Le TAJ
Un second examen
André Lanskoy. Mythe nébuleux |
Le contrôle de proportionnalité
De la disproportion de l'ensemble
Aucun de ces éléments ne constitue en soi une violation de la constitution, mais le Conseil est visiblement sensible à la disproportion qu'il constate entre l'importance du fichier et la limitation du droit à l'effacement des données. D'une part, les personnes fichées sont très nombreuses et, du moins pour un certain nombre, ne sont coupables d'aucune infraction. C'est vrai des personnes relaxées, acquittées ou qui ont bénéficié d'un non lieu. Mais c'est aussi vrai des victimes qui figurent également dans le TAJ. Très large dans le fichage, le TAJ est également très ouvert à la consultation. Forces de police et de gendarmerie, magistrats, mais aussi fonctionnaires chargés d'enquêtes purement administratives peuvent l'utiliser. D'autre part, et c'est là que réside le contraste, le droit d'effacement n'est ouvert qu'à un nombre très restreint de personnes. C'est précisément ce contraste que sanctionne le Conseil constitutionnel.
Eloge de la complexité
Cette décision marque, à l'évidence, un durcissement par rapport à la première décision rendue en 2011 sur les fichiers d'antécédents judiciaires. A l'époque, le Conseil n'avait formulé aucune réserve sur la procédure d'effacement dont le champ était identique. Cette évolution trouve sans doute son origine dans l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, même si l'on sait qu'elle ne saurait lier le Conseil constitutionnel. Dans une décision du 18 avril 2013 M. K. c. France, la juridiction européenne a ainsi sanctionné pour atteinte à la vie privée le Fichier électronique des empreintes digitales (FAED). Il prévoyait en effet une durée de conservation est extrêmement longue, vingt-cinq ans, d'autant plus longue que ce fichage pouvait concerner des personnes condamnées mais aussi d'autres parfaitement innocentes. De même, dans l'arrêt Brunet c. France du 18 septembre 2014, la Cour précise que la procédure d'effacement du Système de traitement des infractions constatées (STIC) doit permettre à l'autorité compétente d'apprécier la proportionnalité du fichage aux finalités du traitement.
Le dialogue des juridictions, devenu désormais une sorte de leitmotiv doctrinal, a donc ses avantages car il repose sur une volonté partagée de développer la protection des données personnelles. Mais aussi ses limites car il suscite une jurisprudence fluctuante, soumise à des influences diverses et parfois difficilement lisibles.
Il convient alors de s'interroger non plus sur la finalité du fichier mais sur celle de la jurisprudence constitutionnelle. A t-elle pour objet de guider le législateur dans l'élaboration de la loi, de mettre en place une sorte de manuel de légistique ? La question mérite d'être clairement posée. En l'espèce, le message du Conseil constitutionnel manque de clarté, lorsqu'il apprécie, au cas par cas, si la durée de conservation des données comme la procédure d'effacement sont proportionnées à la finalité du fichier. Cette appréciation évalue avec le temps, avec le contenu plus ou moins sensible du fichier, avec le nombre des personnes fichées et leur innocence, ou non... autant de paramètres que le législateur devrait prendre en compte avant la création d'un fichier de police. A moins qu'il y renonce et décide d'attendre avec résignation la prochaine QPC.
Sur la protection des données : Chapitre 8 section 5 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.