« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


samedi 11 mai 2019

RIP : "Le peuple souverain s'avance"

La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 9 mai 2019 a quelque chose d'historique. Elle porte le numéro 2019-1 RIP, formule qui signifie qu'elle est la première à intervenir en matière de référendum d'initiative populaire. En déclarant conforme à la constitution la proposition de loi référendaire "visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, le Conseil constitutionnel permet que soit effectivement engagée la procédure susceptible, peut-être, d'aboutir à un référendum.

Après le dépôt de la proposition parlementaire déposée par plus d'un cinquième des membres du parlement et son vote dans les conditions du droit commun, après la présente décision du Conseil intervenue un mois après sa saine, s'ouvre désormais la troisième étape vers le RIP. Ses promoteurs doivent désormais obtenir un nombre de signatures équivalent aux dixième du corps électoral. On évaluait ce seuil à 4 500 000 électeurs, mais le Conseil constitutionnel a fait les comptes, et il précise que c'est désormais 4 717 396 signatures qu'il convient de réunir.

La décision du Conseil frappe par sa concision : une seule page, et onze petits paragraphes.  Il est vrai que la proposition de loi ne compte qu'un article unique. Les moyens d'inconstitutionnalité développés par le secrétaire général du gouvernement sont ainsi rapidement écartés.


Le champ de l'article 11



Le Conseil affirme d'abord que la proposition de loi entre bien dans le champ de l'article 11 de la Constitution, qui énonce que peut être soumis à référendum tout projet de loi portant "sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics (...)". Pour le Conseil, le fait de qualifier ADP de "service public national" au sens du Préambule de 1946 se rattache clairement à la politique économique. 

La décision relève du bon sens, et se trouve ainsi balayé l'argument du gouvernement qui estimait que la proposition de loi était dépourvue de caractère normatif, car elle se limitait à mentionner une catégorie constitutionnelle résultant directement des termes du Préambule. Une telle défense allait à l'encontre de l'ensemble de la jurisprudence du Conseil qui affirme que la qualification de "service public national" par la loi est effectivement susceptible de produire des effets juridiques. Dans sa décision du 30 novembre 2006, il déclare ainsi qu'il "appartient au législateur (...) de déterminer les activités qui doivent être ainsi qualifiées". Et cette qualification a notamment pour effet, entre autres, d'imposer l'intervention du législateur pour décider d'une éventuelle privatisation.
 
 "Le peuple souverain s'avance (...)". Le chant du départ. 
Musique Etienne Nicolas Mehul, paroles Marie Joseph Chénier, 1794
Georges Thill et l'Orchestre de la Garde républicaine, 1931

 

L'absence de promulgation

 


L'article 11 de la Constitution précise que "cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". Sur ce point, les services du premier ministre produisaient sur ce point un raisonnement juridique simple. La loi Pacte, décidant la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) avait été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, deux jours après le dépôt de la proposition de loi référendaire. Ils en déduisaient donc que le parlement s'était prononcé sur cette question, et que le recours au référendum était devenu impossible, le recours devant le Conseil constitutionnel étant, par ricochet, sans objet.

A l'appui de cet argument, ils invoquaient la disposition qui affirme que le référendum ne peut intervenir si le parlement s'est prononcé sur la proposition de loi dans un délai de six mois. Une telle analyse repose sur une double confusion. D'une part, le délai de six mois ne concerne que la loi proposant une référendum et pas celle que le référendum propose d'abroger ou de modifier. D'autre part, l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 affirme nettement que le point de départ de ce délai de six mois se trouve dans seconde décision du Conseil constitutionnel. Cas si le Conseil intervient une première fois pour apprécier la conformité à la Constitution de la proposition de référendum, il intervient une seconde fois pour proclamer les résultats de la consultation. Ce délai de six mois ne commence donc à courir qu'une fois que le nombre de signatures a été atteint.

Même s'il n'avait guère de chances de prospérer, ce moyen illustre tout de même une étrange démarche qui vise à permettre au Parlement de s'exonérer quand il le souhaite des normes qu'il a lui-même édictées. En clair, l'idée générale est que la loi s'impose à tout le monde, sauf à ceux qui la votent.

En tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne souhaite pénétrer dans des analyses complexes et difficilement lisibles par les citoyens. Ses normes de référence demeurent l'article 11 et la loi du 6 décembre 2013 et l'on distingue clairement sa volonté de ne pas être responsable de l'échec d'une procédure référendaire. On trouve dans cette décision récente des traces d'une jurisprudence bien ancienne, la célèbre décision du 6 novembre 1962 portant sur la loi référendaire relative à l'élection du président de la république au suffrage universel. Le Conseil se déclarait incompétent pour apprécier ces textes qui "constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". En l'espèce, le peuple ne s'est prononcé, et peut-être ne se prononcera-t-il jamais dans la mesure où la procédure du RIP est largement contrôlée par le parlement, mais au moins ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui empêchera l'exercice de la démocratie directe, quand bien même il déplairait à l'Exécutif.

Une assemblée composée de membres nommés selon des considérations d'amitié politique ou de membres de droit anciens présidents de la République a-t-elle la légitimité nécessaire pour s'opposer à un projet de référendum ? La décision rendue le 9 mai 2019 présente l'avantage de ne pas avoir à se poser cette délicate question.


mardi 7 mai 2019

Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable

Dans une décision du 17 avril 2019, le Conseil d'Etat fixe à 59 ans révolus "l'âge de procréer" pour les hommes utilisant une technique d'assistance médicale à la procréation (AMP). 

En l'espèce, le couple requérant, M. et Mme C. souhaitent utiliser les gamètes congelés du mari prélevés entre 2008 et 2010, alors qu'il avait 61 et 63 ans. En 2016, alors que M. C. a désormais 68 ans, et conformément à la procédure imposée par l'article L 2141-11-1 du code de la santé publique, ils demandent l'autorisation de les transférer vers une clinique située à Valence, en Espagne, pays qui ne connaît aucune limite d'âge dans ce domaine. Ils se voient opposer un refus, d'abord annulé par le tribunal administratif de Montreuil, qui constate que la loi ne fixe pas de limite d'âge en matière de procréation masculine. Par la suite la Cour administrative d'appel de Versailles annule ce jugement en estimant que M. C. était trop âgé au moment de l'exportation de ses gamètes. C'est ce jugement qu'annule le Conseil d'Etat, sans pour autant donner satisfaction au couple. Il considère en effet que l'âge de procréer masculin doit être fixé à 59 ans, âge du recueil des gamètes. Autrement dit, il faut avoir moins de 59 ans révolus au moment du don de sperme et non pas au moment de l'insémination.


L'âge de procréer chez les femmes



La loi est pourtant loi d'être aussi claire. Aux termes de l'article L 2141-2 du code de la santé publique, l'assistance médicale à la procréation est ouverte à un couple, pour remédier à une infertilité pathologique. Selon ces dispositions, « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer... ». Mais le code reste muet sur ce qu'il faut entendre par « âge de procréer ». Pour les femmes, il n’est mentionné que dans une décision du 11 mars 2005 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie selon laquelle la prise en charge de la fécondation in vitro s’interrompt au jour du 43e anniversaire. Cette limite repose sur des considérations médicales, les risques devenant plus importants lors d’une grossesse tardive et les chances de parvenir à une naissance plus limitées. Mais les motifs financiers ne sont pas absents, dès lors que l’assurance maladie ne souhaite pas continuer à financer des techniques d'AMP coûteuses, lorsque les chances de succès deviennent plus réduites. En tout état de cause, la limite d’âge féminine est donc fixée à la date à laquelle l’assurance maladie refuse la prise en charge de l’intervention. Et il faut bien reconnaître qu'elle est définie par une norme juridique qui est bien loin d'avoir l'autorité d'une norme législative.


Une construction prétorienne


Aucune norme de ce type n’existe pour les hommes, et le Conseil d’Etat se livre donc à une construction purement prétorienne. S'il ne conteste pas que l'on pourrait se fonder sur un critère social appréciant l'âge du père au moment de l'AMP, il préfère se fonder sur un critère purement biologique l'appréciant à la date de son don de gamètes.

Mais d’où vient cette limite de 59 ans ? Pourquoi pas 58 ou 61ans ?  Sur ce point, le Conseil d’Etat se borne à reprendre l’avis rendu le 8 juin 2017 par l’Agence de la Biomédecine, avis qui se fonde sur différentes études médicales. Celles-ci mettent en lumière une corrélation entre l'âge du donneur lors du prélèvement de gamètes et différents risques tant pour le développement de l'embryon que pour la santé de l'enfant à naître (anomalies à la naissance et maladies génétiques). Les médecins ont donc fixé à 59 ans la date limite, et le Conseil d'Etat la reprend à son compte.


La remise en cause d'une jurisprudence libérale



Il n'est évidemment pas anormal que, dans ces domaines, les décisions de justice soient plus ou moins dictées par les experts. On constate toutefois que cette décision va à l'encontre d'une évolution libérale du droit applicable en ce domaine.

