« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 9 juillet 2021

Le Conseil constitutionnel et l'échange de renseignements


Dans une décision La Quadrature du Net et autres rendue sur question prioritaire de constitutionnalité du 9 juillet 2021, le Conseil constitutionnel censure l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

Cette disposition autorisait les échanges d'informations entre les services spécialisés de renseignement et d'autres services désignés par décret en Conseil d'État, dès lors que ces échanges sont "utiles à l'accomplissement de leurs missions". D'une manière très générale, il s'agit de fluidifier la circulation du renseignement, en y associant clairement les services chargés d'une mission de sécurité et ceux qui peuvent y concourir, notamment les collectivités locales, les établissements publics administratifs et autres services gérant un service public administratif. 

Il arrive très souvent que des acteurs de terrain de la sécurité, policiers, gendarmes ou douaniers, voire agents du fisc ou élus locaux, apportent des informations utiles aux services spécialisés et la loi ne fait sur ce point que conférer un fondement juridique à des pratiques déjà en vigueur. De même est-il normal que les services de renseignement informent d'autres services, et parfois les collectivités locales, notamment lorsqu'il s'agit de lutter contre la menace terroriste. Rappelons que la loi du 21 juillet 2016 a précisément été votée quelques mois après les attentats de 2015, pour renforcer les instruments de lutte contre le terrorisme et organiser une coopération institutionnelle.

 

Finalité des échanges de renseignement

 

La finalité de cet échange d'informations est donc légitime, et le Conseil ne manque pas de le rappeler : "Le législateur a entendu organiser et sécuriser le partage d'informations entre les services de renseignement et améliorer leur capacité opérationnelle. Ce faisant, ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation". Il fait également observer que tous les services concernés, renseignement et services chargés d'une mission de sécurité, ont pour point commun de concourir à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. De fait, tous peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignements soumises à autorisation, sonorisation, communication des fadettes, interception des communications.

 


 Échanges d'informations entre agents du renseignement

OSS 117, Le Caire nid d'espions. Michel Hazanavicius. 2006

 

L'incompétence négative

 

Mais cet échange d'informations doit être entouré de garanties précisées par le législateur. Et c'est précisément cette absence de garanties que sanctionne le Conseil constitutionnel. En effet, l'article L 863-2 du code de la sécurité intérieure se borne à mentionner que "les modalités et les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat".

L'association requérante s'appuyait donc sur les lacunes de la loi, invoquant un cas d'incompétence négative. Elle notait ainsi qu'aucune disposition n'organisait la protection des données personnelles et le secret de la vie privée. Les types d'informations susceptibles d'être échangées n'étaient pas précisés, pas plus que les personnes habilitées à en connaître. Enfin l'absence de contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement était également dénoncée.

Le Conseil ne reprend pas tous ces éléments, mais sanctionne, d'une manière générale, l'absence de garanties légales. Il observe que, potentiellement, un nombre immense de services peut être amené à pratiquer ces échanges d'informations et qu'elles peuvent concerner n'importe quelle catégorie de données, y compris celles relatives à la santé, aux opinions politiques ou aux convictions religieuses, toutes données également considérées comme sensibles. Or, la transmission de données sensibles doit nécessairement s'accompagner de garanties légales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La disposition est donc considérée comme non conforme à la Constitution.


Le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement


On peut toutefois se demander si l'intérêt essentiel de la décision ne réside pas dans la date différée de l'abrogation de la disposition contestée. Au motif que "l'abrogation immédiate (...) entraînerait des conséquences manifestement excessives", le Conseil la reporte au 31 décembre 2021.

Ces six mois de délai vont donc permettre d'attendre tranquillement le vote de la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, actuellement en nouvelle lecture au parlement après commission mixte paritaire, ce qui signifie que la procédure législative est presque terminée. Or l'article 7 du projet de loi montre que les rédacteurs du projet avaient largement anticipé la censure constitutionnelle. 

Ses dispositions subordonnent les échanges de renseignements à une autorisation préalable du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, lorsque la transmission d'informations poursuit une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil, et lorsque les renseignements sont produits par une technique d'interception à laquelle le service destinataire n'aurait pu recourir. De même, le législateur prévoit la destruction de ces renseignements, à la fin de la durée de conservation. 

