« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


dimanche 26 juin 2011

Les lectures de LLC : Alex Türk : "La vie privée en péril"

Le sénateur Alex Türk a publié "La vie privée en péril" au mois d'avril dernier, quelques semaines après qu'un amendement gouvernemental à la loi sur le Défenseur des droits ait posé un principe nouveau d'incompatibilité des fonctions de Président de la CNIL avec tout mandat électif. Le gouvernement n'était pas parvenu, comme il l'aurait souhaité, à diluer cette autorité un peu trop indépendante dans le nouveau Défenseur des droits. Il a néanmoins réussi, par cette incompatibilité, à provoquer le départ de celui qui incarnait cette dépendance depuis 2004.

Dans "La vie privée en péril", Alex Türk ne règle pas ses comptes, et récuse au contraire tout approche polémique. Il s'élève au dessus des problèmes conjoncturels, refuse de regarder en arrière, et se consacre à une analyse prospective. Il dresse un tableau d'une société dans laquelle les moyens de repérage des individus se mutiplient et se connectent les uns aux autres. Des "Smartphones" à la biométrie, en passant par la géolocalisation et la vidéosurveillance, toutes ces techniques concourent à un même objectif, le traçage de la personne, et un lent grignottage de notre vie privée.

Mais le combat pour la vie privée n'est il pas considéré comme un combat d'arrière garde dans une société dans laquelle celui qui n'est pas sur Facebook est désormais considéré comme un handicapé social, voire un délinquant en puissance, version modernisée du vieux principe "Rien-à-cacher-rien-à-se-reprocher" ? Il y a quarante ans, on prônait la transparence de l'Etat et on cherchait à protéger l'intimité des individus. Aujourd'hui, le schéma s'est inversé : on protège les secrets de l'Etat (souvenons nous des réactions des gouvernements aux divulgations de WikiLeaks..), et on détruit la vie privée des individus.

Certains imagineront peut être que le livre d'Alex Türk fait partie des ces œuvres nostalgiques, qui regrettent un âge d'or, celui du papier et de l'encre, l'époque antérieure à la révolution informatique. Il n'en est rien et il suggère au contraire de permettre à chacun de s'approprier ces nouvelles technologies, dans le respect des droits et libertés. Des moyens pédagogiques, techniques et juridiques sont envisagés pour faire des notions de "protection des données" et de "droit à l'oubli" les instruments d'une prise de conscience nouvelle. La CNIL a sur ce point un rôle essentiel, puisqu'elle s'efforce, depuis plus de trente ans, d'organiser un équilibre entre le développement d'une industrie nouvelle et les droits de la personne.

A l'individu passif, consommateur de nouvelles technologies, soumis à des principes posés par Mark Zuckerberg ou Larry Page, le sénateur Türk oppose le citoyen actif et informé, capable d'évaluer les dangers de ces technologies de la communication et de peser sur les conditions de leur développement, en un mot un citoyen doté de son libre arbitre. 

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