En décembre 2013, I. E., est secrétaire général du Front national et conseiller municipal d'Hénin Beaumont, candidat aux municipales qui auront lieu en 2014. A ce moment précis, est publié le livre "Le Front national des villes et le Front national des champs", ouvrage qui évoque clairement son homosexualité. Or l'intéressé n'a jamais fait son Coming Out, et ne souhaite pas le faire. S'adressant au juge civil, il demande réparation du dommage causé par cette divulgation. Il obtient satisfaction en première instance, décision confirmée par la Cour d'appel de Paris le 31 mai 2017. Celle-ci affirme qu'une telle révélation "n’est pas justifiée par le droit à l’information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l’atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée".
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 31 juillet 2018
La Cour de cassation et le Coming Out malgré soi
En décembre 2013, I. E., est secrétaire général du Front national et conseiller municipal d'Hénin Beaumont, candidat aux municipales qui auront lieu en 2014. A ce moment précis, est publié le livre "Le Front national des villes et le Front national des champs", ouvrage qui évoque clairement son homosexualité. Or l'intéressé n'a jamais fait son Coming Out, et ne souhaite pas le faire. S'adressant au juge civil, il demande réparation du dommage causé par cette divulgation. Il obtient satisfaction en première instance, décision confirmée par la Cour d'appel de Paris le 31 mai 2017. Celle-ci affirme qu'une telle révélation "n’est pas justifiée par le droit à l’information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l’atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée".
dimanche 29 juillet 2018
L'affaire Benalla, ou les lacunes juridiques de la sécurité
Le monopole du GSPR
A dire vrai, on ignore quelles compétences étaient dévolues à Alexandre Benalla. On sait qu'il était agent contractuel et qu'il ne pouvait donc juridiquement appartenir au GSPR, exclusivement composé de policiers et de gendarmes. La participation d'Alexandre Benalla à la réserve de la Gendarmerie n'avait évidemment pas pour effet de l'intégrer statutairement à l'Arme et il n'avait sans doute pas suivi la formation extrêmement poussée dispensée au membres du GSPR. S'il participait à la protection physique du Président, son emploi était donc redondant. Mais peut-être était-il chargé d'une mission de réflexion sur la sécurité de la présidence, d'envisager la création d'une sorte de Secret Service à l'américaine ? Pourquoi pas, mais il est bien rare que l'on ait besoin d'un port d'arme pour réfléchir.
L'agrément du CNAPS
La dernière enquête a tout de même dû être sommaire, car le 9 juillet 2018, l'intéressé avait été "sanctionné" pour les faits commis le 1er mai. A moins que l'agrément ait précisément pour objet d'offrir à l'intéressé une porte de sortie, sachant qu'il arrive probablement au terme de sa carrière dans le secteur public ?
Quoi qu'il en soit, ces multiples agréments ne doivent pas faire illusion. En février 2018, la Cour des comptes publiait un rapport sur les activités privées de sécurité, rapport particulièrement accablant et qui n'a eu aucune suite. Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) y apparaît comme une officine dont l'activité consiste essentiellement à faire valoir les intérêts des professionnels. L'octroi des agréments ne donne lieu à aucun filtrage sérieux, et la Cour fait observer que 92, 7 % des demandes sont satisfaites.
Les conditions de fond évoquées par les textes font l'objet d'un contrôle pour le moins léger. La première condition, incontestablement remplie par Alexandre Benalla est celle liée à la régularité du séjour en France. Ce n'est pas le cas de tous les titulaires d'agrément, et la Cour des comptes a eu la surprise de constater que les contrôles de sécurité dans une grande gare parisienne étaient effectués par des étrangers en situation irrégulière. La condition d'aptitude professionnelle, quant à elle, n'est pratiquement pas contrôlée. Si Alexandre Benalla a suivi des études de sécurité, ce n'est certainement pas le cas de l'ensemble des titulaires de l'agrément, cette condition étant appréciée avec une grande souplesse par le CNAPS.