La nouvelle loi vient ainsi corriger l'inconstitutionnalité de la première. Certes, on imagine mal le retour à un système dans lequel la lutte contre le terrorisme était censée se développer sans aucune synergie entre les services. Les échanges de renseignements sont aujourd'hui une nécessité qui n'est guère contestée. Il est donc préférables d'imposer des garanties légales, même relativement modestes, plutôt que voir proliférer ces échanges en dehors de tout dispositif législatif. Il n'empêche que l'on remarque que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 juillet, est d'autant plus prompt à censurer une disposition au nom du respect des libertés qu'il sait que l'abrogation qu'il prononce sera finalement dépourvue d'effet


 Sur la protection des données : Manuel de Libertés publiques version E-Book et version papier, chapitre 8, section 5.

 

mardi 6 juillet 2021

Le passe sanitaire devant le juge des référés


Saisi par l'association La Quadrature du Net, le juge des référés refuse, dans une ordonnance du 6 juillet 2021, de suspendre l'exécution du décret du 7 juin 2021 organisant le dispositif connu sous le nom de "passe sanitaire". Ce décret modifie un précédent texte antérieur d'une semaine, le décret du 1er juin 2021, lui-même pris en application de la loi du 31 mai 2021 relative à la sortie de crise. Concrètement, cette succession de textes a pour objet de mettre en oeuvre le passe sanitaire prévu par la loi.

 

La décision du Conseil constitutionnel

 

La situation de l'association requérante n'était pas juridiquement très confortable. Dans sa décision du 31 mai 2020, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré constitutionnel le principe même du passe sanitaire. Il a notamment écarté des griefs tirés de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence. Rien n'interdisait donc au gouvernement de recourir au décret pour fixer les conditions concrètes de mise en oeuvre du passe sanitaire. Certes, le Conseil constitutionnel juge de la conformité de la loi à la Constitution, alors que le Conseil d'État se prononce sur la conformité des actes réglementaires à la loi et aux traités, mais il n'empêche que le message envoyé par le juge constitutionnel n'était pas porteur d'optimisme pour La Quadrature du Net

 

Le passe sanitaire, définition

 

A cela s'ajoute le fait que le passe sanitaire est aujourd'hui en format européen, ce qui signifie qu'une suspension par le juge français risquait de conduire à la mise en cause d'un dispositif applicable désormais à l'ensemble de l'Union européenne. Il est vrai que le juge des référés a attendu trois semaines pour se prononcer alors qu'un référé-liberté devrait, en principe, être examiné dans un délai de 48 heures. Pendant ce délai, le passe sanitaire est devenu une réalité très concrète, à la satisfaction de ceux qui en bénéficient.

Son principe peut être défini simplement. Il consiste en la présentation numérique (via l'application TousAntiCovid) ou sur papier d'une preuve sanitaire. Concrètement, on peut fournir la preuve d'un parcours vaccinal complet, ou d'un test négatif de moins de 48 h, ou encore d'un test antigénique permettant d'indiquer, pour les anciens malades du Covid, qu'ils ne présentent pas de risque de réinfection rapide. Aux termes du décret du 7 juin 2021, ce passe sanitaire donne accès aux lieux et évènements accueillant plus de mille personnes et permet donc de rouvrir certaines activités. Il facilite également le passage des frontières, notamment dans l'Union européenne.

 

L'"analyse de l'impact"

 

La Quadrature du Net invoque d'abord un vice de procédure. Aux termes de l'article 35-1 du Règlement général de protection des données (RGPD), le responsable du traitement, lorsque celui-ci est "susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques", peut préalablement à sa création procéder à une "analyse de l'impact" du traitement envisagé, notamment au regard de la protection des données personnelles. Autrement dit, la procédure demeure purement facultative, et l'on peut regretter que, sur ce point, le RGPD n'impose aucune contrainte. En l'espèce, cette "analyse de l'impact", qui aurait pu être confiée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), n'a pas eu lieu. C'est évidemment regrettable mais le juge des référés constate que l'absence de consultation de la CNIL "est sans incidence sur la légalité de l'acte". 

