Le Conseil constitutionnel
Par une sorte d'effet de domino, cette question en entraine une autre, celle de l'articulation entre la décision du Conseil sur le RIP et son éventuelle décision sur la loi Pacte. S'il est saisi de ce texte, il n'est pas impossible qu'il puisse considérer que le transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris est inconstitutionnel, par exemple parce que ces infrastructures constituent un monopole de fait au sens de l'alinéa 9 du Préambule de 1946. Mais dans quel ordre seraient rendues les deux décisions ? Si la décision sur la loi loi Pacte intervient en premier et annule la privatisation d'ADP, celle sur le RIP devient sans objet. A l'inverse, si la décision RIP intervient en premier et qu'elle déclare le référendum conforme à l'article 11, le Conseil devra-t-il se sentir lié lorsqu'il sera appelé à statuer sur la loi Pacte ?
Enfin, un dernier problème se pose, dans la mesure où l'article 11 de la Constitution affirme clairement qu'un RIP "ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". La question posée est celle de savoir à compter de quelle date s'apprécie ce délai. S'il s'agit de la date du dépôt de la proposition de RIP, il est clair que la loi Pacte n'est pas encore promulguée et que rien n'empêche la poursuite de la procédure. S'il s'agit de la date supposée du référendum, il est plus que probable que la loi Pacte sera alors promulguée depuis moins d'un an, interdisant le RIP. Le Conseil devra sans doute se prononcer sur ce point.
Supposons tout de même, et c'est très possible, que le Conseil constitutionnel déclare la proposition conforme à l'article 11 de la Constitution, les épreuves seront loin d'être terminées.
Le soutien populaire
Les inititeurs du RIP devront ensuite obtenir un soutien populaire exprimé par le dixième du corps électoral, soit environ 4 500 000 signatures déposées sur un site internet spécialement affecté à cette procédure. Théoriquement, il existe déjà, puisque sa création a été prévue par un décret du 11 décembre 2014. Observons tout de même que ce seuil de 4 500 000 signatures est considérable, même si leur recueil s'étale sur neuf mois. Lors des débats sur le mariage pour tous, on se souvient que ses opposants étaient très fiers de remettre au Conseil économique, social et environnemental une pétition réunissant 690 000 signatures.
Le veto parlementaire
Si le RIP peut être initié par une minorité de parlementaires, il n'en demeure pas moins que la majorité parlementaire conserve un véritable veto. En effet, une fois obtenues les signatures nécessaires, la proposition de loi revient au Parlement, et chacune des assemblées doit l'examiner, soit en l'adoptant, soit en la rejetant. Dans l'hypothèse où la proposition n'a pas été examinée dans un délai de six par chaque assemblée, le Président de la République doit la soumettre à référendum. De cette procédure, on peut donc déduire qu'il suffit qu'il suffit que l'une des assemblées émette un vote hostile à la proposition dans ce délai de six mois pour qu'elle soit purement et simplement enterrée. Or nul n'ignore que La République en Marche dispose d'une majorité suffisamment confortable pour empêcher le référendum.
Bien entendu, l'analyse juridique doit être tempérée par les choix politiques. Il n'est pas impossible que le Président de la République estime qu'il n'a pas intérêt à apparaître comme le fossoyeur du projet et choisisse de laisser le référendum se dérouler. Il aura alors à faire campagne en mettant l'accent sur l'étrange alliance nouée entre des oppositions qui n'ont rien en commun, en espérant obtenir un résultat négatif qui serait pour lui une victoire politique. D'ici là, il se sera passé quinze ou seize mois.
Le plus intéressant dans cette procédure réside peut être dans le fait qu'elle permet de prendre conscience des difficultés auxquelles se heurte toute proposition de RIP. Cette procédure a été présentée comme "rendant la parole au peuple", alors qu'elle est contrôlée du début jusqu'à la fin par le parlement. Celui-ci n'a t il pas le monopole de l'initiative, et la possibilité de bloquer finalement un référendum en faveur duquel plus de quatre millions d'électeurs se sont prononcées ? Il ne fait guère de doute que les partisans du référendum d'initiative populaire se sont sentis floués par cette procédure et que, dans une certaine mesure, la revendication en faveur du référendum d'initiative citoyenne (RIC) est le résultat de cette frustration. Au moment où le RIC est au coeur des débats, il serait tout de même amusant de voir un premier RIP arriver à son terme.