum tout projet de loi portant "sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics (...)". Pour le Conseil, le fait de qualifier ADP de "service public national" au sens du Préambule de 1946 se rattache clairement à la politique économique.
Le champ de l'article 11
Le Conseil affirme d'abord que la proposition de loi entre bien dans le champ de l'article 11 de la Constitution, qui énonce que peut être soumis à référendum tout projet de loi portant "sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics (...)". Pour le Conseil, le fait de qualifier ADP de "service public national" au sens du Préambule de 1946 se rattache clairement à la politique économique.
La décision relève du bon sens, et se trouve ainsi balayé l'argument du gouvernement qui estimait que la proposition de loi était dépourvue de caractère normatif, car elle se limitait à mentionner une catégorie constitutionnelle résultant directement des termes du Préambule. Une telle défense allait à l'encontre de l'ensemble de la jurisprudence du Conseil qui affirme que la qualification de "service public national" par la loi est effectivement susceptible de produire des effets juridiques. Dans sa décision du 30 novembre 2006, il déclare ainsi qu'il "appartient au législateur (...) de déterminer les activités qui doivent être ainsi qualifiées". Et cette qualification a notamment pour effet, entre autres, d'imposer l'intervention du législateur pour décider d'une éventuelle privatisation.
L'article 11 de la Constitution précise que "cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". Sur ce point, les services du premier ministre produisaient sur ce point un raisonnement juridique simple. La loi Pacte, décidant la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) avait été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, deux jours après le dépôt de la proposition de loi référendaire. Ils en déduisaient donc que le parlement s'était prononcé sur cette question, et que le recours au référendum était devenu impossible, le recours devant le Conseil constitutionnel étant, par ricochet, sans objet.
A l'appui de cet argument, ils invoquaient la disposition qui affirme que le référendum ne peut intervenir si le parlement s'est prononcé sur la proposition de loi dans un délai de six mois. Une telle analyse repose sur une double confusion. D'une part, le délai de six mois ne concerne que la loi proposant une référendum et pas celle que le référendum propose d'abroger ou de modifier. D'autre part, l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 affirme nettement que le point de départ de ce délai de six mois se trouve dans seconde décision du Conseil constitutionnel. Cas si le Conseil intervient une première fois pour apprécier la conformité à la Constitution de la proposition de référendum, il intervient une seconde fois pour proclamer les résultats de la consultation. Ce délai de six mois ne commence donc à courir qu'une fois que le nombre de signatures a été atteint.
Même s'il n'avait guère de chances de prospérer, ce moyen illustre tout de même une étrange démarche qui vise à permettre au Parlement de s'exonérer quand il le souhaite des normes qu'il a lui-même édictées. En clair, l'idée générale est que la loi s'impose à tout le monde, sauf à ceux qui la votent.
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne souhaite pénétrer dans des analyses complexes et difficilement lisibles par les citoyens. Ses normes de référence demeurent l'article 11 et la loi du 6 décembre 2013 et l'on distingue clairement sa volonté de ne pas être responsable de l'échec d'une procédure référendaire. On trouve dans cette décision récente des traces d'une jurisprudence bien ancienne, la célèbre décision du 6 novembre 1962 portant sur la loi référendaire relative à l'élection du président de la république au suffrage universel. Le Conseil se déclarait incompétent pour apprécier ces textes qui "constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". En l'espèce, le peuple ne s'est prononcé, et peut-être ne se prononcera-t-il jamais dans la mesure où la procédure du RIP est largement contrôlée par le parlement, mais au moins ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui empêchera l'exercice de la démocratie directe, quand bien même il déplairait à l'Exécutif.
"Le peuple souverain s'avance (...)". Le chant du départ.
Musique Etienne Nicolas Mehul, paroles Marie Joseph Chénier, 1794
Georges Thill et l'Orchestre de la Garde républicaine, 1931
L'absence de promulgation
L'article 11 de la Constitution précise que "cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". Sur ce point, les services du premier ministre produisaient sur ce point un raisonnement juridique simple. La loi Pacte, décidant la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) avait été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, deux jours après le dépôt de la proposition de loi référendaire. Ils en déduisaient donc que le parlement s'était prononcé sur cette question, et que le recours au référendum était devenu impossible, le recours devant le Conseil constitutionnel étant, par ricochet, sans objet.
A l'appui de cet argument, ils invoquaient la disposition qui affirme que le référendum ne peut intervenir si le parlement s'est prononcé sur la proposition de loi dans un délai de six mois. Une telle analyse repose sur une double confusion. D'une part, le délai de six mois ne concerne que la loi proposant une référendum et pas celle que le référendum propose d'abroger ou de modifier. D'autre part, l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 affirme nettement que le point de départ de ce délai de six mois se trouve dans seconde décision du Conseil constitutionnel. Cas si le Conseil intervient une première fois pour apprécier la conformité à la Constitution de la proposition de référendum, il intervient une seconde fois pour proclamer les résultats de la consultation. Ce délai de six mois ne commence donc à courir qu'une fois que le nombre de signatures a été atteint.
Même s'il n'avait guère de chances de prospérer, ce moyen illustre tout de même une étrange démarche qui vise à permettre au Parlement de s'exonérer quand il le souhaite des normes qu'il a lui-même édictées. En clair, l'idée générale est que la loi s'impose à tout le monde, sauf à ceux qui la votent.
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne souhaite pénétrer dans des analyses complexes et difficilement lisibles par les citoyens. Ses normes de référence demeurent l'article 11 et la loi du 6 décembre 2013 et l'on distingue clairement sa volonté de ne pas être responsable de l'échec d'une procédure référendaire. On trouve dans cette décision récente des traces d'une jurisprudence bien ancienne, la célèbre décision du 6 novembre 1962 portant sur la loi référendaire relative à l'élection du président de la république au suffrage universel. Le Conseil se déclarait incompétent pour apprécier ces textes qui "constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". En l'espèce, le peuple ne s'est prononcé, et peut-être ne se prononcera-t-il jamais dans la mesure où la procédure du RIP est largement contrôlée par le parlement, mais au moins ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui empêchera l'exercice de la démocratie directe, quand bien même il déplairait à l'Exécutif.
Une assemblée composée de membres nommés selon des considérations d'amitié politique ou de membres de droit anciens présidents de la République a-t-elle la légitimité nécessaire pour s'opposer à un projet de référendum ? La décision rendue le 9 mai 2019 présente l'avantage de ne pas avoir à se poser cette délicate question.
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