« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 9 septembre 2025

Le "contrat maître-chienne" ou les aberrations de la justice


Une nouvelle fois, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sanctionne le système français pour ses insuffisances dans la protection des personnes victimes de violences sexuelles. L'arrêt E.A. et association européenne contre les violences faites aux femmes au travail c. France rendu le 4 septembre 2025 met en oeuvre la notion de victimisation secondaire qui permet d'indemniser une personne qui a été victime d'un double préjudice, d'une part celui-ci subi du fait des actes qui lui ont été infligés, d'autre part celui issu d'une stigmatisation produite par le système judiciaire lui-même. Au-delà de cette question, l'arrêt s'inscrit dans un mouvement de plus en plus net visant à intégrer la notion de consentement, ou plutôt d'absence de consentement, dans la définition du viol.

La lecture de la décision laisse une impression étrange, car on se demande sérieusement comment des juges ont pu rendre de telles décisions. La requérante, E. A. est âgée d'environs vingt-cinq ans lorsqu'elle rejoint le service de pharmacie de l'hôpital de Briey. Préparatrice, elle a été recrutée dans le cadre d'un contrat temporaire, et se trouve placée sous l'autorité du chef de service, le docteur K. B. Peu à peu, sa santé se détériore. Après plusieurs arrêts de travail, elle est finalement hospitalisée en psychiatrie de juin à octobre 2013. C'est à ce moment qu'elle révèle à A. K. avoir subit des harcèlements du Dr K. B. qui a eu avec elle des relations intimes. A l'appui de ses accusations, elle montre des extraits de leur correspondance révélant l'existence d'actes violents, le plus souvent à caractère sadique. Un "contrat de chienne" est même découvert, par laquelle E. A. accepte de porter un collier de chien, et de manger dans une gamelle, aux pieds de son "maître". Et ce ne sont là que les clauses les plus bénignes, si l'on ose dire.

Sur le plan de la procédure, aucune lacune sérieuse ne peut être reprochée aux autorités hospitalières. Aussitôt informée de la situation, le 18 juillet 2013, A. K. fait un rapport et saisit la D.R.H. de l'hôpital qui entend la plaignante. Le docteur K. B. est, à son tour, entendu par le directeur de l'hôpital le 24 juillet qui fait un signalement au procureur le 30 juillet. Le docteur est suspendu le 5 août et E. A. porte plainte officiellement le 13 août pour viol aggravé. L'enquête préliminaire établit la réalité des faits corroborés par les témoignages de quatorze membres du service de pharmacie qui ont assisté à des scènes d'humiliation, trois d'entre eux ayant eux-mêmes subi des dénigrements ou de mise à l'écart. Des expertises ont également montré l'emprise psychologique dont avait été victime E. A.

Le dossier semble accablant pour le Docteur K. B. A l'issue de l'instruction, en novembre 2016, il est toutefois renvoyé devant la justice. Mais il ne sera pas jugé devant la cour d'assises pour agressions sexuelles aggravées, dont le viol, comme le demandait la plaignante, mais pour violences volontaires et harcèlement sexuel aggravé. Il est finalement condamné par le tribunal de Briey à dix mois d'emprisonnement avec sursis. Pire, la cour d'appel de Nancy, dans une décision du 27 mai 2021, infirme le jugement, dans une décision lunaire. Le "contrat maître-chienne" est en effet considéré comme témoignant du consentement de la plaignante aux pratiques qui y sont mentionnées. Pour les juges, "il n'a pas été établi qu'elle ait été contrainte par K. B. de signer ledit contrat". Puisqu'il y a consentement, les faits de harcèlement ne sont pas davantage reconnus, et la cour ne mentionne pas l'emprise et le chantage à l'emploi exercé par le docteur K. B. Il est donc relaxé, et cette relaxe est confirmé par la Cour de cassation le 16 février 2022.

 

Johnny fais moi mal ! Magali Noël - 1956

Avec la voix de Boris Vian

paroles de Boris Vian, musique de Alain Goraguer 


La victimisation secondaire

 

On peut se réjouir qu'il existe une juridiction européenne susceptible de réparer, au moins partiellement, des manquement aussi graves des juges internes. 

La CEDH affirme très clairement la victimisation secondaire. Elle réside dans le fait d'invoquer le contrat "maître-chienne" comme un document réellement contractuel démontrant le consentement de la victime à ces pratiques sado-masochistes. Au demeurant, on peut s'étonner qu'aucun juge français n'ait mentionné qu'un tel contrat, porte atteinte au principe d'inviolabilité du corps humain, et n'est donc pas conforme à l'ordre public français.

Quoi qu'il en soit, la victimisation secondaire est apparue avec l'arrêt Y. c. Slovénie du 28 août 2015, définie comme le fait de reproduire des stéréotypes sexistes dans des décisions de justice ou dans la procédure pénale. Elle a été ensuite appliquée dans une décision L. c. France du 25 avril 2025, concernant des affaires de viol sur mineures. La Cour estime alors que la victimisation secondaire est établie lorsqu'une femme qui a été violée se voit exposée à des propos culpabilisants ou moralisants de nature à décourager sa confiance dans la justice. 

On sait que cette notion a été utilisée par le tribunal correctionnel qui a eu à juger Gérard Depardieu pour des faits de violences sexuelles. Le 13 mai 2025, il a condamné l'acteur non seulement pour les actes commis mais aussi pour l'attitude de son avocat durant le procès. Celui-ci n'avait pas hésité en effet à insulter les parties civiles et à développer à leur égard des pratiques d'intimidation. De la même manière donc, elles avaient été doublement victimes, des violences sexuelles d'abord, de la brutalité de l'avocat durant le procès ensuite.

De toute évidence, E. A. est aussi doublement victime, des actes du docteur K. B., et d'une justice qui a ignoré la notion de consentement.

 

Le consentement de la victime

 

Le tribunal correctionnel a rejeté la demande de requalification des faits reprochés à K. B. en viol au motif qu'il n'était pas établi qu'ils aient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. Alors même que la plaignante présentait des fragilités psychologiques dont il avait profité, alors même qu'il avait abusé de l'autorité fonctionnelle qu'il exerçait à son égard, alors même qu'il l'avait menacée de représailles, le juge n'a tiré aucune conséquence de ces éléments pourtant très clairs dans le dossier. La cour d'appel, quant à elle, a déduit le consentement du "contrat maître-chienne" définissant le cadre de la pratique sado-masochiste qui était imposée à E. A.

La jurisprudence de la CEDH, et notamment l'arrêt M. C. c. Bulgarie du 4 décembre 2004, exige que, même en l'absence de preuves directes et matérielles d'un viol, les juges ne peuvent statuer qu'après s'être livrés à une appréciation de l’ensemble des circonstances des fait. Dans l'affaire L. c. France du 25 avril 2025, elle précise que le consentement ne saurait être déduit, ou écarté, du fait d'un seul élément, mais qu'une évaluation contextuelle de l'ensemble des circonstances est indispensable.

En l'espèce, ces circonstances n'ont fait l'objet d'aucune évaluation. Sur le plan professionnel, il n'était pas possible d'ignorer l'autorité fonctionnelle exercée par le docteur K. B. sur E. A., d'autant qu'il menaçait de ne pas la titulariser et de l'obliger à rembourses ses frais de formation. La coercition dont elle était victime altérait sa santé physique et mentale, plaçant E. A. dans une telle situation de vulnérabilité qu'elle n'était plus en mesure de donner un consentement fondé sur sa libre volonté. Par ailleurs, il est évident qu'aucun contrat écrit ne peut être invoqué pour estimer qu'une personne a consenti à l’ensemble des pratiques sexuelles violentes qui lui avaient ultérieurement été infligées. Dans ce domaine, un consentement est évidemment toujours révocable. Il est donc clair que les juges français n'ont pas tenu compte du témoignage de E. A. affirmant que certains actes sexuels avaient été commis contre son gré ou s’étaient poursuivis alors même qu’elle avait supplié  le docteur K. B. d'y mettre fin. La France est donc sanctionnée pour la défaillance d'une justice qui n'a pas cru bon d'entendre la victime.

Le plus choquant est peut-être que les juges n'aient pas vu que le « contrat maître-chienne » que le docteur K. B. avait fait signer à E. A. n'était pas un échange de volontés libres mais au contraire un instrument du contrôle qu'il exerçait sur sa victime. De fait, les juges ont renvoyé la culpabilité sur la victime, mettant le bourreau à l'abri des poursuites. A ce sujet, on peut se demander s'il n'aurait pas été judicieux de délocaliser l'affaire.

