Une nouvelle forme de transaction pénale
Une jurisprudence bien établie
Observons d'emblée que la transaction pénale contestée dans la présente QPC n'est pas la première du genre. Qu'il s'agisse du classement sous condition et médiation pénale, de la composition pénale, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, voire de l'amende forfaitaire utilisée dans de nombreux domaines, la formule est solidement ancrée dans notre système juridique et a suscité plusieurs décisions du Conseil constitutionnel.
Depuis sa décision du 30 mars 2006, il la considère conforme à la Constitution, à la condition que soient respectées deux conditions cumulatives. En premier lieu, sa mise en oeuvre est subordonnée à l'accord de la personne mise en cause, assistée d'un avocat. En second lieu, la peine proposée ne doit avoir aucun caractère exécutoire en soi, l'intéressé pouvant refuser l'offre qui lui est faite. Cette double condition a ensuite été confirmée par la décision du 26 septembre 2014 rendue à propos de la transaction pénale en matière environnementale. Dans la décision du 23 septembre 2016, le Conseil s'attache donc à examiner ces deux éléments.
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L'absence de caractère exécutoire
La précision est importante, car le Conseil constitutionnel offre ainsi sur un plateau un cas d'annulation du décret d'application du 13 octobre 2015. En effet, celui mentionne que "la consignation vaut paiement de l'amende transactionnelle si la transaction est homologuée". Ajoutant ainsi une disposition qui ne figure pas dans la loi, le décret risque d'autant plus d'être annulé par le Conseil d'Etat que nul n'ignore que l'incompétence est un moyen d'ordre public.
Les droits de la défense
Les requérants invoquent ensuite la violation des droits de la défense, dans l'hypothèse où la transaction peut être proposée à la personne mise en cause durant sa garde à vue. Or, le droit positif pose un cadre très strict à l'intervention de l'avocat durant la garde à vue, celui ne pouvant réellement s'entretenir avec son client qu'à sa première heure et au moment de son éventuel renouvellement, pour trente minutes (art. 63-4 cpp). Si la proposition de transaction est faite après ces entretiens, le client n'est donc pas en mesure d'en discuter avec son conseil.
En l'espèce, le Conseil ne peut pas annuler une disposition législative qui n'existe pas, la loi ne précisant pas le moment où la proposition de transaction doit intervenir. Il formule donc une réserve d'interprétation, interdisant "qu'une transaction soit conclue sans que la personne suspectée d'avoir commis une infraction ait été informée de son droit à être assistée de son avocat avant d'accepter la proposition qui lui est faite, y compris si celle-ci intervient pendant qu'elle est placée en garde à vue".
Là encore, le Conseil met le pouvoir réglementaire en porte-à-faux. En effet, le décret du 13 octobre 2015 voulant, sans doute avec la meilleure volonté du monde, éviter toute atteinte au droit de la défense, a purement et simplement interdit toute proposition de transaction pénale pendant la garde à vue. Or le législateur ne l'interdit pas, et c'est ce que fait subtilement observer le Conseil constitutionnel, offrant à nouveau un cas d'incompétence au Conseil d'Etat.
L'incompétence négative
Le Conseil ne se borne tout de même pas à offrir des cas d'annulation du décret d'application. Il déclare fondé le grief reposant sur l'incompétence négative du législateur, dans la mesure où ce dernier ne fixe pas avec précision le champ d'application de la nouvelle transaction pénale. Il renvoie en effet au pouvoir réglementaire le soin de fixer le montant de la valeur des objets volés en-dessous duquel la transaction peut-être proposée. Pour le Conseil, le refus de fixer ce plafond emporte une violation de l'article 34 de la Constitution, dès lors que seul le législateur est compétent pour définir les règles gouvernant l'extinction de l'action publique et le champ d'application d'une procédure pénale.
Cette censure n'est guère surprenante. Le Conseil constitutionnel semble directement s'inspirer de l'arrêt France Nature Environnement rendu par l'Assemblée du Conseil d'Etat le juillet 2006. Celui-ci avait alors affirmé "qu'il appartient au législateur, (...) lorsqu'il crée un régime de transaction pénale, de déterminer les règles qui permettent d'en assurer le respect ; qu'au nombre de ces règles figurent le champ d'application de la transaction pénale".
La décision QPC du 23 septembre 2016 révèle, en creux, de graves insuffisances dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires. Nul doute que l'annulation pour incompétence négative aurait pu être évitée, tant il était évident que le plafond financier de la transaction conditionnait son champ d'application. Nul doute aussi que la rédaction du décret accumule les cas d'incompétence et que le Conseil constitutionnel se fait un plaisir, peut-être un peu pervers, de les signaler au Conseil d'Etat. La QPC va donc entrainer non pas l'annulation de la loi mais très probablement celle du décret. Un exemple de plus de l'influence considérable de la jurisprudence constitutionnelle sur l'ensemble du système juridique. Pourquoi pas ? Encore faudrait-il réfléchir sérieusement à la composition du Conseil constitutionnel, à l'impartialité de ses membres et à toutes questions qui empêchent aujourd'hui de le considérer comme une vraie juridiction.