C'est ainsi que l'AMP, conformément à une promesse du Président de la République, pourrait bientôt être accessible aux couples de femmes, remettant en cause l'actuelle définition de" l'homme et la femme formant couple". On observe cependant que la révision de la loi de bioéthique qui, aurait dû intervenir en 2018, n'est pas encore intervenue, les débats étant régulièrement repoussés. De même la référence au "couple vivant" connaît désormais des dérogations, par exemple dans le cas de deux époux ayant la nationalité de pays admettant une telle pratique, le mari ayant formellement exprimé un tel désir avant son décès, ou lorsque la femme avait perdu un enfant in utero à la suite du décès de son mari. Le juge prend ainsi en considération les "circonstances particulières" de chaque affaire.
Calvin & Hobbes. Bill Watterson

Les paradis du sperme


C'est précisément ce que ne fait pas le Conseil d'Etat, dans sa décision du 17 avril 2019. L'âge de procréer pour les hommes est fixé à 59 ans, sans prise en compte des éventuelles circonstances particulières. Cette précision a quelque chose de surprenant si l'on considère que la décision du juge ne trouve son fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire.

On comprend que le juge veut éviter certaines dérives, conduisant à des grossesses tardives mais, à dire vrai, ces dérives concernent essentiellement des femmes. On a ainsi vu une femme de soixante-deux ans bénéficier d'une insémination avec donneur aux Etats-Unis avant de revenir accoucher en France. Il n'existe, en l'état actuel du droit, aucun moyen d'empêcher de telles pratiques.

Pour les hommes, les choses sont encore plus simples, car rien n'empêche ni n'interdit à un homme de 60 ans, et même beaucoup plus âgé, d'avoir un enfant. Sans doute prend-il alors un risque, mais là encore le droit ne peut rien faire pour lui interdire cette paternité. En revanche, si ses gamètes peuvent être utilisés immédiatement et selon une méthode "artisanale",  ils ne peuvent pas être congelés pour être utilisés plus tard. Il ne fait guère de doute que les intéressés ne vont pas tarder à tirer les leçons de cette jurisprudence, en allant tout simplement conserver leurs gamètes à l'étranger. Ils n'auront plus à solliciter l'exportation et pourront directement accéder à l'AMP dans le pays choisi. Après les paradis fiscaux, les paradis de mères porteuses, nous aurons donc les paradis du sperme.



Sur les bénéficiaires de l'AMP : Chapitre 7 section 3 § 2 B  du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.


vendredi 3 mai 2019

Le retour de Syrie, ou le réveil de l'acte de gouvernement

Dans deux ordonnances du 9 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris refuse d'enjoindre au ministre des affaires étrangères d'ordonner le rapatriement de ressortissants français actuellement retenus dans le camp de Roj, situé au nord est de la Syrie.  La première décision concerne Mme X, retenue avec ses trois enfants et sa mère, Mme Y., la seconde Mme Z. qui a également trois enfants mineurs. Les deux ordonnances sont évidemment identiques.


L'intérêt supérieur de l'enfant



Les requérantes se plaçaient sur le double fondement des articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'un qui consacre le droit à la vie, l'autre qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. Leur dossier était étayé par des témoignages d'ONG dont Human Right Watch qui invoquait une "tragédie humanitaire", les enfants, déjà traumatisés par la guerre, étant victimes de manque de soins et sans protection suffisante. Cette analyse s'appuyait essentiellement sur la décision rendue le 21 mars 2019 par le Conseil constitutionnel, affirmant que l'intérêt supérieur de l'enfant était une "exigence constitutionnelle".

Le juge des référés mentionne cette exigence constitutionnelle, comme il mentionne les "obligations qui s'imposent à l'Etat au titre de son devoir général de protection de ses ressortissants sur le territoire français, mais également hors de ses frontières", mais il ne va pas au-delà de cette simple référence, tout simplement parce qu'il n'a pas besoin d'envisager la requête au fond. En effet, celle-ci est déclarée irrecevable.

Vois sur ton chemin. Les choristes. Christophe Baratier, 2004

L'acte de gouvernement



Utilisant une formule bien connue, le juge des référés rappelle que "l'organisation ou l'absence d'organisation du rapatriement des personnes concernées ne sont pas détachables de la conduite des relations extérieures de la France. Elles échappent ainsi à la compétence de la juridiction administrative française". 

Les avocats des requérantes ne s'étaient pas beaucoup attardés sur cette question purement juridique, préférant se concentrer sur la dénonciation des mauvais traitements infligés aux enfants et à leur mère. De fait, ils s'étaient contentés d'affirmer que l'acte du gouvernement n'était qu'une "théorie", qui plus une théorie "obsolète". 

