Couple. Art Dogon. Mali. XVIIIè ou XIXè siècle |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
lundi 13 mai 2013
La suppression du mot "race" de "notre législation" : Que devient la hiérarchie des normes ?
vendredi 10 mai 2013
Le droit de vote des ressortissants résidant à l'étranger devant la Cour européenne des droits de l'homme
Le droit de suffrage, un droit de l'Etat
Français de l'étranger, doté d'un passeport russe |
Le lien avec le pays d'origine
D'autre part, cette restriction au droit de vote n'est pas disproportionnée par rapport aux finalités poursuivies. Le parlement britannique s'est en effet prononcé à plusieurs reprises sur cette question depuis 1985, date à laquelle les Anglais de l'étranger ont obtenu le droit de voter. La durée d'exercice de ce droit est passé de cinq ans en 1985 à 20 ans en 1989, pour revenir à quinze en 2000. La Cour note que les partis politiques sont d'accord sur cette durée, et qu'elle répond à une volonté d'équilibrer des intérêts contradictoires. En l'espèce, il s'agit de garantir le droit de vote des citoyens britanniques, en s'assurant qu'ils conservent un lien suffisamment fort avec leur pays d'origine pour participer de manière éclairée à sa vie politique.
Des droits vernaculaires
De cette analyse de la Cour, on doit déduire que le droit de vote n'est pas un droit comme les autres. On songe alors à la distinction établie par Serge Sur, dans son article "Vers une Cour pénale internationale". Il oppose en effet les droits de l'homme, droits véhiculaires à vocation universelle, aux droits de la citoyenneté, droits vernaculaires définis par les Etats eux-mêmes. Ceux de la citoyenneté entrent dans la seconde catégorie, et c'est bien ce qu'affirme la Cour européenne dans la présente affaire. Les Etats sont parfaitement libres d'en restreindre l'exercice, lorsque leurs ressortissants ont coupé le lien qui les attachait à leur pays d'origine.
Sur ce point, on ne peut s'empêcher de comparer la loi britannique à la loi française. Cette dernière va en effet dans le sens d'un accroissement constante des droits de la citoyenneté accordés aux Français de l'étranger. Depuis 2012, les Français de l'étranger sont même représentés non plus seulement par une douzaine de sénateurs, mais aussi par onze députés. Et aucune restriction au droit de vote ne vise les Français de l'étranger, quand bien même ils sont durablement installés à l'étranger, disposent de deux ou plusieurs nationalités, et ont largement perdu le contact avec la France. La différence entre les deux régimes juridiques doit susciter la réflexion. Au Royaume Uni, les droits de la citoyenneté se définissent par la participation, l'intérêt pour la chose publique. En France, ils reposent entièrement sur la nationalité, ce qui n'implique aucune réflexion sur la réalité du lien de citoyenneté.
mardi 7 mai 2013
L'action de groupe va-t-elle pénétrer dans le droit français ?
La puissance des lobbies hostiles
Le gouvernement reprend donc le projet, sans céder, du moins pour le moment, aux lobbies qui demeurent très hostiles à la réforme. C'est ainsi que le MEDEF affirme que le projet est une "mauvaise réponse à une bonne question, celle de la réparation des préjudices causés aux consommateurs". L'organisation préférerait "généraliser le recours à des modes de règlement alternatifs des litiges comme la médiation». On pouvait s'attendre à une telle proposition, dès lors que les procédures dilatoires et le "Soft Law" sont toujours privilégiés par ceux qui veulent précisément échapper à la contrainte juridique.
Si le MEDEF considère que le projet de loi va trop loin, d'autre estiment à l'inverse qu'il ne va pas assez loin. De manière un peu schématique, on peut les classer en deux groupes.
Class Action. Michael Apted. 1991 |
Le mouvement associatif écologiste
Le premier groupe est constitué du mouvement associatif, généralement écologiste, qui conteste le champ d'application de l'action de groupe. L'article 1er du projet énonce que "l'action de groupe a pour objet d'"obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire, et ayant pour origine commune un manquement d'un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles". Le projet précise ensuite que cette procédure s'appliquerait à la vente de biens ou à la fourniture de services, ou encore lorsque le préjudice résulte d'une pratique anti-concurentielle. Entreraient ainsi dans le champ de l'action de groupe les clauses abusives des contrats, les tromperies sur les biens ou les services, les surcoûts de facturation liés aux ententes entre entreprises. Tout cela est loin d'être négligeable, car l'action de groupe donnerait une possibilité de recours contre les préjudices que l'on pourrait qualifier "de faible intensité". Tel est le cas par exemple de la facturation non justifiée de certains services bancaires, qui ne cause qu'un préjudice modeste à chaque client lésé, mais qui représente globalement un gain considérable pour la banque. En suscitant l'indemnisation d'une multitude de préjudices, l'action de groupe offrirait un instrument efficace de lutte contre ces petites arnaques.
