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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
dimanche 18 septembre 2016
Facebook : l'enfant est une personne
dimanche 11 septembre 2016
Etat d'urgence : le premier refus d'exploitation des données
Perquisition et saisie de données
Arman. Accumulation de téléphones portables. Circa 2000 |
Contrôle des motifs
La maîtrise de l'évolution du droit
jeudi 8 septembre 2016
Les invités de LLC : Vida Azimi : Parole de Persane : ça commence toujours avec le « dérisoire »…
Un "islam français"
1979, et après
La servitude consentie
Une identité soucieuse
mardi 6 septembre 2016
Dire que le Premier ministre fume la moquette relève de la liberté d'expression
Réputation et vie privée
Rappelons qu'aux termes de l'article 10, une ingérence dans la liberté d'expression peut être licite si elle est prévue par la loi, si elle poursuit un but légitime et si elle se révèle nécessaire dans une société démocratique. En l'espèce, nul ne conteste, pas même les juges portugais, que l'article contesté contient une ingérence dans la vie privée de l'ancien Premier ministre. Il n'est pas davantage contesté que cette ingérence est prévue par la loi, le code civil portugais autorisant l'action en responsabilité en cas d'atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. Dans une jurisprudence constante, et récemment dans son arrêt Almeida Leitao Bento Fernandes c. Portugal du 12 mars 2015, la Cour affirme en effet que la protection de la réputation constitue un élément de la vie privée et qu'elle constitue donc un but légitime autorisant une restriction à la liberté d'expression.
Le débat d'intérêt général
Sa motivation aurait pu se limiter au rappel de la notion de "débat d'intérêt général" qui permet de justifier les intrusions de la presse dans la vie privée des personnes. Dans deux arrêts du 14 janvier 2014, Ojala et Etukeno Oy c. Finlande et Ruusunen c. Finlande, la Cour considère que les juges finlandais n'avaient pas à prononcer la saisie d'un livre écrit par une femme qui racontait sa liaison avec le Premier ministre. Ils pouvaient se borner à interdire les passages portant sur la vie sexuelle ou intime du couple. Pour la Cour, l'histoire de cette liaison contribuait donc à un débat d'intérêt général. Dans l'arrêt Medipress-Sociedade Jornalistica LDA, la Cour aurait pu simplement affirmer que le journaliste participait à un débat d'intérêt général en contestant, même en termes un peu vifs, le projet développé par le Premier ministre de modifier le droit de la presse. Le fait de l'accuser "d’un délire provoqué par la consommation de drogues dures" serait alors considéré comme une figure de style donnant à l'article un ton pamphlétaire qui n'est pas illicite.
Exagération et provocation
La décision Brasilier c. France du 11 avril 2006 offre un exemple réjouissant de ce raisonnement. Le requérant est un candidat malheureux aux élections législatives de 1997, très malheureux même car, dans la circonscription du 5è arrondissement de Paris où il était opposé à Jean Tiberi, il s'est aperçu qu'aucun des 60 000 bulletins à son nom n'avait été déposé dans les bureaux de vote. Il organise donc une manifestation où il brandit une banderole portant l'inscription : "Tiberi, tu nous casses les urnes". L'intéressé porte plainte pour diffamation, mais M. Brasilier est relaxé sur la plan pénal et condamné à verser 1 euro symbolique à Jean Tiberi sur le plan civil. La Cour européenne estime pourtant que cet euro est de trop, car un adversaire politique doit avoir la possibilité de discuter la régularité d'une élection et que, dans ce cas, "la vivacité des propos est plus tolérable qu'en d'autres circonstances".
Information factuelle ou jugement de valeur
Pour le requérant, il s'agit d'une affirmation factuelle mettant en cause sa probité et reprenant d'ailleurs des rumeurs malveillantes. C'est sensiblement la position adoptée par les juges portugais. Pour le journal, il s'agit d'un jugement de valeur qui s'inscrit dans un article dont la tonalité générale est extrêmement critique.
