« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 30 août 2019

Révision constitutionnelle : Où est le "renouveau de la vie démocratique" ?

La révision constitutionnelle "pour un renouveau de la vie démocratique" s'analyse juridiquement comme un paquet comportant trois textes, un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire. L'ensemble a été déposé à l'Assemblée nationale le 29 août 2019. Le même jour, le gouvernement a rendu public l'avis du Conseil d'Etat sur les deux projets de loi, organique et ordinaire. Celui sur le projet de loi constitutionnelle avait, quant à lui, été diffusé dès le 20 juin 2019.

Ce choix d'un paquet témoigne sans doute d'une volonté de mener à bien rapidement la réforme des institutions, mais il est aussi source de complexité. L'articulation entre les textes n'est pas évidente, et le lecteur peut être surpris de s'apercevoir que les réformes les plus essentielles, en particulier la réduction du nombre des parlementaires, figurent non pas dans la loi constitutionnelle mais dans la loi organique.

Le débat parlementaire n'est pas encore commencé, et il est aujourd'hui bien difficile de prévoir ce que deviendra cette réforme. Pour le moment, le paquet constitutionnel reflète surtout la volonté réformatrice du Président de la République et du gouvernement, volonté parfois tempérée par le réalisme du Conseil d'Etat. On y retrouve nombre de dispositions figurant déjà dans le premier projet de 2018, dont la discussion avait été abandonnée à la suite de l'affaire Benalla.

Il est évidemment impossible, dans le cadre limité d'un blog, de faire une analyse exhaustive de cet ensemble. On se limitera à étudier les dispositions qui touchent directement aux libertés publiques, et à mettre en évidence les axes essentiels de la réforme, ceux-là mêmes qui sont susceptibles de provoquer les débats les plus vifs, tant au parlement que dans l'opinion.


L'environnement



Certains reprocheront sans doute au projet d'enterrer l'environnement. Le texte original soumis au Conseil d'Etat prévoyait d'inscrire au premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : "La France agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques". Le Conseil d'Etat n'a pas montré d'enthousiasme excessif à l'égard de cette disposition, faisant observer que "l’article 1er de la Constitution n’a pas, en principe, vocation à accueillir l’énoncé de politiques publiques". Il reconnaît toutefois que le "caractère prioritaire de la cause environnementale" peut justifier une dérogation.

En revanche, la rédaction a suscité des réserves plus profondes. L'emploi du verbe "agir" lui a semblé dangereux, dans la mesure où il impose une obligation d'agir à l'Etat, tant au plan interne qu'international. Il risque donc d'avoir des conséquences tout-à-fait imprévisibles, la responsabilité de l'Etat risquant d'être engagée dès qu'il serait accusé d'inaction. Il a donc suggéré une autre rédaction : "La France favorise la préservation de l’environnement, la diversité biologique et l’action contre les changements climatiques". Le verbe "favoriser" implique un engagement pour la cause environnementale et son intégration dans les politiques publiques, sans pour autant engager directement la responsabilité de l'Etat.

Cette nouvelle rédaction est celle qui figure dans l'article 1er du projet de révision constitutionnelle. A dire vrai, n'ajoute rien au cadre constitutionnel du droit de l'environnement. L'article 34 de la Constitution confie déjà à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux de sa préservation. La Charte de l'environnement, intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, affirme en même temps que  « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». La nouvelle rédaction de l'article 1er est donc sans conséquences juridiques, et n'a sans doute pas d'autre objet que de donner satisfaction à un mouvement écologiste de plus en plus actif.

Reste qu'il serait tout de même nécessaire que l'Exécutif relise ses projets avant de les transmettre au parlement. La rédaction choisie dans l'article 1er n'est, en effet, pas identique à celle annoncée dans l'exposé des motifs. Celui-ci énonce en effet, dans une sorte de cote mal taillée, que la France "favorise la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et agit contre les changements climatiques". En principe, les parlementaires seront toutefois invités à débattre du texte de la loi et non pas de l'exposé des motifs.

Affiche, circa 1930

Le référendum  



La manière dont est traitée la question du référendum relève de l'exercice de rhétorique. Il s'agit d'affirmer un attachement au référendum, instrument de démocratie directe qui était au coeur des revendications des Gilets jaunes. Mais en même temps, car il y a toujours un "en même temps", le projet révèle une grande méfiance à l'égard de la démocratie directe, une recherche constante de faire en sorte que le référendum n'existe que "sur le papier".