Le projet limite cependant l'action de groupe aux personnes qui ont subi le même préjudice, et qui recevraient la même indemnité. Pour le moment, le texte, qui devrait figurer dans le code de la consommation, s'applique aux litiges de consommation et de concurrence, à l'exclusion de ceux relatifs à la santé ou à l'environnement. Dans ces derniers cas en effet, qu'il s'agisse de l'amiante, du Médiator ou des prothèses mammaires PIP, le préjudice ne peut être évalué de manière unique. Il dépend en effet de facteurs multiples, comme l'âge ou la santé des personnes concernées. Cette restriction du champ d'application de l'action de groupe suscite quelques critiques du mouvement associatif écologiste. On peut cependant compter sur lui pour réclamer ensuite l'élargissement de cette action.
Les avocats
Le second groupe de mécontents est constitué des avocats. Le Président du Conseil national des barreaux, Maître Charrière-Bournazel, qualifie le projet de loi de "leurre". Les raisons de cette irritation figurent dans le futur article L 423-1 du code de la consommation qui énonce qu"une association de défense de consommateurs, représentative au niveau national et agréée (...) peut agir devant une juridiction civile". L'intermédiaire entre le consommateur et le juge serait donc l'une des associations de consommateurs agréées... et pas les avocats. Les uns évoquent une rédaction "outrageante", d'autres brandissent "l'honneur de la profession". Tant d'agitation pourrait laisser penser qu'ils ont un intérêt personnel à promouvoir.
En tout état de cause, les avocats seraient certainement moins lésés qu'ils ne l'affirment, puisque l'association de consommateurs, pour engager l'action de groupe, fera évidemment appel à un avocat. Leur compétence est donc loin d'être ignorée. Ce n'est pas l'affaire qui leur est retirée, mais seulement le démarchage des clients, qui peut effectivement constituer l'un des attraits de l'action de groupe. Chaque avocat s'imaginait-il déjà comme une sorte d'Erin Brokovich à la française, allant tirer les sonnettes des éventuels participant à l'action de groupe, une excellente synthèse entre les intérêts des victimes et ceux du cabinet ? C'est précisément cette "américanisation" de l'action de groupe que le gouvernement a voulu éviter, à juste titre.
Mais qu'en sera-t-il du projet ? Surmontera-t-il la résistance de ces lobbies, qui ne manquent pas de relais parlementaires, dans une conjoncture économique difficile pour les entreprises ? Wait and See.
samedi 4 mai 2013
Rapport de la Miviludes : les dérives sectaires après la fin du monde
Indiana Jones et le temple maudit. Steven Spielberg. 1984 |
Le rapport de l'USCIRF
mercredi 1 mai 2013
Le "mur des cons", ou comment réprimer la bêtise ?
- Les victimes, premières concernées, sont désireuses d'obtenir condamnation du Syndicat et, le cas échéant, réparation du préjudice subi.
- Les auteurs de l'affichage sont susceptibles d'être poursuivis pour injure ou diffamation de même que les responsables du syndicat, qui ont laissé se développer une telle pratique.
- Le journaliste, l'homme par lequel le scandale est arrivé, est l'auteur de la divulgation de l'information, celui qui l'a rendue publique.
Affichage sur le mur : injure privée
Ceux qui ont affiché les photos sur le "Mur des cons" sont coupables d'injure privée. Ils rappellent d'ailleurs qu'un local syndical est un lieu privé, à l'abri des intrusions, y compris celles de l'entreprise ou du service public qui le met à disposition du syndicat. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans une décision du 3 janvier 2010, a ainsi sanctionné pour atteinte à la liberté syndicale l'entreprise qui avait décidé unilatéralement le déménagement d'un local syndical, contraignant ceux qui le fréquentent à passer sous des portiques de sécurité et à présenter un badge pour pénétrer dans le bâtiment. Peu importe que l'entreprise en question exerce son activité dans une zone aéroportuaire sécurisée, la liberté syndicale l'emporte en l'espèce, dès lors que l'employeur a refusé toute concertation.
