« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


dimanche 25 août 2024

LE MANUEL DE LIBERTÉS PUBLIQUES, 10e edition, 2024

 

Le manuel de "Libertés publiques" publié sur Amazon présente l'originalité d'être accessible sur papier, mais aussi par téléchargement  pour la somme de six euros. Il peut être lu sur n'importe quel ordinateur.
 
Le choix de publier l'ouvrage sur Amazon s'explique par la volonté d'offrir aux étudiants un manuel adapté à leur budget mais aussi à leurs méthodes de travail. Ils trouvent aujourd'hui l'essentiel de leur documentation sur internet, mais ils ne sont pas toujours en mesure d'en apprécier la pertinence. Bien souvent, ils piochent un peu au hasard, entre des informations anciennes ou fantaisistes.

Le manuel de "Libertés publiques" proposé sur Amazon répond aux exigences académiques et la 9è édition est actualisée au 30 juin 2024. Il fait l'objet d'une actualisation en temps réel, grâce à la nouvelle rubrique "Au fil de l'eau" du site "Liberté Libertés Chéries" et aux articles figurant sur le blog. Le manuel et le site sont donc conçus comme complémentaires.
 
Nombre d'écrits sur les libertés et les droits de l'homme relèvent aujourd'hui de la rhétorique et du militantisme, au risque de déformer la réalité juridique.  Cette publication propose une approche juridique, qui veulent se forger une opinion éclairée sur les débats les plus actuels. Il ne s'adresse pas seulement au public universitaire,  étudiants et enseignants, mais aussi à tous ceux qui ont à pratiquer ces libertés, ou, plus simplement, qui s'y intéressent. Une connaissance précise du droit positif est nécessaire, aussi bien sur le plan académique que sur celui de la citoyenneté. C'est un panorama très large des libertés et de la manière dont le droit positif les garantit qui est ici développé. En témoigne, le plan de l'ouvrage que LLC met à disposition de ses lecteurs.
 

TABLE DES MATIÈRES

 

 

 

I – LES LIBERTÉS PUBLIQUES. 6 COMME OBJET JURIDIQUE. 6

A – Diversité des terminologies. 6

B – Caractère évolutif. 8

1° - Une évolution détachée de l’idée de progrès. 8

2° - Une adaptation aux évolutions de la société.. 9

C – Contenu des libertés publiques. 11

1° - Le droit humanitaire. 11

2° - Les droits du citoyen.. 13

3° - Les droits de l’homme.. 14

II – LA MISE EN ŒUVRE. 16 DES LIBERTÉS PUBLIQUES. 16

A – L’autorité de la règle.. 17

B – Le respect des procédures. 17

C – L’idée de justice ou d’équité.. 19

PREMIÈRE PARTIE. 21 LE DROIT. 21 DES LIBERTÉS PUBLIQUES. 21

CHAPITRE 1. 23. LA CONSTRUCTION.. 23 DES LIBERTÉS PUBLIQUES

 . 23

SECTION 1 : ÉVOLUTION HISTORIQUE

 . 24

§ 1 – Les doctrines individualistes et la prédominance du droit de propriété

 . 24

A – La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.. 25

1° - L’universalisme des objectifs. 25

2° - Le libéralisme du contenu.. 28

3° - L’acquisition d’une valeur juridique. 30

B – Le retour à l’ordre par l’affirmation du droit de propriété. 33

1° - La Déclaration des droits et des devoirs de l’an III. 34

2° - La constitution du 22 Frimaire an VIII et le sénatus‑consulte du 28 Floréal an XII 35

3° - Le Droit public des Français et la Charte de 1814

 . 35

§ 2 – Les doctrines des droits sociaux

 . 37

A – Les textes précurseurs. 38

1° - La Déclaration montagnarde du 24 juin 1793. 38

2° - La constitution de 4 novembre 1848.. 39

B – La conciliation entre l’État libéral et les droits sociaux. 41

1° - L’Empire libéral 41

2° - La IIIe République.. 42

C – Le Préambule de la constitution de 1946. 43

1° - Un texte de synthèse.. 44

2° - Un élément du bloc de constitutionnalité.

  45

SECTION 2   L’INTERNATIONALISATION.. 48 DES DROITS DE L’HOMME. 48

 

§ 1 – Les limites de l’approche universelle

 . 49

A – Les instruments juridiques : La suprématie du déclaratoire.. 49

1° - La Déclaration universelle des droits de l’homme.. 49

2° - Les conventions internationales. 51

B – Des garanties peu efficaces. 54

 

§ 2 – Le succès de l’approche européenne. 56

 

A – Les droits garantis : le parti-pris libéral 58

1° - Les libertés de la personne physique. 59

2° - Le principe de non-discrimination. 60

B – La protection : Le recours devant la Cour européenne des droits de l’homme   61

1° - Une organisation juridictionnelle. 61

2° - Un standard européen des libertés. 64

C – L’Union européenne et les droits de l’homme. 66

1° - Une prise en compte récente. 66

2° - Vers une adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne ?  68

 

CHAPITRE 2 : L’AMÉNAGEMENT. 71 DES LIBERTES PUBLIQUES. 71

 

SECTION 1 : LE DROIT COMMUN. 72

 

§ 1 – Le régime répressif

 . 72

A – La liberté est la règle, la restriction l’exception.. 73

B – Le contrôle a posteriori du juge pénal 73

C – Les menaces contre le régime répressif. 74

 

§ 2 – Le régime préventif

  76

A – La compétence liée.. 77

B – Le pouvoir discrétionnaire

 . 78

§ 3 – Le régime de déclaration préalable

 .. 80

A – Des principes libéraux. 80

B – Des remises en causes insidieuses. 81

1° - Le récépissé, risque du retour du pouvoir discrétionnaire.. 82

2° - Le pouvoir de police : De la déclaration à l’autorisation.. 83

 


SECTION 2. 85 LE DROIT DES PÉRIODES D’EXCEPTION

 .. 85

§ 1 – Les régimes constitutionnels

 . 85

A – L’article 16 de la Constitution.. 86

B– L’état de siège

 . 87

§ 2 – Les régimes législatifs : l’état d’urgence et l’état d’urgence sanitaire

 . 87

A – La menace terroriste et l’état d’urgence. 87

B – La Covid-19 et l’état d’urgence sanitaire. 90

1° - Stratifications législatives. 90

2° - Les prérogatives gouvernementales. 91

3° - Le contrôle des juges. 91

4° - L’intégration dans le droit commun. 93

 

CHAPITRE 3. 95 LES GARANTIES JURIDIQUES. 95 CONTRE LES ATTEINTES AUX LIBERTÉS. 95

 

SECTION 1. 97LES TRAITÉS INTERNATIONAUX. 97

 

§ 1 – La primauté de la Constitution sur les traités non ratifiés. 97

 

§ 2 – La primauté de la Constitution sur les traités ratifiés

 . 99

A – Une jurisprudence ancienne.. 99

B – Des instruments nouveaux. 100

 

SECTION 2 : LES LOIS. 102

 