Le champ du référendum de l'article 11 est élargi aux "pouvoirs publics territoriaux" et aux "questions de société". La première mention est purement redondante car l'article 11 mentionnait déjà les "pouvoirs publics" et il était facile d'en déduire que les pouvoirs locaux en faisaient partie. La référence aux "questions de société" manque, quant à elle, de précision. D'ores et déjà, l'exposé des motifs semble craindre une interprétation trop large. Il précise donc que ces "questions de société n'incluent pas les matières fiscale et pénale". Les motifs de ce refus sont pour le moins embarrassés et le gouvernement invoque à la fois leur "nature particulière" et notre "tradition constitutionnelle". Le Conseil d'Etat, qui recommandait cette réserve, n'était pas plus clair sur sa motivation, expliquant que l'utilisation du référendum en matière pénale et fiscale "appelle (...) prudence et précaution". Disons-le franchement, l'idée générale est que le peuple ne doit pas se saisir de questions qu'il convient de laisser aux spécialistes.

Le référendum d'initiative partagée (RIP) fait l'objet d'un traitement tout aussi ambigu. Certes, il fera l'objet d'un nouvel article 69, figurant dans un nouveau titre XI, intitulé "De la participation citoyenne". Les seuils de mise en oeuvre seront abaissés à 1/10è des parlementaires et un million d'électeurs (au lieu des 4 700 000 signatures actuellement exigées). L'initiative pourrait même être inversée, le recueil des signatures précédans la résolution parlementaire.

Fort bien, mais tout cela ne modifie en rien le veto parlementaire. Comme aujourd'hui, le parlement pourra écarter le RIP, soit au stade de l'initiative, soit en refusant formellement le recours au référendum. Et le peuple ne dispose d'aucun moyen pour contourner ce veto. La démocratie directe ne peut donc s'exercer que sous le contrôle parlementaire.

Surtout, il est prévu une "clause anti-ADP". La proposition de loi soumise à un RIP ne pourra en effet avoir ni pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins de trois ans (et non un an comme aujourd'hui), ni porter sur le même objet qu'une disposition en cours d'examen au parlement ou définitivement adopté et non encore promulguée. Cette mesure est motivée en ces termes : "La participation citoyenne doit constituer un outil démocratique pour mettre à l'agenda politique des questions qui touchent les Français. Elle ne doit pas apparaître comme un mode de déstabilisation des institutions représentatives ou un moyen d'en contester constamment les décisions". La formulation est claire : l'intervention directe du peuple par référendum est perçue comme une "déstabilisation" et la durée de trois ans permet à un Président de développer son programme à peu près librement, sans être dérangé par une démocratie directe intempestive. De même, il suffira de laisser s'enliser un débat parlementaire pour empêcher la mise en oeuvre d'un RIP. Derrière l'élargissement du RIP se cache en réalité une forme d'assassinat par enthousiasme.

Ajoutons que le projet comporte la création d'un "Conseil de la participation citoyenne", institution au joli nom destinée à succéder au Conseil économique, social et environnemental. Il constituera l'image idéale de la participation médiatisée, indirecte et surtout totalement dépourvue de tout pouvoir décision, la future institution n'ayant qu'une fonction consultative.


La Justice



Sur ce point, le projet de 2019 ne diffère pas beaucoup de celui de 2018.  L'article 5 du projet de révision supprime la disposition de l'article 56 de la Constitution aux termes de laquelle les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel. On ne peut que s'en féliciter, mais déplorer en même temps que le caractère inabouti de la réforme. L'exposé des motifs inscrit en effet cette disposition dans un paragraphe intitulé : "Renforcer l'indépendance de notre justice". Peut-on vraiment considérer le Conseil constitutionnel comme une instance juridictionnelle indépendante et impartiale, alors que ses membres sont nommés exclusivement par des autorités politiques ? Poser la question revient malheureusement à y répondre.

Moins contestée est la réforme du Parquet, dont les membres seront désormais nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et non plus sur avis simple. Sans la supprimer tout-à-fait, cette disposition réduit le poids de l'exécutif dans la procédure de nomination, allant dans le sens des garanties exigées par la Cour européenne des droits de l'homme. De même, la suppression de la Cour de justice de la République était-elle envisagée depuis longtemps, la responsabilité pénale des ministre pouvant être engagée dans les conditions du droit commun, devant la Cour d'appel de Paris. Un filtrage sera toutefois mis en oeuvre, destiné à éviter les plaintes uniquement destinées à déstabiliser un adversaire politique.


Le Parlement



Les dispositions les plus contestées ne figurent pas dans la loi constitutionnelle, mais dans la loi organique. Elle concernant la réduction de 25 % du nombre de parlementaires. Le nombre de députés passerait de 577 à 433, le nombre de sénateurs de 343 à 261.  Le Conseil d'Etat ne s'y oppose pas, précisant toutefois que les parlementaires doivent conserver une représentation démographique équitable. Il rappelle également les dispositions de l'article 46 de la Constitution qui énoncent que "les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées". On sent le doute vis à vis d'une réforme qui impose que le Sénat vote la suppression de 25 % de ses membres.