Reste la condition de moralité, celle sur laquelle insiste le ministre de l'intérieur, affirmant qu'Alexandre Benalla a fait l'objet d'enquêtes dans ce domaine. Il n'est pas question de mettre précisément en question la moralité de M Benalla, mais la Cour des comptes constate que, d'une manière générale, "les services du CNAPS ont une interprétation aussi hétérogène que souple au niveau de la moralité attendue". La Cour dresse ainsi une liste d'infractions qui, lorsqu'elles sont inscrites sur le casier judiciaire, n'empêchent pas d'obtenir l'autorisation. On y trouve, pêle-mêle, les violences conjugales, les outrages à personne dépositaire de l'autorité publique, l'usage et la détention de stupéfiants, l'abus de confiance, le faux et usage de faux... La Cour note ainsi qu'une personne ayant 31 condamnations à son actif a obtenu, sans difficulté, une autorisation d'exercer des activités dans la sécurité privée. Le CNAPS écarte ainsi de facto la condition de moralité posée par la loi du 14 mars 2011 sur la sécurité intérieure, dite Loppsi 2.
Depuis ce rapport de la Cour des comptes, il ne s'est rien passé. Certes Alain Bauer qui présidait le conseil d'administration du CNAPS a quitté ses fonctions... et une de ses proches lui a immédiatement succédé. Aucune réforme ne semble avoir été engagée. On apprend aujourd'hui que le ministre de l'intérieur fait confiance à une soi-disant enquête de moralité effectuée par un tel organisme . Si Alexandre Benalla pouvait susciter une réforme du contrôle de l'Etat sur la sécurité privée, ce serait sans doute à porter à son crédit, justifiant peut-être un peu d'indulgence..
jeudi 26 juillet 2018
Le mandat d'arrêt européen, instrument de pression sur la Pologne
L'affaire polonaise
Le mandat d'arrêt européen
Les motifs de refus d'exécution d'un MAE
Un plan B
Sur le mandat d'arrêt européen : chapitre 5, section 2 § 2 D du manuel de libertés publiques sur internet.
lundi 23 juillet 2018
Affaire Benalla : quelques questions de procédure
L'intervention du porte-parole de l'Elysée
Absence de sanction
La disgrâce d'Alexandre Benalla vue par : L'oreille cassée. Hergé. 1937 |
Absence de procédure
mardi 17 juillet 2018
Les Invités de LLC : Catherine-Amélie Chassin : Des droits de l'homme et des droits humains
Plaidoirie pour les droits de l’homme
Tintin et les Picaros. Hergé. 1976 |
Maintenir les droits de l’homme contre les déviances sectaires
samedi 14 juillet 2018
Loi Bioéthique : Quieta non movere
On aurait aussi pu attendre plus de hardiesse et moins de conservatisme, et surtout une réponse plus précise à la demande du Premier ministre : indiquer à quelles conditions juridiques on pouvait procéder à la révision de la loi bioéthique. Si Flaubert avait écrit le Dictionnaire juridique des idées reçues, nul doute qu'à côté de l'entrée "loi bioéthique", il aurait écrit : "Prudence. Ne rien changer". C'est bien ainsi que l'a compris le Conseil d'Etat dans son rapport remis au Premier ministre le 6 juillet 2018. Il ne propose aucune modification ni évolution substantielle. S'il reconnaît que le législateur peut procéder à quelques ajustements, il le met au contraire en garde contre des réformes trop rapides.
Le principe de dignité
Le droit au suicide assisté
L'IAD des couples de femmes et des femmes seules
Dans son avis de juin 2017, le CCNE s'est prononcé en faveur de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Le Conseil d'Etat prend acte d'une demande sociétale en ce sens, observant que l'insémination avec donneur (IAD) est un geste simple, facilement accessible dans des pays voisins comme la Belgique ou l'Espagne, voire pratiqué à domicile. La Cour de cassation elle-même admet l'adoption par l'épouse de la mère de l'enfant né dans ces conditions (avis du 23 septembre 2014). En dépit de ces évolutions, ou peut-être à cause d'elles, le Conseil d'Etat ne se montre pas enthousiaste. Il fait observer au législateur qu'"aucun principe juridique (...) ni le fait que l'adoption soit ouverte aux couples de femmes (...) ne rendent nécessaire l'ouverture d'accès à l'AMP". Et il ajoute que la reconnaissance de l'homoparentalité ou de la monoparentalité dans le cadre de l'adoption "n'implique pas nécessairement la reconnaissance d'un droit d'accéder à une procréation médicalement assistée qui efface ab initio toute présence paternelle". Les arguments mille fois entendus des opposants au mariage pour tous ne sont pas bien loin...
