Honoré Daumier. L'avocat et sa cliente. |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
vendredi 9 novembre 2012
Le secret de la correspondance avec l'avocat
mardi 6 novembre 2012
L'Eglise et les libertés publiques, ou l'art de fulminer des bulles
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
La liberté de la presse
L'Eglise serait-elle plus tolérante à l'égard des libertés de l'homme en société, par exemple la liberté de la presse ? Après la Révolution de 1830, largement suscitée par la suspension de cette liberté, l'Eglise s'est penchée gravement sur la question. Dans une encyclique Mirari Vos du 15 août 1832, le Pape Grégoire XVI considère que le libéralisme est à l'origine des maux de l'Eglise, position qui révèle une large ouverture d'esprit. Quant à la malheureuse liberté de presse, elle est qualifiée de "liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur". Inutile d'ajouter qu'il faut aussi proscrire les " mauvais livres". Dès 1766, dans une analyse très personnelle de la philosophie des Lumières, Clément XIII publiait une lettre encyclique, affirmant qu'"il faut combattre avec courage (...) et exterminer de toutes ses forces le fléau de tant de livres funestes ; jamais on ne fera disparaître la matière de l'erreur, si les criminels éléments de la corruption ne périssent consumés par les flammes". Cette fois, c'est l'autodafé qui est légitimé, dès lors que la circulation des idées est, en soi, une hérésie.
Pedro Berruguete. Scène de la vie de Saint Dominique : autodafe de livres hérétiques. circa 1480 |
Le Syllabus, résumé des positions de l'Eglise
D'une façon générale, les positions de l'Eglise du XIXè siècle sont parfaitement résumées dans le célèbre Syllabus de 1864, publié par Pie IX, et dont on doit conseiller la lecture à tous les amis de la liberté. L'objet du texte est de dresser la liste "des principales erreurs de notre temps". Parmi celles-ci figurent évidemment des idéologies comme le socialisme ou le communisme, mais aussi le fait de refuser la soumission des lois civiles à l'autorité ecclésiastique, le refus du catholicisme comme religion d'Etat et, bien entendu, le refus d'admettre la supériorité du Pape sur l'Eglise nationale. Le Syllabus est donc, avant tout, l'affirmation de la doctrine ultramontaine.
Bien sûr, on objectera que ces exemples sont anciens, et que l'Eglise d'aujourd'hui a évolué vers davantage de libéralisme. N'a-t-elle pas fini par accepter la notion de droits de l'homme en 1963, avec l'encyclique "Pacem in Terris" de Jean XXIII qui se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'homme ? La notion de "droits de l'homme" a donc mis à peine deux siècles à s'implanter dans l'Eglise catholique.
La famille chrétienne
Aujourd'hui, les combats se sont déplacés vers les droits de la vie privée, car l'Eglise s'intéresse, avant tout, à notre vie conjugale, voire à notre vie sexuelle. Nul n'ignore que le divorce n'est toujours pas admis, dès lors que le mariage est un sacrement, un lien indissoluble qu'aucune loi civile ne peut dénouer. L'encyclique de Pie XI Casti Connubii, de 1930, affirme ainsi que "l'inébranlable indissolubilité conjugale est une source abondante d'honnêteté et de morale" reprenant sur ce point la doctrine énoncée par le Syllabus. Rien n'a changé depuis cette date, et l'exhortation apostolique de Jean Paul II, publiée en 1981, sans réellement excommunier les divorcés remariés, leur refuse toujours l'Eucharistie. Ils ne sont pas seuls dans leur cas, puisque les couples vivant sous le régime du PACS encourent la même sanction. Vivre dans le PACS, c'est vivre dans le péché.