On pourrait affirmer que cette décision plaide pour une intégration explicite du consentement dans la définition du viol. C'est sans doute vrai, mais le droit positif permettait déjà de sanctionner ces pratiques, à la condition que les juges examinent l'ensemble du dossier, et pas seulement les éléments à décharge. Cela s'appelle rendre la justice.

 


samedi 6 septembre 2025

Les Invités de LLC - Eugène Pelletan, Rapport sur la loi de 1881

Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite. 

Les choix des textes ou citations sont purement subjectifs, détachés de toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.
 
Aujourd'hui, LLC propose à ses lecteurs le rapport d'Eugène Pelletan sur le texte qui allait devenir la célèbre loi sur la presse du 29 juillet 1881. On retrouve bien des débats actuels sur la nécessité, ou pas, d'interdire l'expression de certaines opinions. Et Eugène Pelletan affirme "Il était temps enfin de reconnaître qu'en fait d'opinions particulières il n'y a qu'un tribunal possible, le bon sens public (...)". N'est-ce pas la définition même du libéralisme ?


 

Eugène PELLETAN

Rapport au Sénat sur le projet de loi sur la presse

18 juin 1881

 


 


 

 

 

 

La monarchie constitutionnelle placée en face de la contradiction d'une charte qui proclamait la liberté de la presse et la frayeur que le Gouvernement avait de cette liberté, la monarchie, disons-nous, n'osait ni la maintenir, ni la supprimer tout à fait, et elle avançait et reculait la limite du droit d'écrire, cherchant toujours et ne trouvant jamais la ligne mathématique qui sépare ce qu'elle supposait la liberté et ce qu'elle appelait la licence.

De là, ce pêle-mêle de lois éparses à côté les unes des autres, diverses d'origine, contradictoires entre elles ; les unes inspirées de l'esprit de liberté, les autres de l'esprit de réaction ; les unes définitives en apparence et qui n'étaient que temporaires; les autres provisoires, au contraire, et qui étaient définitives en réalité, puisqu'elles ont survécu aux gouvernements de passage qu'elles avaient la prétention de sauver.

Il était du devoir de la République, désormais en paix avec elle-même et forte de l'expérience acquise, il était de son honneur de mettre l'ordre dans ce chaos et de donner au pays une loi de la presse conformée à son principe. Qui dit peuple souverain dit peuple libre; or, un peuple n'est libre qu'autant qu'il est en possession des libertés indispensables à l'exercice de sa souveraineté. De toutes les libertés, la plus nécessaire sera toujours la liberté de discussion.

C'est pour répondre au besoin d'une codification de la presse mieux coordonnée, mieux appropriée à un régime de démocratie, que la Chambre des Députés a élaboré, qu'elle a volé le projet de loi dont nous sommes saisis. Pour en bien comprendre l'esprit, il suffirait de lire le savant rapport de M. Lisbonne qui en est le lumineux commentaire; nous croyons devoir néanmoins vous en signaler les principales dispositions.

Le cautionnement est supprimé; il était un obstacle à la multiplication des journaux; or, c'est précisément cette multiplication que la loi doit faciliter, dans l'intérêt de la conservation aussi bien que de la liberté :

De la conservation, car elle dissémine l'influence d'une presse trop concentrée qui faisait quelquefois d'un seul journal le rendez-vous de tout un parti ;

De la liberté, car elle permet à toute opinion et à toute nuance d'opinion, fût-elle individuelle, d'avoir dans le pays son tour de parole.

Le timbre est aboli; il l'était déjà,mais il avait été remplacé par l'impôt sur le papier. Cet impôt a le même inconvénient que le timbre; il enchérit le prix du journal.'

La presse à bon marché est une promesse tacite de la République au suffrage universel. Ce n'est pas assez que tout citoyen ait le droit de vote.

Il importe qu'il ait la conscience de son vote, et comment Ferait-il, si une presse à la portée de tous, du riche comme du pauvre, ne va chercher l'électeur jusque dans le dernier village? Le citoyen qui ne vote pas en connaissance de cause n'est pas un électeur, il n'est que le commissionnaire de son bulletin.

Or la presse, et surtout la presse à bon marché, cette parole présente à la fois partout et à la même heure, grâce à la vapeur et à l'électricité, peut seule tenir la France tout entière assemblée comme sur une place publique et la mettre, homme par homme et jour par jour, dans la confidence de tous les événements et au courant de toutes les questions ; et ainsi, de près comme de loin, le suffrage universel forme un vaste auditoire invisible qui assiste à nos débats, entend nos discours, suit de l'oeil les actes du Gouvernement et les pèse dans sa conscience.

Tout ce qui a pu être dans le passé délit d'opinion disparait du projet. La loi ne punit que l'acte; la pensée n'est pas un acte. Mais la parole, nous dit-on, en est un ; pas plus que la pensée elle-même dont elle n'est que la forme. La pensée, ou ce qui est la même chose, la parole ne peut être un délit qu'autant qu'elle est associée à un acte et qu'elle en est partie intégrante, soit pour l'avoir déterminé, soit pour l'avoir dirigé.

Quand une intelligence parle à une autre intelligence, lui impose-t-elle son opinion? non; elle ne fait que la proposer; on est toujours libre de l'accepter ou de la rejeter. Parler et convaincre sont deux choses distinctes. Si celui qui parle n'a pas converti celui qui écoute, pourquoi le punir? et s'il l'a converti, est-ce que l'adhésion de l'auditeur n'est pas alors une présomption de vérité? Cette vérité présumée cependant pourrait bien être une erreur. Mais dans ce cas qui donc pourrait oser faire la police du cerveau humain?

La croyance aux délits d'opinion repose sur ce préjugé que la raison est toute-puissante quand elle parle, et purement passive quand elle écoute ; mais, qu'elle parle ou qu'elle écoute, elle est toujours la même raison et l'unique autorité qui ait juridiction sur la vérité. Elle a l'orgueil de croire qu'elle saura toujours mieux la protéger que n'importe quel réquisitoire.

Il était temps enfin de reconnaître qu'en fait d'opinions particulières il n'y a qu'un tribunal possible, le bon sens public; c'est devant lui que toutes viennent comparaître, que toutes viennent plaider, parce que tous reconnaissent qu'il a seul compétence en pareille matière. Et pourquoi donc a-t-on confié au jury le soin de juger les délits de parole, si ce n'est parce que le juré est précisément le juge le plus près de l'opinion publique, et qu'il peut en être le meilleur interprète?

Donc, plus de délit d'excitation à la haine ou au mépris du Gouvernement. Le mépris, pas plus que la haine, n'est un délit. Comment ce qui n'est pas un délit en soi pourrait-il en devenir un par voie d'excitation?

La popularité d'un Gouvernement ne dépend pas, d'ailleurs, d'un coup de plume; elle ne dépend que de lui-même ; qu'il gouverne bien et sa politique sera, son escorte d'honneur ; elle saura bien écarter de lui la haine ou le mépris.

Plus de poursuite pour apologie de faits qualifiés crimes ou de délits. Si cette disposition de loi eût existé au siècle dernier, elle eût frappé Turgot pour avoir soutenu la légitimité du prêt à intérêt alors qualifié crime, et, de notre temps, elle eût atteint un homme d'État éminent pour avoir fait l'apologie du duel, qualifié tantôt crime, tantôt délit, selon la gravité de la blessure.

Plus de délit d'attaque à la propriété; rassurons-nous sur son compte, elle ne court aucun danger. La charrue du paysan l'a écrite si avant dans le sol que le vent, d'aucune utopie ne saurait effacer son titre de propriétaire.

Plus de délit d'attaque à la famille; pour en retirer le culte du coeur de l'homme, c'est le coeur de l'homme lui-même qu'il faudrait arracher. Quand une institution repose sur la première de toutes les lois, sur une loi de nature, il est inutile de la croire menacée pour avoir le prétexte de la venger.

Plus de délit d'attaque à la morale. Oui sans doute il y a une morale, ou il n'y aurait plus de société; la morale est sa première condition d'existence, mais si elle est impérissable dans son principe, elle n'en est pas moins progressive comme toute chose humaine, et par conséquent matière à controverse.

On ne fera plus désormais aux institutions fondamentales, constitutives de toute civilisation, l'injure, de les défendre à coups d'amendes ; elles sauront se défendre elles-mêmes par leur propre évidence, sans avoir besoin d'aller plaider leur cause devant un tribunal de police et réclamer à un attendu de jugement un supplément de vérité.

