Une police spéciale des funérailles
Compétence liée et autorisation
Elle se trompe, car la compétence liée doit se lire en sens inverse : si le défunt entre dans l'une de ces catégories, la mairie est tenue d'autoriser l'inhumation. Un éventuel refus, illégal, engage d'ailleurs sa responsabilité (CAA Marseille, 9 février 2004). La seule exception à ce principe a été formulée dans la décision du Conseil d'Etat du 16 décembre 2016 refusant le renvoi d'une QPC portant précisément sur l'article L 2223-3 cgcl. Dans le cas du refus d'inhumation opposé par le maire de Mantes-la-Jolie à la famille de Larossi Abballa, terroriste ayant assassiné le couple de policiers de Magnanville, le Conseil d'Etat a considéré que la police spéciale des cimetières devait se concilier avec la police générale de l'ordre public. Autrement dit, il demeure possible de refuser l'inhumation, si le maire peut démontrer l'existence d'un risque de trouble à l'ordre public qu'il ne serait pas en mesure de gérer. Dans le cas de Larossi Abballa, la question s'est finalement réglée par un transfert du corps au Maroc, où il a été finalement inhumé.
La compétence liée ne contraint donc pas la commune à refuser le permis d'inhumer si le défunt n'entre dans aucune des catégories énumérées dans le code général des collectivités locales. Elle l'autorise seulement à prononcer ce refus, ce qui est bien différent. En témoigne la formulation employée par le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 16 novembre 1992. Il affirme que "la commune (...) n'avait aucune obligation d'autoriser l'inhumation de M. Sylvain X. dans le cimetière communal, dès lors que celui-ci n’y possédait pas de sépulture de famille, qu’il n’était pas décédé sur le territoire de la commune et n’y était pas domicilié au moment de son décès ». Le maire "n'avait aucune obligation d'autoriser", ce qui signifie qu'il n'était pas tenu de le faire, mais qu'il aurait pu le faire, en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Le site Vie Publique, "site officiel de l'administration française" affirme clairement que "l'inhumation est aussi possible dans une autre commune, mais le maire peut la refuser". Il est un peu fâcheux de constater que l'adjointe aux affaires funéraires connaisse aussi mal le droit funéraire.
L'égalité devant les discriminations
Les contentieux dans ce domaine ne sont pas fréquents, soit parce que les Français se font inhumer dans leur commune, soit parce que les élus sont moins intransigeants que madame Hidalgo. Rien ne lui interdisait d'autoriser finalement l'inhumation de Michel Déon dans un cimetière parisien.
A l'appui de son refus, la mairie de Paris invoque une atteinte au principe d'égalité. On comprend que le fait que Michel Déon ait été un écrivain à succès, membre de l'Académie, et revendiquant des convictions monarchistes, ne joue pas vraiment en sa faveur. Souvenons-nous cependant du cas de Maria-Francesca, ce bébé rom décédé à l'âge de trois mois, et que le maire de Champlan refusait d'inhumer dans le cimetière de sa commune. Comme Michel Déon, elle n'entrait dans aucune des catégories prévues par le code des collectivités territoriales. A l'époque, le refus du maire avait fait grand bruit, au point que le Défenseur des droits s'était saisi du dossier et avait déclaré la décision "illégale et discriminatoire". L'égalité invoquée par la mairie de Paris serait-elle, in fine, une égalité devant les discriminations ? Elle devrait plutôt réfléchir à l'idée que l'égalité devant la mort est bien réelle, car, comme le disait allègrement Henri Rochefort : "Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres". .
Il me semble que Michel Déon soit décédé 28 décembre 2016 et non 2017.
RépondreSupprimerVotre position semble pertinente mais serait parfaite si on avait une décision du Conseil d’État validant une sépulture "dérogatoire" contestée par un tiers.
RépondreSupprimerC'est surtout l'illustration que le principe d'égalité est asymétrique en droit français.
RépondreSupprimerOn peut attaquer et obtenir, sans de grosses difficultés, l'annulation les décisions qui le violent à votre détriment lorsque le comportement est normé...
On ne peut attaquer et obtenir une égalité de traitement si tout le monde à des passes droits (donc des décisions illégales) ou des faveurs (ie des décisions légales)... sauf vous !
Ce point est jugé n fois dans des histoires de permis de construire, de places en crèches, en HLM, d'autorisations d'inscriptions dérogatoires dans une université, de décorations ou, dans des temps plus anciens: de dérogations à la carte scolaire, de dispense de service national, etc.
Bref ce point faible juridique est le terreau fertile du clientélisme politique ! Le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient est c'est par choix volontaire que ce point est maintenu.
Seule limite: le droit communautaire (dixit la CJUE) mais le Conseil d'Etat a une lecture fort accommodante de cette exception :)