§ 1 – Le Conseil constitutionnel ou la conquête du statut juridictionnel

 . 102

A – L’indépendance et l’impartialité du Conseil constitutionnel 103

1° - Indépendance et impartialité des membres. 103

2° - Indépendance et impartialité de l’institution.. 105

B – Le caractère contradictoire de la procédure. 106

C – L’autorité de chose jugée.. 108

1° - Évolution constitutionnelle. 108

2° - Soumission des juridictions suprêmes

 . 109

§ 2 – Élargissement du contrôle de constitutionnalité

 . 110

A – Le contrôle avant promulgation.. 111

1° - La décision de 1971 et la réforme de 1974.. 112

2° - Les normes de référence : le « bloc de constitutionnalité ».. 113

3° - L'intensité du contrôle de constitutionnalité.. 117

B – Le contrôle de la loi promulguée : la QPC. 119

1° - La procédure : un double filtrage. 120

2° - Un champ d’application étroit. 122

3° - Des conditions de recevabilité restrictives. 123

 

SECTION 3. 126 LES ACTES DE L’ADMINISTRATION. 126

 

§ 1 – Les autorités administratives indépendantes

 . 127

A – Statut de l’autorité administrative indépendante. 128

B – Missions de l’autorité administrative indépendante.. 129

1° - Régulation.. 129

2° - Médiation

 . 131

§ 2 – La protection juridictionnelle

 .. 132

A – Le juge judiciaire. 133

1° - La voie de fait. 133

2° - L’article 66 de la Constitution. 135

B – Le juge administratif 137

1° - Intensité du contrôle les mesures de police.. 139

2° - Efficacité du contrôle

 . 140

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE. 143 LA CLASSIFICATION.. 143 DES LIBERTES PUBLIQUES. 143

 

§ 1 – Les classifications fondées sur le rôle de l’État. 144

 

§ 2 – Les classifications fondées sur le contenu des libertés. 145

 

DEUXIÈME PARTIE. 149  LES LIBERTES DE LA VIE INDIVIDUELLE. 149

CHAPITRE 4. 151    LA SÛRETÉ

 . 151

SECTION 1. 152 LE DROIT COMMUN DE LA SÛRETÉ. 152

 

§ 1 – Les principes généraux du droit pénal 154

A – La légalité des délits et des peines. 154

1° - Définition et interprétation de la loi pénale. 155

2° - Contenu de la loi pénale : nécessité de la peine. 155

3° - Intelligibilité et accessibilité de la loi pénale.. 158

B – Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.. 160

C – La présomption d’innocence. 163

1° - C’est à l’accusation de convaincre de la culpabilité. 163

2° - Le doute profite à l’accusé.. 166

3° - La personne est juridiquement innocente tant que sa culpabilité n’a pas été constatée par un juge  167

D – L’indépendance et l’impartialité des juges. 169

1° - L’indépendance.. 170

2° - L’impartialité

 .. 174

§ 2 – Principes généraux de la procédure pénale

 .. 176

A – Le droit au juge.. 179

1° - Le droit de saisir le juge.. 179

2° - La célérité de la justice.. 182

3° -La gratuité de la justice. 184

B – Le débat contradictoire. 185

1° - L’accès au dossier. 186

2° - L’assistance d’un avocat

 

  186

SECTION 2. 188 LES GARANTIES PARTICULIÈRES. 188 DE LA SÛRETÉ. 188

 

§ 1 – Les atteintes à la sûreté antérieures au jugement

 . 188

A – Le contrôle et la vérification d’identité.. 189

1° - Le contrôle d’identité. 190

2° - La vérification d’identité.. 193

B – La garde à vue. 195

1° - L'organisation de la garde à vue.. 196

2° - Les droits de la défense durant la garde à vue. 198

C – La détention provisoire. 202

1° - Le caractère exceptionnel de la détention provisoire. 203

2° - La durée de la détention provisoire.. 204

3° - L’intervention du juge judiciaire

 .. 206

§ 2 – Les atteintes à la sûreté sans jugement

 . 207

A – La rétention des étrangers. 208

1° - Entrée sur le territoire et zone d’attente. 209

2° - Sortie du territoire et centre de rétention administrative.. 211

B – L’hospitalisation des malades mentaux sans leur consentement. 213

1° - Régime juridique de l’hospitalisation.. 215

2° - Simplification des recours. 217

C – La rétention de sûreté.. 218

 

CHAPITRE 5. 221LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR.. 221

 

SECTION 1. 224 LA LIBRE CIRCULATION DES NATIONAUX. 224

 

§ 1 – Le droit de circuler sur le territoire

 .. 225

A – Les arrêtés « anti-mendicité ».. 227

B – La circulation des « hooligans ». 228

C – Les mesures de « couvre-feu ».. 229

1° - Les mineurs non-accompagnés. 229

2° - Le couvre-feu en période de pandémie.. 231

D – La circulation des gens du voyage

 . 231

§ 2 – Le droit de quitter le territoire

 . 233

SECTION 2   LES RESTRICTIONS. 236 A LA CIRCULATION DES ÉTRANGERS. 236

 

§ 1 – L’entrée sur le territoire

 .. 237

A – Les titulaires d’un droit d’entrée en France.. 237

1° - Les ressortissants de l’Union européenne. 238

2° - Les titulaires de la qualité de réfugié. 240

B – Les étrangers soumis au régime préventif. 245

1° - Les conditions d’entrée sur le territoire. 245

2° - La régularisation des étrangers. 246

3° - La réserve d’ordre public. 247

 

§ 2 – La sortie du territoire

 .. 248

A – L’étranger en situation irrégulière. 248

1° - Les procédures. 249

2° - Le contrôle du juge administratif. 250

B – L’étranger, menace pour l’ordre public : l’expulsion.. 252

1° - L’expulsion de droit commun. 252

2° - L’expulsion en urgence absolue. 255

C – L’étranger condamné : 256

L’interdiction du territoire français. 256

D – L’étranger demandé par un autre État. 257

pour des motifs d’ordre pénal 257

1° - L’extradition. 257

2° - Le mandat d’arrêt européen

 

 .. 262

CHAPITRE 6. 267 LE DROIT DE PROPRIÉTÉ. 267

 

SECTION 1. 270 LA CONSÉCRATION.. 270 DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. 270

 

§ 1 – Le droit de propriété et les valeurs libérales

 . 270

A – Fondements internationaux

 . 271

B – Les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789.. 271

C – L’article 544 du code civil 272

 

§ 2 – La dilution du droit de propriété

 . 273

A – Le déclin du caractère individualiste du droit de propriété. 274

B – Le déclin du caractère souverain.. 275

de la propriété immobilière

 .. 275

SECTION 2. 277 LES ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIÉTÉ. 277

 

§ 1 – La privation de propriété

 .. 277

A – Les conditions posées par l’article 17 de la Déclaration de 1789. 278

1° - La dépossession. 278

2° - La « nécessité publique ». 280

3° - « Une juste et préalable indemnité ». 281

B – La compétence de principe du juge judiciaire. 282

 

§ 2 – Les restrictions à l’exercice du droit de propriété

 .. 283

A – L’intérêt général, fondement des restrictions. 283

B – La « dénaturation » du droit de propriété

 . 284

CHAPITRE 7 LE DROIT.. 287 A L’INTÉGRITÉ DE LA PERSONNE

 . 287

SECTION 1 LE DROIT HUMANITAIRE. 293

 

§ 1 – La torture

 . 295

A – La définition de l’acte de torture. 296

B – La lutte contre la torture

 .. 297

§ 2 – Les « peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »

 .. 299

A – Définition.. 300

B – Champ d’application.. 300

1° - Les personnes privées de liberté. 301

2° - Les traitements infligés par des personnes privées. 302

3° - Les traitements inhumains et dégradants potentiels

 . 303

§ 3 – Crimes contre l’humanité, génocides et crimes de guerre

 . 303

A – Définitions. 304

1° - Le crime contre l’humanité. 304

2° - Le génocide. 305

3° - Le crime de guerre. 307

B – La répression. 308

1° - Les juridictions créées a posteriori 308

3° - La Cour pénale internationale (CPI)