En revanche, le juge des référés ne manque pas de mentionner que le pouvoir d'injonction dont il dispose lui permettrait d'ordonner au gouvernement de procéder à cette "analyse de l'impact". Encore faudrait-il que le passe sanitaire "engendre un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques".


 Plantu. Le Monde, 5 mars 2021

 

La protection des données

 

C'est précisément à cette question que le juge des référés répond lorsqu'il évoque le moyen fondé sur l'atteinte à la vie privée et la protection des données personnelles. Il n'est évidemment pas contestable que le passe sanitaire repose sur un traitement de données personnelles faisant apparaître l'identité de la personne. Mais le juge des référés observe que des précautions ont été prises pour limiter le risque de dissémination de données personnelles. D'une part, il observe que la version numérique du passe est facultative et que nul n'est contraint de télécharger l'application. Il suffit en effet de télécharger le passe sur le site Ameli de la Sécurité sociale. D'autre part, le système est décentralisé, avec un contrôle local des données (mode "off-line") effectué par les personnes dont la liste est énumérée dans le décret. 

Invité par l'association requérante, le juge des référés s'interroge sur la "minimisation des données", principe prévu par l'article 5 du RGPD et l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978. Il précise que les données personnelles collectées et stockées doivent être "adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées". En l'espèce, le juge refuse de suivre l'association requérante qui estimait non pertinente la divulgation de l'identité de la personne. Cette information est en effet indispensable pour s'assurer que le passe présenté est bien celui de la personne qui s'en prévaut. Au demeurant, l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 exige que l'information donnée à la personne qui effectue le contrôle consiste seulement dans la mention du droit d'user du passe sanitaire, sans qu'il soit possible de savoir si elle vaccinée, rétablie de la maladie, ou titulaire d'un test négatif. De tous ces éléments, le juge des référés déduit donc que le passe sanitaire n'engendre pas un risque élevé pour la vie privée et la protection des données personnelles.

L'analyse du juge des référés s'arrête là, et il ne croit pas utile de répondre aux autres moyens développés dans la requête. Il s'agissait en effet de dénoncer comme atteinte aux libertés de circulation et de manifestation un dispositif qui en effet porte atteinte à ces libertés, mais seulement au détriment de ceux qui ont refusé de se faire vacciner, ou refusé de faire un test. Pour les autres, le passe sanitaire a au contraire pour conséquence de réintroduire une liberté de circulation qui avait été fortement malmenée durant le confinement. Est également réintroduite la liberté d'entreprendre, dès lors que des activités auparavant fermées peuvent désormais reprendre leur activité

Certes, La Quadrature du Net se donne pour mission de lutter pour la protection des données personnelles et elle a souvent fait avancer le droit dans ce domaine. Sans doute n'avait-elle guère d'illusions sur le succès de son référé. Mais, bien au-delà de l'association requérante, ce type de contentieux s'inscrit dans une tendance générale qui consiste à invoquer une discrimination, une atteinte à telle ou telle liberté, pour se soustraire au principe d'égalité devant la loi et faire prévaloir ses convictions personnelles sur l'intérêt général. Il risque ainsi d'être perçu comme un soutien indirect apporté à ceux qui refusent de se faire vacciner et compter sur l'immunité collective apportée par les autres.

Il ne fait aucun doute que le passe sanitaire vise d'abord à permettre à ceux qui bénéficient d'une protection de retrouver une large partie de leur liberté. Mais il a aussi pour objet d'inciter les autres à se faire vacciner. En quoi serait-il illicite d'avoir une politique incitative en ce domaine ? Quant aux esprits chagrins qui se plaignent des atteintes que le passe sanitaire porte à leur liberté, ils ont une solution simple : se faire vacciner.


