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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mercredi 20 avril 2016
Le Hijab Day ou les rebelles de la rue Saint Guillaume
dimanche 17 avril 2016
La directive "secret des affaires" et les lanceurs d'alerte
L'intelligence économique
La définition du secret des affaires
- Elles sont secrètes, ce qui signifie qu'elle "ne sont généralement pas connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles". Les informations secrètes sont donc celles qui ne sont pas connues.
- Elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes. Observons que l'entreprise qui décide de l'étendue de son secret est également seule à pouvoir apprécier sa valeur commerciale.
- Enfin, elles ont fait l'objet de "dispositions raisonnables" destinées à les garder secrètes. Ces dispositions signifient que l'entreprise doit avoir organisé une procédure de protection de ses informations confidentielles, notamment un système d'habilitation et de classification interne.
Les lanceurs d'alerte
Un standard de protection moins élevé
jeudi 14 avril 2016
La liberté d'expression du général Soubelet
L'avancement des généraux
La position "hors cadre"
L'obligation de réserve
La commission parlementaire : le devoir de parler
La publication d'un livre
lundi 11 avril 2016
Du droit dur au droit souple, en passant par le droit mou
Du droit dur au droit mou
Du droit mou au droit souple
Le contrôle du juge administratif
jeudi 7 avril 2016
La modernisation de la campagne présidentielle ou la démocratie sous contrôle
Les présentations
Lucky Luke contre Joss Jamon. Morris et René Goscinny. 1958 |
La nécessaire intervention du législateur
L'intervention législative de 2016 était donc attendue. Le parlement a fait le choix d'une transparence totale en imposant la transmission des présentations au Conseil constitutionnel par le signataire lui-même et non plus par le candidat. Ces signatures seront ensuite publiées au fur et à mesure de leur arrivée, et non plus en une fois au moment du dépôt officiel de la candidature. Certains avaient rêvé une dose de parrainages effectués directement par les électeurs, d'autres avaient souhaité le retour au secret, favorisant les petits partis. En choisissant la transparence totale, le législateur ne prend pas de risque constitutionnel. Conformément à sa décision de 2012, le Conseil décidera probablement que la transparence ne peut pas, en tant que telle, porter atteinte au pluralisme. En revanche, la question de l'inégalité de traitement des petits partis, question qui était pourtant le coeur du débat, demeure non résolue.
Le temps d'antenne
La seconde source de l'irritation des membres des petits partis réside dans l'accès aux médias audiovisuels. Dans l'état actuel du droit, les radios et les télévisions doivent assurer une exposition médiatique absolument identique entre les différents candidats pendant les cinq dernières semaines précédant l'élection. En 2012, Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou ont donc eu le même temps de parole que Nicolas Sarkozy et François Hollande durant les cinq dernières semaines.
La loi votée le 5 avril réduit cette période de stricte égalité aux deux dernières semaines avant le scrutin. Durant la période précédente dont on ne sait d'ailleurs pas quand elle commence, c'est l'équité qui doit dominer, notion qui figure dans l'article 4 du texte. Elle renvoie à l'idée que l'exposition médiatique de chaque parti doit être proportionnée à son audience. Aux termes de la loi, il appartiendra au CSA de veiller à ce traitement "équitable", à partir de la représentativité de chaque candidat et de sa "contribution à l'animation du débat électoral".
La représentativité de chaque candidat sera donc appréciée par le CSA à partir de deux critères. D'une part, ses résultats aux élections précédentes, critère qui repose sur une analyse du passé et non pas du présent. D'autre part, les sondages utilisés pour apprécier l'état actuel de l'opinion. Cette confiance accordée aux sondages peut surprendre, du moins si l'on considère les erreurs relativement nombreuses qu'ils ont faites sur les résultats estimés de certaines consultations électorales. Surtout, le législateur confère aux sondages un rôle tout-à-fait extraordinaire : il ne sont plus le reflet, toujours imparfait, de l'opinion, mais l'instrument utilisé pour créer l'opinion. Ce ne sont plus les médias qui suivent l'élection, mais l'élection qui suit les médias.
Reste évidemment la notion d'"animation du débat électoral", dont on ne voit pas quel pourrait être le contenu juridique. Cela signifie-t-il que le CSA pourra considérer que tel candidat aux qualités de tribun est plus amusant que tel autre, légèrement bègue ? On espère que l'interprétation n'ira pas jusque là, mais, à dire vrai, on n'en sait rien.