En réalité, l'acte du gouvernement est loin d'être une simple théorie. Jean-François Lachaume, dans le répertoire Dalloz de contentieux administratif, affirme au contraire que les actes de gouvernement sont "porteurs d'une charge importante d'effets juridiques". En revanche, ils ne se détachent pas de l'action politique interne ou internationale, et c'est cette non-détachabilité qui entraine l'incompétence du juge administratif. 

Quant à l'"obsolescence" de l'acte administratif, il est un peu difficile de comprendre ce qu'elle signifie, dans la mesure où cette notion est dépourvue de tout contenu juridique. En revanche, on peut constater que le champ de l'acte de gouvernement s'est réduit au fil du temps, le Conseil d'Etat s'efforçant de placer sous son contrôle des décisions qui auparavant lui échappaient.

Dès l'arrêt Prince Napoléon du 19 février 1875, il s'est déclaré compétent pour requalifier en acte administratif une mesure dont l'administration estimait qu'elle touchait à une "question politique". Mais ce n'est pas parce que le "mobile politique" peut être écarté par le juge qu'il est toujours écarté. Dans le domaine des relations internationales, certaines décisions sont sorties du champ de l'acte du gouvernement, parce que les procédures se sont juridictionnalisées. Tel est le cas du décret d'extradition, depuis l'arrêt d'assemblée, Royaume-Uni et gouverneur de la colonie royale de Hong Kong du 15 octobre 1993, En revanche, tout le domaine de la protection diplomatique demeure solidement ancré dans le champ de l'acte de gouvernement, depuis l'arrêt Mme Crémencel du 2 mars 1966, d'autant que cette protection présente un caractère totalement discrétionnaire en droit international. Les ordonnances du 9 avril 2019 s'inscrivent donc dans cette jurisprudence constante.


Acte de gouvernement et négociations avec des groupes non étatiques



Le juge des référés apporte sur ce point une précision qui ne va pas dans la sens de la réduction du champ de l'acte de gouvernement. Il l'utilise en effet pour désigner les "relations extérieures de la France", sans attribuer à ces relations un caractère nécessairement interétatique. On sait en effet que les ressortissants français sont retenus dans des camps contrôlés par des combattants kurdes. De fait, le juges des référés évoque "les autorités qui contrôlent ce territoire", ou les "groupes armés étrangers", sans jamais mentionner les Kurdes. Pour le juge, le fait que les camps soient contrôlés, ou non, par un Etat ne change rien au fait que l'éventuel rapatriement de ressortissants français relève d'une négociation entre la France et les autorités qui contrôlent ces territoires, et donc d'une négociation internationale.

Le raisonnement du juge ne surprend pas, car on imagine mal qu'une négociation internationale menée par les autorités françaises, par exemple avec un groupe de terroristes preneurs d'otages, soit soumise au contrôle du juge administratif, sous prétexte que ces négociations ne sont pas interétatiques. Quant aux enfants de djihadistes, cinq d'entre eux ont déjà été rapatriés au mois de mars, ce qui montre que les autorités françaises ont effectivement engagé des négociations et n'ont pas adopté une position de refus systématique. Dans de telles conditions, on peut se demander si ce type de recours, destiné avant tout à "faire le buzz" dans l'opinion, sert réellement leur cause.



Sur les actes de gouvernement : Chapitre 3 section 3 § 2 B  du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.



lundi 29 avril 2019

L' Algérie évolue, la Cour européenne des droits de l'homme aussi

Dans son arrêt de chambre rendu le 29 avril 2019 A.M. c. France, la Cour européenne des droits de l'homme estime que le renvoi vers du requérant vers l'Algérie n'emporte pas, en soi, une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants.

A.M., ressortissant algérien, s'est installé en France en 2008. Il a été condamné en 2015 pour participation à des actes terroristes. Cette condamnation était fondée sur les liens qu'il avec entretenu avec Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). En 2013, il avait projeté de rejoindre clandestinement un camp d'entrainement de cette organisation, et lui avait soumis des projets d'attentats visant notamment le musée du Louvre et la Tour Eiffel.  Sa peine de six ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste est alors accompagnée d'une peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français. 