 . 309

SECTION 2. 312. LE RESPECT DU CORPS HUMAIN

 .. 312

§ 1 - Le droit à la vie

 . 313

A – La protection de la vie humaine. 313

1° - Les personnes sous la garde de l’État. 314

2° - Les victimes du changement climatique. 314

B – La peine de mort. 315

C – La mort, conséquence d’un recours à la force

 . 317

§ 2 – L’inviolabilité du corps humain

 .. 319

A – Le principe.. 319

1° - Une agression commise par autrui 320

2° - Le droit de mourir dans la dignité. 320

B – L’inviolabilité de l’espèce humaine.. 324

1° - L’identité génétique. 325

2 ° - Les manipulations génétiques. 327

3 ° - Le clonage. 329

C – Les atteintes licites à l’inviolabilité.. 330

1° - La sauvegarde de la personne. 330

2 ° - L’intérêt de la recherche : l’expérimentation

 .. 331

§ 3 – Indisponibilité du corps humain

 .. 333

A – L’esclavage. 334

1 ° - Les conventions internationales. 334

2° - Le droit interne face aux nouvelles formes d’esclavage.. 335

B – Gestation pour autrui et intérêt de l’enfant. 339

1° - Nullité de la convention de gestation pour autrui. 339

2 ° - L’intérêt de l’enfant né par GPA.. 340

C – Les organes et produits du corps humain

 .. 341

SECTION 3   LES DROITS. 344 ATTACHÉS À LA PROCRÉATION

 .. 344

§ 1 – Le droit de ne pas avoir d’enfant

 . 345

A – Le contrôle des naissances : La contraception.. 345

1 ° - La loi Neuwirth : la licéité de la contraception.. 346

2 ° - La jurisprudence : droit de la femme et droit du couple.. 347

B – Le refus de procréer : L’interruption volontaire de grossesse.. 349

1 ° - Un droit des femmes. 349

2 ° - Un droit de prestation

 .. 351

§ 2 – L’assistance médicale à la procréation (AMP)

 . 352

A – Un « projet parental ».. 353

B – L’interdiction de la conception post‑mortem

 ... 355

CHAPITRE 8. 357 LES LIBERTÉS DE LA VIE PRIVÉE.. 357

 

SECTION 1. 360 LA SANTÉ ET L’ORIENTATION SEXUELLE. 360

 

§ 1 - La santé et le secret médical. 360

 

§ 2 – L’orientation sexuelle.. 361

A – L’identité homosexuelle.. 362

B - L’identité intersexuelle.. 364

C - L’identité transsexuelle.. 364

 

SECTION 2   LA FAMILLE. 366

 

§ 1 – La liberté du mariage. 368

A - L’ouverture du mariage aux couples de même sexe. 368

B - Mariage et ordre public. 369

1° - Les « mariages blancs ».. 370

2° - Les mariages forcés. 371

 

§ 2 – Le secret des origines

 . 372

SECTION 3 LE DOMICILE. 375

 

§ 1 – Le « droit à l’incognito ».. 376

 

§ 2 – Perquisitions et surveillance du domicile.. 377

A - Les conditions rigoureuses du droit commun.. 377

B – Mutations de la perquisition.. 379

 

SECTION 4   LE DROIT A L’IMAGE

 . 381

§ 1 – Principes fondateurs du droit à l’image

 . 381

A – Lieu de la captation. 382

1° - Lieu privé – lieu public. 382

2° - Régimes dérogatoires. 383

B – Le consentement de l’intéressé.. 384

1° - La personne célèbre.. 384

2° - Le simple « quidam ».. 385

C – Le débat d’intérêt général

  386

§ 2 – La surveillance par vidéo

 .. 387

A – La vidéoprotection.. 388

B – Drones et « caméras augmentées »

 .. 389

SECTION 5 LA PROTECTION DES DONNÉES

 . 391

§ 1 – L’« Habeas Data »

 . 393

A - Les devoirs des gestionnaires de fichiers. 394

B – Les droits des personnes fichées. 397

1° - Le droit d’accès et de rectification. 397

2° - Le droit à l’identité numérique. 397

3° - Le droit à l’oubli numérique

 . 398

§ 2 – La création des fichiers

 . 400

§ 3 – Le contrôle des fichiers

 . 401

A – Les fichiers de police. 401

1° - Le contrôle de la création des fichiers de police. 402

2° - Le contrôle de l’inscription dans les fichiers de police. 403

B – Les fichiers de renseignement

 . 403

§ 4 – Big Data et intelligence artificielle. 405

1° - Les risques du Big Data.. 405

2° - Intelligence artificielle et systèmes auto-apprenants

 . 407

TROISIEME PARTIE. 409.        

LES LIBERTES DE LA VIE COLLECTIVE. 409

CHAPITRE 9 LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

 .. 411

SECTION 1 : L’EXPRESSION POLITIQUE

 . 413

§ 1 – Le droit de suffrage

 . 413

A – Les titulaires du droit de suffrage.. 414

B – Les restrictions au droit de suffrage.. 416

C – La campagne électorale et les « Fake News »

 . 417

§ 2 – Les droits de participation et de dénonciation

 .. 418

A – Les droits de participation.. 418

B – Les droits de dénonciation.. 420

1° - Les lanceurs d’alerte.. 420

2° - Les journalistes et le secret des sources

 . 423

SECTION 2. 425. LE CHAMP DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

 . 425

§ 1 – Une liberté de l’esprit

 . 429

A – Les atteintes aux droits des personnes. 430

1° - L’injure.. 431

2° - La diffamation. 434

3° - La cyberdélinquance et les droits des personnes. 437

B – Les atteintes à la « chose publique ».. 440

1° - L’ordre public et la sécurité publique.. 440

2° - Les symboles de l’État

 . 442

§ 2 – Une liberté économique

 .. 445

A – Une histoire différente. 445

1° - La presse.. 445

2° - La communication audiovisuelle.. 446

B – Les difficultés du pluralisme. 450

1° - Le pluralisme externe. 450

2° - Le pluralisme interne dans la communication.. 453

 

SECTION 3 LES RESTRICTIONS. 456 À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

 .. 456

§ 1 – La mise en cause du régime répressif

  457

A – La protection de la jeunesse. 457

1° - Le régime de déclaration : les publications « principalement destinées » à la jeunesse  457

2° - Le régime d’interdiction : les publications présentant un « danger » pour la jeunesse. 458