La question de la constitutionnalité d'une telle disposition est évidemment posée. La notion d'"animation du débat électoral" pourrait être considérée comme emportant une atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Dans plusieurs décisions, et notamment celle du 28 décembre 2011, le Conseil constitutionnel affirme ainsi que ce principe impose au législateur d'adopter "des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques".
De manière plus évidente, le principe d'égalité devant la loi peut être invoqué. Nul n'ignore qu'il trouve son origine dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, son article 6 affirmant que "la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse". Le Conseil constitutionnel affirme néanmoins qu'une rupture d'égalité peut intervenir par la voie législative, dès lors qu'il s'agit de "régler de façon différente des situations différentes". En l'espèce, les petits partis ne sont pas dans une situation différente de celle des grands partis, du moins au regard de la campagne aux élections présidentielles. Le Conseil constitutionnel affirmera-t-il que l'indication d'un sondage suffit à constituer une "situation différente" au sens juridique du terme ? Intéressante question, dont on attend la réponse avec impatience.
lundi 4 avril 2016
Secret de l'instruction et presse à sensation
L'ingérence dans la liberté d'expression
Rappelons que, pour être licite, une ingérence dans la liberté d'expression ne doit pas seulement être prévue par la loi et répondre à un but légitime. Elle doit aussi se révéler "nécessaire dans une société démocratique"
Il n'est pas contesté que la condamnation d'Arnaud Bédat s'analyse comme une telle ingérence. Elle est prévue par la loi suisse qui considère comme un délit la violation du secret de l'instruction. Ce texte repose sur un but légitime, puisqu'il s'agit de garantir "l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire" ainsi que "la protection de la réputation et des droits d'autrui".
C'est donc la dernière condition de l'ingérence qui justifie l'intervention de la Grande Chambre, et c'est sur ce point qu'elle se démarque de l'arrêt de chambre. Cette dernière condition impose à la Cour européenne un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte à la liberté de presse et le "besoin social impérieux" qui la motive. La Grande Chambre précise donc les critères qui doivent être utilisés par la juridictions européenne pour apprécier cette proportionnalité.
Deadline. Richard Brooks. 1952. Humphrey Bogart |
Le débat d'intérêt général, instrument d'une liberté absolue
Cette intervention de la Grande Chambre n'est pas inutile. La jurisprudence récente utilise, en effet, la notion de "débat d'intérêt général" de manière si compréhensive qu'elle conduit à consacrer la liberté de presse comme une liberté absolue, au détriment d'autres droits ou libertés comme le droit à la vie privée ou la présomption d'innocence.
Dans un arrêt du 7 février 2012 von Hannover II c. Allemagne, la Cour européenne considère ainsi que la publication de photographies du prince Rainier de Monaco affaibli par la maladie, clichés pris à son insu, ne porte pas atteinte à sa vie privée ni à celle de sa famille, mais relève d'un débat d'intérêt général. Il en est de même, selon un arrêt du 10 novembre 2015 Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, de la divulgation, par Paris-Match d'informations sur l'existence d'un enfant caché du prince Albert. Aux yeux de la Cour, cette nouvelle "dépasse le cadre de la vie privée" du prince et relève donc d'un débat d'intérêt général. La lecture de cette jurisprudence laisse penser que la Cour n'opère aucune distinction entre la presse people et la presse d'information générale.
De toute évidence, la Grande Chambre veut mettre un frein à cet emballement jurisprudentiel qui conduit à protéger de manière quasi-absolue des journaux dont l'objectif est d'étaler au grand jour la vie privée des people ou de rapporter les faits divers dans une veine sensationnaliste.
L'exception de sensationnalisme
La Grande Chambre rappelle les principes exposés dans l'arrêt Stoll c. Suisse du 10 décembre 2007 : un article prend place dans un débat d'intérêt général, si le journaliste et le journaliste "agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations fiables et précises, dans le respect de la déontologie journalistique". En l'espèce, la Cour fait observer qu'un journaliste professionnel ne pouvait ignorer le caractère secret des pièces qu'il reproduisait dans son article. Elle ajoute cependant que le caractère fiable et précis de ces informations n'est pas évident, dès lors que le ton employé ne laisse "aucun doute sur l'approche sensationnaliste que le requérant a entendu donner à son article".