Il se montre moins enthousiaste encore à l'égard de la disposition visant à injecter une dose de proportionnelle dans l'élection des députés. Le projet prévoit en effet que, parmi les 433 députés, 87 seront élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans une circonscription nationale unique. Seront également élus au scrutin de liste, dans une circonscription unique, les députés élus par les Français établis hors de France. Le Conseil d'Etat estime qu'il n'a pas à se prononcer sur le choix politique d'introduire une part limitée de représentation proportionnelle. Il s'interroge en revanche sur les motifs invoqués à l'appui de cette réforme, en l'espèce une meilleure représentation de la diversité des formations politiques. Or, seules pourront participer à la répartition des sièges les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages, seuil qui exclut les petites formations politiques. En d'autres termes, la représentation proportionnelle permettra sans doute au Rassemblement national d'être mieux représenté au parlement, mais elle jouera essentiellement en faveur des grands partis.

Ce seuil de 5 %, comme bien d'autres éléments du projet de révision, sera certainement l'objet d'un débat. Reste que le texte même du projet laisse le lecteur sur sa faim. Intégration de l'environnement, mais purement cosmétique. Réforme du Conseil constitutionnel, mais seulement pour les membres de droit. Réforme du RIP, mais avec une immense méfiance à l'égard de la démocratie directe. Réforme du champ du référendum mais en interdisant au peuple d'intervenir dans des questions essentielles. Réforme du mode de scrutin, mais seulement au profit des grands partis. A ce stade, il est évidemment impossible d'envisager ce que deviendra cette réforme. Tout au plus peut-on rêver à ce qu'elle aurait pu être.




mercredi 28 août 2019

Le premier manuel de Libertés sur internet




Le manuel de "Libertés publiques" publié sur Amazon présente l'originalité d'être accessible sur papaier, mais aussi par téléchargement sur internet pour la somme de six euros. Il peut être lu sur n'importe quel ordinateur.
Ce choix d'élargir le support d'un ouvrage universitaire s'explique par la volonté d'offrir aux étudiants un manuel adapté à leur budget mais aussi à leurs méthodes de travail. Ils trouvent aujourd'hui l'essentiel de leur documentation sur internet, mais ils ne sont pas toujours en mesure d'en apprécier la pertinence. Bien souvent, ils piochent un peu au hasard, entre des informations anciennes ou fantaisistes.

Le manuel de "Libertés publiques" proposé sur Amazon répond aux exigences académiques et il est actualisé au 10 août 2019. Il fait l'objet d'une actualisation en temps réel, grâce au site "Liberté Libertés Chéries" qui suit et analyse l'actualité des libertés dans notre pays. Le manuel et le site sont donc conçus comme complémentaires.
Nombre d'écrits sur les libertés et les droits de l'homme relèvent aujourd'hui de la rhétorique et du militantisme, au risque de déformer la réalité juridique.  Cette publication propose une approche juridique, qui ne s'adresse pas seulement au public universitaire,  étudiants et enseignants, mais aussi à tous ceux qui ont à pratiquer ces libertés. Une connaissance précise du droit positif en la matière est nécessaire, aussi bien sur le plan académique que sur celui de la citoyenneté. C'est un panorama très large des libertés et de la manière dont le droit positif les garantit qui est ici développé. En témoigne, le plan détaillé de l'ouvrage que LLC met à disposition de ses lecteurs.




TABLE DES MATIÈRES



I – LES LIBERTES PUBLIQUES   2 COMME OBJET JURIDIQUE   2
A – Diversité des terminologies. 2

B – Caractère évolutif. 4

C – Contenu des libertés publiques. 8

II – LES TECHNIQUES JURIDIQUES   14DE MISE EN ŒUVRE   14 DES LIBERTES PUBLIQUES   14

A – L’autorité de la règle.. 15

B – Le respect des procédures. 16

C – L’idée de justice ou d’équité

.. 17

PREMIÈRE PARTIE. 21 LE DROIT. 21 DES LIBERTES PUBLIQUES

. 21


CHAPITRE 1. 23 LA CONSTRUCTION. 23 DES LIBERTÉS PUBLIQUES

. 23


SECTION 1 : EVOLUTION HISTORIQUE   24

§ 1 – Les doctrines individualistes et la prédominance du droit de propriété. 24

. 35

§ 2 – Les doctrines des droits sociaux. 39
. 46
§ 3 – La « Troisième génération des droits de l’homme ». 52