B – Contrôle et protection d’une industrie : le cinéma.. 459

1° - Le contrôle de l’expression cinématographique. 460

2° - La protection de l’industrie cinématographique

 .. 464

§ 2 – La protection de certaines valeurs

 . 466

A – La lutte contre les discriminations. 468

B – Le négationnisme et l’apologie de crime contre l’humanité. 470

C – Les lois mémorielles

 . 473

CHAPITRE 10. 475 LAÏCITÉ ET LIBERTÉ DES CULTES

 . 475

SECTION 1. 481 LA LAÏCITÉ, 481 PRINCIPE D’ORGANISATION DE L’ÉTAT

 . 481

§ 1 – Le principe de laïcité dans l’ordre juridique

 .. 482

A – La laïcité, associée au principe républicain.. 482

B – Valeur constitutionnelle du principe de laïcité

 .. 484

§ 2 – Le principe de neutralité

 . 485

A – Des agents publics aux employés du secteur privé. 486

B – Du service public à l’espace public

 . 488

SECTION 2   L’exercice du culte

 . 491

§ 1 – L’organisation des cultes

 . 491

A – Les structures cultuelles. 491

B – Les contraintes imposées aux pouvoirs publics. 494

1° - Les obligations positives. 495

2° - Les obligations négatives

 . 496C – Les lieux de culte

 .. 497

§ 2 – La police des cultes

 . 499

A – La fermeture des lieux de culte. 499

1° - Le terrorisme et l’ordre public. 499

2° - L’urgence sanitaire.. 500

B – Les « cérémonies traditionnelles ».. 501

1° - La notion de « cérémonie traditionnelle ». 502

2° - Le contrôle du juge

 .. 502

SECTION 3. 504 LES DÉRIVES SECTAIRES. 504 ET LA PROTECTION DES PERSONNES

 . 504

§ 1 – Une définition fonctionnelle

 .. 504

A – L’approche européenne : « une religion qui a réussi ». 505

B – Le droit français : la « dérive sectaire »

 . 506

§ 2 – La protection des personnes

 . 507

A – Le droit pénal 508

1° - Les infractions du droit commun.. 508

2° - Le droit spécifique.. 509

B – Les structures d’information et de prévention.. 510

 

CHAPITRE 11. 513. LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT

 . 513

SECTION 1 L’ENSEIGNEMENT PUBLIC

 . 517

§ 1 – La gratuité

 .. 517

§ 2 – La laïcité

 .. 519

A – La sécularisation de l’enseignement. 519

B – Le respect de toutes les croyances. 520

C – Le prosélytisme religieux

 . 522

SECTION 2. 526 L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ : 526 AIDE ET CONTRÔLE DE L’ÉTAT. 526

 

§ 1 – L’aide de l’État

 . 528

A – De l’abstention à la subvention.. 528

B – La loi Debré : L’aide aux établissements privés

 . 529

§ 2 – Le contrôle de l’État

 . 531

A – Les relations avec l’État : une base contractuelle.. 531

B – La contribution des collectivités territoriales

 . 533

CHAPITRE 12. 535 LE DROIT. 535 DE PARTICIPER A DES GROUPEMENTS

 . 535

SECTION 1. 536 LES GROUPEMENTS OCCASIONNELS

 . 536

§ 1 – La liberté de réunion

 .. 537

A – La place de la liberté de réunion dans la hiérarchie des normes. 538

1° - L’absence de consécration constitutionnelle. 538

2° - Les normes internationales. 539

B – Un régime juridique libéral 541

1° - La jurisprudence Benjamin.. 542

2° - Les limites du champ d’application de la liberté de réunion

 . 543

§ 2 – La liberté de manifestation

 .. 545

A – L’absence d’autonomie de la liberté de manifestation.. 546

1° - Le Conseil constitutionnel : un élément de la liberté d’expression. 547

2° - La CEDH : un élément de la liberté de réunion. 548

B – Un régime de déclaration préalable.. 550

1° - La dispense de déclaration : les « sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux »  550

2° - Le glissement vers un régime d’autorisation ou d’interdiction

 .. 551

SECTION 2. 555 LES GROUPEMENTS INSTITUTIONNELS

 . 555

§ 1 – Les associations

 . 555

A – La consécration de la liberté d’association.. 556

1° - Le poids de l’histoire : la méfiance à l’égard des associations. 557

2° - L’ancrage de la liberté d’association dans le droit positif. 558

B – Le régime juridique des associations. 560

1° - Le droit de constituer une association.. 560

2° - Le droit d’adhérer ou de ne pas adhérer à une association.. 562

3° - La dissolution des associations

 . 563

§ 2 – Les syndicats

 . 565

A – La liberté syndicale, liberté de la personne.. 567

1° - Le droit de fonder un syndicat. 568

2 ° - Le droit d’adhérer à un syndicat de son choix. 569

B – La liberté de l’organisation syndicale.. 571

1 ° - Le droit de s’auto-organiser. 571

2 ° - Le droit d’exercer une action collective

 . 572

CHAPITRE 13. 575 LES LIBERTÉS DE LA VIE ÉCONOMIQUE. 575 ET DU TRAVAIL

 . 575

SECTION 1. 577 LES LIBERTÉS DE L’ENTREPRENEUR

 . 577

§ 1 – La liberté du commerce et de l’industrie

 . 578

A – Un principe général du droit. 578

1° - L’absence de consécration constitutionnelle. 580

2° - Le rôle des juges du fond.. 581

B – Un contenu défini par les restrictions apportées à la liberté.. 582

1° - L’exclusion de toute concurrence des entreprises privées par les services publics  582

2° - L’égalité des conditions de concurrence entre l’initiative privée et les services publics

   584

§ 2 – La liberté d’entreprendre

 . 585

A – L’intégration dans le bloc de constitutionnalité.. 585

1° - Le rattachement à l’article 4 de la Déclaration de 1789.. 585

2° - Le contrôle de proportionnalité.. 586

B – Le contenu de la liberté d’entreprendre

 . 588

SECTION 2   LES LIBERTÉS DU SALARIÉ

 . 590

§ 1 – Le droit au travail

  591

A – La liberté du travail 592

B – Le droit à l’emploi

  596

§ 2 – Les droits dans le travail

  599

A – Le droit à la négociation collective. 599

B – Le droit de grève. 602

1° Une lente intégration dans le droit positif. 602

2° - Un encadrement plus strict du droit de grève. 604

 


 

jeudi 22 août 2024

Les Invités de LLC - Mirabeau : Discours sur la liberté de presse. 10 mai 1789

 

A l'occasion des vacances, Liberté Libertés Chéries invite ses lecteurs à retrouver les Pères Fondateurs des libertés publiques. Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est en effet nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite. 

Les choix des textes ou citations seront purement subjectifs, détachés de toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.

Aujourd'hui, Mirabeau est notre invité, avec son Discours sur la liberté de presse prononcé le 10 mai 1789, 5 jours après l'ouverture des États Généraux. Le 7 mai, son journal, le Courrier de Provence, s'est vu interdire de publier des comptes rendus des séances. Sa réponse à cet acte de censure est précisément ce discours. Le Courrier de Provence continuera son activité jusqu'en septembre 1791.


MIRABEAU

Discours sur la liberté de presse

10 mai 1789

 

 

 

« J’avais cru qu’un journal qu’on a annoncé dans son prospectus comme devant être rédigé par quelques membres des États-Généraux pourrait, jusqu’à un certain point, remplir envers la nation ce devoir commun à tous les députés : grâce à l’existence de cette feuille, je sentais moins strictement l’obligation d’une correspondance personnelle ; mais le ministre vient de donner le scandale public de deux arrêts du Conseil, dont l’un, au mépris avoué du caractère de ses rédacteurs, supprime la feuille des États-Généraux, et dont l’autre défend la publication des écrits périodiques.

Il est donc vrai que, loin d’affranchir la nation, on ne cherche qu’à river ses fers ! que c’est en face de la nation assemblée qu’on ose produire ces décrets auliques, où l’on attente à ses droits les plus sacrés (...).

Il est heureux, Messieurs, qu’on ne puisse imputer au monarque ces proscriptions, que les circonstances rendent encore plus criminelles. Personne n’ignore aujourd’hui que les arrêts du Conseil sont des faux éternels où les ministres se permettent d’apposer le sceau du roi : on ne prend pas même la peine de déguiser cette étrange malversation. Tant il est vrai que nous en sommes au point où les formes les plus despotiques marchent aussi rondement qu’une administration légale !