Sur l'état d'urgence sanitaire : Manuel de Libertés publiques version E-Book et version papier, chapitre 2, section 3

 


dimanche 4 juillet 2021

Secret défense et archives publiques : des lendemains qui ne chantent pas


Dans un arrêt du 2 juillet 2021, le Conseil d'État annule l'arrêté du 13 novembre 2020 approuvant la nouvelle rédaction de l 'instruction interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale. Le juge administratif sanctionne ainsi une disposition de cette instruction, l'article 63, qui avait pour effet de soumettre la communication de certaines archives à une procédure de déclassification, alors même que la loi en vigueur les affirme comme "communicables de plein droit". 

La loi du 15 juillet 2008 prévoit en effet un délai de confidentialité de cinquante ans pour les documents dont la communication porterait atteinte au secret de la défense nationale, voire cent ans pour ceux dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité de personnes identifiables. A l'issue de ce délai, selon les dispositions de la loi codifiées dans l'article L213-2 du code du patrimoine, ces archives deviennent communicables "de plein droit". 

L'illégalité était donc particulièrement grossière. Un acte réglementaire, l'instruction interministérielle, allait directement à l'encontre de dispositions législatives. En réintroduisant une procédure de déclassification, le pouvoir réglementaire soumettait de nouveau l'accès aux archives au pouvoir discrétionnaire des autorités habilitées à classifier et à déclassifier. La loi était directement violée, et la liberté d'accès aux archives battue en brèche. 

Le Conseil d'État annule donc cette nouvelle rédaction pour erreur de droit, dès lors que le règlement n'est pas conforme à la loi. Observons toutefois qu'il aurait pu aussi se fonder sur l'incompétence, moyen d'ordre public, dès lors que le pouvoir réglementaire avait pris une disposition relevant du domaine de la loi, dès lors que l'accès aux archives est une liberté constitutionnelle.

Ce choix de ne pas mentionner la liberté d'accès aux archives ne relève évidemment pas du hasard, et il faut reconnaître que la décision est quelque peu pernicieuse. Elle annule en effet une illégalité grossière, mais offre à l'administration la possibilité d'utiliser d'autres voies pour porter atteinte à cette liberté. Après avoir célébré leur victoire, les associations requérantes vont devoir affronter des lendemains qui ne chantent pas réellement. 


J. Perrier. C'est secret, ça ne regarde personne. Affiche circa 1945

La voie législative

 

Dès le mois de mars 2021, le président de la République avait annoncé vouloir "permettre aux services d'archives de procéder aux déclassifications des documents couverts par le secret de la défense nationale (...) jusqu'aux dossiers de l'année 1970 incluse". Hélas, les contraintes du "en même temps" l'ont rapidement amené à préciser qu'il fallait "renforcer la communicabilité des pièces sans compromettre la sécurité et la défense nationales". Il devenait alors nécessaire d'engager un travail législatif  "d'ajustement du point de cohérence".

Cet "ajustement" est intervenu à l'occasion du dépôt du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, actuellement débattu au parlement et présenté comme un texte d'ouverture. Or précisément, cette ouverture apparaît plutôt comme une fermeture.

L'article 19 du projet annonce propose d'inscrire dans le code du patrimoine la disposition selon laquelle « toute mesure de classification [...] prend automatiquement fin à la date à laquelle le document qui en a fait l'objet devient communicable de plein droit ». Une telle formulation semble respecter parfaitement l'article 213-2 de ce même code, au point que l'on se demande bien pourquoi il semble nécessaire d'adopter une disposition aussi redondante. 

Elle est nécessaire parce que, "en même temps", elle s'accompagne d'exceptions au délai de cinquante ans prévu par l'article 213-2, "pour les documents d'une particulière sensibilité dont la communication serait de nature à nuire aux intérêts fondamentaux de la Nation". Ces "intérêts fondamentaux de la Nation" sont définis par l'autorité habilitée à classifier les documents, ce qui est bien commode. Pour faire bonne mesure, l'article 19 du projet précise les types d'informations visées par ces dérogations. 

On y trouve des éléments qui n'intéressent guère les historiens comme les caractéristiques techniques des installations sensibles ou des matériels de guerre et assimilés. On y trouve aussi, et cela semble logique, les informations relatives à l'organisation, à la mise en oeuvre et à la protection des moyens de la dissuasion nucléaire. Tous ces éléments deviendraient communicables à la date de la perte de leur valeur opérationnelle. Notons tout de même que l'appréciation de cette valeur opérationnelle peut être prolongée indéfiniment dès lors qu'elle relève exclusivement des autorités habilitées.

