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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 12 septembre 2017
La surveillance des courriels du salarié
samedi 9 septembre 2017
Les lois pour la confiance dans la vie politique devant le Conseil constitutionnel
Les emplois familiaux
Il affirme ainsi, dans une décision du 9 octobre 2013, que "le principe de séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle" à ce qu'une autorité administrative soit chargée de contrôler la situation patrimoniale des parlementaires. Dans une décision du 10 décembre 2016, il autorise, sur le même fondement, la création d'un registre des lobbies actifs auprès du Parlement. La décision sur la loi ordinaire du 8 septembre 2017 reprend cette jurisprudence. D'une part, le Conseil note que l'interdiction ne concerne qu'un nombre limité de personnes, en l'espèce la famille de l'élu. Son autonomie dans le choix de ses collaborateurs n'est donc pas réellement atteinte. D'autre part, il note que la loi confère au bureau ou au déontologue de l'assemblée la compétence pour se prononcer sur d'éventuels manquements. L'interdiction des emplois familiaux est donc une règle d'ordre public sanctionnée pénalement. Elle s'impose d'autant plus facilement aux élus qu'ils l'ont eux-mêmes votée.
La réserve parlementaire
La séparation des pouvoirs est également invoquée pour contester la suppression de la réserve parlementaire, formulée clairement dans l'article 14 de la loi organique, " Il est mis fin à la pratique dite de la "réserve parlementaire". La loi organique s'imposait car il s'agit de mettre en oeuvre la loi de finances. En effet, la pratique de la réserve parlementaire n'est prévue par aucun texte. Elle repose sur un simple engagement du gouvernement envers les parlementaires d'exécuter le budget conformément à certaines demandes qu'ils ont formulées, portant sur des opérations déterminées. Concrètement, ces engagements se traduisent par des amendements gouvernementaux au projet de loi de finances. D'une certaine manière, le gouvernement accepte ainsi de lier sa compétence en matière d'exécution budgétaire. En supprimant la réserve parlementaire, la loi organique ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs. Au contraire, elle en garantit le respect, puisque la compétence gouvernementale d'exécution budgétaire n'est plus entravée.
La réserve ministérielle
L'analyse n'est guère contestable. En revanche, elle ne s'applique à la réserve ministérielle et la suppression de cette dernière est donc déclarée non conforme au principe de séparation des pouvoirs. Des esprits taquins pourraient penser que le Conseil constitutionnel s'est fait un plaisir de censurer une disposition ajoutée par le parlement, désireux de se venger de la suppression de réserve parlementaire et supprimant une prérogative gouvernementale.
Rappelons que la réserve ministérielle consiste à attribuer des subventions aux collectivités territoriales et à leurs groupements, là encore pour mener à bien des projets spécifiques. Le seul point commun avec la réserve parlementaire réside dans le fait que cette enveloppe est souvent utilisée pour aider des amis politiques. Pour le reste, la situation est bien différente. La suppression de la réserve parlementaire renforce la séparation des pouvoirs en supprimant une pratique qui portait atteinte au pouvoir gouvernemental d'exécution budgétaire. La suppression de la réserve ministérielle s'analyse au contraire comme une ingérence dans une pratique qui ne concerne que le seul Exécutif, puisqu'il s'agit d'empêcher le gouvernement de subventionner les collectivités territoriales. Le pouvoir législatif s'ingère ainsi dans l'exécutif et porte atteinte à la séparation des pouvoirs.
Pour les mêmes motifs, le Conseil censure l'article 23 de la loi ordinaire qui imposait au Premier ministre de prendre un décret sur la prise en charge des frais de réception et représentation des membres du gouvernement. Là encore il s'agit d'une ingérence du parlement dans la fonction gouvernementale.
La seule satisfaction, bien modeste, obtenue par les auteurs de la saisine en matière de séparation des pouvoirs est l'inconstitutionnalité du § 4 de l'article 11, habilitant la Haute autorité pour la transparence de la vie publique à adresser une injonction tendant à ce qu'il soit mis fin à une situation de conflit d'intérêts liée à l'emploi de collaborateurs familiaux. Dans ce cas, le destinataire de l'injonction devrait, soit licencier son collaborateur, soit démissionner de ses fonctions. Or une autorité administrative, même indépendante, ne peut ainsi intervenir dans le fonctionnement du parlement sans porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Sur ce point, le Conseil s'appuie sur la réserve qu'il avait formulée dans sa décision du 9 octobre 2013 qui affaire que la loi ne saurait "sans méconnaître la séparation des pouvoirs, permettre à la Haute autorité d'adresser à un député ou un sénateur une injonction dont la méconnaissance est pénalement réprimée (...)". L'inconstitutionnalité était ici évidente, et on ne peut que déplorer que les rédacteurs du projet n'aient pas pris la précaution de regarder un peu soigneusement la jurisprudence du Conseil.