Vingt-cinq millions de voix réclament la liberté de la presse ; la nation et le roi demandent unanimement le concours de toutes les lumières : eh bien ! c’est alors, qu’après nous avoir leurrés d’une tolérance illusoire et perfide, un ministère soi-disant populaire ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier le trafic du mensonge, et traiter comme objet de contrebande l’indispensable exportation de la vérité.


Mais de quel prétexte a-t-on du moins essayé de colorer l’incroyable publicité de l’arrêt du Conseil du 7 mai ? A-t-on cru de bonne foi que des membres des États-Généraux, pour écrire à leurs commettants, fussent tenus de se soumettre aux règlements inquisitoriaux de la librairie ? Est-il dans ce moment un seul individu à qui cette ridicule assertion puisse en imposer ? N’est-il pas évident que ces arrêts proscripteurs sont un crime public, dont les coupables auteurs, punissables dans les tribunaux judiciaires, seront bien forcés, dans tous les cas, d’en rendre compte au tribunal de la nation ? Eh la nation entière n’est-elle pas insultée dans le premier de ces arrêts, où l’on fait dire à Sa Majesté qu’elle attend les observations des États-généraux : commesi les États-généraux n’avaient d’autres droits que celui de faire des observations !
 

Mais quel est le crime de cette feuille qu’on a cru devoir honorer d’une improbation particulière ? Ce n’est pas sans doute d’avoir persifflé le discours d’un prélat qui, dans la chaire de la vérité, s’est permis de proclamer les principes les plus faux et les « les plus absurdes ; ce n’est pas non plus, quoiqu’on l’ait prétendu, pour avoir parlé de la tendance de la feuille des bénéfices ; est-il personne qui ne sache et qui ne dise que la feuille des bénéfices est un des plus puissants moyens de corruption ? Une vérité si triviale aurait-elle le droit de se faire remarquer ? 

Non, Messieurs : le crime véritable de cette feuille, celui pour lequel il n’est point de rémission, c’est d’avoir annoncé la liberté, l’impartialité les plus sévères ; c’est surtout de n’avoir pas encensé l’idole du jour, d’avoir cru que la vérité était plus nécessaire aux nations que la louange, et qu’il importait plus, même aux hommes en place, lorsque leur existence tenait à leur bonne conduite, d’être servis que flattés.

D’un autre côté, quels sont les papiers publics qu’on autorise ? Tous ceux avec lesquels on se flatte d’égarer l’opinion coupables lorsqu’ils parlent, plus coupables lorsqu’ils se taisent, on sait que tout en eux est l’effet de la complaisance la plus servile et la plus criminelle ; s’il était nécessaire de citer des faits, je ne serais embarrassé que du choix. (...)
 

Vous trouverez encore dans Le Journal de Paris de perfides insinuations en faveur de la délibération par ordre. Tels sont cependant les papiers publics auxquels un ministère corrupteur accorde toute sa bienveillance. Ils prennent effrontément le titre de papiers nationaux ; ou pousse l’indignité jusqu’à forcer la confiance du public par ces archives de mensonges ; et ce public, trompé par abonnement, devient lui-même le complice de ceux qui l’égarent.
 

Je regarde donc, Messieurs, comme le devoir le plus essentiel de l’honorable mission dont vous m’avez chargé, celui de vous prémunir contre ces coupables manœuvres : on doit voir que leur règne est fini, qu’il est temps de prendre une autre allure ; ou, s’il est vrai que l’on n’ait assemblé la nation que pour consommer avec plus de facilité le crime de sa mort politique et morale, que ce ne soit pas du moins en affectant de vouloir la régénérer. Que la tyrannie se montre avec franchise, et nous verrons alors si nous devons nous roidir ou nous envelopper la tête.
 

Je continue le journal des États-Généraux, dont les deux premières séances sont fidèlement peintes, quoique avec trop peu dedétails, dans les deux numéros qui viennent d’être supprimés, et que j'ai l'honneur de vous faire passer.»


dimanche 18 août 2024

Les Invités de LLC - Serge Sur - Destitution : quels motifs ?


Ce texte a été diffusé sur Liberté, libertés chéries, le 17 juillet 2024, sous l’intitulé Une victime collatérale de la dissolution : la constitution.   

C’était un mois avant la tribune de LFI, publiée dans La Tribune Dimanche le 18 août. Cette dernière appelle à lancer une procédure de destitution contre le président Macron. Le texte du 17 juillet évoquait la même perspective, mais pour des raisons bien différentes. La tribune du 18 août se réfère surtout au refus de nomination d’un premier ministre issu des rangs du Nouveau Front Populaire, présenté comme vainqueur de la récente élection à l’Assemblée. 

Une telle demande n’a en effet aucune raison d’aboutir, parce que mal fondée aussi bien en droit qu’en fait. En droit, il n’appartient pas aux partis de désigner un premier ministre. C’est la prérogative exclusive du président. En fait, d’abord parce que cette prétention repose sur une double imposture : non seulement le NFP n’a nullement gagné cette élection qui le laisse très minoritaire, mais en outre ses élus sont des élus du Front républicain et non de lui-même, puisqu’ils ont bénéficié largement et décisivement au second tour des désistements des candidats des partis du centre et de la droite. Ensuite, fonder une demande de destitution sur le refus de se soumettre à LFI est la condamner à un échec certain, et contre-productif. Qui va soutenir une telle demande ? Seul le NFP, et encore pas tout entier. Cet échec renforcerait donc la position présidentielle. 

Comme l’expose le texte republié ci-dessous, il existe cependant des motifs plus solides et plus consensuels pour une perspective de destitution. On peut ne pas la souhaiter, mais dans certaines circonstances une crise présidentielle est préférable à une crise de régime.

  

 

Le président Macron a toujours pratiqué une lecture désinvolte de la constitution. Il l’a volontiers pliée à ses conceptions, pour ne pas dire à ses caprices. C’est ainsi qu’il a absorbé le premier ministre, contourné le conseil des ministres, pris des initiatives législatives alors même qu’il n’en a pas la compétence. Rien toutefois n’égale le festival, la nuit de Walpurgis de la constitution qui a suivi la dissolution du .. juin 2024. Non qu’elle ait été contraire à la constitution, bien au contraire, puisqu’il s’agit d’une prérogative discrétionnaire du chef de l’Etat. Il ne s’agit pas non plus de ses engagements politiques, qu’il lui est loisible de prendre. On ne traite ici que des transgressions constitutionnelles. Certaines lui sont imputables, d’autres proviennent des partis, voire du gouvernement. On peut en retenir cinq, certaines indiscutables, d’autres qui peuvent être débattues mais sortent clairement du texte de la loi fondamentale. Elles concernent soit les procédures, soit les principes, soit les responsabilités constitutionnelles.

- La première concerne la procédure de la dissolution. Aux termes de l’article 12, le président peut dissoudre après consultation du premier ministre et des présidents des assemblées. Or il est patent que ces consultations n’ont pas eu lieu. Il s’est agi de la simple information des autorités concernées d’une décision déjà prise. Même des journalistes ont été avertis avant le premier ministre de la dissolution… La présidente de l’assemblée nationale a même protesté et demandé un entretien particulier qui ne lui avait pas été proposé. On peut considérer ces procédures comme symboliques. En réalité elles sont révélatrices d’un dédain, pour ne pas dire d’un mépris complet des institutions républicaines, et du règne affiché du bon plaisir.