Le dîner de cons. Francis Veber. 1998. Jacques Villeret et Thierry Lhermitte |
Le Mur de Facebook, précédent vituel du "Mur des cons"
Le critère essentiel permettant la qualification d'injure privée ne réside pourtant pas dans la nature du local, mais dans la notion de communauté d'intérêt. Dans une décision très récente du 10 avril 2012, la Cour de cassation, cette fois la première chambre civile, a considéré que l'injure figurant sur le "mur" de Facebook ne pouvait être qualifiée d'injure publique si les internautes consultant ce mur formaient une communauté d'intérêt. Celle-ci se définit à travers une appartenance commune, des inspirations ou des objectifs partagés, le sentiment de former une entité suffisamment fermée pour ne pas intégrer des personnes considérées comme des tiers par rapport à l'auteur des propos. Dans le cas d'un local syndical, l'appartenance à une communauté d'intérêt ne fait évidemment aucun doute. Envisagé sous l'angle pénal, le "Mur des cons" s'apparente en effet à une succession d'injures privées visant chacune des victimes. La peine reste modérée puisqu'il s'agit d'une contravention, passible d'une amende de trente-huit euros. En revanche, rien n'interdit aux victimes d'engager une action civile pour obtenir réparation du préjudice qui leur a été causé.
Diffusion des images du "Mur" : injure publique
De manière un peu surprenante, la situation du journaliste qui a filmé le Mur à l'insu des membres du syndicat est plus délicate. Il a en effet diffusé des photos injurieuses, qui, de son fait, sont devenues publiques. Or l'injure publique, réprimée par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881, est un délit passible d'une amende pouvant monter jusqu'à 12 000 €. Heureusement pour lui, deux éléments sont susceptibles d'atténuer sa responsabilité, voire de l'écarter.
Le premier trouve son origine dans le droit de la presse. L'article 42 de la loi de 1881 pose le principe selon lequel l'auteur principal de l'infraction est le directeur de publication, alors que l'auteur n'a que le statut de complice. Celui qui a filmé le mur pourrait ainsi être poursuivi, non pas pour injure publique, mais pour complicité d'injure publique. Rappelons que Laurent Ruquier a été mis en examen, en septembre 2012, pour complicité d'injure publique, alors qu'il avait diffusé, dans une émission télévision, une caricature de Marine Le Pen que l'intéressée n'avait pas appréciée. La différence avec la situation de M. Weill-Raynal est cependant de taille : Laurent Ruquier présentait le dessin injurieux de manière favorable, alors que le film du "Mur des cons" visait à dénoncer la pratique du syndicat.
C'est précisément cette observation qui devrait permettre d'écarter la responsabilité pénale de l'intéressé. La Cour européenne des droits de l'homme considère, en effet, que les journalistes doivent bénéficier d'une indulgence particulière, lorsque leurs propos ont pour objet de développer un débat public. Cette jurisprudence, initiée dans le domaine du droit à l'image, pourrait tout à fait être adaptée à la diffusion d'injures, lorsqu'il s'agit non pas d'y souscrire mais de les dénoncer. N'est-ce pas précisément le cas de l'intéressé qui voulait mettre sur la place publique une pratique scandaleuse et non pas en être le complice ?
D'éventuelles sanctions disciplinaires
In fine, les possibilités d'action pénale à l'encontre des responsables du "Mur des cons" apparaissent relativement limitées. Nul n'ignore d'ailleurs qu'il est bien difficile de punir la simple bêtise. En revanche, il reste l'action disciplinaire. Une telle action est déjà envisagée par la chaine de télévision qui emploie M. Weill-Raynal, qui s'étonne que les images litigieuses aient été transmises à un autre média. Il s'agit là d'une procédure liée à l'exercice du contrat de travail, et à l'obligation de loyauté qui pèse sur le salarié à l'égard de son employeur. Le contenu injurieux ou non des images diffusées n'a donc rien à voir avec cette éventuelle action disciplinaire.
Pour ce qui est des magistrats, ceux qui ont réalisé le "Mur des cons", rien n'interdit d'envisager une action pour manquement à l'obligation de réserve. Celle-ci pèse en effet sur les agents publics à la fois pendant et hors leur temps de travail. Le caractère privé du local syndical ne suffit donc pas à écarter leur responsabilité. Sur le fond, l'affichage des photos injurieuses peut constituer un manquement à la réserve, dans la seule mesure où il risque de semer le doute sur l'impartialité des juges, et par là même, de la justice. Quoi qu'il en soit, l'important est que les afficheurs finissent par accepter la morale de François Pignon, selon laquelle "il faut toujours s'y reprendre à deux fois avant de traiter quelqu'un de con".
dimanche 28 avril 2013
Le 33è rapport de la CNIL
Hergé. Objectif Lune. 1953 |
Un standard européen de protection des données
Toutes ces pistes méritent d'être étudiées, et cette réflexion montre que la CNIL entend être présente dans le débat européen sur ces questions. Rappelons d'ailleurs que la Commission joue un rôle important au sein du "G 29" qui regroupe l'ensemble des agences des pays de l'UE compétentes en matière de protection des données. C'est en effet la CNIL qui pilote le groupe de travail du G 29 chargé de s'assurer que les règles de confidentialité appliquées par Google respectent la législation européenne. Considéré sous cet angle, le rapport de la CNIL est aussi l'instrument de la construction d'un standard européen de protection des données.