SECTION 2   L’INTERNATIONALISATION    54 DES DROITS DE L’HOMME  54
§ 1 – Les limites de l’approche universelle. 55
. 61
§ 2 – Le succès de l’approche européenne. 63

A – Les droits garantis : le parti-pris libéral 64

B – La protection : Le recours devant la Cour européenne des droits de l’homme   67

C – L’Union européenne et les droits de l’homme. 73


CHAPITRE 2 : L’AMÉNAGEMENT. 79 DES LIBERTES PUBLIQUES. 79

SECTION 1 : LE RÉGIME RÉPRESSIF   85

§ 1 – La liberté est la règle, la restriction l’exception.. 85

§ 2 – Le contrôle a posteriori du juge pénal. 86

SECTION 2 : LE RÉGIME PREVENTIF  89

§ 1 – La compétence liée.. 91

§ 2 – Le pouvoir discrétionnaire. 92

SECTION 3   94 LE RÉGIME DE DÉCLARATION PRÉALABLE   94
§ 1 – Des principes libéraux. 94

§ 2 – Des remises en cause insidieuses. 95
.. 97
CONCLUSION   99

LE DROIT DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES   99

§ 1 – L’article 16 de la Constitution.. 99

§ 2 – L’état de siège.. 100

§ 3 – L’état d’urgence. 101


CHAPITRE 3. 105 LES GARANTIES JURIDIQUES. 105 CONTRE LES ATTEINTES AUX LIBERTÉS. 105


SECTION 1 : LES TRAITÉS INTERNATIONAUX   107

§ 1 – La primauté de la Constitution sur les traités non ratifiés. 107

§ 2 – La primauté de la Constitution sur les traités ratifiés. 109

SECTION 2 : LES LOIS   111

§ 1 – Le Conseil constitutionnel ou la conquête du statut juridictionnel. 111
.. 117
§ 2 – L’élargissement du contrôle de constitutionnalité : la QPC.. 120
. 129
SECTION 3   137 LES ACTES DE L’ADMINISTRATION   137
§ 1 – Les autorités administratives indépendantes. 138
. 141
§ 2 – La protection juridictionnelle.. 144
150
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE   156

LA CLASSIFICATION    156

DES LIBERTES PUBLIQUES   156

§ 1 – Les classifications fondées sur le rôle de l’Etat. 157

§ 2 – Les classifications fondées sur le contenu des libertés. 158


DEUXIÈME PARTIE. 163 LES LIBERTES DE LA VIE INDIVIDUELLE. 163
CHAPITRE 4 LA SURETE. 165

SECTION 1   166 LE DROIT COMMUN DE LA SÛRETÉ   166
§ 1 – Les principes généraux du droit pénal 169

A – La légalité des délits et des peines. 169

B – Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.. 174

C – La présomption d’innocence. 177

D – L’indépendance et l’impartialité des juges. 183

§ 2 – Principes généraux de la procédure pénale.. 189

A – Le droit au juge.. 192

B – Le débat contradictoire. 200

SECTION 2   LES GARANTIES PARTICULIÈRES   203 DE LA SÛRETÉ   203
§ 1 – Les atteintes à la sûreté antérieures au jugement. 203

A – Le contrôle et la vérification d’identité.. 204

B – La garde à vue. 211

C – La détention provisoire. 220

§ 2 – Les atteintes à la sûreté sans jugement. 225

A – La rétention des étrangers. 226

B – L’hospitalisation des malades mentaux sans leur consentement. 230

C – La rétention de sûreté.. 236


CHAPITRE 5 LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR. 239


SECTION 1   242 LA LIBRE CIRCULATION DES NATIONAUX   242
§ 1 – Le droit de circuler sur le territoire.. 242

A – Les arrêtés « anti-mendicité ».. 244

B – La circulation des « hooligans ». 245

C – Les « couvre-feu » des mineurs. 247

D – La circulation des gens du voyage. 249

§ 2 – Le droit de quitter le territoire. 251

A – Le retrait de passeport. 252 sur le fondement du décret du 7 décembre 1792.. 252
B – L’interdiction de quitter le territoire.. 253 et la lutte contre le terrorisme.. 253
SECTION 2   LES RESTRICTIONS  255 A LA CIRCULATION DES ÉTRANGERS  255
§ 1 – L’entrée sur le territoire.. 256
. 264
§ 2 – La sortie du territoire.. 268

A – L’étranger en situation irrégulière. 268

B – L’étranger, menace pour l’ordre public : l’expulsion.. 273

C – L’étranger condamné : 278 l’interdiction du territoire français. 278
D – L’étranger demandé par un autre Etat. 279 pour des motifs d’ordre pénal 279