-  La deuxième concerne la démission du gouvernement, remise après l’élection de la nouvelle mandature. Le président est-il libre de la refuser ? Certainement pas, si l’on en croit le texte de l’article 8. Il met fin aux fonctions du premier ministre « sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement ». Le premier ministre n’est pas un domestique, et s’il démissionne le président doit en prendre acte, sauf à le renommer s’il le souhaite et si l’autre l’accepte. Le seul précédent invocable concerne le refus par le président de Gaulle en 1962 d’accepter la démission du gouvernement Pompidou qui venait d’être renversé par une motion de censure. Mais la situation était différente, puisque, parallèlement au refus, le président prononçait la dissolution de l’assemblée, ce qui faisait du corps électoral l’arbitre du conflit. Ici il n’en est rien, puisque l’assemblée vient d’être élue et ne peut être dissoute. C’est même cette élection qui accentue la faiblesse du gouvernement et qui rend nécessaire sa démission : elle a pour seul intérêt de prévenir une inévitable motion de censure. Là encore, accepter ou refuser la démission du gouvernement relève du bon plaisir du président Macron, ce qui n’est pas conforme à la constitution.

 


 

Macron ne lâche rien. Les Goguettes en trio mais à quatre. juillet 2023


- Une troisième violation est imputable aux partis politiques qui se réclament du Nouveau front populaire. Ils prétendent en effet, sur la base du nombre de leurs députés, désigner un premier ministre que le président n’aurait qu’à nommer, en vertu d’une prétendue compétence liée. Or il n’en est rien, et la constitution le laisse libre de son choix. La prétention des partis est pleinement inconstitutionnelle : le rôle des partis politiques est prévu par l’article 4 : « ils concourent à l’expression du suffrage », point. Il ne leur appartient pas, même en coalition électorale de désigner le premier ministre, d’autant moins qu’ils prétendent transformer ladite coalition électorale en regroupement parlementaire. Or ce n’est pas le cas. Le parlement ne connaît que les groupes parlementaires, qui n’épousent pas nécessairement les frontières des partis politiques. Et les différents groupes parlementaires issus du Nouveau front populaire sont d’une part distincts, d’autre part loin d’être les premiers à l’assemblée, dépassés à la fois par ceux du Rassemblement national et de Ensemble pour la République, ex-Renaissance.

- Une quatrième violation résulte du refus du président de nommer rapidement un nouveau premier ministre et un nouveau gouvernement. Cette violation est à tiroirs, parce qu’elle en implique d’autres. Prenons d’abord ce refus, contraire tant à l’article 8 qu’à l’article 5. Article 8 : le président « nomme le premier ministre ». C’est un pouvoir, un pouvoir propre, non soumis au contreseing, mais c’est aussi une obligation, qui résulte de l’article 5, celui qui lui demande d’assurer « par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Maintenir en fonctions un gouvernement démissionnaire, même et surtout avec des pouvoirs restreints, la gestion des « affaires courantes », c’est violer ce double commandement, porter atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et ne pas assurer la continuité de l’Etat. Le président a donc l’obligation, et non la simple option, de nommer un premier ministre dans un délai raisonnable, qui ne saurait excéder quelques jours. Il est juste qu’il attende l’organisation de la nouvelle assemblée, l’élection de son président et la constitution de ses organes, mais il ne peut aller au-delà. L’idée d’un gouvernement démissionnaire en fonction pour plusieurs mois est contraire à la constitution.

Ceci d’autant plus que le statut de gouvernement démissionnaire n’est prévu par aucun texte, et ne relève pas de l’ordre constitutionnel, simplement de la commodité administrative. La notion d’affaires courantes est évanescente et n’a jamais pu être définie. Tout ce que fait un tel gouvernement est précaire et ne saurait s’inscrire dans la continuité de l’Etat. S’y ajoute que certains juristes – il s’en trouve toujours pour soutenir les thèses les plus complaisantes – affirment qu’un tel gouvernement démissionnaire ne peut être renversé par une motion de censure émanant de l’assemblée. Où ont-ils vu cela ? Le premier ministre reste premier ministre, les ministres restent ministre, ils n’ont ni présenté leur démission devant l’assemblée, ni même ne l’ont informée. L’assemblée peut parfaitement constater que le banc des ministres est occupé et donc adopter une motion de censure contre un tel gouvernement, ne serait-ce que parce qu’il prétend rester en fonction.  

- S’ajoute encore une cinquième violation, qui provient cette fois du gouvernement démissionnaire. Ses membres qui sont en même temps députés prétendent voter à l’assemblée tout en restant sur le banc des ministres. C’est directement et clairement contraire à l’article 23, qui dispose que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire… ». Que ledit gouvernement soit démissionnaire ne change rien à cette interdiction, puisque, même de façon diminuée, il est toujours en fonction. L’atteinte est ici double : formellement à la constitution, substantiellement à la séparation des pouvoirs. Rappelons que l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, intégrée dans le préambule de la constitution, pose que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution ».

Point de constitution, en l’occurrence c’est trop dire, mais constitution violée de façon « délibérée, voulue, réfléchie et outrageante », pour reprendre les termes de Gaston Monnerville en 1962, président du Sénat. Sans doute cette formule est mieux fondée aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque parce que nul pouvoir institué ne saurait s’opposer à l’expression directe de la souveraineté nationale, qui appartient au peuple. Simplement, aujourd’hui on pourrait parler du crime de l’Orient Express, parce que comme on l’a vu ce n’est pas seulement le président mais aussi les parlementaires et le gouvernement qui contribuent à ces violations démultipliées. Les deux dernières sont heureusement aisément remédiables : il n’y aura pas de premier ministre désigné par les partis, et le gouvernement reste exposé à la censure parlementaire.

Certains se réjouissent de cet imbroglio constitutionnel qui rappelle les poisons et délices de la IVe République, et aspirent ouvertement au retour du régime des partis et de l’absolutisme parlementaire. Que l’on nous préserve de ce désastre, l’ajout d’une crise institutionnelle à tous les clivages que connaît déjà le pays, alors même que la constitution de 1958 est la moins mauvaise que la France a connu depuis la Révolution, c’est-à-dire la meilleure. Il faut à l’inverse revenir à la constitution, à l’exercice régulier des compétences des différents pouvoirs, sortir du solipsisme constitutionnel d’un président sans Surmoi, alors que la Constitution doit être le Surmoi de tous les pouvoirs institués. C’est donc lui qui est à l’origine de la confusion actuelle et qui doit être tenu responsable du non-exercice de ses pouvoirs, qui l’obligent autant qu’ils l’investissent.   

Le président n’est responsable devant aucun organe institué, et il n’entend pas engager sa responsabilité devant le peuple par un referendum. Reste une seule solution : la Haute Cour. Le président peut être destitué « pour manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », suivant les termes de l’article 68. La Haute Cour est saisie par les deux chambres, et statue dans le délai d’un mois à la majorité des deux tiers. Le déférer en Haute Cour ne serait pas porter atteinte aux institutions, mais au contraire les laver des excès et transgressions dont elle a été trop longtemps victime. S’ajoute que – mais là on sort du sujet pour entrer sur le terrain politique – un nouveau président ne pourrait sans doute pas dissoudre moins d’un an avant l’actuel, mais il pourrait recourir au referendum, moyen de faire doublement le corps électoral juge et solution de la crise.   

 

 


samedi 17 août 2024

La CEDH très bienveillante à l'égard de la justice monégasque


Dans une décision du 9 juillet 2024, Levrault c. Monaco, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) déclare irrecevable la requête déposée par un magistrat français contre la décision des autorités monégasques de ne pas renouveler son détachement en qualité de juge d'instruction à Monaco. 