La Cour européenne adopte cette seconde thèse. Dans l'affaire Brasilier, elle avait estimé que le "Tiberi, tu nous casses les urnes" relevait à l'évidence du jugement de valeur, faisant toutefois observer qu'il avait une origine factuelle, le Conseil constitutionnel ayant annulé l'élection de l'intéressé pour fraude électorale. En l'espèce, la situation est plus délicate car la consommation de drogues dures imputée au ministre ne repose sur aucune base factuelle. La Cour préfère donc insister sur le caractère ironique de ce propos que les juges portugais ont refusé de voir, les prenant au pied de la lettre. Elle en avait fait de même dans un arrêt du 6 novembre 2007 Lepovic c. Serbie, à propos d'un élu local, accusé d'avoir dépensé l'argent de manière "presque insensée", formule qui, aux yeux de la Cour, ne mettait pas en cause sa santé mentale, mais traitait, ironiquement, de son honnêteté.
A l'issue du raisonnement de la Cour, on retrouve donc ce fameux débat d'intérêt général qui permet de faire prévaloir la liberté de presse, débat d'intérêt général qui peut être développé sur le ton satirique. La solution d'espèce est évidemment satisfaisante mais elle n'interdit pas de se poser des questions sur l'avenir de cette jurisprudence. Elle repose sur des faits, et sur l'appréciation que fait la Cour du caractère ironique ou non de l'article. Le sens de l'humour est-il identique à Lisbonne, à Belgrade et à Strasbourg ? On attend avec impatience les suites de cette jurisprudence pour le savoir et pour rire un peu.
vendredi 2 septembre 2016
Autorité des marchés financiers : L'apparence de l'impartialité
Dans un arrêt X. et Y. du 1er septembre 2016, la Cour européenne des droits de l'homme déclare que la procédure de sanction mise en oeuvre par l'Autorité des marchés financiers (AMF) ne porte atteinte à aucun de ces principes.
La prévisibilité de la loi
Ecartons rapidement le moyen invoquant un manquement à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le principe de légalité des délits et des peines. En l'espèce, les requérants ne contestent pas l'existence, l'accessibilité et prévisibilité des obligations professionnelles qui s'imposent à eux, mais ils soutiennent que le non-respect de ces obligations n'étaient pas constitutives d'un manquement sanctionné par l'AMF. A leurs yeux, il devait seulement donner lieu à des opérations techniques et non pas à des sanctions. Disons-le clairement : les malheureux banquiers ne connaissaient pas les règles gouvernant une augmentation de capital.
L'impartialité
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Impartialité subjective
Impartialité objective
Cette appréciation formelle de l'impartialité ne surprend guère. La Cour avait déjà conclu à l'impartialité de la Commission des sanctions de l'AMF dans son arrêt Messier c. France du 23 juin 2011. Cette jurisprudence témoigne d'une grande tolérance de la Cour à l'égard des autorités administratives indépendance, tolérance égale à celle dont elle fait preuve à l'égard du Conseil d'Etat. Rappelons en effet qu'avec deux arrêts, l'un du 15 juillet 2009 Yvonne Etienne c. France, l'autre du 4 juin 2014 Marc Antoine c. France, la Cour a admis la conformité de la procédure contentieuse mise en oeuvre devant le Conseil d'Etat à la Convention. Cette jurisprudence semble bien généreuse, si l'on considère que l'institution du rapporteur public mise en oeuvre avec le décret du 7 janvier 2009 ne modifie pas de manière substantielle une procédure qui avait été sanctionnée par la jurisprudence Kress c. France de 2001.
Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes est évidemment conforté par l'arrêt X. et Y. c. France. Mais le principe d'impartialité, quant à lui, en sort un peu malmené. On aurait nettement préféré que la Cour apprécie l'ensemble du dossier et pas seulement le contenu des textes en vigueur. Nul n'ignore que les relations entre les fonctions de régulation et de sanction ne sont pas toujours aussi cloisonnées que les textes l'affirment. Or l'impartialité n'est pas seulement une question d'apparence formelle. C'est aussi une question bien réelle qui exige que les requérants ou les personnes sanctionnées puissent avoir confiance dans les juges.