Le projet écarte résolument tous ces dangers imaginaires, tous ces délits arbitraires, qui n'étaient que des réminiscences du moyen âge égarées dans la législation moderne; il fait le bon sens public seul juge des doctrines; il soulage le juge ordinaire du fardeau.passablement embarrassant de décider du haut de son siège si une idée est une erreur et si cette erreur est un danger.

Il ne suffisait pas d'avoir affranchi la pensée, il fallait encore affranchir l'instrument de la pensée.

(...) 

Telle est la loi ; elle marque un pas de plus dans la voie de la liberté. Elle ouvre une ère nouvelle.




 

mercredi 3 septembre 2025

Le prénom, objet d'injure raciste


La liberté d'expression est de mise dans le débat politique, et le débat d'intérêt général, notion mise à jour par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) permet souvent de justifier une certaine vivacité dans le propos. Dans ce domaine, le contentieux de l'injure pourrait donc sembler en déclin, les noms d'oiseaux étant considérés comme admissibles, en quelque sorte inhérents au débat politique.

L'arrêt rendu par la chambre criminelle de la cour de cassation le 2 septembre 2025 montre qu'il n'en est rien. Une plainte pour injure conserve des chances de conduire à une condamnation, en particulier lorsqu'il s'agit d'une injure envers un particulier prononcée "à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion", incrimination prévue à l'article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881. Dans ce cas particulier, les plaintes sont fréquentes, et une enquête menée par la Chancellerie en 2023 montrait que sur l'ensemble des 3700 affaires liées à des propos racistes ou des discriminations, 76 % recevaient la qualification d'injure, publique ou privée.

Dans l'affaire jugée le 2 septembre, Mme W, qui porte le prénom d'Hapsatou, a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. Z. qui lui a déclaré en septembre 2018, lors d'une émission de télévision "Les Terriens du dimanche", que son prénom était une "insulte à la France". La provocation à la discrimination n'a pas été retenue par les juges. En revanche, l'intéressé a été condamné en 2023 par le tribunal correctionnel de Paris à 4000 € d'amende pour injure raciste, peine confirmée en mars 2024 par la cour d'appel et aujourd'hui par la cour de cassation.


Petite histoire juridique du prénom


En l'espèce, M. Z. livrait le fond de sa pensée, en regrettant que la mère d'Hapsatou n'ait pas choisi un "prénom du calendrier" pour l'appeler "Corinne, par exemple". Sur le plan juridique, il semble se fonder sur la loi du 11 germinal an XI qui, selon lui, imposait le choix d'un prénom français. En réalité ce texte était beaucoup plus libéral et autorisait "les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus dans l'histoire ancienne".

Ces "différents calendriers" ne renvoient donc pas à la seule liste des saints catholiques. En 1803, le calendrier révolutionnaire de Fabre d'Églantine était encore une référence, et il l'est demeuré fort longtemps. C'est sur lui que se fonde la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 10 juillet 1981, écarte une décision d'un officier d'état civil refusant le prénom de Cerise.  

La possibilité d'utiliser "l'histoire ancienne" pour choisir un prénom offre également un large choix. Sous le Consulat, le législateur songeait aux prénoms bibliques et inspirés de l'Antiquité gréco-romaine. A l'époque, une liste fut publiée pour aider les heureux parents, autorisés à appeler leur fils Dorymédon ou Théopompe, et leur fille Cuthburge ou Golinduche. Par la suite, la jurisprudence a élargi le corpus à l'ensemble des périodes historiques, et les juges ont admis des prénoms tirés de l'histoire russe ou américaine, avec notamment un Jefferson admis par la cour d'appel d'Angers le 14 septembre 1992.

Même sous l'empire de la loi de 1803, rien ne permet de penser qu'un prénom d'origine africaine aurait été interdit. Au XIXè s., les parents pouvaient se référer aux cultures extra-européennes. Un enfant a même été baptisé Sadi, parce que son grand-père, Lazare Carnot, était un grand admirateur du poète persan Saadi. A l'époque, personne n'a songé à dire que c'était une "insulte à la France" et cela n'a pas empêché Sadi Carnot de devenir Président de la République.

Quoi qu'il en soit, la loi du 11 Germinal an XI a été abrogée, et le droit actuel repose sur celle du 8 janvier 1993. Le principe est le libre choix des parents, et il appartient à l'officier d'état civil d'avertir le parquet si le prénom est de nature à nuire à l'enfant ou à porter atteinte aux droits des tiers. Dans ce cas, ce sera au juge aux affaires familiales de se prononcer. Cette procédure est détaillée dans la circulaire du 3 mars 1993.

De fait, les cas de refus d'un prénom sont extrêmement rares. La Cour de cassation, le 5 juin 1993, a ainsi écarté Ravi et Titeuf, le 15 février 2012. On pourrait aussi citer Assedic, Exocet ainsi que Babord et Tribord pour des jumeaux, que les juges ont heureusement épargné à des malheureux enfants. L'intervention du juge est perçue comme exceptionnelle, destinée à protéger l'enfant contre la stupidité de ses parents, contre le ridicule, mais les prénoms d'origine étrangère ne sont pas davantage prohibés que sous l'empire de la loi de l'an XI. 

La CEDH ne raisonne pas différemment. Elle considère, dans un arrêt du 24 octobre 1996 Guillot c. France, que le choix d'un prénom par les parents revêt un caractère intime et affectif qui le fait entrer dans la sphère de la vie privée. Le prénom est donc protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui garantit le droit à la vie privée et familiale. Sur cette base, la plaignante est donc fondée à considérer que son prénom d'Hapsatou relève de sa vie privée.

 


 Éric Hapsatou Zemmour. Les Goguettes 2019

 

L'injure

 

Ces observations sont certes indispensables pour comprendre l'affaire, mais il faut aussi voir dans quelle mesure le fait d'affirmer qu'un prénom "constitue une insulte à la France" est considéré comme injurieux. Sur ce point, la chambre criminelle donne une motivation précise.

L'injure est définie à l'article 29 al. 2 de la loi de 1881, comme une expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait précis. Lorsqu'un fait précis est invoqué, c'est en effet la diffamation qui est en cause. En l'espèce, M. Z. n'invoque aucun fait précis, et se borne à un jugement de valeur particulièrement négatif sur le prénom d'Hapsatou.

Pour relever du tribunal correctionnel, l'injure doit être publique. L'injure privée en effet n'est passible que d'une peine contraventionnelle. L'article 23 de la loi de 1881 dresse une liste des vecteurs susceptibles de permettre la qualification d'injure publique. Parmi eux, figure "tout moyen de communication au public", et la télévision relève, à l'évidence de cette catégorie.

L'injure raciale est une injure aggravée qui fait encourir à son auteur une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 45000 € d'amende. Encore faut-il, dans ce cas, prouver un mobile ségrégationniste. En d'autres termes, l'auteur des propos doit établir un lien de causalité entre le mépris qu'il entend jeter sur la victime et ses origines ethniques ou religieuses.

Dans le cas présent, M. Z. invoque le débat d'intérêt général, notion affirmée par la CEDH pour faire prévaloir la liberté d'expression sur d'autres droits protégés. C'est d'abord le respect de la vie privée qui a été écarté dans plusieurs arrêts portant, le plus souvent, sur la diffusion d'informations relatives à la famille princière monégasque. Mais le débat d'intérêt général est aussi utilisé pour protéger le débat sur des sujets réellement importants comme le fonctionnement de la justice avec l'arrêt Morice c. France du 23 avril 2015. De même, la Cour de cassation, cette fois dans deux arrêts du 11 mai 2022 rendus par la première chambre civile, a écarté deux actions en diffamation, les mouvements #MeToo et #Balancetonporc ayant été considérés comme rattachés au débat d'intérêt général.

Dans l'affaire jugée le 2 septembre 2025, la chambre criminelle accepte de considérer que les propos tenus par M. Z. au début de son intervention traitaient, d'une manière très générale, de la question du choix du prénom de leurs enfants par les parents étrangers ou d'origine étrangère. En tant que telle, la question pouvait relever du débat d'intérêt général, d'autant que la question de la cohésion sociale était mentionnée. En revanche, la citation incriminée vise directement l'une des participantes à l'émission de télévision. La Cour observe qu'ils "sont outrageants à l'égard de la partie civile, en ce qu'ils assimilent son prénom, attribut essentiel de sa personnalité, à une injure faite à la France". Un lien de causalité est réalisé entre le mépris que M. Z. veut jeter sur la victimes et ses origines. C'est donc la personnalisation du propos qui, en quelque sorte, constitue le critère essentiel de son caractère injurieux, et c'est ce qui justifie le rejet du pourvoi. 