Observons que ce refus de renouvellement d'un détachement ne constitue qu'une étape dans une affaire qui a fait beaucoup de bruit et qui s'est achevée devant le Conseil supérieur de la magistrature. Le juge Edouard Levrault, en poste sur le rocher, s'est en effet attaqué Dmitri Rybolovlev, propriétaire du club de football A.S. Monaco, soupçonné d'avoir corrompu l'élite policière et judiciaire de la principauté. Ce faisant, il s'est heurté directement à Eric Dupond-Moretti, avocat de l'un des prévenus, membre de la police monégasque. Hélas pour Edouard Levrault, l'avocat devenait Garde des Sceaux quelques semaines après avoir reproché au magistrat de se comporter "comme un cow-boy". On sait qu'une enquête de l'Inspection générale de la justice a été diligentée par la directrice de cabinet du Garde des Sceaux, Madame Malbec, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel. A la suite de cette enquête, le nouveau ministre de la Justice a cru bon de déférer Edouard Levrault devant le Conseil supérieur de la Magistrature statuant en formation disciplinaire. Celui-ci a été totalement blanchi. Quant à Eric Dupond-Moretti, il s'est retrouvé devant la Cour de Justice de la République (CJR) pour conflit d'intérêts. Il a été relaxé le 29 novembre 2023 au motif, surprenant, que tous les éléments du conflits d'intérêts étaient réunis, mais que le Garde des Sceaux, peu informé sur le droit positif, ignorait qu'il était dans une situation de conflit d'intérêts. 

Quoi qu'il en soit, à la fin 2023, l'affaire Levrault est terminée, et la décision du 9 juillet 2024 intervient bien tardivement pour juger d'une décision qui n'est que la première étape d'un contentieux, celle qui a vu les autorités monégasques refuser le renouvellement d'un juge d'instruction un peu trop intrusif.

La décision d'irrecevabilité du 9 juillet 2024 semble, a première lecture, parfaitement fondée en droit. Elle écarte en effet le moyen reposant sur la violation du droit au procès équitable en considérant le refus de renouvellement du magistrat comme une décision souveraine de l'État monégasque. Mais, en agissant ainsi, la Cour s'interdit de juger du système judiciaire monégasque.

 


Il faut naître à Monaco. Joe Dassin. 1976


Le droit au procès équitable

 

Pour que soit applicable l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour doit d'abord se demander si le requérant est titulaire d'un "droit" auquel il peu prétendre, à propos de la décision de refus de renouvellement de son détachement à Monaco.

La Convention franco-monégasque du 8 novembre 2005, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, prévoyait expressément, en son article 5, que la durée des détachements était de trois ans, « renouvelable une fois », sauf convention contraire en vigueur entre les deux États et sous réserve d’éventuelles dérogations à ce principe, soumises à l’examen de la Commission de coopération franco-monégasque. Ce texte ne précisait donc pas que le renouvellement d’un détachement serait accordé de plein droit au bout de la période de trois ans. Le Tribunal Suprême de Monaco a donc déduit de ces dispositions que le refus de renouvellement du détachement du juge Levrault était, en quelque sorte, un acte de gouvernement non susceptible de recours. En d'autres termes, il n'existe pas de droit au renouvellement d'un détachement.

Le raisonnement de la CEDH se fonde ainsi sur la dimension diplomatique du détachement, et donc sur son fondement juridique, dans une convention internationale. Dès lors, le refus de détachement ne peut s'analyser comme une sanction disciplinaire, révocation ou mutation d'office, comme dans l'arrêt Bilgen c Turquie du 9 mars 2021.

Pour la Cour, l'analyse s'arrête là. Elle fait d'ailleurs observer que le requérant "a pu librement mener de très larges investigations, avec l’aval des juridictions supérieures de contrôle, dans le cadre de la première affaire qui lui avait été confiée concernant des faits d’atteinte à la vie privée et qui mettait en cause l’avocate de M. Rybolovlev". Mais il a ensuite procédé à " l’ouverture d’une autre information judiciaire impliquant des autorités publiques exerçant des fonctions de responsabilité à Monaco, des chefs notamment de trafic d’influence et de corruption active et passive". Pour la Cour, le fait que cette nouvelle instruction ait pu être ouverte suffit à démontrer l'absence de pressions exercées sur le requérant. Une telle affirmation a quelque chose d'étrange si l'on considère que le juge a pour ouvrir une instruction mais qu'il n'a pu la mener à terme, ayant été écarté au moment où il risquait d'envoyer devant les juges de hauts responsables de la police et de la justice monégasques.

 

La justice monégasque

 

La décision d'irrecevabilité permet ainsi à la CEDH de ne pas se pencher sur la justice monégasque. Le problème n'est pas celui du juge Levrault, mais du fait qu'un juge d'instruction peut être écarté par une simple décision des autorités monégasques, c'est-à-dire de l'Exécutif. Il est vrai que la séparation des pouvoirs n'existe pas à Monaco mais précisément, on peut se demander si un État partie à la convention européenne des droits de l'homme peut ainsi ignorer ce principe. 

Les autorités françaises elles-mêmes ont pris conscience de cette difficulté. Un avenant à la Convention de 2005 a été ainsi adopté par échange de lettres au printemps 2023. L'article 5 est désormais rédigé en ces termes : "Lorsque, à date d'entrée en vigueur du présent avenant, un magistrat est en position de détachement pour une première période de trois ans, la durée de son détachement est automatiquement prolongée pour atteindre cinq ans. Lorsque, à date d'entrée en vigueur du présent avenant, un magistrat est en position de détachement pour une deuxième période de trois ans, la durée de son détachement demeure de trois ans". Cette nouvelle rédaction, directement issue de l'affaire Levrault, confère ainsi au magistrat détaché une sécurité juridique sur la durée de ses fonctions, condition de son indépendance. 

La jurisprudence de la CEDH se montre pourtant rigoureuse lorsqu'il s'agit de protéger l'indépendance des juges. Une jurisprudence abondante concerne ainsi la justice polonaise, en particulier l'arrêt  Grzeda c. Pologne du 15 mars 2022, à propos d'un juge écarté de ses fonctions au sein du Conseil supérieur de la magistrature par une opportune réforme législative. Dans le cas polonais, la Cour n'évoque pas la souveraineté du parlement polonais pour justifier cette éviction. Au contraire, elle la sanctionne pour violation de l'article 6, compte tenu de l'impact négatif de la loi nouvelle sur l'indépendance des juges.

Sans doute la CEDH aurait-elle pu estimer que le droit monégasque antérieur à l'avenant de 2023 portait atteinte au principe d'indépendance des juges à peu près dans les mêmes conditions que dans l'arrêt polonais. Mais elle ne l'a pas fait. Sur ce plan, on ne peut s'empêcher de penser que cette irrecevabilité pourrait être le fruit d'un accord. D'un côté, Monaco obtient une validation de sa décision d'éviction d'un magistrat un peu trop actif dans la lutte contre la corruption. De l'autre, la Cour obtient un avenant à la convention franco-monégasque qui améliore quelque peu la situation des magistrats détachés sur le rocher. Quant au juge Levrault, qu'il s'estime heureux d'avoir été totalement blanchi par le CSM.

