Le tribunal administratif a rendu, le 14 juin 2012, un jugement largement médiatisé refusant l'accès aux origines d'une personne née d'une insémination avec donneur (IAD), en l'occurrence un don de sperme. La requérante, née d'une IAD, de même que son frère, demandait au Centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) la communication de différentes informations relatives à son père biologique. L'examen de sa requête révèle sur ce point l'existence de deux revendications bien distinctes.
Deux demandes distinctes
La première vise la communication d'informations non identifiantes portant sur les antécédents médicaux du donneur, les raisons du don, et la question de savoir si le frère de la requérante est issue du même donneur. La seconde demande au tribunal d'enjoindre au CECOS de lui communiquer le nom du donneur de gamètes, sous réserve d'avoir recueilli son accord quant à la divulgation de cette filiation. Sur ce point, la requérante demande l'extension de la procédure organisée par la loi du 22 janvier 2002 pour permettre aux enfants nés sous X d'accéder à leurs origines, et de connaître leur mère, si elle le souhaite.
A chacune de ces deux demandes, le tribunal administrative oppose une fin de non-recevoir. Ce rejet lui permet d'ailleurs d'écarter la demande d'indemnisation formulée par la requérante, qui évaluait le dommage subi par l'ignorance de son origine génétique à 100 000 €.
Anonymat du donneur
Sur le fond, la décision n'est pas surprenante. L'article 16 al. 8 du code civil énonce en effet, qu'"aucune information permettant d'identifier celui qui a fait don d'un élément de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du donneur, ni le receveur celle du donneur". Ce principe ne connaît qu'une seule exception, lorsque des nécessités thérapeutiques, par exemple l'existence d'une maladie génétique, rendent indispensable la connaissance de l'origine biologique (art. 1244-6 cps).
S'appuyant sur ce principe, d'ailleurs repris par l'article 1211-5 du code de la santé publique, le tribunal estime donc que la communication à la requérante de toute information sur son père génétique porterait atteinte à un secret protégé par la loi. De la même manière, la loi de 2002 sur l'accès aux origines ne concerne que les enfants nés sous X et aucun cas ceux issus d'un don de gamètes.
Cet anonymat du donneur ne repose pas seulement sur sur le principe éthique qui veut que les produits du corps humain ne peuvent être prélevés que par un don anonyme et gratuit. Il s'agit aussi, plus concrètement, d'assurer la protection juridique du donneur, et la pérennité des techniques d'assistance médicale à la procréation.
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Thésée reconnu par son père |
La protection du donneur
Si l’identité du donneur pouvait
être connue de l’enfant, nul doute que l’action visant à établir sa filiation
réelle aurait toutes chances d’aboutir dès lors que, par hypothèse, son père
légal n’est pas son père biologique. Une telle possibilité aurait pour
conséquence de dissuader les donneurs de gamètes, peu désireux d’être ensuite
l’objet d’une action en reconnaissance de paternité. Le Code
civil les a mis à l’abri par son article 311-19, qui énonce que le consentement
du couple receveur à une procréation médicalement assistée a pour effet
d’interdire toute action en contestation de filiation. L'anonymat constitue l'instrument essentiel de l'effectivité de cette règle.
La protection de l'assistance médicale à la procréation
En protégeant l'anonymat du don, c'est l'assistance médicale à la procréation elle-même qui se trouve protégée. Imaginons un instant, en effet, un donneur de sperme qui, vingt ou trente ans après son don, se trouve sollicité par un ou plusieurs enfants nés de ses gamètes. Cette intervention serait très probablement vécue comme une intrusion, car le donneur a entendu faire un geste altruiste, aider un couple à devenir parents. Il n'a pas souhaité devenir lui même le père de l'enfant à naitre. Toute levée de l'anonymat risquerait donc tout simplement de faire disparaître le don de gamètes, par crainte de ses éventuelles conséquences, à long terme. Plus grave, elle conduirait aussi à privilégier une conception finalement très archaïque de la paternité, faisant prévaloir le lien biologique sur le lien social.
Votre article commence bien en rappelant que deux demandes bien distinctes étaient formulées mais vous oubliez d´en tirer des enseignements distincts.
RépondreSupprimerIl est parfaitement inexact de dire que l´effectivité des dispositions de l´article 311-19 du Code civil n´est garantie que par l´anonymat du donneur. C´est même tout le contraire. Cet article prévoit notamment qu´aucun lien de filiation ne peut être établi entre un donneur et une personne issue de son don. Or, si personne ne sait qui est le donneur de cette personne, on peut très bien imaginer qu´un juge (qui ignore également cette information) reconnaisse l´etablissement d´un lien de filiation entre un enfant et son donneur. Une telle situation n´arriverait si le donneur et l´enfant savaient ce qu´ils sont l´un pour l´autre car l´article 311-19 du Code civil pourrait alors s´appliquer.
Enfin, votre allusion à une éventuelle baisse des dons est inappropriée: visiblement vous n´avez pas compris ce que vous avez pourtant rappelé: la requérante demandait que son donneur soit interrogé pour savoir s´il souhaitait ou non rester anonyme. Cela signifie qu´il avait la possibilité de choisir de rester anonyme. On aurait ainsi pris en compte la voix du donneur, qui, pour l´instant, est totalement occultée (notamment de ceux qui ont donné il y à plus de 30 ans et qui sont prêts à se faire connaître et ils sont nombreux). Pourquoi penser qu´en introduisant un mécanisme permettant de respecter la volonté des donneurs, cela les ferait fuir?
Vous avez décidément une curieuse façon de raisonner. A moins que le tabou qui entoure ces questions ne vous empêche tout simplement de raisonner