La décision n'a rien de très surprenant, et les propos de M. Z. étaient manifestement injurieux. Elle présente tout de même un intérêt en quelque sorte pédagogique. La frontière entre le débat d'intérêt général et l'injure est clairement exposée, ce qui sera sans doute utile aux juges de fond. Quant à M. Z., que tout le monde a reconnu, il reste à espérer que sa condamnation l'incitera à calmer un peu son obsession des prénoms. Tout le monde ne peut pas s'appeler Éric.


L'injure : Manuel de Libertés publiques version E-Book et version papier, chapitre 9,  section 2 § 1 A


 

vendredi 29 août 2025

Chichis, chouchous et beignets, même combat !


Que serait une plage estivale sans ses traditionnels vendeurs de chichis, chouchous, beignets, glaces et autres pommes d'amour ? Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a ordonné, dans une ordonnance du 14 août 2025, la suspension d'un arrêté du maire d'une commune vendéenne, Saint Hilaire du Riez, qui interdisait toute activité des vendeurs ambulants sur ses plages surveillées, les seules qui attirent les baigneurs. Cet arrêté était accompagné de huit autres textes signés de huit élus vendéens, conduisant ainsi à interdire ces commerces dans l'ensemble des plages du département.

 

L'ancienne jurisprudence Daudignac 

 

Il est clair que le maire vendéen porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Nous sommes là au coeur d'une jurisprudence bien connue des étudiants en droit. L'arrêt Daudignac rendu par l'assemblée du Conseil d'État le 22 juin 1951 vise expressément le décret d’Allarde des 2-17 mars 1791 qui consacre la liberté du commerce et de l'industrie et la range parmi les principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir réglementaire. Dans le cadre du contrôle maximum qu’il exerce sur les mesures de police, le juge administratif accepte de sanctionner un acte administratif qui porte une atteinte excessive à cette liberté, c'est-à-dire une atteinte qui n'est pas justifiée par des motifs d'ordre public. En l'espèce, il s'agissait d'un cas très proche de celui du vendeur de chichis vendéen, le maire de Montauban ayant soumis à autorisation l'exercice de la profession de photographe-filmeur sur l'ensemble des voies publiques de la commune, alors même que cette activité n'emportait pas d'atteinte à l'ordre public. Le sieur Daudignac, qui ne voulait décidément pas quitter Montauban pour exercer son activité, a donc obtenu du juge administratif l'annulation de l'arrêté qui l'interdisait.

Avec l'arrêt Martial de Laboulaye du 28 octobre 1960, le Conseil d'État sanctionne plus clairement encore l'interdiction générale et absolue de cette liberté. Enfin, un arrêt du 27 avril 2012 qualifie la liberté du commerce et de l'industrie de "liberté fondamentale" susceptible de donner lieu à un référé-liberté, sur le fondement de l'article L 521 du code de la justice administrative. Cette fois, il s'agissait de l'installation d'une attraction de "pêche aux sacs" sur la foire de Nancy, qui, elle non plus, n'entraînait aucune atteinte à l'ordre public.

Photographes-filmeurs, forains, et maintenant marchands de chichis, cette liberté protège toutes les activités commerciales, modestes ou ambitieuses, permanentes ou saisonnières.

En tant que telle, l'ordonnance de référé du juge nantais n'est ainsi que la mise en oeuvre d'une jurisprudence ancienne que l'on a un certain plaisir à retrouver. On se réjouirait presque de l'ignorance, tout de même un peu surprenante, des élus vendéens qui ont permis à chaque juriste de se souvenir de son cours de droit administratif de seconde année, même si les chichis et les beignets n'ont rien à voir avec la madeleine de Proust.

La décision présente tout de même un intérêt un peu plus immédiat. C'est ainsi que l'urgence, condition indispensable du référé, est constituée par la menace grave qui pèse sur l'entreprise qui commercialise ces friandises. Elle est en effet placée en redressement judiciaire, alors qu'elle avait investi pour développer son activité sur toutes les plages vendéennes. Son existence même est menacée, et ses salariés risquent de se retrouver privés d'emploi à cause d'un arrêté municipal dont les motifs manquent manifestement de sérieux.

 


 Les sucettes. France Gall et Serge Gainsbourg. 1966

Paroles et musique : Serge Gainsbourg 

 

Des motifs filandreux

 

L'élu estime d'abord que la vente de friandises empêche l'activité de surveillance et de sauvetage qui se déroule sur les plages, sans plus de précision. Doit-on en déduire que les maîtres nageurs sauveteurs, trop occupés à grignoter des friandises, ne surveillent plus la baignade ? Aucune précision n'est donnée sur ce point. L'élu ajoute que les produits vendus nécessitent une installation frigorifique créant un risque sanitaire. Mais là encore, il ne semble pas que la consommation de sorbets entraine des pandémies. Ces éléments, d'ailleurs très succincts, sont balayés par le juge nantais. Il rappelle d'ailleurs que même si l'interdiction n'était pas générale et absolue, il subsisterait un "doute sérieux" sur la légalité de l'arrêté du maire. La formule ne manque pas de courtoisie pour l'élu car l'arrêté est grossièrement illégal.

L'inanité des motifs invoqués pour justifier l'arrêté montre que le maire de Saint Hilaire du Riez poursuivait en réalité un but un peu moins avouable devant le juge administratif.

En effet, l'interdiction prononcée par l'élu n'est "générale et absolue" qu'à l'égard des commerçants saisonniers. Ceux actifs à Saint Hilaire du Riez ont pu bénéficier de contrats les autorisant à installer sur la plage des installations fixes pour vendre les mêmes chichis et les mêmes beignets. Les élus vendéens ont ainsi mis en place un système de Closed Shop, réservant aux commerçant locaux l'intégralité du marché. Il s'agit là d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait sans doute être sanctionnée devant le juge judiciaire.

Le juge administratif, quant à lui, ne pouvait guère entrer dans cette analyse, mais il ne fait aucun doute qu'il a parfaitement vu la manoeuvre protectionniste des élus, manoeuvre qui se situe à la limite du détournement de procédure. En suspendant l'arrêté, il met fin à une situation inéquitable, en se plaçant sur le seul fondement de la liberté du commerce et de l'industrie. Une économie de moyens qui permettra aux baigneurs des plages vendéennes de pouvoir continuer à acheter chichis, chouchous, beignets ou glaces aux vendeurs ambulants. 


La liberté du commerce et de l'industrie : Manuel de Libertés publiques version E-Book et version papier, chapitre 13,  section 1 § 1 

mardi 26 août 2025

Les Invités de LLC - Robespierre - Discours sur le marc d'argent - 1790

A l'occasion des vacances, Liberté Libertés Chéries invite ses lecteurs à retrouver les Pères Fondateurs des libertés publiques. Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est en effet nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite. 

Les choix des textes ou citations sont purement subjectifs, détachés de toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.
 
Robespierre défendait, dès 1789, le droit de vote de tous les citoyens français, sans distinction de fortune. Le décret du marc d'argent visait précisément à mettre en place un régime censitaire, et Robespierre s'y est opposé dans son "discours sur le marc d'argent", mais il n'a pas pu prononcer son discours devant l'Assemblée. Il le fera donc imprimer en avril 1791. 

 

 

Maximilien ROBESPIERRE

Le discours sur le marc d'argent

1790

 

Maximilien Robespierre

Louis-Léopold Boilly
 

 

Messieurs, 

 

Pourquoi sommes-nous rassemblés dans ce temple des lois ? Sans doute pour rendre à la Nation française l'exercice des droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes. Tel est l'objet de toute Constitution politique. Elle est juste, elle est libre, si elle le remplit ; elle n'est qu'un attentat contre l'humanité, si elle le contrarie. Vous avez vous-mêmes reconnu cette vérité d'une manière frappante, lorsqu'avant de commencer votre grand ouvrage, vous avez décidé qu'il fallait déclarer solennellement ces droits sacrés, qui sont comme les bases éternelles sur lesquelles il doit reposer ;

« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.

La souveraineté réside essentiellement dans la Nation.

La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à sa formation, soit par eux-mêmes, soit par leurs représentants, librement élus.

Tous les citoyens sont admissibles à tous les emplois publics, sans aucune autre distinction que celle de leur vertu et de leurs talents. »

Voilà les principes que vous avez consacrés ; il sera facile maintenant d'apprécier les dispositions que je me propose de combattre, il suffira de les rapprocher de ces règles invariables de la société humaine.