 Sur l'indépendance de la justice : Chapitre 4 section 1 § 1 D du manuel de Libertés sur internet

mardi 13 août 2024

Un succès pour Anticor



L'association Anticor vient de remporter une incontestable victoire avec l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris le 12 août 2024. Le juge suspend, sur la base d'un référé suspension, le refus implicite opposé par le Premier ministre à la demande d'agrément formulée par l'association. Il enjoint en même temps au Premier ministre de réexaminer cette demande sous quinzaine, contraignant ainsi l'administration à rendre une décision explicite et surtout motivée.

L'association Anticor est aujourd'hui l'un des acteurs essentiels de la lutte contre les atteintes à la probité, notamment les activités de corruption et de fraude fiscale. Elle s'est fait connaître en 2011, lorsqu'elle a déposé une plainte dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Par la suite, Anticor a dénoncé de nombreux agissements liés à la corruption ou aux conflits d'intérêts. C'est ainsi qu'en juin 2018, l'association a déposé une plainte pour prise illégale d'intérêts contre Alexis Kohler, actuellement Secrétaire général de l'Élysée. Il lui est reproché ses liens familiaux et professionnels avec l'armateur MSC. Une enquête sur cette affaire a été ouverte par le Parquet national financier (PNF).

La procédure d'agrément de ce type d'association est prévue par l'article 2-23 du code de procédure pénale, issu de la loi du 6 décembre 2013. Il précise que cet agrément peut être obtenu par "toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans" dont l'objet social est la lutte contre la corruption, lui permettant d'exercer dans ce domaine les droits reconnus à la partie civile. 

En principe, l'agrément est délivré par le ministre de la Justice. Anticor a ainsi obtenu son premier agrément de Christiane Taubira en mars 2015, puis le second de Nicole Belloubet en février 2018. En 2021, l'agrément a été renouvelé par la Premier ministre. On se souvient en effet que le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti avait fait l'objet d'une plainte déposée en octobre 2020 par Anticor pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire des procédures disciplinaires qu'il avait engagées contre des magistrats. La compétence du Premier ministre était donc substituée à celle du ministre et c'est Jean Castex qui décide le renouvellement de l'agrément en 2021. Cette décision est toutefois annulée par le juge administratif le 23 juin 2023 au motif que l'association, alors profondément divisée dans sa gouvernance, ne remplissait pas toutes les conditions requises pour l'obtention de cet agrément. la gouvernance a alors été profondément remaniée, et une nouvelle procédure d'agrément a été engagée. Mais la nouvelle demande s'est heurtée à un mur de silence de l'administration, d'où le recours contre la décision implicite de rejet. 

C'est précisément ce caractère implicite de la décision qui est à l'origine de la suspension par le juge des référés. Le silence de l'administration excluait évidemment toute motivation du refus de renouvellement de l'agrément.

 


 Les Indégivrables. Xavier Gorce. 2 février 2017

 

Absence de motivation et doute sur la légalité des motifs

 

Certes, l'agrément n'est pas un droit, comme en témoigne la rédaction de l'article 2-23 du code de procédure pénale qui affirme que ces associations "peuvent" être agréées, formule reprise dans le décret du 12 mars 2014 qui définit la procédure d'octroi de l'agrément. Une jurisprudence ancienne du Conseil d'État, du 6 mars 1992 affirme donc que l'agrément n'étant pas un droit, il n'a pas à être motivé. Mais il s'agissait alors d'une association d'aide aux entreprises. Un jugement du tribunal administratif de Paris en a décidé tout autrement, en imposant, le 22 mai 2003, la motivation d'une décision portant sur l'agrément d'une association de défense de l'environnement. Cette motivation doit énoncer les motifs de fait et de droit fondant la décision, ce qui signifie que l'administration ne saurait se contenter d'affirmer que l'association remplit, ou non, les conditions émises pour son obtention. Aujourd'hui, la tendance est donc à l'élargissement de l'obligation de motivation aux décisions de refus ou de retrait d'agrément. 

En témoigne l'ordonnance du 12 août 2024, dans laquelle le juge des référés observe que le Premier ministre n'a pas indiqué, dans son mémoire en défense, les motifs de sa décision de refus d'agrément, se bornant à contester l'urgence à en prononcer la suspension. Alors que l'association Anticor fait valoir qu'elle remplit les conditions posées par la décret de 2014, cette absence de communication des motifs au juge suscite un doute sur la légalité de la décision. Par cette analyse, le juge des référés impose donc la motivation de la future décision expresse concernant l'agrément.

 

La condition d'urgence

 

Reste précisément l'urgence, son absence constituant l'essentiel de la défense des services du Premier ministre. Le juge des référés considère, quant à lui, que la condition d'urgence est remplie et invoque deux éléments essentiels.

Il fait d'abord observer que, du fait de son absence d'agrément, Anticor éprouve de grandes difficultés dans l'exercice de sa mission. Elle ne peut plus porter plainte en se constituant partie civile, ne peut plus intervenir pendant l'instruction ni formuler des demandes indemnitaires devant le tribunal correctionnel. Les conséquences demeurent modestes pour les affaires dans lesquelles Anticor s'était portée partie civile avant le refus d'agrément. Elles deviennent plus graves pour les affaires postérieures, notamment parce que le parquet peut classer une affaire sans suite, en l'absence de constitution de partie civile. L'association cite le cas de la plainte déposée en juin contre X pour des soupçons de favoritisme entre des concessionnaires d'autoroute et le gouvernement Valls en 2015 ou celle visant des opérations immobilières à L'Hay-les-Roses. En d'autres termes, l'absence d'agrément empêche Anticor d'imposer la désignation d'un juge d'instruction, laissant finalement au parquet le contrôle de la procédure. On comprend évidemment que cette situation n'est pas sans intérêt pour l'Exécutif.

Le second élément justifiant l'urgence réside dans une appréciation très concrète de la lutte anti-corruption. Le juge des référés fait observer qu'en l'absence d'Anticor, les associations agréées ne sont plus que deux. Et en effet Transparency et Sherpa semblent bien isolées, cette dernière ayant, elle aussi, éprouvé quelques difficultés à obtenir le renouvellement de son agrément. Certes, le juge ne fait pas de cette appréciation un élément de doute sur la légalité du refus d'agrément, mais se borne à en faire un élément justifiant l'urgence du référé. Le juge affirme en effet que cette situation "porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à l’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la grande délinquance économique et financière". Cette formule peut s'interpréter comme un hommage rendu aux associations actives dans ce domaine. 


L'Exécutif juge et partie


Certes, le Premier ministre peut se pourvoir devant le Conseil d'État, mais dans le cadre d'un recours en cassation, toujours aléatoire. S'il ne le fait pas, il devra prendre une nouvelle décision dans moins de quinze jours, et il faut espérer qu'Anticor retrouvera cet agrément dont l'association n'aurait jamais dû être privée. Cette solution est peut-être même la plus simple pour le gouvernement, car la motivation, cette fois impérative, de la décision de refus risque de se révéler complexe. Les conditions posées par le décret de 2014 sont en effet purement factuelles et il va être difficile de considérer qu'Anticor ne les remplit pas. 

D'une manière plus générale, l'affaire suscite la réflexion sur cette procédure d'agrément. Il semble incroyable que l'activité d'une association anti-corruption soit conditionnée par l'agrément de l'Exécutif. Avouons que la situation est étrange, qui exige que le Premier ministre délivre un agrément à une association qui a permis d'engager des poursuites contre le Secrétaire général de l'Elysée. La tentation de refuser l'agrément pour des motifs politiques n'est pas nécessairement à exclure. La solution passerait sans doute par le transfert de cette compétence à une autorité indépendante ou à un collège de magistrats.