On pourrait multiplier les exemples. Dans le domaine de la contraception, le cathéchisme de 2005 qui trouve son origine dans l'Encyclique Humanae Vitae de Paul VI (1968) n'autorise que "la continence périodique, les méthodes de régulation naturelles des naissances fondées sur l'auto-observation et le recours aux périodes infécondes". Seules ces méthodes, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles sont modérément fiables, sont conformes "aux critères objectifs de la moralité". La pilule est donc immorale. Il en est de même de l'IVG, dont l'Encyclique Evangelium Vitae, publiée par Jean Paul II en 1995, rappelle la condamnation. A ses yeux, le drame réside dans le fait que "ces attentats concernant la vie naissante (...) tendent à perdre, dans la conscience collective, leur caractère de "crime" et à prendre paradoxalement celui de "droit". Pour l'Eglise, l'avortement demeure un crime, et on se souvient qu'en 2009, très récemment, l'archevêque de Recife (Brésil) a excommunié la mère d'une fillette de neuf ans qui avait subi une IVG alors qu'elle était enceinte, à la suite d'un viol.
Le combat engagé par l'Eglise contre le mariage homosexuel n'est donc que le dernier épisode d'une lutte retardataire permanente. Après s'être opposée aux droits de l'homme, à la République, à la contraception, à l'IVG, au divorce et au PACS, l'Eglise s'oppose donc, logiquement, au mariage des homosexuels. Et tant pis pour les catholiques homosexuels, car il y en a de nombreux, qui doivent se sentir bien isolés dans leur foi, à l'écart de la communauté. Tant pis aussi pour les croyants, membres du Clergé ou laïcs, qui veulent vivre leur religion autrement, dans la tolérance et l'ouverture aux autres. En tout cas, on peut au moins louer l'institution religieuse qui sait faire preuve de rigueur et de persévérance. L'Eglise devrait pourtant se souvenir du mot de Victor Hugo : "La réaction est le nom politique de l'agonie".
lundi 5 novembre 2012
Transsexualisme et changement d'état civil
Le transsexualisme peut être défini comme un trouble de l'identité, le sentiment profond d'appartenir au sexe opposé malgré une conformation physique en rapport avec le sexe chromosomique. Le transsexuel se sent victime d'une insupportable erreur de la nature, qui l'empêche de parvenir à une cohérence entre son psychisme et son corps. Il a donc un besoin intense de changer à la fois de sexe et d'état civil.
Au-delà de cette définition, la situation réelle des transsexuels est bien mal connue. On estime généralement que le transsexualisme concerne environ 50 000 personnes dans notre pays, sans que ces chiffres trouvent leur origine dans des statistiques réellement fiables. La "dysphorie de genre" n'est plus considérée comme une maladie mentale, mais elle est assimilée à une affection de longue durée et les opérations de conversion sexuelle sont aujourd'hui prises en charge par la Sécurité sociale.
Le changement d'état civil avant la conversion physique ?
Dans sa décision du 8 janvier 2009 Schlumpf c. Suisse, la Cour européenne s'efforce déjà de dissocier l'approche physique du transsexualisme de son aspect psychologique. Elle sanctionne ainsi un régime d'assurance maladie trop rigide, qui imposait au demandeur un délai très long avant toute opération physique de conversion, sans tenir compte de sa situation psychologique.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans sa résolution 1728 du 29 avril 2010, appelle désormais les Etats membres "à ce que les documents officiels reflètent l'identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation" (...). A la suite de cette résolution, l'Allemagne, la Suède, l'Espagne et la Suisse ont adopté des règles nouvelles mettant fin à l'exigence d'interventions chirurgicales de conversion sexuelle comme préalable de la reconnaissance judiciaire du changement de sexe.
