Pablo Picasso. L'Enlèvement des Sabines. 1962 |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
dimanche 24 juin 2012
QPC La prévention des mariages forcés, garantie de la liberté du mariage
jeudi 21 juin 2012
Le harcèlement sexuel, entre vitesse et précipitation
Reynaud Levieux. 1613-1699 "Proposition indécente" selon la requérante, ou "Annonciation" selon le défendeur Collection particulière |
Une incrimination floue
Le harcèlement, ou le sentiment du harcèlement ?
Comment va t on alors prouver cette intention ? Si l'on se réfère au témoignage de l'accusé, il y a des chances qu'elle ne soit jamais démontrée, car il est peu probable qu'il avoue ses pensées libidineuses. Si l'on se réfère au témoignage de la victime, on peut penser que le moindre regard un tant soit peu concupiscent risque d'être présenté comme une "pression grave". Là encore, le rôle du juge promet d'être compliqué, car il sera confronté non pas à un acte de harcèlement défini de manière objective, mais à la perception du harcèlement par chacune des victimes. Le prétoire n'est pourtant pas le divan du psychanaliste, et il faudra bien définir des critères un peu plus objectifs.
Les peines
Les peines prévues pour les auteurs de harcèlement ne sont guère plus satisfaisantes. Pour la première incrimination, celle qui vise les actes répétés, le coupable risque un an de prison et 15 000 € d'amende. Pour la seconde, celle qui sanctionne l'acte unique, il encourt deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. Rien ne dit pourtant que la seconde incrimination soit nécessairement plus grave que la première, et sanctionner plus durement un acte unique qu'une pratique répétée peut sembler quelque peu surprenant. Il est vrai que la preuve de la seconde infraction risque d'être si difficile à apporter que le risque d'être condamné sur cette base est bien modeste.
Heureusement, le parlement va débattre de ce projet. Son rôle sera de lui apporter une cohérence qu'il n'a pas, en suscitant un débat juridique qui n'a pas encore eu lieu.
mardi 19 juin 2012
Accès aux origines et insémination avec donneur
Thésée reconnu par son père |
La protection de l'assistance médicale à la procréation
dimanche 17 juin 2012
Statut pénal du Chef de l'Etat : la réforme devient urgente
Gilbert Thiel, Bernard Swysen, Marco Paulo. Le pouvoir de convaincre. 2012 |
vendredi 15 juin 2012
Le rapporteur public, ou le Palais Royal assiégé
Protégé derrière ses remparts, le Conseil se trouve aussi enfermé dans sa position défensive. Pourquoi remettre en cause une procédure contentieuse considérée comme parfaite ? Le Conseil d'Etat ne représente-t-il pas la perfection dans la protection de l'administré ? L'idée générale est donc de résister autant que possible aux assauts du juge européen, en acceptant des réformes minimalistes.
Après deux assauts successifs, la Cour européenne se prépare à en livrer un troisième qui pourrait être fatal à l'actuelle procédure.
Escarmouches
La première escarmouche est venue des arrêts Kress c. France du 7 juin 2001 et Martinie c. France du 12 avril 2006 qui ont sanctionné la présence du commissaire du gouvernement au délibéré. Dès lors qu'il était le dernier à s'exprimer lors de l'audience, sa participation au délibéré violait en effet l'égalité des armes et le respect du contradictoire. Un décret du 1er août 2006 a donc quelque peu amélioré la situation. D'une part, les conclusions sont communiquées aux parties qui peuvent y répondre par des observations orales. D'autre part, le commissaire du gouvernement est désormais exclu du délibéré, mais pas partout. Seuls les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel sont concernés par cette exclusion. Le Conseil d'Etat demeure, sur ce point, à l'abri de toute évolution, figé dans un isolement splendide. Son rapporteur est donc présent au délibéré, sauf dans l'hypothèse, fort rare, où l'une des parties demande qu'il en soit exclu.
Fortifications autour du Conseil d'Etat, assiégé par la Cour européenne |
1er Assaut
Hélas, cette première victoire, au demeurant fort modeste, a donné des ailes à l'agresseur strasbourgeois. Dans l'affaire UFC Que Choisir de Côte d'Or c. France du 30 juin 2009, l'attaque a porté cette fois sur l'absence de communication aux parties de la note du rapporteur et du projet de décision. Là encore, c'est évidemment le principe d'égalité des armes qui se trouve menacé.
La situation était grave, mais pas désespérée. Les stratèges du Conseil d'Etat ont su réagir, en alliant l'anticipation et les opérations spéciales.
L'anticipation tout d'abord, car le Conseil d'Etat s'est empressé de faire publier le décret du 7 janvier 2009, qu'il avait lui même rédigé, afin que ce texte intervienne avant la délibération de la Cour européenne. Ce décret met en place l'une de ces réformes en profondeur qui témoigne de l'esprit novateur du Conseil d'Etat. Le "rapporteur public" succède à l'ancien "commissaire du gouvernement". Cette nouvelle dénomination permet certes de lever enfin l'ambiguïté attachée à cette fonction, qui la faisait parfois présenter comme la voix de l'Exécutif. Mais que ceux qui redoutaient un changement d'envergure soient rassurés. Le Conseil s'est borné à appliquer la tactique du Prince Salinas qui, dans Le Guépard, appelait "à tout changer pour que rien ne change". De fait , le rapporteur public ressemble comme un frère à l'ancien commissaire du gouvernement, et il prononce ses conclusions devant la juridiction de juge après avoir eu communication de la note du rapporteur et du projet d'arrêt.
