C'est une des ces lois "favorisant" cet égal accès des hommes et des femmes qui fait l'objet d'une QPC initiée par la Conférence des Présidents d'Université (CPU). Celle-ci a engagé un recours pour excès de pouvoir contre le décret du 7 juillet 2014 appliquant la loi du 22 juillet 2013. C'est à l'occasion de ce recours que la QPC a été posée et renvoyée au Conseil constitutionnel par une décision du Conseil d'Etat du 13 février 2015.
Le tri entre les élus
Ce tri n'est pas sans conséquences. Des enseignants-chercheurs élus par leurs pairs, sur le fondement de dispositions législatives, se voient en effet privés du droit d'exercer leur mandat par une simple décision individuelle fondée sur un décret. On peut comprendre que les Présidents d'Université n'aient pas été emballés à l'idée d'appliquer une telle réglementation.
Le principe de non-discrimination
L'incompétence négative
Le Conseil constitutionnel ne s'attarde guère sur les deux premiers : l'atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs, affirmée par le Conseil en 1984 pour les professeurs et en 2010 pour les maîtres de conférence, et le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail énoncé par l'alinéa 8 du Préambule de 1946. Le premier est écarté en une phrase, qui affirme que l'indépendance des enseignants-chercheurs signifie seulement qu'ils ont le droit d'être associés aux décisions concernant leurs pairs. C'est le cas en l'espèce, même si certains sont exclus de l'instance de décision. Quant au principe de participation, il n'est pas même mentionné.
L'incompétence négative est donc rejetée, ce qui n'a d'ailleurs rien de surprenant. Dans sa décision du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel avait déjà admis le renvoi au pouvoir réglementaire du choix des modalités de tirage au sort destinées à assurer le respect du principe de parité au sein du Haut Conseil des finances publiques.
Le principe d'égalité
On peut regretter que le Conseil constitutionnel n'ait pas cru bon de reprendre à son compte une jurisprudence qui aurait permis de mettre en oeuvre un véritable principe d'égalité devant la loi au lieu d'aboutir à une situation juridique où l'action positive en faveur des uns, ou des unes, conduit à la discrimination des autres. Dans sa décision du 24 avril 2015, le Conseil constitutionnel se borne pourtant à affirmer que le législateur a entendu opérer une conciliation entre le principe d'égalité des sexes et celui d'égalité devant la loi, dès lors qu'il prévoit un Conseil académique "à géométrie variable" selon que les enseignants-chercheurs participent ou non à la formation restreinte.
Certains, et ils sont nombreux, n'hésiteront pas à affirmer que cette décision constitue une grande victoire du mouvement féministe, dès lors que le Conseil constitutionnel semble admettre que l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes à certaines fonctions permet, dans certains cas, d'écarter le principe d'égalité devant la loi. Ce n'est pas si simple, et le sort fait à la tierce intervention de quinze universitaires permet au Conseil de marquer les limites du principe de parité.
La tierce intervention et la parité
Les intervenants invoquaient l'inconstitutionnalité de l'article L 712-6-1 § 4 du code de l'éducation, pour des motifs opposés à ceux développés par la CPU. Alors que la première estimait que la loi portait une atteinte excessive au principe d'égalité devant la loi, les seconds estimaient qu'elle n'était pas allée assez loin. En effet, la parité stricte est imposée pour la formation restreinte gérant les carrières des maîtres de conférence, mais pas pour celle gérant les carrières des professeurs.
Cette tierce intervention n'avait guère de chance de prospérer. Elle pouvait être écartée sur le seul fondement du principe d'égalité, mais le Conseil constitutionnel est allé au-delà et a pris soin de marquer les limites du principes de parité, bloquant ainsi toute évolution jurisprudentielle dans ce domaine.
C'était le seul argument juridique et il a, bien entendu, été rejeté par le Conseil constitutionnel. Conformément à sa jurisprudence la plus traditionnelle, il affirme que le législateur a tout à fait le droit de traiter de manière différente des personnes dans une situation juridique différente. Or, il ne fait guère de doute que les professeurs et les maîtres de conférence n'appartiennent pas au même corps.
Surtout, les intervenants estimaient que l'ensemble des droits et libertés que garantit la Constitution doivent être appréciés à l'aune de l'"objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales". De manière très sèche, le Conseil constitutionnel répond que "l'objectif de parité prévu par le second alinéa de l'article 1er de la Constitution ne constitue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit et n'est donc pas invocable à l'appui d'une QPC". La parité est donc un "objectif" auquel on peut parvenir par différents moyens, et particulièrement l'égalité devant la loi. Ce n'est pas un droit de valeur constitutionnelle dont chacun ou chacune puisse se prévaloir.
D'une certaine manière, cette intervention a donc le résultat inverse de celui escompté. Au lieu de renforcer le principe de parité en lui conférant valeur constitutionnelle, il l'affaiblit en montrant qu'il ne s'agit que d'un objectif, un but atteindre. On pouvait évidemment s'y attendre dès lors que le constituant affirme que la loi "favorise" l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions publiques. Elle ne l'"assure" pas, elle ne l'"impose" pas, et les travaux préparatoires à la révision de 2008 montrent que ce terme a été très soigneusement choisi.
Le résultat est que la loi de 2013 peut désormais être modifiée par une autre loi. Ce sera peut-être à l'occasion de l'une ou l'autre des réformes universitaires dont le seul but est d'imposer aux Universités des contraintes toujours plus nombreuses, contraintes qui n'ont pas grand-chose à voir avec un principe d'autonomie pourtant largement proclamé. Et cette fois, le Conseil constitutionnel sera lié par sa propre jurisprudence qui laisse finalement au législateur le soin de définir lui-même le contenu du principe de parité. Les recours purement idéologiques ont quelquefois des effets pervers.
Avez vous une objection à étendre la parité sur le plan politique (gauche/droite) dans l'audiovisuel d'état ?
RépondreSupprimerSubsidiairement y-a-t-il d'autres parités envisageables ?