Les procédures engagées



Le problème est que l'intéressé redoute d'être poursuivi en Algérie, également pour des faits liés au terrorisme. Libérable en mars 2018, il va donc engager deux séries de recours pour essayer d'échapper à son renvoi en Algérie. D'une part, il conteste la décision administrative fixant son pays de destination, d'abord par un référé devant le tribunal administratif de Lyon, puis par un recours au fond devant celui de Lille. Il n'a pas fait appel de l'échec de son référé, mais l'appel contre le jugement de rejet au fond est actuellement pendant devant la Cour administrative d'appel de Douai. D'autre part, il a formé une demande d'asile, évidemment rejetée par l'OFRPRA puis par la CNDA, son recours en cassation n'étant pas encore jugé. 


L'épuisement des recours internes



On pourrait penser que l'intéressé n'a pas satisfait à la condition d'épuisement des voies de recours internes, mais la CEDH se montre nuancée sur cette question, et distingue selon les instances en cours. Elle estime que cette condition n'est pas remplie dans le cas du référé dirigé contre le choix du pays de destination, car le Conseil d'Etat, intervenant en urgence, aurait dû se prononcer dans un délai de six jours, c'est à dire avant la libération de l'intéressé. A.M. "n'a donc pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir avant sa libération la suspension de l’arrêté fixant son pays de destination". En revanche, elle considère que cette condition est remplie pour le contentieux de l'asile, dès lors que les tribunaux se sont déjà prononcés sur le fond de la requête. Elle estime donc la requête recevable.

Sur le fond, la CEDH, conformément à sa jurisprudence F.G. c. Suède du 23 mars 2016, se concentre sur les conséquences prévisibles de l’expulsion du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l’intéressé.

Un prophète. Jacques Audiard, 2009. Karim Leklou, Mohamed Makhtoumi



La situation en Algérie



Au regard de la situation algérienne, la décision semble s'analyser comme un revirement par rapport à une jurisprudence issue de l'arrêt Daoudi c. France du 3 décembre 2009 et en vigueur jusqu'à l'arrêt M.A. c. France du 1er février 2018. Au moment de l'affaire Daoudi, la Cour décrit une Algérie des années 2007 à 2009, dans laquelle les services de sécurité se livrent à la torture, situation dénoncée aussi bien par les ONG comme que par le Département d'Etat américain. Dans l'affaire M.A. c. France, c'est cette fois l'Algérie des années 2009 à 2015 qui est décrite, la menace terroriste étant utilisée pour justifier un recours très fréquent à la torture. Durant cette même période, la Cour remarque que les autorités algériennes ont refusé toute visite des organes et experts des Nations Unies compétents en matière de droits de l'homme.

La situation politique et juridique décrite dans l'arrêt du 29 avril 2019 est bien différente. La CEDH prend note de la révision de la Constitution algérienne en 2016, qui renforce certains droits fondamentaux et a entrainé la dissolution de la police politique. Certes, tous les problèmes sont loin d'être résolus, mais la plupart des rapports indépendants, et notamment ceux du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui a pu se rendre sur place, ne font plus état de tortures à l'encontre de personnes liées au terrorisme. Par ailleurs, aucune des personnes remises par la France à l'Algérie pour répondre de ce type de faits n'a allégué avoir subi de tels traitements. 


La situation de l'intéressé



La situation personnelle de l'intéressé est considérée avec davantage de distance par la Cour. Il est vrai que les autorités françaises ont produit une note des autorités algériennes, datée de novembre 2018, et mentionnant que A.M. ne fait actuellement l'objet d'aucune poursuite judiciaire en Algérie, et que son casier judiciaire est vierge. La Cour en déduit que le risque de tortures est pour le moins réduit. Rien n'interdit en revanche aux autorités algériennes, d'engager des poursuites contre l'intéressé dès qu'il aura mis le pied sur le sol algérien, et de le placer en détention provisoire. Si la CEDH a pour mission d'empêcher le renvoi des personnes vers des pays qui pratiquement la torture, son rôle n'est pas d'empêcher qu'elles soient poursuivies pour des faits liés au terrorisme.

Contrairement à ce qui a été affirmé par certains commentateurs, la décision n'est pas un "spectaculaire revirement" de jurisprudence. En effet, ce n'est pas la jurisprudence de la CEDH qui a évolué, c'est la situation en Algérie, rendant possibles les mesures d'expulsion vers ce pays. C'est sans doute la raison pour laquelle le renvoi en Grande Chambre, s'il n'est pas totalement exclu, demeure peu probable, en l'absence de réelle contradiction jurisprudentielle. A sa manière, la Cour salue et encourage l'évolution en cours en Algérie et affiche une volonté de normalisation, voire un soutien discret à un processus de renforcement de l'Etat de droit. 