En France, une proposition de loi a été déposée par Madame Michèle Delaunay (PS, Puy de Dôme) et soixante-treize parlementaires socialistes le 23 décembre 2011 sur le bureau de l'Assemblée Nationale. Elle vise précisément à dissocier le changement d'état civil du parcours médical qu'impose la conversion sexuelle. Il est vrai qu'elle n'est guère satisfaisante, dans la mesure où elle impose seulement l'attestation de trois témoins choisis par l'intéressé pour fonder la demande de changement d'état civil. Rien ne permet donc de prouver réellement la situation psychologique du demandeur, et peut être serait il plus judicieux d'exiger un certificat médical attestant de la "dysphorie de genre" dont il souffre ? Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi a le mérite d'exister, et il suffirait de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée pour ouvrir le débat. Sans y être juridiquement obligé, le droit français pourrait ainsi s'inspirer des recommandations du Conseil de l'Europe.
mardi 30 octobre 2012
La constitutionnalité de la réquisition des logements vacants
Une pratique ancienne
La disposition qui serait alors contestée est l'ordonnance du 11 octobre 1945, aujourd'hui codifiée par l'article L 641-1 du code de la construction et de l'habitation. Ce texte autorise le préfet, à la demande du service municipal du logement et après avis du maire, à procéder à la réquisition de logements vacants pour une durée d'un an renouvelable, en vue de les attribuer aux sans-logis. Ce texte a largement été utilisé, d'abord en 1945 après son adoption, lorsque le pays était confronté à la pénurie de logements, conséquence des destructions de la seconde guerre mondiale. Plus tard, la réquisition a de nouveau été utilisée, assez largement, durant la crise du logement des années soixante. Enfin, en 1995, après différents actions menées par l'association DAL, le gouvernement a réquisitionné 1200 logements vacants appartenant à des banques et compagnies d'assurance. Il est vrai que, dans ce dernier cas, l'action était surtout symbolique.
Aujourd'hui, la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions vise plus directement les réquisitions de biens des investisseurs institutionnels. Dans leur cas, elle autorise des réquisitions qui peuvent s'étaler sur douze années, lorsque les logements sont vacants depuis plus de dix huit mois et nécessitent de gros travaux de remise en état.
Il est vrai que la constitutionnalité de l'article L 641-1 du code de la construction n'a jamais fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. Ce dernier n'existait pas en 1945, et la QPC n'était pas ouverte aux propriétaires qui s'estimaient lésés par une telle mesure en 1960 ou en 1995. Il ne fait donc aucun doute qu'un recours contre des décisions de réquisitions actuelles pourraient donner l'occasion d'un contrôle de constitutionnalité.
Utrillo. Maison de banlieue. 1911 |
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 accorde certes une grande importance au droit de propriété, qualifié de "naturel et imprescriptible" par l'article 2 et d'"inviolable et sacré" par l'article 17. La célèbre décision du 16 janvier 1982 rendue par le Conseil, à propos de la loi de nationalisation, affirme que ces dispositions de la Déclaration de 1789 ont "pleine valeur constitutionnelle (...) en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique, et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression". L'article 544 du code civil ne fait que confirmer cette approche "absolutiste", en définissant le droit de propriété comme "le droit de jouir et disposer des choses de la façon la plus absolue".
Le droit positif, et plus particulièrement le droit constitutionnel, n'a pas abandonné cette conception qui assimile le droit de propriété à l'exercice d'une véritable souveraineté sur une chose. Dans une décision du 30 septembre 2011, consorts M. et a., rendue sur QPC, le Conseil constitutionnel s'est ainsi prononcé sur les dispositions mêmes de l'article 544 du code civil. Saisi précisément par des associations militant pour le droit au logement, il a réaffirmé le droit du propriétaire de s'adresser au juge pour expulser les occupants sans titre d'un bien immobilier. Le droit de propriété implique donc, non seulement le droit de jouir de son bien, mais encore celui d'exclure les tiers de la jouissance de celui-ci.
Si l'on s'en tenait à ces définitions du droit de propriété, on pourrait certes considérer que la QPC dirigée contre la procédure de réquisition de logements vacants a quelques chances de prospérer. La réquisition ne consiste-t-elle pas à priver un propriétaire de l'exercice de son droit de propriété ? L'atteinte concerne d'ailleurs aussi bien l'usus, défini comme le droit de jouir de son bien, que le fructus, celui d'en percevoir les fruits et enfin l'abusus, celui d'en disposer.