CHAPITRE 6 LE DROIT DE PROPRIÉTÉ.. 289


SECTION 1 LA CONSÉCRATION    292 DU DROIT DE PROPRIÉTÉ  292
§ 1 – Le droit de propriété et les valeurs libérales. 292
294
§ 2 – La dilution du droit de propriété. 296

A – Le déclin du caractère individualiste du droit de propriété. 296

B – Le déclin du caractère souverain.. 298 de la propriété immobilière.. 298
SECTION 2   300 LES ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIÉTÉ   300
§ 1 – La privation de propriété.. 301
. 305
§ 2 – Les restrictions à l’exercice du droit de propriété.. 306
. 307

CHAPITRE 7. 311 LE DROIT A L’INTÉGRITÉ de la PERSONNE.. 311

SECTION 1 LE DROIT HUMANITAIRE   318

§ 1 – La torture. 320
. 322
§ 2 – Les « peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».. 324
.. 326
§ 3 – Les crimes contre l’humanité et les génocides. 330
. 334
SECTION 2   LE RESPECT DU CORPS HUMAIN    339

§ 1 - Le droit à la vie. 340
. 343
§ 2 – L’inviolabilité du corps humain.. 345
.. 356
§ 3 – Indisponibilité du corps humain.. 360

A – L’esclavage. 361

B – Gestation pour autrui et intérêt de l’enfant. 366

C – Les organes et produits du corps humain.. 370

SECTION 3   373 LES DROITS ATTACHÉS À LA PROCRÉATION   373
§ 1 – Le droit de ne pas avoir d’enfant. 374

A – Le contrôle des naissances : La contraception.. 374

B – Le refus de procréer : L’interruption volontaire de grossesse.. 378

§ 2 – Vers un droit d’avoir des enfants ?. 384

A – Un régime d’autorisation. 385

B – Les bénéficiaires de l’AMP. 386


 CHAPITRE 8 LES LIBERTÉS DE LA VIE PRIVÉE. 389

SECTION 1   392 LA SANTÉ ET L’ORIENTATION SEXUELLE   392
§ 1 - La santé et le secret médical. 392

§ 2 – L’orientation sexuelle.. 393
.. 395
SECTION 2   LA FAMILLE   397

§ 1 – La liberté du mariage. 398

A -  L’ouverture du mariage aux couples de même sexe. 399

B - Mariage et ordre public. 400

§ 2 – Le secret des origines. 404

SECTION 3 LE DOMICILE   406

§ 1 – Les perquisitions. 407
. 409
§ 2 – Le « droit à l’incognito ».. 411

SECTION 4   LE DROIT A L’IMAGE   413

§ 1 – Principes fondateurs du droit à l’image. 413

A – Lieu de la captation. 414

B – Le consentement de l’intéressé.. 415

C – Le débat d’intérêt général 417

§ 2 – La vidéoprotection. 419

A – De la vidéosurveillance à la vidéoprotection. 419

B – L’effet d’aubaine du terrorisme. 420

SECTION 5 LA PROTECTION DES DONNÉES   422

§ 1 – L’« Habeas Data ». 423
. 426
§ 2 – La création des fichiers. 429
.. 430
§ 3 – Le contrôle des fichiers. 430
. 433
§ 3 – Big Data et intelligence artificielle. 435


TROISIEME PARTIE. 439 LES LIBERTES DE LA VIE COLLECTIVE. 439

CHAPITRE 9 LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.. 441


SECTION 1 : L’EXPRESSION POLITIQUE   443

§ 1 – Le droit de suffrage. 443

A – Les titulaires du droit de suffrage.. 444

B – Les restrictions au droit de suffrage.. 445

C – La campagne électorale et les « Fake News ». 446

§ 2 – Les droits de participation et de dénonciation.. 447
.. 449
SECTION 2   454 LE CHAMP DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION    454
§ 1 – Une liberté de l’esprit. 458».. 469
§ 2 – Une liberté économique.. 474
.. 478
SECTION 3 LES RESTRICTIONS  485 À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION    485
§ 1 – La mise en cause du régime répressif 486

A – La protection de la jeunesse. 486

B – Contrôle et protection d’une industrie : le cinéma.. 489

§ 2 – La protection de certaines valeurs. 496

A – La lutte contre les discriminations. 497

B – Le négationnisme et l’apologie de crime contre l’humanité. 500

C – Les lois mémorielles. 503


CHAPITRE 10 LAÏCITÉ ET LIBERTÉ DES CULTES. 507


SECTION 1 LA LAÏCITÉ,  513 PRINCIPE D’ORGANISATION DE L’ÉTAT   513
§ 1 – Le principe de laïcité dans l’ordre juridique.. 514
.. 516
§ 2 – Le principe de neutralité. 517
. 520
SECTION 2   L’exercice du culte   523