D'une manière générale, le Conseil d'Etat redoute "une modification en profondeur de la philosophie de l'AMP qui se dépouillerait de son caractère médical pour devenir une réponse à une demande sociale". Ce combat toutefois semble singulièrement d'arrière-garde. D'une part parce que l'AMP a toujours été utilisée pour permettre à des couples souffrant de stérilité d'avoir des enfants. Ils se voient offrir une technique de substitution mais ne sont pas réellement "guéris" de cette stérilité. D'autre part, parce que l'AMP est depuis longtemps une réponse à une demande sociale, que les intéressés sont prêts à satisfaire par tous les moyens. Affirmer qu'il ne s'agit pas d'une demande sociale a quelque chose d'incantatoire qui ne correspond guère à sa pratique.
L'IAD post-mortem
L'insémination post-mortem est traitée avec la même prudence. De nouveau, le Conseil d'Etat affirme qu'"aucun obstacle juridique ne s'y oppose", même s'il fait observer qu'elle conduit à "concevoir un enfant orphelin de père". La cohérence juridique voudrait cependant que cette technique soit acceptée par le droit, si l'insémination d'une femme seule est elle-même admise. Le Conseil d'Etat marque cependant des limites très précises, en affirmant qu'il serait nécessaire que le père ait consenti à l'opération de son vivant et que le recours à cette technique soit enfermé des délais précis.
L'autoconservation des ovocytes
Le Conseil d'Etat se montre encore plus réticent à l'égard de l'auto-conservation des ovocytes, technique qui permet aux femmes de repousser leur projet de procréation, éventuellement après leurs années de fertilité. Certes, on peut voir cette pratique comme émancipatrice, permettant aux femmes de se libérer des contraintes physiologiques. Mais le Conseil d'Etat insiste sur les risques de pression des employeurs, incitant leurs jeunes salariées à l'autoconservation de leurs ovocytes. Celles qui s'y refuseraient risqueraient ainsi d'être écartées des postes les plus élevés. En 2014, NBC annonçait ainsi que Facebook et Apple envisageaient de subventionner la congélation des ovocytes de leurs employées dans le but affiché qu'elles "n'aient plus à choisir entre la carrière et les enfants". En réalité, l'intérêt était surtout celui de l'entreprise qui pouvait ainsi limiter les congés-maternité des jeunes femmes les plus qualifiées.
Enfin, la gestion pour autrui (GPA) fait l'objet d'un refus clair et tranchant, en dépit du fait que le Conseil reconnaît un accroissement de la demande sociale dans ce domaine. Sur ce point, le Conseil d'Etat se borne à reprendre l'argument selon lequel le contrat de GPA est entaché de nullité, car incompatible avec le principe d'indisponibilité du corps humain, voire avec sa non-patrimonialisation si la mère porteuse est rémunérée. S'il constate que ces principes n'ont pas valeur constitutionnelle en eux-mêmes, il les rattache au principe de dignité de la personne humaine qui, lui, a valeur constitutionnelle. Et s'il est vrai que la jurisprudence récente tend à améliorer la situation juridique des enfants nés par GPA, le Conseil estime que cette évolution maintient un équilibre satisfaisant entre l'intérêt supérieur de l'enfant et le maintien de l'interdiction de la GPA.
Le rapport du Conseil d'Etat se caractérise ainsi par un véritable conservatisme, c'est-à-dire une volonté de conserver la législation existante. En schématisant quelque peu, on peut distinguer les réformes qu'il refuse (la GPA) et celles à l'égard desquelles il se montre très réticent (toutes les autres techniques). L'idée générale est le maintien du statu-quo, terme qu'il emploie à plusieurs reprises. Il n'en demeure pas moins que le parlement va devoir se pencher sur la question, dès lors que les lois de bioéthiques doivent être réexaminées à intervalles réguliers. Il sera intéressant de mesurer l'influence du Conseil d'Etat lors de ce débat. Si les parlementaires reprennent les termes de son rapport, le débat sera très tranquille.