Une norme dormante
L'inviolabilité du domicile
Le requérant invoque une atteinte au droit au respect de la vie privée, auquel le Conseil constitutionnel a trouvé un fondement dans l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Dans sa décision du 4 décembre 2013, il a précisé que ce droit au respect de la vie privée comportait le respect de l'inviolabilité du domicile.
Pour contester la constitutionnalité de l'article L 651-6 du code de la construction, les requérants s'appuyaient sur la décision QPC du 19 février 2016, bien qu'elle ait admis la constitutionnalité des perquisitions organisées sur le fondement de l'état d'urgence. En effet cette constitutionnalité reposait sur le fait que ces visites, même décidées par le préfet, étaient encadrées par une procédure stricte : le procureur était informé "sans délai", et elles se déroulaient en présence d'un officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de son représentant, ou à défaut de deux témoins. Les requérants faisaient justement observer que les visites des agents municipaux chargés de constituer le dossier sur une location RB&B ne s'accompagnent d'aucune de ces garanties.
La défense de la Ville de Paris pouvait, quant à elle, faire état de la décision du 9 avril 2015 portant sur des visites administratives des constructions en cours pendant six ans après l'achèvement des travaux, dans le but de s'assurer de leur conformité à certaines normes techniques du droit de l'urbanisme. "Eu égard au caractère spécifique et limité du droit de visite", le Conseil avait alors estimé qu'il ne portait pas atteinte à l'inviolabilité du domicile. Il y a tout de même une différence de taille entre ces visites et celles qui font l'objet de la décision du 5 avril 2019. Les premières ne peuvent s'effectuer sans le consentement du propriétaire des lieux, pas les secondes.
L'avocat de la ville de Paris n'avait guère d'illusions sur ses chances de succès et il avait annoncé "qu'elle ne s'opposerait pas à une régularisation" de la procédure. Il suggérait même au Conseil de procéder par une simple réserve d'interprétation, mentionnant que l'intervention du juge était fondée sur l'article 66 de la Constitution. L'objet était, à l'évidence, d'éviter une abrogation immédiate.
C'est pourtant ce qu'a fait le Conseil constitutionnel en posant un principe clair. Une visite domiciliaire ne peut s'exercer que dans deux situations : soit sans autorisation d'un juge et il faut alors celle de l'habitant des lieux, soit sans autorisation de l'habitant des lieux et elle est alors subordonnée à celle du juge. La présente visite est donc inconstitutionnelle, dans la mesure où elle est effectuée sans aucun accord préalable, ni de l'occupant des lieux, ni d'un juge. Le Conseil aurait pu, comme le lui suggérait l'avocat de la ville de Paris, procéder par une simple réserve d'interprétation, en considérant que cette intervention du juge reposait sur l'article 66 de la Constitution et qu'elle pouvait s'exercer dans les conditions du droit commun, sans qu'il soit nécessaire de modifier la loi. Mais le Conseil a choisi l'abrogation, et qui plus est l'abrogation immédiate, de la disposition inconstitutionnelle.
Visites domiciliaires et perquisitions
Au-delà de cette nécessaire intervention du juge judiciaire, le Conseil refuse toute assimilation entre le régime juridique de ces visites domiciliaires et les perquisitions. Il écarte ainsi la requête dirigée contre l'article L 651-7 du même code de la construction qui habilite les fonctionnaires municipaux, lors de la visite, à recevoir déclarations et documents des habitants des lieux. Ces éléments sont en effet obtenus en l'absence de toute contrainte et la procédure n'est donc pas soumise aux droits de la défense ni aux règles du procès équitable. Il ne s'agit pas, en effet, d'obtenir un aveu mais seulement de se faire présenter des éléments de nature à prouver l'affectation des lieux.
S'il veut distinguer les visites des perquisitions, le Conseil constitutionnel ne parvient pas toutefois à établir une distinction parfaitement claire. Certes, il exige l'intervention du juge judiciaire, semblant ainsi rapprocher la visite de la perquisition. Mais en même temps, il fait du consentement le critère essentiel de cette distinction. Or ce consentement n'est pas tout à fait libre, car il s'exerce tout de même sous la menace d'une amende. On peut se demander alors si l'encadrement juridique de ce type de locations touristiques ne passe pas par la détermination d'un régime juridique spécifique.
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