Reste ce qui gêne le plus les travaux historiques, c'est à dire les informations portant sur les procédure opérationnelles et les capacités techniques du renseignement, qui deviendraient elles aussi communicables à la date de la perte de leur valeur opérationnelle. Contrairement à ce qu'affirmait le président de la République, il ne s'agit pas d'ouvrir mais de fermer les archives antérieures à 1970, et notamment celles de la guerre d'Algérie. La notion de "valeur opérationnelle" en ce domaine demeure si floue qu'elle peut être utilisée pour empêcher toute recherche, voire pour l'influencer, ou tout au moins chercher à l'influencer, en déclassifiant certaines informations pour en conserver d'autres secrètes. Les historiens ne seront sans doute pas dupes et ils préfèreront sans doute inciter leurs étudiants à choisir d'autres objets de recherches. Le domaine du renseignement échapperait alors entièrement aux études historiques.

 

La saisine du Conseil constitutionnel

 

Il est probable que cet article 19 sera adopté par la Commission mixte paritaire qui doit être prochainement réunie. Une fois la loi votée, le Conseil constitutionnel sera saisi et il constituera le dernier espoir des historiens.

Dans une décision du 15 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a en effet consacré l'existence d'un droit d'accès aux archives publiques. Ce n'était pas si évident si l'on considère que ce droit n'avait, jusque là, été affirmé que par la loi voie législative, notamment avec la loi fondatrice du 3 janvier 1979. Pour trouver un fondement constitutionnel à ce droit, le Conseil s'est tourné vers l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel "la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration". L'accès aux archives est alors présenté comme un élément du droit à l'information, au même titre que l'accès aux documents administratifs.

Le Conseil constitutionnel pourra-t-il s'appuyer sur cette jurisprudence pour faire sauter les verrous introduits par l'article 19 de la future loi ? Ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas certain. L'analyse reposera en effet sur le contrôle de proportionnalité. Le Conseil appréciera alors si ces dispositions portent une atteinte excessive à la liberté d'accès aux archives. Et il faut reconnaître que, comme toujours en matière de contrôle de proportionnalité, le Conseil fera ce que bon lui semble.

 

Le contrôle exclusif du Conseil d'État

 

Si sa décision se révélait négative, il ne resterait que le contrôle du Conseil d'État. Après avis de la Commission d'accès aux documents administratifs, c'est en effet à lui d'apprécier la légalité du refus de communication dérogatoire d'archives classifiées, comme il l'avait fait dans son arrêt du 16 juin 2020. Il avait alors annulé la décision du ministre de la culture refusant au requérant l'accès dérogatoire à certaines archives du Président Mitterrand. 

A cet égard, l'arrêt du 2 juillet 2021 présente ainsi un triple avantage. D'une part, il sanctionne une grave illégalité et donne une satisfaction symbolique aux historiens. D'autre part, il laisse à l'Exécutif la possibilité de recourir à la loi pour rétablir, dans des termes très comparables, la disposition qu'il vient d'annuler. Le vote ne fait guère de doute si l'on considère qu'il existe actuellement une alliance entre LaRem et la droite plus traditionnelle pour privilégier le secret administratif sur la transparence. Enfin, l'arrêt protège le pouvoir du Conseil d'État lui-même, puisque, in fine, c'est sur lui que reposera l'exclusivité du contrôle des demandes d'accès dérogatoires. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

mercredi 30 juin 2021

Les Invités de LLC : Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne

A l'occasion des vacances, Liberté Libertés Chéries invite ses lecteurs à retrouver les Pères Fondateurs des libertés publiques. Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est en effet nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite. 

Les choix des textes ou citations seront purement subjectifs, détachés de toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.


