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Les noces rouges. Claude Chabrol 1973. Stéphane Audran et Michel Piccoli |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 23 juin 2015
Le droit au silence ou les difficultés d'une acculturation
jeudi 18 mai 2017
Droit au silence : l'aveu n'est plus la reine des preuves
Le droit au silence
Le droit au silence a connu des hauts et des bas, et il ne se serait sans doute pas développé sans la pression constante de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle le considère en effet comme un élément du droit au procès équitable depuis l'arrêt Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996. Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue sur QPC le 30 juillet 2010 a également considéré qu'il faisait partie des droits de la défense et s'imposait dès le début de la garde à vue. L'article 63-1 du code de procédure pénale confère donc à la personne placée en garde à vue "le droit, lors des auditions (...) de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire".
Certes, mais Hocine X. a eu la malencontreuse idée de faire ses aveux en dehors d'une audition. Il peut cependant là encore invoquer la jurisprudence libérale de la Cour européenne des droits de l'homme. Dès l'affaire Allan c. Royaume Uni de 2002, la Cour sanctionne ainsi l'utilisation à charge de confidences faites à un soi-disant co-détenu, en réalité un informateur de la police placé au contact de l'accusé pour obtenir des aveux. Ces confidences qui constituaient l'essentiel de l'accusation ont donc été obtenues contre le gré du requérant et l'utilisation qui en est faite au procès porte atteinte au droit de garder le silence qu'il avait pourtant invoqué. Le cas d'Hocine X. est très proche puisque lui aussi s'est laissé aller à faire des aveux en dehors d'une audition. En l'espèce, il n'a d'ailleurs pas, expressément et de manière non équivoque, renoncé à l'assistance d'un avocat, seul élément qui permettrait de recueillir ses déclarations, même effectuées en dehors d'une audition proprement dite (CEDH, 1er décembre 2009, Ahmet Engin Satir c. Turquie).
Le droit de ne pas s'auto-incriminer
Le droit de ne pas s'auto-incriminer est aussi directement inspiré du droit américain, plus exactement du 5è Amendement à la Constitution des Etats-Unis. En tant que tel, il ne figure pas formellement dans le code pénal. Il trouve son origine dans la jurisprudence de la Cour européenne qui, comme le droit au silence, le rattache aux exigences du procès équitable. Consacré par un arrêt du 25 février 1993 Funke c. France, il interdit à l'accusation de recourir à des éléments de preuve obtenus sous la contrainte ou par la ruse. Dans un arrêt très remarqué du 6 mars 2015, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation reprend ce principe et sanctionne pour défaut de loyauté le fait d'avoir sonorisé deux cellules de garde à vue dans lesquelles ont été enfermées des individus soupçonnés d'avoir dévalisé une bijouterie. Or ces enregistrements sont accablants : après avoir reconnu avoir exercé des violences à l'égard d'une cliente du magasin, l'un des deux gardés à vue propose à l'autre de le disculper, moyennant finances. Ces enregistrements considérés comme des éléments de preuve et versés au dossier seront finalement annulés car ils ont conduit les gardés à vue à s'auto-incriminer.
Dans le cas d'Hocine X., l'atteinte au droit à ne pas s'auto-incriminer est la conséquence logique de la violation de son droit au silence. Dès lors qu'il a fait des aveux en dehors d'une audition et alors qu'il n'était pas assisté par son avocat, il s'est nécessairement auto-incriminé.
L'ensemble de la procédure
D'une manière générale, la décision du 25 avril 2017 illustre une tendance de la jurisprudence à prendre en considération non plus les seules auditions mais l'ensemble de la période de garde à vue, et non pas la seule garde à vue mais l'ensemble de la procédure pénale. Appliquant la jurisprudence Bykov c. Russie du 10 mars 2009, la Cour de cassation examine donc l'ensemble de cette procédure.