1° La loi est-elle l'expression de la volonté générale, lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peut concourir à sa formation ? Non. Cependant interdire à tous ceux qui ne paient pas une contribution égale à trois journées d'ouvriers le droit même de choisir les électeurs destinés à nommer les membres de l'Assemblée législative, qu'est-ce autre chose que rendre la majeure partie des Français absolument étrangère à la formation de la loi ? Cette disposition est donc essentiellement anti-constitutionnelle et anti-sociale.

2° Les hommes sont-ils égaux en droits, lorsque les uns jouissant exclusivement de la faculté de pouvoir être élus membres du corps législatif, ou des autres établissements publics, les autres de celle de les nommer seulement, les autres restent privés en même temps de tous ces droits ? Non ; telles sont cependant les monstrueuses différences qu'établissent entre eux les décrets qui rendent un citoyen actif ou passif, moitié actif, ou moitié passif, suivant les divers degrés de fortune qui lui permettent de payer trois journées, dix journées d'imposition directe ou un marc d'argent ? Toutes ces dispositions sont donc essentiellement anti-constitutionneIles, anti-sociales.

3° Les hommes sont-ils admissibles à tous les emplois publics sans autre distinction que celle des vertus et des talents, lorsque l'impuissance d'acquitter la contribution exigée les écarte de tous les emplois publics, quels que soient leurs vertus et leurs talents ? Non ; toutes ces dispositions sont donc essentiellement anti-constitutionnelles et anti-sociales.

4° Enfin la Nation est-elle souveraine, quand le plus grand nombre des individus qui la composent est dépouillé des droits politiques qui constituent la souveraineté ? Non, et cependant vous venez de voir que ces mêmes décrets les ravissent à la plus grande partie des Français. Que serait donc votre Déclaration des droits si ces décrets pouvaient subsister ? Une vaine formule. Que serait la Nation ? Esclave : car la liberté consiste à obéir aux lois qu'on s'est données, et la servitude à être contraint de se soumettre à une volonté étrangère. Que serait votre Constitution ? Une véritable aristocratie. Car l'aristocratie est l'état où une partie des citoyens est souveraine et le reste est sujet, et quelle aristocratie ! La plus insupportable de toutes, celle des riches.

Tous les hommes nés et domiciliés en France sont membres de la société politique, qu'on appelle la Nation française, c'est-à-dire citoyens français. Ils le sont par la nature des choses et par les premiers principes du droit des gens. Les droits attachés à ce titre ne dépendent ni de la fortune que chacun d'eux possède, ni de la quotité de l'impôt à laquelle il est soumis, parce que ce n'est point l'impôt qui nous fait citoyens ; la qualité de citoyen oblige seulement à contribuer à la dépense commune de l'Etat, suivant ses facultés. Or vous pouvez donner des lois aux citoyens, mais vous ne pouvez pas les anéantir. Les partisans du système que j'attaque ont eux-mêmes senti cette vérité, puisque, n'osant contester la qualité de citoyens à ceux qu'ils condamnaient à l'exhérédation politique, ils se sont bornés à éluder le principe de l'égalité qu'elle suppose nécessairement, par la distinction de citoyens actifs et de citoyens passifs. Comptant sur la facilité avec laquelle on gouverne les hommes par des mots, ils ont essayé de nous donner le change en publiant, par cette expression nouvelle, la violation la plus manifeste des droits de l'homme.

Mais qui peut être assez stupide pour ne pas apercevoir que ce mot ne peut ni changer les principes ni résoudre la difficulté, puisque déclarer que tels citoyens ne sont point actifs ou dire qu'ils n'exerceront plus les droits politiques attachés au titre de citoyen, c'est exactement la même chose dans l'idiome de ces subtils politiques ? Or je leur demanderai toujours de quel droit ils peuvent ainsi frapper d'inactivité et de paralysie leurs concitoyens et leurs commettants : je ne cesserai de réclamer contre cette locution insidieuse et barbare qui souillera à la fois et notre Code et notre langue, si nous ne nous hâtons de l'effacer de l'un et de l'autre, afin que le mot de liberté ne soit pas lui-même insignifiant et même dérisoire.

Qu'ajouterai-je à des vérités si évidentes ? (...). Je ne devrais répondre que ce seul mot : le peuple, cette multitude d'hommes dont je défends la cause, a des droits qui ont la même origine que les vôtres. Qui vous a donné le pouvoir de le leur ôter ?

L'utilité générale, dites-vous ! Mais est-il rien d'utile que ce qui est juste et honnête ? Et cette maxime éternelle ne s'applique-t-elle pas surtout à l'organisation sociale ? Et si le but de la société est le bonheur de tous, la conservation des droits de l'homme, que faut-il penser de ceux qui veulent l'établir sur la puissance de quelques individus et sur l'avilissement et la nullité du reste du genre humain ! (...)

Mais dites-vous : le peuple ! Des gens qui n'ont rien à perdre, pourront donc comme nous exercer tous les droits des citoyens ? Des gens qui n'ont rien à perdre ! Que ce langage de l'orgueil en délire est injuste et faux aux yeux de la vérité ! Ces gens dont vous parlez sont apparemment des hommes qui vivent, qui subsistent au sein de la société, sans aucun moyen de vivre et de subsister. Car s'ils sont pourvus de ces moyens-là, ils ont quelque chose, ce me semble, à perdre ou à conserver. Oui, les grossiers habits qui me couvrent, l'humble réduit où j'achète le droit de me retirer et de vivre en paix, le modique salaire avec lequel je nourris ma femme, mes enfants, tout cela, je l'avoue, ne sont point des terres, des châteaux, des équipages, tout cela s'appelle rien peut-être, pour le luxe et pour l'opulence ; mais c'est quelque chose pour l'humanité ; c'est une propriété sacrée aussi sacrée, sans doute, que les brillants domaines de la richesse. Que dis-je ! ma liberté, ma vie, le droit d'obtenir sûreté ou vengeance pour moi et pour ceux qui me sont chers, le droit de repousser l'oppression, celui d'exercer librement toutes les facultés de mon esprit et de mon coeur ; tous ces biens si doux, les premiers de ceux que la nature a départis à l'homme, ne sont-ils pas confiés comme les vôtres à la garde des lois ?

(...)

Mais les riches, les hommes puissants ont raisonné autrement. Par un étrange abus des mots, ils ont restreint à certains objets l'idée générale de propriété ; ils se sont appelés seuls propriétaires, ils ont prétendu que les propriétaires seuls étaient dignes du nom de citoyens, ils ont nommé leur intérêt particulier l'intérêt général, et pour assurer le succès de cette prétention, ils se sont emparés de toute la puissance sociale. Et nous ! ô faiblesse des hommes ! nous qui prétendons les ramener aux principes de l'égalité et de la justice, c'est encore sur ces absurdes et cruels préjugés que nous cherchons, sans nous en apercevoir, à élever notre Constitution ! [...].

Le despotisme lui-même n'avait pas osé imposer d'autres conditions aux citoyens qu'il convoquait : comment donc pourriez-vous dépouiller une partie de ces hommes-là, à plus forte raison la plus grande partie d'entre eux, de ces mêmes droits politiques qu'ils ont exercés en vous envoyant à cette Assemblée, et dont ils vous ont confié la garde ? Vous ne le pouvez pas sans détruire vous-mêmes votre pouvoir, puisque votre pouvoir n'est que celui de vos commettants. En portant de pareils décrets, vous n'agiriez pas comme représentants de la Nation : vous agiriez directement contre ce titre ; vous ne feriez point des lois, vous frapperiez l'autorité législative dans son principe. Les peuples mêmes ne pourraient jamais ni les autoriser, ni les adopter, parce qu'ils ne peuvent jamais renoncer, ni à l'égalité, ni à la liberté, ni à leur existence comme peuples, ni aux droits inaliénables de l'homme. 