Huitième lettre de la montagne

Jean-Jacques Rousseau. 1764



Portrait de Jean-Jacques Rousseau

Maurice Quentin de la Tour


" On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner, c’est obéir. Vos Magistrats savent cela mieux que personne, eux qui comme Othon n'omettent rien de servile pour commander. Je ne connois de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n'a le droit d'opposer de la résistance ; dans la liberté commune nul n'a droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructive d'elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s'y prenne tout gêne dans l'exécution d'une volonté désordonnée.


 Il n’y a donc point de liberté sans Loix, ni où quelqu’un est au dessus des Loix : dans l’état même de nature, l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Loix, mais il n’obéit qu’aux Loix, et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des Loix : ils en sont les Ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.» 

 

Rousseau  Lettres écrites de la montagne (1764) Huitième Lettre, in Oeuvres Complètes, t. III, Gallimard, La Pléiade, p. 841.

 

lundi 28 juin 2021

Chasse à la glu : les petits oiseaux ont gagné devant le Conseil d'État


Dans trois arrêts rendus le 28 juin 2021, le Conseil d'État juge que la chasse à la glu ne saurait être autorisée dans la mesure où elle porte atteinte au droit de l'Union européenne, plus précisément à la directive "oiseaux" du 30 novembre 2009.

La chasse à la glu est une technique de capture utilisée dans six départements du sud-est de la France (Alpes de Haute-Provence, Alpes maritimes, Bouches du Rhône, Var, Vaucluse). Elle consiste à enduire de glu des baguettes ou des branches d'arbres, afin de capturer vivants grives et merles. Les malheureux prisonniers serviront alors d'"appelants" pour attirer d'autres espèces chassées. La ligue de protection des oiseaux (LPO) évalue à 40 000 le nombre d'oiseaux ainsi capturés chaque année en France. 

Le débat sur la chasse à la glu dure depuis bien des années. Aux associations protectrices des oiseaux, les chasseurs opposent leur liberté d'exercer cette activité et son caractère traditionnel. En 2014, un amendement déposé par la députée écologistes Laurence Abeille interdisant cette chasse avait été adopté par l'Assemblée nationale (art. 68-5), aussitôt écarté par le Sénat, traditionnellement à l'écoute du lobby des chasseurs. Après l'alternance de 2017, aucune autre tentative de modification législative n'est engagée.

Dans l'impossibilité de faire modifier la loi, la LPO a utilisé la voie contentieuse. En septembre 2018, elle a déposé des recours contre les arrêtés fixant par arrêtés le nombre de grives et de merles susceptibles d'être capturés, dans chaque département, par la chasse à la glu. Le Conseil d'État a décidé, le 29 novembre 2019, de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). En août 2020, le Président de la République retire son soutien au lobby des chasseurs et annonce que la chasse à la glu est suspendue, en attendant la décision de la CJUE. Il devenait en effet difficile d'affirmer "en même temps" son respect du juge européen et son soutien à une chasse très contestée.


La décision de la CJUE


Celle-ci intervient le 17 mars 2021, et la CJUE déclare clairement que la chasse à la glu n'est pas conforme aux dispositions de la directive "oiseaux". La question préjudicielle repose sur l'articulation entre les articles 8 et 9 de ce texte européen. L'article 8 de la directive interdit le recours « à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d'une espèce ». L'article 9, quant à lui, autorise des dérogations « s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante [...] pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ». Les autorités françaises, comme les chasseurs, estimaient que la chasse à la glu justifie une dérogation, dès lors que cette chasse est présentée comme sélective et revendique un caractère traditionnel. 

Ces arguments sont balayés par la CJUE. Elle affirme que l'article 9 "s'oppose à une réglementation nationale qui autorise, par dérogation à l'article 8 de cette directive, une méthode de capture entraînant des prises accessoires, dès lors que celles-ci, même de faible volume et pour une durée limitée, sont susceptibles de causer aux espèces capturées non ciblées des dommages autres que négligeables ». 