§ 1 – L’organisation des cultes. 523
.. 530
§ 2 – La police des cultes. 532

.. 533

SECTION 3 LES MOUVEMENTS SECTAIRES  536 ET LA PROTECTION DES PERSONNES   536
§ 1 – Une définition fonctionnelle.. 536
. 540
§ 2 – Un régime juridique orienté sur la protection des personnes. 541
.. 544

CHAPITRE 11 LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT. 547


SECTION 1 L’ENSEIGNEMENT PUBLIC   551

§ 1 – La gratuité.. 551

§ 2 – La laïcité.. 552

A – La sécularisation du service public de l’enseignement. 553

B – Le respect de toutes les croyances. 554

C – Le prosélytisme religieux et le « foulard islamique ». 557

SECTION 2   L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ   560 AIDE ET CONTRÔLE DE L’ÉTAT   560
§ 1 – L’aide de l’Etat. 562
. 563
§ 2 – Le contrôle de l’Etat. 565
. 567

CHAPITRE 12. 571 LE DROIT DE PARTICIPER A DES GROUPEMENTS. 571

SECTION 1   572 LES GROUPEMENTS OCCASIONNELS   572
§ 1 – La liberté de réunion.. 573
578
§ 2 – La liberté de manifestation.. 582
.. 587
SECTION 2   591 LES GROUPEMENTS INSTITUTIONNELS  591
§ 1 – Les associations. 591
. 596
§ 2 – Les syndicats. 602
.. 608

CHAPITRE 13 LES LIBERTÉS. 613 DE LA VIE ÉCONOMIQUE ET DU TRAVAIL. 613

SECTION 1   615 LES LIBERTÉS DE L’ENTREPRENEUR   615
§ 1 – La liberté du commerce et de l’industrie. 616
.. 621
§ 2 – La liberté d’entreprendre. 623
. 627
SECTION 2   LES LIBERTÉS DU SALARIÉ   629

§ 1 – Le droit au travail 630
635
§ 2 – Les droits dans le travail 637

A – Le droit à la négociation collective. 638

B – Le droit de grève. 641


samedi 24 août 2019

Le "Like" de Facebook : aimer sans consentir

On pense souvent que le "Like" de Facebook n'est qu'un anodin petit bouton, qui permet soit de témoigner son accord à l'égard d'un contenu partagé sur le réseau, soit de partager sur Facebook un contenu figurant sur un autre réseau, ou un autre site. La décision Fashion ID Gmbh c. Verbraucherzentrale NRW et V,, rendue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 29 juillet 2019, a une véritable vertu pédagogique, dans la mesure où elle montre que ce bouton est avant tout un objet commercial destiné à drainer les données personnelles des internautes. Et la CJUE en tire toutes les conséquences en déclarant que l'entreprise qui accepte de placer ce bouton et de transmettre à Facebook les données de ses clients est coresponsable de cette collecte.


Une double question préjudicielle 



En l'espèce, une entreprise de e-commerce allemande, Fashion ID, avait placé le signe "Like" de Facebook sur une page de son site. Que les visiteurs activent ou non le bouton, leurs données étaient transmises à Facebook, sans que le consentement des intéressés soit sollicité, sans même qu'ils soient informés de ce transfert. Une association allemande de consommateurs a saisi la justice pour violation des règles relatives à la protection des données personnelles. Certes, l'arrêt ID Fashion se situe sous l'empire de l'ancienne directive 95/46, désormais abrogée avec l'entrée en vigueur du règlement général de protection des données (RGPD). Mais le principe du consentement à la collecte et à la conservation des données personnelles n'a pas changé de manière substantielle.

Dans l'affaire ID Fashion, la CJUE est saisie d'un double question préjudicielle. Ecartons d'emblée celle qui porte sur l'intérêt à agir d'une association de consommateurs. L'arrêt du 6 novembre 2003 Lindqvist avait déjà estimé que les Etats membres prenaient une "mesure appropriée" en décidant qu'une association de consommateur pouvait agir en justice pour protéger les droits des internautes. Un tel recours contribue en effet à la réalisation des objectifs de la directive.


Une responsabilité conjointe



La seconde question est plus intéressante. Les juges allemands demandent en effet à la Cour si le gestionnaire d’un site Internet, tel que Fashion ID, qui insère sur son site un bouton destiné à transmettre les données de caractère personnel d'un visiteur peut être considéré comme "responsable du traitement". La réponse n'est pas évidente, dès lors que le site Fashion ID se borne à transférer des données et n'a donc aucune influence sur le traitement qui en sera fait par Facebook.