Aussi, Messieurs, quand vous avez formé la résolution déjà bien connue de les révoquer, c'est moins parce que vous en avez reconnu la nécessité, que pour donner à tous les dépositaires de l'autorité publique un grand exemple du respect qu'ils doive ni aux peuples, pour couronner tant de lois salutaires, tant de sacrifices généreux, par le magnanime désaveu d'une surprise passagère, qui ne changea jamais rien ni à vos principes, ni à votre volonté constante et courageuse pour le bonheur des hommes. Que signifie donc l'éternelle objection de ceux qui vous disent qu'il ne vous est permis, dans aucun cas, de changer vos propres décrets ? Comment a-t-on pu faire céder à cette prétendue maxime cette règle inviolable, que le salut du peuple et le bonheur des hommes sont toujours la loi suprême, et imposer aux fondateurs de la Constitution française, celle de détruire leur propre ouvrage, et d'arrêter les glorieuses destinées de la Nation et de l'humanité entière, plutôt que de réparer une erreur dont ils connaissent tous les dangers ? Il n'appartient qu'à l'être essentiellement infaillible d'être immuable : changer est non seulement un droit, mais un devoir pour toute volonté humaine qui a failli. Les hommes qui décident du sort des autres hommes sont moins que personne exempts de cette obligation commune Mais tel est le malheur d'un peuple qui passe rapidement de la servitude à la liberté, qu'il transporte, sans s'en apercevoir, au nouvel ordre de chose, les préjugés de l'ancien dont il est certain que ce système de l'irrévocabilité absolue des décisions du Corps législatif n'est autre chose qu'une idée empruntée du despotisme. L'autorité ne peut reculer sans se compromettre, disait-il, quoiqu'en effet il ait été forcé quelquefois à reculer. Cette maxime était bonne en effet pour le despotisme, dont la puissance oppressive ne pouvait se soutenir que par l'illusion ou la terreur; mais l'autorité tutélaire des représentants de la Nation, fondée à la fois sur l'intérêt général et sur la force de la Nation même, peut réparer une erreur funeste, sans courir d'autre risque que de réveiller les sentiments de la confiance et de l'admiration qui l'environnent ; elle ne peut se compromettre que par une persévérance invincible dans des mesures contraires à la liberté, et réprouvées par l'opinion publique. 

Il est cependant quelques décrets que vous ne pouvez point abroger, ce sont ceux qui renferment la Déclaration des droits de l'homme, parce que ce n'est point vous qui avez fait ces lois, vous les avez promulguées. Ce sont des décrets immuables du législateur éternel déposés dans la raison et dans le coeur de tous les hommes avant que vous les eussiez inscrits dans votre code, que je réclame contre les dispositions qui les blessent et qui doivent disparaître devant eux. Vous avez ici à choisir entre les uns et les autres, et votre choix ne peut être incertain, d'après vos propres principes. Je propose donc à l'Assemblée nationale le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, pénétrée d'un respect religieux pour les droits des hommes, dont le maintien doit être l'objet de toutes les institutions politiques ;

Convaincue qu'une institution faite pour assurer la liberté du peuple français et pour influer sur celle du monde, doit être surtout établie sur ce principe ;

Déclare que tous les Français, c'est-à-dire tous les hommes nés et domiciliés en France, ou naturalisés, doivent jouir de la plénitude et de l'égalité des droits du citoyen et sont admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. »

 

samedi 23 août 2025

Le manuel de Libertés publiques, 11è edition, 2025


Le manuel de "Libertés publiques" publié sur Amazon présente l'originalité d'être accessible sur papier, mais aussi en format E-Book  pour la somme de six euros. Il peut être lu sur n'importe quel ordinateur.
 
Le choix de publier l'ouvrage sur Amazon s'explique par la volonté d'offrir aux étudiants un manuel adapté à leur budget mais aussi à leurs méthodes de travail. Ils trouvent aujourd'hui l'essentiel de leur documentation sur internet, mais ils ne sont pas toujours en mesure d'en apprécier la pertinence. Bien souvent, ils piochent un peu au hasard, entre des informations anciennes ou fantaisistes.

Le manuel de "Libertés publiques"  répond aux exigences académiques et la 9è édition est actualisée au 30 juillet 2024. Il fait l'objet d'une actualisation en temps réel, grâce à la nouvelle rubrique "Au fil de l'eau" du site "Liberté Libertés Chéries" et aux articles figurant sur le blog. Le manuel et le site sont donc conçus comme complémentaires.
 
Nombre d'écrits sur les libertés et les droits de l'homme relèvent aujourd'hui de la rhétorique et du militantisme, au risque de déformer la réalité juridique.  Cette publication propose une approche juridique à celles et ceux qui veulent se forger une opinion éclairée sur les débats les plus actuels. Il ne s'adresse pas seulement au public universitaire,  étudiants et enseignants, mais aussi à tous ceux qui ont à pratiquer ces libertés, ou, plus simplement, qui s'y intéressent. Une connaissance précise du droit positif est nécessaire, aussi bien sur le plan académique que sur celui de la citoyenneté. C'est un panorama très large des libertés et de la manière dont le droit positif les garantit qui est ici développé. En témoigne, le plan de l'ouvrage que LLC met à disposition des lecteurs.
 
 

I – LES LIBERTÉS PUBLIQUES.   COMME OBJET JURIDIQUE. 6

A – Diversité des terminologies. 6

B – Caractère évolutif. 8

1° - Une évolution détachée de l’idée de progrès. 8

2° - Une adaptation aux évolutions de la société.. 9

C – Contenu des libertés publiques. 11

1° - Le droit humanitaire. 11

2° - Les droits du citoyen.. 13

3° - Les droits de l’homme.. 14

II – LA MISE EN ŒUVRE. 16  DES LIBERTÉS PUBLIQUES. 16

A – L’autorité de la règle.. 17

B – Le respect des procédures. 17

C – L’idée de justice ou d’équité.. 19

PREMIÈRE PARTIE. 21

LE DROIT. 21

DES LIBERTÉS PUBLIQUES. 21

CHAPITRE 1 . 23 LA CONSTRUCTION .. 23 DES LIBERTÉS PUBLIQUES

 . 23

SECTION 1 : ÉVOLUTION HISTORIQUE. 24

§ 1 – Les doctrines individualistes et la prédominance du droit de propriété. 24

A – La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.. 25

. 30

B – Le retour à l’ordre par l’affirmation du droit de propriété. 33

. 35

§ 2 – Les doctrines des droits sociaux. 37

A – Les textes précurseurs. 38

.. 39

B – La conciliation entre l’État libéral et les droits sociaux. 41

.. 42

C – Le Préambule de la constitution de 1946

 . 43

 45

SECTION 2   L’INTERNATIONALISATION.. 48 DES DROITS DE L’HOMME. 48

§ 1 – Les limites de l’approche universelle. 49

A – Les instruments juridiques : La suprématie du déclaratoire.. 49

. 51

B – Des garanties peu efficaces. 54

§ 2 – Le succès de l’approche européenne. 56

A – Les droits garantis : le parti-pris libéral 58

 60

B – La protection : Le recours devant la Cour européenne des droits de l’homme   61

. 64

C – L’Union européenne et les droits de l’homme

 . 66

  68

CHAPITRE 2 : L’AMÉNAGEMENT . 71DES LIBERTES PUBLIQUES. 71

 

SECTION 1 : LE DROIT COMMUN. 72

§ 1 – Le régime répressif. 72

A – La liberté est la règle, la restriction l’exception.. 73

B – Le contrôle a posteriori du juge pénal 73

C – Les menaces contre le régime répressif. 74

§ 2 – Le régime préventif 76

A – La compétence liée.. 77

B – Le pouvoir discrétionnaire. 78

§ 3 – Le régime de déclaration préalable.. 80

A – Des principes libéraux. 80

B – Des remises en causes insidieuses. 81

1° - Le récépissé, risque du retour du pouvoir discrétionnaire.. 82

2° - Le pouvoir de police : De la déclaration à l’autorisation.. 83

 

 

SECTION 2. 85 LE DROIT DES PÉRIODES D’EXCEPTION.. 85

§ 1 – Les régimes constitutionnels. 85

A – L’article 16 de la Constitution.. 86

B– L’état de siège. 87

§ 2 – Les régimes législatifs : l’état d’urgence et l’état d’urgence sanitaire. 87

A – La menace terroriste et l’état d’urgence. 87

B – La Covid-19 et l’état d’urgence sanitaire

 . 90

. 93

CHAPITRE 3 . 95LES GARANTIES JURIDIQUES. 95  CONTRE LES ATTEINTES AUX LIBERTÉS. 95

 

SECTION 1 . 97LES TRAITÉS INTERNATIONAUX. 97

§ 1 – La primauté de la Constitution sur les traités non ratifiés. 97

§ 2 – La primauté de la Constitution sur les traités ratifiés. 99

A – Une jurisprudence ancienne.. 99

B – Des instruments nouveaux. 100

 