La Cour écarte les arguments développés par la France. Ainsi refuse-t-elle de considérer que cette chasse présente un caractère sélectif. En effet, il est évident que d'autres oiseaux que les espèces autorisées, merles et grives, sont victimes du piège de la glu. Et s'il est vrai que ces "captures accessoires" doivent, théoriquement, être immédiatement nettoyées et relâchées, la CJUE se montre très sceptique sur ce procédé. Elle affirme ainsi qu'il est "très vraisemblable" que tous les oiseaux capturés "subissent un dommage irrémédiable", la glu étant susceptible d'endommager leur plumage. Quant au caractère "traditionnel" de cette chasse, il est balayé par la Cour qui rappelle qu'il ne suffit pas à établir que d'autres méthodes, plus satisfaisantes, ne puissent être adoptées.

 


Les oiseaux dans la charmille. Chanson d'Olympia.

Les contes d'Hoffmann. Offenbach. Mise en scène de Jérôme Savary

Orchestre du Capitole dirigé par Michel Plasson. Chorégies d'Orange. 2000

Les précédents


La décision de la CJUE est le produit d'une importante évolution jurisprudentielle. Dans un arrêt ancien du 27 avril 1988, elle avait en effet considéré la chasse à glu comme compatible avant l'ancienne directive du 2 avril 1979. A l'époque, ce texte permettait une "exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantité". Mais la directive de 2009 se montre plus restrictive, et cette évolution textuelle entraine une évolution jurisprudentielle. Un arrêt du 21 juin 2018 sanctionne ainsi la pratique maltaise autorisant la capture de sept espèces d'oiseaux par un "clap-net", c'est à dire un filet fonctionnant lui-aussi comme un véritable piège pour tout ce qui vole aux alentours. La Cour observe ainsi qu'une telle méthode ne présente aucun caractère sélectif et concerne en pratique de grandes quantités d'oiseaux.

Cette jurisprudence fait ainsi peser la charge de la preuve sur l'État défendeur. Il lui appartient de démontrer que l'autorisation de chasse dérogatoire ne conduit pas, de manière substantielle, à capturer d'autres oiseaux qui ceux visés. Il doit aussi montrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante que la chasse traditionnelle. De fait, l'arrêt de mars 2021 se situe exactement dans la ligne jurisprudentielle de 2018, et la France est traitée comme Malte.

Les trois arrêts du Conseil d'État rendus le 28 juin 2021 se bornent à tirer les conséquences de la réponse donnée par la CJUE à la question préjudicielle qui lui avait été posée. Le Conseil annule donc purement et simplement les arrêtés fixant le nombre d'oiseaux pouvant être capturés en 2018-2019 et en 2019-2020 et confirme la légalité du refus du ministre d'autoriser de telles captures. Comme la CJUE, il affirme clairement que la caractère "traditionnel" d'une chasse ne suffit pas à justifier une pratique cruelle. Une bonne nouvelle pour les petits oiseaux et pour ceux qui aiment les entendre chanter.


jeudi 24 juin 2021

Le box de verre devant le Conseil d'État


Dans un arrêt du 21 juin 2021, le Conseil d'État a écarté le recours dirigé contre l'arrêté du Garde des Sceaux daté du 18 août 2016, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la justice. Ce texte, pris sur le fondement des articles L 1332-1 et R 1332-1 du code de la défense impose, pour chaque secteur d'importance vitale dont la justice, au ministre compétent d'adopter des directives de sécurité et de vigilance destinées à protéger contre toute menace.

Au coeur de ce texte en apparence anodin, avait été particulièrement contestée la disposition prévoyant la construction de boxes sécurisés dans les salles d'audience, espaces fermés destinés à accueillir les prévenus retenus sous escorte.

Deux types de sécurisation du box détenus étaient recommandés : le premier à vitrage complet du box, le second à barreaudage en façade avec un vitrage sur les faces latérales côté public et coté magistrat. Ce second système a été enterré par une instruction du 22 décembre 2017, par laquelle le Garde des sceaux, à interrompu le déploiement des boxes à barreaudage, et ordonné le démontage de ceux déjà installés. L'arrêt du 21 juin 2021 ne porte donc que sur les boxes vitrés. 