De manière traditionnelle, la CJUE adopte une définition large de la notion de  « responsable du traitement » comme visant "la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel " (CJUE, 5 juin 2018, Wirtschaftsakademie Schleswig-Holstein). Rien n'interdit d'ailleurs, selon l'arrêt du 10 juillet 2018, Jehovan todistajat, que le "responsable du traitement" soit pluriel, constitué de plusieurs acteurs qui sont alors également soumis au droit de la protection des données. Dans ce cas, ces acteurs peuvent être impliqués à des stades divers du traitement, de la collecte, à la conservation et à l'utilisation des données.

En l'espèce, Fashion ID, en insérant le bouton sur son site, a offert à l'entreprise Facebook Ireland la possibilité d'obtenir les données personnelles des visiteurs, qu'ils soient ou non membres du réseau social, qu'ils aient ou non cliqué sur le bouton, et bien entendu sans qu'ils aient eu connaissance de cette opération. Fashion ID est donc considéré comme "responsable du traitement" dans la mesure où elle collecte et transmet des données. En revanche, elle n'est plus "responsable du traitement" pour la suite, c'est-à-dire pour l'usage qu'en fera Facebook, même si, et la Cour ne manque pas de le faire remarquer, cet usage ultérieur n'aurait pas lieu sans son intervention. Il appartiendra donc aux juges allemands d'évaluer la responsabilité respective de chacun des deux acteurs.


Voutch. 22 janvier 2019

Consentement et loyauté



Cette solution n'est guère surprenante si l'on considère que les systèmes juridiques des Etats membres n'ignorent pas les responsabilités conjointes. Derrière cette analyse, transparaît aussi l'idée qu'il existe en l'espèce un cumul des fautes. Car Fashion ID n'a pas songé à demander aux internautes de consentir à la captation de leurs données, consentement qui constitue l'un des socles sur lequel s'est construit le droit de la protection des données. Et Facebook n'a pas davantage exigé ce consentement de son co-contractant, alors même que ses dirigeants, et notamment Mark Zuckerberg, affirment leur volonté de se plier aux règles imposées par le droit européen. 
 
En l'espèce, il ne fait aucun doute que les internautes ont été victimes, à leur insu, d'une opération purement commerciale reposant précisément sur leur crédulité. La responsabilité des deux partenaires est donc engagée aussi dans la mesure où ils ont manqué à un autre principe cardinal de la protection des données, celui de la loyauté de leur collecte. La CJUE protège ainsi l'internaute crédule, comme le font les juges allemands. On se prend à espérer que les internautes participent eux-mêmes à la protection de leurs données personnelles, par exemple en évitant de les disséminer sur les réseaux sociaux.


Sur la protection des données : Chapitre 8, Section 5 du manuel de Libertés publiques sur internet.




jeudi 22 août 2019

Extradition : Etendue du contrôle de la chambre de l'instruction

Par deux arrêts du 7 août 2019,  la Chambre criminelle de la Cour de cassation donne aux juges du fond des éléments très utiles pour exercer, et approfondir, leur contrôle sur la procédure d'extradition. 

Dans le premier arrêt, le requérant, M. X., de nationalité moldave, est réclamé par plusieurs Etats.  D'abord par la France qui, par un mandat d'arrêt européen, a obtenu des autorités roumaines, sa remise dans le cadre d'une information judiciaire ouverte dans notre pays. Ensuite par la Russie qui, ayant appris que l'intéressé était incarcéré France, a cette fois utilisé la procédure d'extradition de droit commun, dans le cadre d'une enquête criminelle pour violation de secret bancaire et tentative de vol en bande organisée. M. X. a donc été placé sous écrou extraditionnel en juin 2018. 

Dans le second arrêt, le requérant est un Chilien, qui a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, dans le cadre d'une enquête relative au meurtre d'un carabinier en 2006.  


L'extradition



Rappelons que l'extradition est un instrument d'entraide judiciaire internationale. La loi du 10 mars 1927 la définissait comme "la remise par le gouvernement français, sur leur demande, aux gouvernements étrangers de tout individu, non français, qui étant l'objet d'une poursuite intentée au nom de l'Etat requérant ou d'une condamnation par ses tribunaux est trouvé sur le territoire de la République". Cette loi a été intégrée au code de procédure pénale, et la définition de l'extradition n'a pas été modifiée. D'une manière générale, l'extradition est très largement gérée par des conventions internationales, notamment la convention européenne d'extradition qui fonde en l'espèce la demande russe. En revanche, la demande chilienne demeure gérée par le droit commun du code de procédure pénale.