SECTION 2 : LES LOIS. 102

§ 1 – Le Conseil constitutionnel ou la conquête du statut juridictionnel. 102

A – L’indépendance et l’impartialité du Conseil constitutionnel 103 

.. 105

B – Le caractère contradictoire de la procédure. 106

C – L’autorité de chose jugée.. 108

. 109

§ 2 – Élargissement du contrôle de constitutionnalité. 110

A – Le contrôle avant promulgation.. 111

1° - La décision de 1971 et la réforme de 1974.. 112

2° - Les normes de référence : le « bloc de constitutionnalité ».. 113

3° - L'intensité du contrôle de constitutionnalité.. 117

B – Le contrôle de la loi promulguée : la QPC. 119

1° - La procédure : un double filtrage. 120

2° - Un champ d’application étroit. 122

3° - Des conditions de recevabilité restrictives. 123

 

 

SECTION 3 . 126LES ACTES DE L’ADMINISTRATION. 126

§ 1 – Les autorités administratives indépendantes. 127

A – Statut de l’autorité administrative indépendante. 128

B – Missions de l’autorité administrative indépendante.. 129

. 131

§ 2 – La protection juridictionnelle.. 132

A – Le juge judiciaire. 133

1° - La voie de fait. 133

2° - L’article 66 de la Constitution. 135

B – Le juge administratif 137

1° - Intensité du contrôle les mesures de police.. 139

2° - Efficacité du contrôle. 140

 

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE. 143

LA CLASSIFICATION.. 143  DES LIBERTES PUBLIQUES. 143

§ 1 – Les classifications fondées sur le rôle de l’État. 144

§ 2 – Les classifications fondées sur le contenu des libertés. 145

 

DEUXIÈME PARTIE   . 149LES LIBERTES DE LA VIE INDIVIDUELLE. 149

CHAPITRE 4   . 151LA SÛRETÉ

 . 151

SECTION 1. 152 LE DROIT COMMUN DE LA SÛRETÉ. 152

§ 1 – Les principes généraux du droit pénal 154

A – La légalité des délits et des peines. 154

.. 158

B – Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.. 160

C – La présomption d’innocence. 163

  167

D – L’indépendance et l’impartialité des juges. 169

.. 174

§ 2 – Principes généraux de la procédure pénale.. 176

A – Le droit au juge.. 179

1° - Le droit de saisir le juge.. 179

2° - La célérité de la justice.. 182

3° -La gratuité de la justice. 184

B – Le débat contradictoire. 185

1° - L’accès au dossier. 186

2° - L’assistance d’un avocat. 186

 

SECTION 2. 188 LES GARANTIES PARTICULIÈRES. 188 DE LA SÛRETÉ. 188

§ 1 – Les atteintes à la sûreté antérieures au jugement. 188

A – Le contrôle et la vérification d’identité.. 189

. 193

B – La garde à vue. 195

. 198

C – La détention provisoire. 202

.. 206

§ 2 – Les atteintes à la sûreté sans jugement. 207

A – La rétention des étrangers. 208

.. 211

B – L’hospitalisation des malades mentaux sans leur consentement. 213

. 217

C – La rétention de sûreté.. 218

 

CHAPITRE 5  . 221LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR.. 221

 

SECTION 1. . 224LA LIBRE CIRCULATION DES NATIONAUX. 224

§ 1 – Le droit de circuler sur le territoire.. 225

A – Les arrêtés « anti-mendicité ».. 227

B – La circulation des « hooligans ». 228

C – Les mesures de « couvre-feu ».. 229

.. 231

D – La circulation des gens du voyage. 231

§ 2 – Le droit de quitter le territoire. 233

 

SECTION 2   LES RESTRICTIONS. 236 A LA CIRCULATION DES ÉTRANGERS. 236

§ 1 – L’entrée sur le territoire.. 237

A – Les titulaires d’un droit d’entrée en France.. 237

1° - Les ressortissants de l’Union européenne. 238

2° - Les titulaires de la qualité de réfugié. 240

B – Les étrangers soumis au régime préventif. 245

1° - Les conditions d’entrée sur le territoire. 245

2° - La régularisation des étrangers. 246

3° - La réserve d’ordre public. 247

§ 2 – La sortie du territoire.. 248

A – L’étranger en situation irrégulière. 248

. 250

B – L’étranger, menace pour l’ordre public : l’expulsion.. 252

. 255

C – L’étranger condamné : 256  L’interdiction du territoire français. 256

D – L’étranger demandé par un autre État . 257pour des motifs d’ordre pénal 257

1° - L’extradition. 257    

2° - Le mandat d’arrêt européen.. 262

 

CHAPITRE 6  . 267. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ. 267

 

SECTION 1. 270 LA CONSÉCRATION.. 270 DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. 270

§ 1 – Le droit de propriété et les valeurs libérales. 270

A – Fondements internationaux. 271

B – Les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789.. 271

C – L’article 544 du code civil 272

§ 2 – La dilution du droit de propriété. 273

A – Le déclin du caractère individualiste du droit de propriété. 274

B – Le déclin du caractère souverain.. 275

de la propriété immobilière.. 275

 

SECTION 2  . 277LES ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIÉTÉ. 277

§ 1 – La privation de propriété.. 277

A – Les conditions posées par l’article 17 de la Déclaration de 1789. 278

1° - La dépossession. 278

2° - La « nécessité publique ». 280

3° - « Une juste et préalable indemnité ». 281

B – La compétence de principe du juge judiciaire. 282

§ 2 – Les restrictions à l’exercice du droit de propriété.. 283

A – L’intérêt général, fondement des restrictions. 283

B – La « dénaturation » du droit de propriété. 284

 

CHAPITRE 7 LE DROIT .. 287A L’INTÉGRITÉ de la PERSONNE. 287

 

SECTION 1 LE DROIT HUMANITAIRE. 293

§ 1 – La torture. 295

A – La définition de l’acte de torture. 296

B – La lutte contre la torture.. 297

§ 2 – Les « peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».. 299

A – Définition.. 300

B – Champ d’application.. 300

. 303

§ 3 – Crimes contre l’humanité, génocides et crimes de guerre. 303

A – Définitions. 304

1° - Le crime contre l’humanité. 304

2° - Le génocide. 305

3° - Le crime de guerre. 307

B – La répression. 308

1° - Les juridictions créées a posteriori 308

3° - La Cour pénale internationale (CPI). 309

 

SECTION 2. 312  LE RESPECT DU CORPS HUMAIN.. 312

§ 1 - Le droit à la vie. 313

A – La protection de la vie humaine. 313

1° - Les personnes sous la garde de l’État. 314

2° - Les victimes du changement climatique. 314

B – La peine de mort. 315

C – La mort, conséquence d’un recours à la force. 317

§ 2 – L’inviolabilité du corps humain.. 319

A – Le principe.. 319

1° - Une agression commise par autrui 320

2° - Le droit de mourir dans la dignité. 320

B – L’inviolabilité de l’espèce humaine.. 324

1° - L’identité génétique. 325

2 ° - Les manipulations génétiques. 327

3 ° - Le clonage. 329

C – Les atteintes licites à l’inviolabilité.. 330

1° - La sauvegarde de la personne. 330

2 ° - L’intérêt de la recherche : l’expérimentation.. 331

§ 3 – Indisponibilité du corps humain.. 333

A – L’esclavage. 334.. 335

B – Gestation pour autrui et intérêt de l’enfant. 339

.. 340

C – Les organes et produits du corps humain.. 341

 

SECTION 3   LES DROITS. 344 ATTACHÉS À LA PROCRÉATION.. 344

§ 1 – Le droit de ne pas avoir d’enfant. 345

A – Le contrôle des naissances : La contraception.. 345

.. 347

B – Le refus de procréer : L’interruption volontaire de grossesse.. 349

.. 351

§ 2 – L’assistance médicale à la procréation (AMP). 352

A – Un « projet parental ».. 353

B – L’interdiction de la conception post‑mortem... 355

 

 

CHAPITRE 8 . 357. LES LIBERTÉS DE LA VIE PRIVÉE.. 357

 

SECTION 1. 360 LA SANTÉ ET L’ORIENTATION SEXUELLE. 360

§ 1 - La santé et le secret médical. 360

§ 2 – L’orientation sexuelle.. 361

A – L’identité homosexuelle.. 362

B - L’identité intersexuelle.. 364

C - L’identité transsexuelle.. 364

 

SECTION 2   LA FAMILLE. 366    

§ 1 – La liberté du mariage. 368

A - L’ouverture du mariage aux couples de même sexe. 368

B - Mariage et ordre public. 369

1° - Les « mariages blancs ».. 370

2° - Les mariages forcés. 371

§ 2 – Le secret des origines. 372

 