Les opérations spéciales ensuite, car l'affaire UFC Que Choisir a finalement fait long feu. Il est vrai que le juge français devant la Cour, membre du Conseil d'Etat, s'était déporté pour laisser la place à un juge ad hoc,... lui-même ancien membre du Conseil d'Etat. Surtout, un peu mystérieusement, l'association requérante avait retiré le grief portant sur l'absence de communication du rapport du conseiller rapporteur et du projet d'arrêt. La Cour a donc rendu une décision d'irrecevabilité, sauvant in extremis la procédure contentieuse.
2è assaut
Quelle sera la réaction de la citadelle assiégée face à ce nouvel assaut ? Bien sûr, le Conseil d'Etat peut organiser des colloques destinés à montrer la supériorité de sa procédure contentieuse. Il peut aussi obtenir des tierces interventions diverses et variées destinées à en convaincre la Cour. Mais cette défense un peu désespérée risque fort d'être contre-productive. La nécessité d'une réforme d'envergure touche aujourd'hui l'ensemble du monde de la justice. L'indépendance du parquet est à l'ordre du jour, après cinq ans de résistance à la jurisprudence de la Cour européenne, et d'efforts pour maintenir un contrôle de l'autorité judiciaire par l'Exécutif. Le camp retranché du Palais Royal n'aurait il pas intérêt à tenter une sortie, voire à engager des négociations en vue d'une mise en conformité de sa procédure avec le principe du contradictoire ?
mardi 12 juin 2012
QPC : le Conseil constitutionnel voit double sur le dégrisement
Une mesure de police administrative
Le Conseil confirme ainsi que le maintien en cellule de dégrisement est une mesure de police administrative, reposant sur la nécessité de garantir l'ordre public.
Sur ce point le Conseil rejoint la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 5 que "nul ne peut être privé de sa liberté, sauf (...) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un alcoolique". Dans un arrêt Witold Litwa c. Pologne du 4 avril 2000, la Cour admet ainsi l'existence de cellules de dégrisement pour "les personnes dont la conduite et le comportement sous l'influence de l'alcool constituent une menace pour l'ordre public ou pour elles-mêmes". Dans ce cas, la Cour tolère même l'absence de diagnostic médical, supposant que les forces de police polonaises savent reconnaître un alcoolique. Le droit français impose, en revanche, la visite d'un médecin avant la mise en cellule de dégrisement, afin de s'assurer que le patient ne présente pas une autre pathologie et que l'hospitalisation n'est pas nécessaire.
La police administrative imbriquée dans la police judiciaire.
En tout état de cause, cette mesure de police administrative présente la caractéristique d'être étroitement imbriquée dans des actions de police judiciaire. Le personnel qui décide le placement en cellule de dégrisement tout d'abord, est le personnel de police, celui-là même qui va constater l'infraction d'ivresse publique, voire placer l'intéressé en garde à vue.
Ce partage reflète le double visage de la notion d'ivresse publique. Elle implique d'abord une infraction punie d'une peine contraventionnelle, sanctionnant le fait de se trouver en état d'ébriété sur la voie publique (art. R 3353-1 csp). Mais elle suppose également le placement en cellule de dégrisement pour protéger à la fois l'ordre public et la personne. Cette mesure est bien distincte de l'infraction pénale. Elle n'a pas pour objet la punition mais la protection, comme en témoigne le fait que la personne peut aussi être confiée à un tiers qui s'en porte garant.
Un double point de départ du délai de garde à vue
Ce partage entre police administrative et judiciaire rencontre une autre difficulté, lorsqu'il s'agit d'organiser l'articulation entre la rétention en cellule de dégrisement et, s'il y a lieu, la garde à vue. C'est précisément sur ce point que le Conseil constitutionnel apporte quelque précision, par une réserve d'interprétation.
Il précise en effet que le passage en cellule de dégrisement doit être décompté de la garde à vue. Cette réserve constitue évidemment une garantie pour la personne concernée, dès lors que le juge sera saisi à l'issue de la durée de 24 heures, comme si elle avait été interpellée à jeun. En revanche, cette réserve présente l'inconvénient d'imposer deux points de départ à la garde à vue. Le premier part de l'interpellation et fait courir la durée de la garde à vue, jusqu'à son éventuelle prorogation. Le second part du moment où la personne a recouvré sa raison, c'est à dire le moment précis où la garde à vue peut lui être notifiée et où les auditions peuvent commencer.
Ce double point de départ du délai de garde à vue n'était pas ignoré de la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins qu'il risque d'être source d'une certaine complexité contentieuse.