L'analyse est cependant beaucoup trop simple, car la définition absolutiste du droit propriété, perçu comme un fondement de la société libérale, s'accompagne d'un régime juridique beaucoup plus souple, qui admet de nombreuses restrictions à son exercice.
"Nécessité publique" et restrictions au droit de propriété
Ces limitations au droit de propriété figurent déjà dans le même article 17 de la Déclaration de 1789. Il admet qu'il peut être porté atteinte au droit de propriété en cas de "nécessité publique légalement constatée et sous la condition d'une juste et préalable indemnité". Quant à l'article 544 du code civil, il consacre certes le droit de jouir de son bien, mais sous la réserve de ne pas en faire "un usage prohibé par les lois ou les règlements." Dans sa décision du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel confirme ainsi que le législateur peut apporter des limites à l'exercice du droit de propriété, à la condition qu'elles soient "justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi".
Une étude historique du droit de propriété montrerait que ses restrictions sont devenues de plus en plus importantes. Le Conseil constitutionnel reconnaît, dans sa décision du 25 juillet 1989, que "les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée (...) par des limitations exigées au nom de l'intérêt général". En l'espèce, on imagine mal le Conseil constitutionnel ne pas reconnaître le logement des sans-abri comme une préoccupation d'intérêt général.
Quant au contrôle de proportionnalité, il consiste, pour le Conseil, à apprécier la "nécessité publique" de la réquisition. Observons cependant que la Déclaration de 1789 précise que cette "nécessité publique" doit être "légalement constatée". Il appartient donc au législateur de définir quel intérêt général justifie une atteinte au droit de propriété. Il y a donc de fortes chances que le Conseil estime qu'il n'a pas, sur ce point, à se substituer au parlement.
Reste que toute atteinte au droit de propriété doit s'accompagner d'une "juste et préalable indemnité" (art. 17 DDHC). Et le Conseil constitutionnel se montre exigeant sur ce point, puisque, à ses yeux, une indemnité est "juste", lorsqu'elle couvre l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain. Autrement dit, la collectivité qui décide d'une réquisition un logement vacant doit non seulement le remettre en état à ses frais, mais encore payer au propriétaire une indemnité égale au versement d'un loyer auquel s'ajoute encore l'indemnisation du dommage causé par l'immobilisation du bien.
Le coût de l'opération
La question posée est donc celle de la procédure utilisée pour garantir le droit au logement. La réquisition a la préférence des associations, pour des raisons d'ordre symbolique. Ne s'agit il pas, au moins en théorie, de "faire payer les riches", ceux qui ont des biens immobiliers vacants ? L'expropriation, en revanche, n'est guère envisagée. Et pourtant, elle permettrait aux collectivités publiques d'accroître, de manière pérenne, le parc de logements sociaux, à un coût sans doute pas beaucoup plus élevé que des réquisitions qui imposent des indemnisations coûteuses pour les deniers publics, et qui se traduisent finalement, par un retour du bien à son propriétaire.
dimanche 28 octobre 2012
L'IVG, entre droit de la femme et prestation
La nouvelle loi de financement de la sécurité sociale ne modifie cependant en rien la pratique de l'IVG. La loi du du 31 décembre 1982 avait en effet déjà posé le principe d'une prise en charge de l'IVG par la collectivité. La loi actuellement débattue ne fait donc qu'élargir cette prise en charge qui était déjà de 100 % pour les mineures, de 70 % pour les interventions réalisées en ville, et de 80 % pour celles effectuées en milieu hospitalier.
Un droit de la femme
Ce texte peut sans doute être présenté comme le point d'aboutissement d'une évolution qui rattache l'IVG à la liberté individuelle de la femme concernée. En 1974, la loi Veil envisageait l'interruption de grossesse comme une simple tolérance, un moyen de lutte contre les avortements illégaux mettant en danger la santé, et même la vie, des femmes. A cette même époque, en 1973, la Cour Suprême a rattaché l'IVG à la vie privée, avec l'arrêt Roe v. Wade rendu par la Cour suprême en 1973.