SECTION 3 LE DOMICILE. 375

§ 1 – Le « droit à l’incognito ».. 376

§ 2 – Perquisitions et surveillance du domicile.. 377

A - Les conditions rigoureuses du droit commun.. 377

B – Mutations de la perquisition.. 379

 

SECTION 4   LE DROIT A L’IMAGE. 381

§ 1 – Principes fondateurs du droit à l’image. 381

A – Lieu de la captation. 382

. 383

B – Le consentement de l’intéressé.. 384

1° - La personne célèbre.. 384

2° - Le simple « quidam ».. 385

C – Le débat d’intérêt général 386

§ 2 – La surveillance par vidéo.. 387

A – La vidéoprotection.. 388

B – Drones et « caméras augmentées ».. 389

 

SECTION 5 LA PROTECTION DES DONNÉES. 391

§ 1 – L’« Habeas Data ». 393

A - Les devoirs des gestionnaires de fichiers. 394

B – Les droits des personnes fichées. 397

1° - Le droit d’accès et de rectification. 397

2° - Le droit à l’identité numérique. 397

3° - Le droit à l’oubli numérique. 398

§ 2 – La création des fichiers. 400

§ 3 – Le contrôle des fichiers. 401

A – Les fichiers de police. 401

. 403

B – Les fichiers de renseignement. 403

§ 3 – Big Data et intelligence artificielle. 405

1° - Les risques du Big Data.. 405

2° - Intelligence artificielle et systèmes auto-apprenants. 407

 

TROISIEME PARTIE. 409.   LES LIBERTES DE LA VIE COLLECTIVE. 409

 

CHAPITRE 9 LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.. 411

SECTION 1 : L’EXPRESSION POLITIQUE. 413

§ 1 – Le droit de suffrage. 413

A – Les titulaires du droit de suffrage.. 414

B – Les restrictions au droit de suffrage.. 416

C – La campagne électorale et les « Fake News ». 417

§ 2 – Les droits de participation et de dénonciation.. 418

A – Les droits de participation.. 418

B – Les droits de dénonciation.. 420

1° - Les lanceurs d’alerte.. 420

2° - Les journalistes et le secret des sources. 423

 

SECTION 2. 425  LE CHAMP DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION. 425

§ 1 – Une liberté de l’esprit. 429

A – Les atteintes aux droits des personnes. 430

1° - L’injure.. 431

2° - La diffamation. 434

3° - La cyberdélinquance et les droits des personnes. 437

B – Les atteintes à la « chose publique ».. 440

1° - L’ordre public et la sécurité publique.. 440

2° - Les symboles de l’État. 442

§ 2 – Une liberté économique.. 445

A – Une histoire différente. 445

1° - La presse.. 445

2° - La communication audiovisuelle.. 446

B – Les difficultés du pluralisme. 450

1° - Le pluralisme externe. 450

2° - Le pluralisme interne dans la communication.. 453

 

SECTION 3 LES RESTRICTIONS. 456 À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.. 456

§ 1 – La mise en cause du régime répressif 457

A – La protection de la jeunesse. 457

 458

B – Contrôle et protection d’une industrie : le cinéma.. 459

.. 464

§ 2 – La protection de certaines valeurs. 466

A – La lutte contre les discriminations. 468

B – Le négationnisme et l’apologie de crime contre l’humanité. 470

C – Les lois mémorielles. 473

 

CHAPITRE 10 . 475.  LAÏCITÉ ET LIBERTÉ DES CULTES. 475

 

SECTION 1. 481 LA LAÏCITÉ, 481 PRINCIPE D’ORGANISATION DE L’ÉTAT. 481

§ 1 – Le principe de laïcité dans l’ordre juridique.. 482

A – La laïcité, associée au principe républicain.. 482

B – Valeur constitutionnelle du principe de laïcité.. 484

§ 2 – Le principe de neutralité. 485

A – Des agents publics aux employés du secteur privé. 486

B – Du service public à l’espace public. 488

 

SECTION 2   L’exercice du culte. 491

§ 1 – L’organisation des cultes. 491

A – Les structures cultuelles. 491

B – Les contraintes imposées aux pouvoirs publics. 494

. 496

C – Les lieux de culte.. 497

§ 2 – La police des cultes. 499

A – La fermeture des lieux de culte. 499

.. 500

B – Les « cérémonies traditionnelles »

 .. 501

.. 502

SECTION 3. 504 LES DÉRIVES SECTAIRES. 504 ET LA PROTECTION DES PERSONNES. 504

§ 1 – Une définition fonctionnelle.. 504

A – L’approche européenne : « une religion qui a réussi ». 505

B – Le droit français : la « dérive sectaire ». 506

§ 2 – La protection des personnes. 507

A – Le droit pénal 508

.. 509

B – Les structures d’information et de prévention.. 510

 

CHAPITRE 11.  . 513LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT. 513

SECTION 1 L’ENSEIGNEMENT PUBLIC. 517

§ 1 – La gratuité.. 517

§ 2 – La laïcité.. 519

A – La sécularisation de l’enseignement. 519

B – Le respect de toutes les croyances. 520

C – Le prosélytisme religieux. 522

 

SECTION 2  . 526L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ : 526 AIDE ET CONTRÔLE DE L’ÉTAT. 526

§ 1 – L’aide de l’État. 528

A – De l’abstention à la subvention.. 528

B – La loi Debré : L’aide aux établissements privés. 529

§ 2 – Le contrôle de l’État. 531

A – Les relations avec l’État : une base contractuelle.. 531

B – La contribution des collectivités territoriales. 533

 

CHAPITRE 12. 535 LE DROIT . 535DE PARTICIPER A DES GROUPEMENTS. 535

 

SECTION 1 . 536LES GROUPEMENTS OCCASIONNELS. 536

§ 1 – La liberté de réunion.. 537

A – La place de la liberté de réunion dans la hiérarchie des normes. 538

. 539

B – Un régime juridique libéral 541

. 543

§ 2 – La liberté de manifestation.. 545

A – L’absence d’autonomie de la liberté de manifestation.. 546

1° - Le Conseil constitutionnel : un élément de la liberté d’expression. 547

2° - La CEDH : un élément de la liberté de réunion. 548

B – Un régime de déclaration préalable.. 550

1° - La dispense de déclaration : les « sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux »  550

2° - Le glissement vers un régime d’autorisation ou d’interdiction.. 551

 

SECTION 2. 555 LES GROUPEMENTS INSTITUTIONNELS. 555

§ 1 – Les associations. 555

A – La consécration de la liberté d’association.. 556

1° - Le poids de l’histoire : la méfiance à l’égard des associations. 557

2° - L’ancrage de la liberté d’association dans le droit positif. 558

B – Le régime juridique des associations. 560

1° - Le droit de constituer une association.. 560

2° - Le droit d’adhérer ou de ne pas adhérer à une association.. 562

3° - La dissolution des associations. 563

 § 2 – Les syndicats. 565

A – La liberté syndicale, liberté de la personne.. 567

1° - Le droit de fonder un syndicat. 568

2 ° - Le droit d’adhérer à un syndicat de son choix. 569

B – La liberté de l’organisation syndicale.. 571

1 ° - Le droit de s’auto-organiser. 571

2 ° - Le droit d’exercer une action collective.. 572

 

CHAPITRE 13 . 575LES LIBERTÉS DE LA VIE ÉCONOMIQUE. 575 ET DU TRAVAIL. 575

 

SECTION 1. 577 LES LIBERTÉS DE L’ENTREPRENEUR. 577

§ 1 – La liberté du commerce et de l’industrie. 578

A – Un principe général du droit. 578

.. 581

B – Un contenu défini par les restrictions apportées à la liberté.. 582

1° - L’exclusion de toute concurrence des entreprises privées par les services publics  582

2° - L’égalité des conditions de concurrence entre l’initiative privée et les services publics  584

§ 2 – La liberté d’entreprendre. 585

A – L’intégration dans le bloc de constitutionnalité.. 585

. 586

B – Le contenu de la liberté d’entreprendre. 588

 

SECTION 2   LES LIBERTÉS DU SALARIÉ. 590

§ 1 – Le droit au travail 591

A – La liberté du travail 592

B – Le droit à l’emploi 596

§ 2 – Les droits dans le travail 599

A – Le droit à la négociation collective. 599

B – Le droit de grève. 602

1° Une lente intégration dans le droit positif. 602

2° - Un encadrement plus strict du droit de grève. 604