Sur le plan procédural, l'extradition présente l'originalité de donner lieu à un double contrôle, d'abord celui du juge judiciaire, et la chambre de l'instruction de la Cour d'appel donne ainsi un avis sur la demande après avoir entendu l'intéressé, ensuite celui du juge administratif qui contrôle la légalité du décret d'extradition pris ensuite par le Premier ministre. L'avis de la chambre de l'instruction ne s'analyse pas comme une procédure consultative ordinaire.  Lorsqu'il est défavorable à l'extradition, il a autorité de chose jugée, et le ministre de la justice ne peut donc pas proposer le décret à la signature du Premier ministre. En revanche, lorsque l'avis est favorable, il redevient purement consultatif, et le Premier ministre conserve encore le chois de refuser l'extradition. 

En l'espèce, l'avis de la Chambre de l'instruction était favorable dans les deux cas.


La prescription



Le ressortissant chilien voit son pourvoi rejeté. Il invoquait essentiellement la prescription de l'action publique, tant au regard du droit français que du droit chilien.

L'article 10 de la Convention européenne d'extradition précise en effet qu'elle "ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la partie requérante, soit de la partie requise". De son côté, l'article 696-4 du code de procédure pénale précise que "l'extradition n'est pas accordée "lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'Etat requérant est éteinte". Il appartient donc à la chambre de l'instruction de s'assurer, avant de rendre son avis, que les faits ne sont prescrits dans aucun des deux systèmes. Ce principe, rappelé, dans un arrêt du 23 septembre 2015, impose ainsi une motivation très substantielle de l'avis lorsque la prescription est invoquée.

Dans le cas présent, le juge observe que les délais de prescription, en matière criminelle, est de quinze ans à compter des faits au Chili, alors qu'il est de vingt ans en France, à la condition qu'il n'ait été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. Les faits sont toutefois intervenus en mai 2006, à une époque antérieure à la loi française du 27 février 2017, alors que la prescription était de dix ans. Mais les juges français constatent que les juges chiliens ont formulé leur demande d'extradition seulement en 2011. La prescription n'est donc acquise ni en France, ni au Chili. La chambre criminelle précise toutefois que le contrôle de la chambre de l'instruction ne saurait la conduire jusqu'à la vérification de la qualification retenue par les juges chiliens. 

Le ressortissant moldave, quant à lui, obtient la cassation, précisément parce que la Chambre de l'instruction n'a pas procédé à ce contrôle de manière approfondie. En effet, elle s'était bien assurée de l'absence de prescription en droit russe, mais ne s'était pas livrée à la même analyse concernant le droit français. Or la question se posait car les faits avaient été commis en 2013, et la prescription délictuelle, selon la loi applicable était de trois ans. Elle était donc acquise en droit français, au moment de la demande russe intervenue en juin 2017.

 
Le temps est-il un crime parfait ? MissTic (née en 1956)

Le quantum de la peine encourue 



Mais la Chambre de l'instruction a également omis une autre vérification, celle du quantum de la peine encourue. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne d'extradition et de l'article 696-15 du code de procédure pénale, l'extradition ne peut être accordée que si les faits sont punis par les deux systèmes juridiques d'une peine privative de liberté égale ou supérieure à un an. Or, en l'espèce, la chambre de l'instruction s'est bornée à mentionnée que M. X. était poursuivi pour des faits correspondant, en droit français, à une série d'infractions liées à la contrefaçon et à l'escroquerie en bande organisée. Le droit russe n'est pas mentionné, et cette lacune est sanctionnée par la Cour de cassation.

Cette jurisprudence conduit à exiger du juge français un exercice de "traduction" de la peine étrangère dans le droit français. Une fois cette opération effectuée, le juge devra ensuite s'assurer que cette traduction est conforme à l'article 696-3 du code de procédure pénale qui énonce les faits susceptibles de donner lieu à extradition. Ainsi, le juge français peut, le cas échéant, opérer une requalification, par exemple en considérant comme délit ce que le droit étranger qualifie de crime, dès lors que l'emprisonnement ne dépasse pas un an. Il s'agit donc de faire entrer les infractions définies par les systèmes juridiques dans le cadre tripartite défini par le droit français : crime, délit ou contravention.

En imposant un contrôle aussi important, la Cour de cassation n'entend certainement pas imposer une lecture franco-française du droit de l'extradition. Elle entend faire prévaloir l'esprit de la Convention européenne d'extradition. Celle repose en effet sur l'équilibre de la procédure, principe de double incrimination, symétrie du quantum des peines etc. La qualification donnée par les Etats doit ainsi pouvoir être écartée pour faire prévaloir ce principe de symétrie. Inutile de dire que cette même faculté peut être exercée, de la même manière, par les juges russes confrontées à une demande d'extradition formulée par les juges français.

Sur l'extradition : Chapitre 5, Section 2, § 2, D. du manuel de Libertés publiques sur internet.