Le débat sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire s'achève dans une certaine confusion. Les avocats, confiants dans les effets positifs de la désignation de l'un d'entre eux comme Garde des Sceaux, pensaient avoir obtenu une définition absolutiste du secret professionnel. Les dispositions initiales du projet avaient même été modifiées durant le débat à l'Assemblée nationale, dans le sens d'un renforcement du secret. Mieux protégé que le secret médical, mieux protégé que les secret des affaires, et à peine moins que le secret de la défense nationale, le secret professionnel de l'avocat devenait un obstacle presque absolu aux investigations des juges.
Hélas, cette belle construction s'est effondrée en commission mixte paritaire, victime du Sénat mais aussi, peut-être, de l’hubris de ses promoteurs.
Le secret professionnel
Jusqu'à aujourd'hui, le secret professionnel était régi par la loi du 31 décembre 1971. A l'origine, il n'a pas pour fonction de protéger l'avocat, mais de protéger son client. Il s'agit en effet d'empêcher les divulgations par l'avocat des informations qui lui ont été confiées, devoir sanctionné pénalement par l'article 226-13 du code pénal. Protégeant le client, il est alors logique que le secret ne protège pas l'avocat lui-même, lorsqu'il est mis en cause pour avoir commis une infraction. C'est ce qu'affirme la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 janvier 2003. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, rattache certes le secret professionnel aux droits de la défense, mais précise, dans sa décision QPC du 24 juillet 2015 que "aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats".
Le "secret professionnel de la défense"
Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire donne satisfaction aux avocats et permet d'écarter une jurisprudence qui leur semblait défavorable. Le secret professionnel est désormais officiellement perçu comme un instrument de protection au bénéfice non seulement du client, mais aussi de l'avocat. L'article 3 du projet initial ajoutait dans l'article préliminaire du code de procédure pénale un alinéa ainsi rédigé : "Le respect du secret professionnel de la défense est garanti au cours de la procédure dans les conditions prévues par le présent code". Cette notion de "secret professionnel de la défense" est une nouveauté, dont le Conseil d'État a pris acte, dans son avis sur le projet de loi.
Mais le Conseil d'État, dans son avis, entendait bien limiter ce "secret professionnel de la défense" dans le cadre strict de la procédure pénale. Il s'appuyait sur la position de la chambre criminelle, dans un arrêt du 22 mars 2016. Elle a alors affirmé qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la captation, l'enregistrement et la captation des propos tenus par un avocat sur la ligne téléphonique d'un tiers placé sur écoute, dès lors que "cet avocat n'assure pas la défense de la personne placée sous surveillance". Il en est de même lorsque les propos, pourtant échangés avec un client habituel, "révèlent des indices de sa participation à la des faits susceptibles de qualification pénale".
Les débats devant l'Assemblée ont permis de renforcer le secret professionnel dans la procédure pénale. Un mécanisme de
protection a été prévu dans le cas où des documents couverts par le
secret professionnel de l'avocat seraient saisis lors d'une perquisition
chez un tiers, et la présence de l'avocat durant les perquisitions a
été garanti.
Mais, précisément, les avocats n'étaient pas satisfaits d'un droit positif qui allégeait la protection lorsqu'ils interviennent comme conseils.
Ce n'est qu'un rêve
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L'activité de conseil
Les avocats spécialisés en droit des affaires se sont rapidement fait entendre, et les débats devant l'Assemblée nationale ont permis de leur donner satisfaction. Il s'agissait cette fois de passer outre la décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2015 et d'obtenir une garantie de confidentialité de l'ensemble des communications de l'avocat, y compris en matière fiscale. Bien entendu, le ministre ne s'est pas opposé à une telle évolution.
C'était compter sans le Sénat qui était opposé à cette évolution. Si l'arbitrage issu de la Commission mixte paritaire ne remet pas en cause l'applicabilité du secret professionnel à l'activité de conseil, il affirme néanmoins deux séries d'exceptions.
Les premières sont liées aux enquêtes ou informations judiciaires ouvertes pour fraude fiscale, corruption, trafic d'influence, et blanchiment de ces infractions. Encore faut-il que les pièces détenues par l'avocat ou les communications "établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission de ces infractions". Cette exception apparaît comme une évidence, dès lors que le secret absolu obtenu par les avocats conduisait à priver les acteurs de la lutte contre la corruption, et évidemment le Parquet national financier, de moyens d'action particulièrement précieux.
La seconde exception au principe du secret de l'activité de conseil est prévue "lorsque l'avocat a fait l'objet de manoeuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d'une infraction". C'est évidemment l'hypothèse dans laquelle un escroc ou un fraudeur fiscal utiliserait le cabinet de son avocat comme un sanctuaire, parfaitement assuré de la confidentialité des documents qui y sont entreposés. Son dossier, aussi illégal soit-il, serait ainsi parfaitement à l'abri d'une saisie.
Les avocats sont vent debout contre ces deux exceptions issues de la CMP. Ils accusent évidemment les services fiscaux et les magistrats d'avoir obtenu ce résultat par un lobbying actif. La critique fait sourire si l'on considère précisément le lobbying qui a été effectué pour promouvoir un secret absolu des avocats, avec le soutien actif du Garde des Sceaux. Surtout, on éprouve quelques difficultés à comprendre les motifs d'une telle levée de boucliers. On imagine mal que les avocats conservent dans leur cabinet des pièces établissant la preuve de leur utilisation à des fins délictuelles. On imagine encore plus mal qu'ils se prêtent à une instrumentalisation du secret de leur cabinet par des escrocs divers et variés. Ce type de pratiques est évidemment exclue d'avocats qui sont des auxiliaires de justice et se font, nécessairement, une haute idée de leur mission.