Peu à peu, le droit français a évolué, avec notamment la décision du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001. Il estime en effet que la loi du 4 juillet 2001 qui allonge à douze semaines le délai pendant lequel la grossesse peut être interrompue "n'a pas rompu l'équilibre (...) entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen". L'IVG se trouve ainsi rattachée à la liberté de la femme, c'est à dire à la liberté individuelle.
La jurisprudence des juges du fond n'a fait que confirmer cette évolution. Elle considère que la "situation de détresse" susceptible de justifier l'IVG non thérapeutique est appréciée par la femme elle-même. Certes, l'article L 162-4 du code de la santé publique énonce que "chaque fois que cela est possible, le couple participe à la consultation et à la décision à prendre", mais cette disposition est dépourvue de toute sanction juridique. Le Conseil d'Etat a, au contraire, précisé que ce texte "n'a ni pour objet, ni pour effet, de priver la femme majeure du droit d'apprécier elle même si sa situation justifie l'interruption de grossesse". En d'autres termes, l'IVG est un droit exclusif de la femme, et même de la femme mineure qui peut se passer de l'autorisation parentale, à la condition toutefois qu'elle soit accompagnée, dans sa démarche, d'une "personne majeure de son choix" (art. L 2212-7 et s. csp).
Maternité. Albert Gleizes. 1920 |
L'élargissement de la prise en charge de cette intervention par la collectivité publique révèle une évolution vers un droit de prestation, un passage discret mais réel du droit individuel vers le droit social. On peut évidemment le comprendre, dès lors que cette prestation a pour finalité de garantir l'effectivité du libre choix de la femme. Un coût trop élevé de l'intervention porterait en effet une atteinte très grave au principe d'égalité et à l'exercice concret de ce libre choix.
Il n'en demeure pas moins que la gratuité totale peut aussi avoir comme effet pervers une certaine banalisation de l'IVG, comme si l'interruption d'une grossesse constituait une alternative à sa prévention. Cette crainte n'est pas seulement formulée par les opposants de l'IVG mais aussi par ceux là mêmes qui en sont les partisans les plus convaincus. Madame Veil affirmait déjà, en 1974, que l'IVG devait "rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue". Or, depuis cette date, les études de l'INED montrent que le nombre d'IVG n'a pas baissé, et demeure de l'ordre de 200 000 par an.
Cette situation est évidemment préoccupante, car elle montre que la généralisation de la contraception (82 % des femmes l'utilisent) n'entraîne pas une diminution des interruptions de grossesse. Au demeurant, l'analyse fine de ces statistiques pourrait apporter une meilleure connaissance de celles qui décident d'interrompre leur grossesse pour des motifs non thérapeutiques. Peut être serait-il alors possible de mettre en oeuvre une prise en charge proportionnée à leurs ressources ?
Comment garantir le droit à la maternité choisie ?
Nul doute que cette situation devrait, en tout cas, susciter une réflexion sur les meilleurs moyens de garantir le "droit à la maternité choisie", et il conviendrait sans doute de dissocier les régimes juridiques de la contraception et de l'IVG. La maternité choisie est d'abord le contrôle des naissances et il serait peut être opportun de privilégier la contraception, de garantir sa gratuité totale, surtout pour les mineures. L'IVG n'est qu'un "ultime recours", pour reprendre la formule de madame Veil, et la question la plus importante n'est sans doute pas celle de sa gratuité, mais celle des moyens à mettre en oeuvre pour développer d'autres moyens, moins traumatisants, de garantir le droit des femmes à contrôler les naissances.
vendredi 26 octobre 2012
Asile et examen particulier du dossier
Bertillon. Classement des empreintes digitales. 1903 |