Sur la sortie des étrangers du territoire : Chapitre 5 section 2 § 2 du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.

 

vendredi 26 avril 2019

Vincent Lambert : la troisième procédure

Le juge des référés du Conseil d'Etat, dans une ordonnance du 24 avril 2019, refuse de suspendre la décision prise par le chef du service de soins palliatifs du centre hospitalier universitaire de Reims de mettre fin à l'alimentation et à l'hydratation artificielles de Vincent Lambert. Les contentieux sur cette affaire se suivent et se ressemblent. Ils sont le fruit d'un conflit qui oppose les membres de la famille de ce jeune homme, victime d'un accident de moto en 2008.
 
Depuis cette date, il est en état de conscience minimum, ne reçoit aucun traitement médical particulier, car les médecins n'ont pas d'espoir qu'il puisse retrouver conscience et autonomie, même partielle. Il est nourri et hydraté artificiellement, et c'est précisément l'interruption de cette alimentation que demande une partie de sa famille. Une partie seulement, sa femme et son frère, car ses parents veulent que Vincent soit maintenu en vie, position dictée par leurs convictions religieuses et un espoir de guérison auquel ils refusent de renoncer. Derrière cette tragique querelle de famille, l'enjeu est la mise en oeuvre de la loi Léonetti du 22 avril 2005 qui consacre le droit de mourir dans la dignité. 

Elle permet à chacun de désigner une "personne de confiance" ou de rédiger des "directives anticipées" faisant connaître ses souhaits dans une telle situation. Vincent Lambert, âgé d'une trentaine d'années au moment de son accident, n'avait pas songé à prendre de telles précautions. Dans cette hypothèse, lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la loi prévoit que l'arrêt du traitement peut être décidé par le chef de service, à l'issue d'une procédure collégiale réunissant les médecins traitants, qui se prononcent après avis de la "famille" ou, à défaut, "des proches" du patient (art. L 111- 4 cps).


Trois procédure successives

 

 
Le passé contentieux de l'affaire Lambert est aujourd'hui très lourd. Le présent référé concerne la 3è procédure d'arrêt des soins engagée à l'initiative de l'épouse de Vincent Lambert, les deux précédentes ayant été interrompues ou rendues ineffectives par l'action de ses parents, contentieuse ou non.
 
La première procédure a été interrompue par une ordonnance de référé rendue le 11 mai 2013 par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. A l'époque, les médecins avaient consulté l'épouse et le frère de Vincent Lambert, mais n'avaient pas recueilli l'avis de ses parents, éloignés géographiquement. On a donc recommencé la procédure en l'élargissant à l'ensemble de la famille. 
 
La seconde procédure à été menée à son terme juridique. Dans sa décision du 24 juin 2014, le Conseil d'Etat a refusé de suivre l'analyse des parents de Vincent Lambert qui estimaient que l'alimentation et l'hydratation de leur fils ne constituait pas un "traitement" au sens de la loi Léonetti. Le Conseil d'Etat a au contraire considéré ces soins comme des actes médicaux, même s'ils n'ont "pas d'autre effet que le maintien artificiel de la vie". Tirant les leçons de cette jurisprudence, la seconde loi Léonetti du 2 février 2016 affirme clairement que "la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement". Quoi qu'il en soit, la procédure est cette fois menée à terme, et la Cour européenne des droits de l'homme confirme l'analyse du Conseil d'Etat en rejetant le recours des parents le 5 juin 2015. Alors qu'il n'y a, en principe, plus de recours possible, d'autres techniques sont explorées... et le médecin chef de service de l'hôpital de Reims finit par quitter ses fonctions, reconnaissant publiquement avoir fait l'objet de pressions et de menaces s'il mettait en oeuvre la décision du Conseil d'Etat.

Une troisième procédure est donc engagée, car on reprend à chaque fois au début, c'est-à-dire à la consultation de la famille. En effet, dans un nouvel arrêt de 2017, le Conseil d'Etat précise que la décision de son prédécesseur n'engageait pas le nouveau chef de service, se fondant sur l'article R 4127-5 csp qui énonce que "le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit". C'est cette troisième procédure qui est l'objet de l'ordonnance de référé du 24 avril 2019, sachant qu'elle a été émaillée de nouveaux contentieux parasites, les parents de Vincent Lambert ayant successivement contesté la tutelle confiée à son épouse et ayant essayé d'obtenir le transfert de leur fils dans un autre établissement. Malgré tous ces écueils, la procédure s'est tout de même terminée par une nouvelle décision d'interruption des soins.
 
