« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 5 août 2025

Les Invités de LLC - Montesquieu : De l'éducation dans le gouvernement républicain

A l'occasion des vacances, Liberté Libertés Chéries invite ses lecteurs à retrouver les Pères Fondateurs des libertés publiques. Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est en effet nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite. 

Les choix des textes ou citations sont purement subjectifs, détachés de toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.
 
Aujourd'hui, nous ré-invitons Montesquieu, qui est déja intervenu à deux reprises sur LLC, avec quelques passages des Lettres Persanes. Cette fois, dans le Livre IV de l'Esprit des lois, il nous propose une réflexion sur le rôle de l'éducation dans le gouvernement républicain. 
 

MONTESQUIEU

De l'Esprit des lois

Livre IV, Chapitre 5

De l'éducation dans le gouvernement républicain 

1748

 

 


 

C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation. La crainte des gouvernements despotiques naît d’elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l’honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. 

On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence. 

Cet amour est singulièrement affecté aux démocraties. Dans elles seules, le gouvernement est confié à chaque citoyen. Or, le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l’aimer. 

On n’a jamais ouï dire que les rois n’aimassent pas la monarchie, et que les despotes haïssent le despotisme. 

Tout dépend donc d’établir dans la république cet amour ; et c’est à l’inspirer que l’éducation doit être « attentive. Mais, pour que les enfants puissent l'avoir, il y a un moyen sûr ; c'est que les pères l'aient eux-mêmes. 

On est ordinairement le maître de donner à ses enfants ses connaissances ; on l'est encore plus de leur donner ses passions. 

Si cela n'arrive pas, c'est que ce qui a été fait dans la maison paternelle est détruit par les impressions du dehors. 

Ce n'est point le peuple naissant qui dégénère ; il ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus. 


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