La compétence du Conseil d'État


Le recours initié par le Syndicat des avocats de France s'est heurté à quelques difficultés liées à la recherche de l'ordre juridictionnel compétent pour trancher le litige, l'acte contesté étant un refus d'abrogation de l'arrêté du 18 août 2016. Il est vrai que le juge judiciaire est généralement compétent pour connaître des décisions qui relèvent du fonctionnement du service public de la justice et à la fonction juridictionnelle. Mais le tribunal des conflits, dans sa décision du 8 février 2021, a néanmoins estimé que le litige portait sur la légalité d'un acte réglementaire portant non pas sur le fonctionnement mais sur l'organisation du service public de la justice. Il appartenait donc au Conseil d'État de se prononcer sur ce recours.

Cette compétence de la juridiction administrative n'interdit pas toute intervention du juge judiciaire dans ce domaine. Depuis une décision du 15 mai 1985, la Cour de cassation estime que des accusés peuvent comparaître dans un "enclos de verre", dès lors qu'ils sont libres de leurs mouvements, et que des aménagements sont prévus pour qu'ils puissent communiquer librement et secrètement avec leur conseil. Sa jurisprudence a aujourd'hui évolué, et elle renvoie désormais la décision au président de la Cour d'assises qui exerce la police de l'audience, précision qu'elle avait déjà mentionnée dans un arrêt du 28 novembre 2018. Il appartient donc au président  "de choisir les aménagements de sécurité les plus appropriés à une affaire donnée, en tenant compte de la nécessité de préserver une bonne administration de la justice, l'apparence d'une procédure équitable ainsi que la présomption d'innocence", compte tenu des nécessités liées à la sécurité de l'audience. 

 


 Les lauriers de César. René Goscinny et Albert Uderzo. 1972

 

La police de l'audience 


En l'espèce, le Conseil d'État s'appuie également sur la police de l'audience détenue par le président selon l'article 309 du code de procédure pénale. Il mentionne également l'article 318 du même code qui énonce que "l'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader". De ces deux dispositions, il déduit qu'aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que des mesures de contrainte soient prises à l'égard de la personne prévenue ou accusée, à la condition qu'elles soient justifiées par la sécurité des personnes présentes à l'audience ou la nécessité de l'empêcher de fuir ou de communiquer avec des tiers. En revanche, ces mesures doivent être prises dans les respect des droits de la défense, ce qui implique une libre communication avec l'avocat.

Précisément, il appartient donc au président de s'assurer que le placement de l'intéressé dans un box vitré ne l'expose pas à un traitement inhumain et dégradant, au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il doit également faire en sorte que le droit à un procès équitable protégé par l'article 6 soit respecté, notamment au regard de la communication avec l'avocat.

De manière très claire, le Conseil d'Etat considère donc que le recours à ces boxes vitrés ne constitue pas, en soi, un traitement inhumain et dégradant, pas plus qu'il ne porte atteinte au droit au procès équitable. Sur ce point, il se réfère directement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Sa décision Yaroslav Belousov c. Russie du 4 octobre 2016 affirme ainsi qu'il est possible de prévoir un box de verre,  à la condition qu'il n'ait pas pour conséquence d'entraver le procès équitable et la présomption d'innocence. Plus récemment, à propos de l'affaire Ioukos, dans un arrêt rendu le 14 janvier 2020 Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie, elle précise quels sont les critères gouvernant l'usage d'un tel équipement, pour qu'il réponde à ces conditions. Elle affirme ainsi que la communication confidentielle avec l'avocat doit toujours être sauvegardée. C'est exactement ce qu'affirme le Conseil d'État dans l'arrêt du 21 juin 2021, lorsqu'il affirme que l'accusé "est en mesure de participer de manière effective aux débats et de communiquer librement et secrètement avec son avocat (...).

On relève ainsi une parfaite concordance entre la Cour européenne, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. Tous assurent que le box de verre ne constitue pas, en soi, une atteinte aux droits de la personne jugée. L'essentiel n'est pas dans l'installation, mais dans la manière dont elle est conçue et dans l'exercice du pouvoir de police du président qui doit s'assurer que les droits de la défense sont respectés. A l'heure où les problèmes de sécurité gagnent le prétoire, la jurisprudence refuse ainsi toute position dogmatique et préfère s'en remettre à la sagesse de la Cour, ou plutôt de son président.