Ah , Meuf, si tu étais un homme, ou de ces femmes que la virilité fascine, tu aimerais le ballet de mort offert à la bête, tu vibrerais avec la foule au spectacle de cette agonie savamment mise en scène, de cette cruauté si humaine, par le Bouton Vert ! Tu souhaiterais retarder le moment où elle sera arrêtée, prolonger ce coeur battant à coups redoublés, cette douleur exquise qui console tant de minables de leur impuissance, leur assure par procuration je ne sais quelle grandeur d'artifice - ils ont une boule dans la gorge -, les persuade, pour un instant, pour un instant seulement, qu'ils sont dignes d'être les grands prêtres du sacrifice.
Oublierais-tu, Meuf, que l'on ne peut plus brûler les cathares, exterminer les protestants, que même ratonnades et pogroms sont mal vus ? Voudrais-tu priver l'humanité souffrante, qui en Europe n'a même plus la ressource des génocides, de cet exutoire réconfortant ? Oui, la mort du taureau, son cadavre traîné dans la poussière, nous rend plus forts, réveille en nous quelque rêve de gloire sans péril. Barbare du Nord, tu ne saisis pas la splendeur antique des rituels de torture et de mise à mort, tu ne comprends rien à la civilisation méditerranéenne, qui a tant donné au monde - les gladiateurs, les crucifix, les décimations, le passage au fil de l'épée des femmes et des enfants ! Enfant, va ! Je te pardonne, parce que je sens que tu n'aimes pas davantage la chasse, quand l'oiseau qui vole et s'enivre d'air pur s'abat, foudroyé par le tir de quelque embusqué bien imbibé de bibine.
Je vais te dire, Meuf, paskensomme Je t'aime bien, entre nous il y a une rupture épistémologique, une incompatibilité paradigmatique. Alors, un conseil : Laisse picadors, toreadors, matadors et autres aficionados à leurs massacres avec la bénédiction des Grands Juges, ou Grands Prêtres, hautes consciences de la Constitution de la République, et que l'on continue à martyriser les animaux en son Nom.
Le Nouvel Elan
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