 
 
Voutch, 2019

 

Les motifs de la décision

 

 
Les motifs développés par le juge des référés du Conseil d'Etat n'apportent rien de nouveau au dossier. Les premiers éléments sont d'ordre médical, et la décision s'appuie sur l'avis d'un collège d'experts. Contrairement à ce qu'affirmaient les parents de Vincent Lambert qui croyaient déceler une amélioration de l'état de leur fils, les experts constatent "un état végétatif" (...) avec des "lésions cérébrales, graves et étendues (...) qui sont irréversibles". La situation médicale du patient est identique à celle de 2014, à l'exception "d'éléments minimes d'aggravation". 

Sur ce plan, cette décision s'inscrit dans une jurisprudence qui inscrit les expertises médicales dans la durée. Le caractère irréversible des lésions ne peut être apprécié immédiatement, et il convient d'être certain que l'état du patient ne connaît aucune amélioration. Dans l'affaire Marwa, le juge des référés, intervenant le 8 mars 2017, suspend ainsi la décision d'interrompre le traitement d'une enfant de deux ans atteintes de graves lésions cérébrales à la suite d'une infection virale survenue quelques mois auparavant. Le juge estime que les médecins doivent prendre le temps nécessaire pour montrer leur caractère irréversible, délai qui présente aussi l'avantage de ménager la famille de l'enfant. 

Figurent aussi dans la décision des éléments non médicaux, le juge faisant référence à la précédente décision du Conseil d'Etat, rendue en 2014. A l'époque, le juge avait relevé que, lors de la première procédure consultative, des proches de Vincent Lambert avaient fait état de propos qu'il avait tenus avant son accident, mentionnant que, dans une telle situation, il ne souhaitait pas faire l'objet d'une "obstination déraisonnable" au sens de la loi Léonetti.

Cette décision du juge des référés constitue certainement une étape importante vers la reconnaissance du droit de Vincent Lambert de mourir dans la dignité. Ce n'est pourtant pas la dernière car ses parents ont déjà annoncé leur intention de saisir, une nouvelle fois, la Cour européenne des droits de l'homme. Il est très peu probable que la Cour déclare leur requête recevable, mais ce nouveau recours permet à ses parents de repousser l'échéance de quelques semaines, ou de quelques mois. En tout cas, il est certain qu'elle ne pourra sans doute pas être indéfiniment repoussée.


 






Sur le droit de mourir dans la dignité : Chapitre 7 section 2 § 2 A du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.

lundi 22 avril 2019

RB&B : Les visites domiciliaires administratives devant le Conseil constitutionnel

Dans une décision rendue sur question prioritaire de constitutionnalité le 5 avril 2019 Sing Kwong C. et autres, le Conseil constitutionnel abroge, avec effet immédiat, les dispositions de l'alinéa 6 de l'article L 651-6 du code de la construction. Cet article habilite les agents assermentés du service municipal du logement à visiter les locaux à usage d'habitation situés sur le territoire de la commune, aux fins de constater la réalité de l'affectation de ces locaux à l'habitation. L'alinéa 6, quant à lui, autorisait ces mêmes agents à pénétrer dans le local, en cas de refus ou d'absence de l'occupant, sans autorisation d'un juge, en la seule présence du maire ou du commissaire de police.


Une norme dormante



Ces dispositions avaient toute l'apparence d'une norme dormante, que l'on a réveillée un peu brutalement. Elles sont issues de la loi du 2 juin 1983 qui opère une refonte de la partie législative du code de la construction. L'article L 651-6 du code de la construction était passé inaperçu, d'ailleurs peu utilisé et ne donnant pas lieu à contentieux. Et puis RB&B est arrivé, et la disposition a été réveillée, particulièrement par la Ville de Paris, partie défenderesse à l'instance. 

Selon des chiffres cités à l'audience, Paris a plus de 130 000 logements vacants, dont 6 % sont offerts en location sur RB&B, pourcentage qui atteint 10 % dans le centre de la ville. En même temps, plus de 250 000 demandes de logements sociaux ne sont pas satisfaites. La ville a donc entrepris de lutter contre les locations RB&B. Ses services repèrent les annonces sur internet, constituent un dossier à partir des éléments auxquels ils peuvent avoir accès, fiscaux, administratifs, témoignages, voire plaintes des voisins. Ensuite, pour obtenir du juge une sanction pour location illégale, la ville doit prouver que le local présenté sur internet est bien celui dont elle veut poursuivre le propriétaire. Une visite domiciliaire permet donc d'établir que les lieux sont conformes à leur présentation sur RB&B. L'article L 651-6 du code de la construction a donc été tiré de son sommeil. Il a été utilisé à de multiples reprises, jusqu'à ce qu'un propriétaire ait l'idée d'en contester la constitutionnalité.



L'inviolabilité du domicile




Le requérant invoque une atteinte au droit au respect de la vie privée, auquel le Conseil constitutionnel a trouvé un fondement dans l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Dans sa décision du 4 décembre 2013, il a précisé que ce droit au respect de la vie privée comportait le respect de l'inviolabilité du domicile.

Pour contester la constitutionnalité de l'article L 651-6 du code de la construction, les requérants s'appuyaient sur la décision QPC du 19 février 2016, bien qu'elle ait admis la constitutionnalité des perquisitions organisées sur le fondement de l'état d'urgence. En effet cette constitutionnalité reposait sur le fait que ces visites, même décidées par le préfet, étaient encadrées par une procédure stricte : le procureur était informé "sans délai", et elles se déroulaient en présence d'un officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de son représentant, ou à défaut de deux témoins. Les requérants faisaient justement observer que les visites des agents municipaux chargés de constituer le dossier sur une location RB&B ne s'accompagnent d'aucune de ces garanties.


Dans ma maison tu viendras, d'ailleurs ce n'est pas ma maison
Yves Montand, paroles de Jacques Prévert


La défense de la Ville de Paris pouvait, quant à elle, faire état de la décision du 9 avril 2015 portant sur des visites administratives des constructions en cours pendant six ans après l'achèvement des travaux, dans le but de s'assurer de leur conformité à certaines normes techniques du droit de l'urbanisme.  "Eu égard au caractère spécifique et limité du droit de visite", le Conseil avait alors estimé qu'il ne portait pas  atteinte à l'inviolabilité du domicile. Il y a tout de même une différence de taille entre ces visites et celles qui font l'objet de la décision du 5 avril 2019. Les premières ne peuvent s'effectuer sans le consentement du propriétaire des lieux, pas les secondes.

L'avocat de la ville de Paris n'avait guère d'illusions sur ses chances de succès et il avait annoncé "qu'elle ne s'opposerait pas à une régularisation" de la procédure. Il suggérait même au Conseil de procéder par une simple réserve d'interprétation, mentionnant que l'intervention du juge était fondée sur l'article 66 de la Constitution. L'objet était, à l'évidence, d'éviter une abrogation immédiate.

C'est pourtant ce qu'a fait le Conseil constitutionnel en posant un principe clair. Une visite domiciliaire ne peut s'exercer que dans deux situations : soit sans autorisation d'un juge et il faut alors celle de l'habitant des lieux, soit sans autorisation de l'habitant des lieux et elle est alors subordonnée à celle du juge. La présente visite est donc inconstitutionnelle, dans la mesure où elle est effectuée sans aucun accord préalable, ni de l'occupant des lieux, ni d'un juge. Le Conseil aurait pu, comme le lui suggérait l'avocat de la ville de Paris, procéder par une simple réserve d'interprétation, en considérant que cette intervention du juge reposait sur l'article 66 de la Constitution et qu'elle pouvait s'exercer dans les conditions du droit commun, sans qu'il soit nécessaire de modifier la loi. Mais le Conseil a choisi l'abrogation, et qui plus est l'abrogation immédiate, de la disposition inconstitutionnelle.



Visites domiciliaires et perquisitions 




Au-delà de cette nécessaire intervention du juge judiciaire, le Conseil refuse toute assimilation entre le régime juridique de ces visites domiciliaires et les perquisitions. Il écarte ainsi la requête dirigée contre l'article L 651-7 du même code de la construction qui habilite les fonctionnaires municipaux, lors de la visite, à recevoir déclarations et documents des habitants des lieux. Ces éléments sont en effet obtenus en l'absence de toute contrainte et la procédure n'est donc pas soumise aux droits de la défense ni aux règles du procès équitable. Il ne s'agit pas, en effet, d'obtenir un aveu mais seulement de se faire présenter des éléments de nature à prouver l'affectation des lieux.

S'il veut distinguer les visites des perquisitions, le Conseil constitutionnel ne parvient pas toutefois à établir une distinction parfaitement claire. Certes, il exige l'intervention du juge judiciaire, semblant ainsi rapprocher la visite de la perquisition. Mais en même temps, il fait du consentement le critère essentiel de cette distinction. Or ce consentement n'est pas tout à fait libre, car il s'exerce tout de même sous la menace d'une amende. On peut se demander alors si l'encadrement juridique de ce type de locations touristiques ne passe pas par la détermination d'un régime juridique spécifique.