L'inéligibilité automatique
Il en est de même pour la dernière inconstitutionnalité constatée par le Conseil. Il sanctionne en effet l'inéligibilité automatique qui aurait dû être prononcée comme peine complémentaire en matière d'infractions contre la probité. Dans sa décision rendue sur QPC du 27 janvier 2012, il avait déjà déclaré inconstitutionnelle une disposition énonçant que toute peine de destitution d'un notaire devait automatiquement s'accompagner d'une interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales. A ses yeux, les sanctions disciplinaires touchant les officiers ministériels ont pour objet "de garantir l'intégralité ou la moralité indispensables" à l'exercice de leurs fonctions. Tel n'est pas le cas de l'interdiction d'exercer ses droits civiques, mesure à la fois automatique et définitive. L'analyse est ici transposée au cas des parlementaires. Ce n'est donc l'inéligibilité qui est sanctionnée mais son automaticité. Elle porte en effet atteinte au principe d'individualisation de la peine, principe librement inspiré de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires".
Si le dispositif de moralisation est important, la décision du Conseil ne bouleverse pas, quant à elle, la jurisprudence constitutionnelle. Le juge saisit cependant l'occasion de rappeler les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs. Celle-ci ne peut tolérer l'ingérence du gouvernement dans la fabrication de la loi, pas plus que celle du parlement dans la politique gouvernementale. En revanche, la séparation des pouvoirs ne saurait être invoquée par le parlement pour soustraire ses membres à leur responsabilité pénale. Une affirmation utile alors que certains députés s'appuient sur la séparation des pouvoirs pour contester les enquêtes qui les visent. On a même vu récemment un président du Sénat refuser, sur ce même fondement, l'entrée des officiers de police judiciaire chargés d'effectuer une perquisition dans le Palais du Luxembourg... Un petit rappel du droit ne fait donc de mal à personne.
mercredi 6 septembre 2017
Silhouettes féminines à Dannemarie : le retour au droit
L'égalité entre les hommes et les femmes
Le principe de dignité
La bêtise n'est pas constitutive d'illégalité
Sur le principe de dignité : Chapitre 7, introduction, du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.
dimanche 3 septembre 2017
Code du travail : les ordonnances et les libertés publiques
Le droit au travail
Le droit au travail est une notion au contenu incertain. Il est certes mentionné dans l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui garantit à chacun le "droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail (...)" mais on sait que cette Déclaration n'est pas invocable devant les juges français. Il figure aussi dans l'article 6 du Pacte international de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels qui énonce que "les Etats parties (...) reconnaissent le droit au travail". Le juge administratif considère que ces dispositions ne sont pas suffisamment précises pour produire des effets dans l'ordre interne. Le juge judiciaire, quant à lui, ne s'y réfère que de manière très exceptionnelle, par exemple en matière de repos dominical.
La Convention européenne des droits de l'homme n'apporte guère de précision. Son texte ignore le droit au travail, et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ne l'a intégré, qu'en le rattachant à l'article 8 qui garantit le droit à la vie privée et familiale. Cette consécration est d'ailleurs relativement récente. L'arrêt Sidabras et Dziautas c. Lituanie du 27 juillet 2004 sanctionne ainsi la politique de "lustration" lituanienne qui interdisait l'accès à certains professions aux anciens agents du KGB. Pour la CEDH, une telle mesure portait atteinte au droit de nouer des relations avec l'extérieur et à celui de gagner sa vie.
Cette décision éclaire la distinction que fait le droit positif entre la liberté du travail et le droit à l'emploi. La première permet à chacun de travailler sans entraves excessives. Le second fait peser sur l'Etat l'obligation de mettre en oeuvre une politique publique destinée à aider ceux qui n'ont pas de travail, par une assistance financière et par une aide à la recherche d'emploi. Ces deux éléments sont clairement mentionnés dans le Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel "chacun a le devoir de travail et le droit d'obtenir un emploi". Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel considère, depuis une décision du 26 juin 1986, que le droit au travail fait partie des "règles et principes constitutionnels".
Les projets d'ordonnances ne concernent la liberté de travail qu'à la marge. Encore ne s'agit-il, pour la plupart des mesures envisagées, que d'étendre la liberté de l'entrepreneur. La liberté du travail se rapproche alors considérablement de la liberté d'entreprendre. Qu'il s'agisse de faciliter le recours au contrat de chantier, ou d'autoriser la "rupture conventionnelle collective", toutes ces procédures ont pour objet d'assouplir les conditions d'adaptation au marché, en espérant que la simplification du licenciement incitera l'entreprise à embaucher. De même, les projets visent à limiter autant que possible le contentieux du licenciement, d'une part avec la mise en place de formulaires-types permettant à l'employeur de ne pas faire d'erreur de procédure susceptible d'être sanctionnée par le juge, d'autre part en réduisant le délai de prescription. Il est désormais unifié à un an pour tout type de licenciement, alors qu'il était auparavant d'un an en cas de licenciement économique et de deux ans dans tous les autres cas.
Ouvriers et travailleurs sur les quais de Sèvres. Maximilien Luce. 1858-1941 |
Les droits dans le travail : la négociation collective
L'essentiel du dispositif présenté par le gouvernement concerne non pas le droit au travail, mais les droits dans le travail, au premier rang desquels figure le droit à la négociation collective. Il est mentionné dans le Préambule de la Constitution de 1946 qui affirme le droit de "tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective de ses conditions de travail ainsi qu'à la gestion de l'entreprise". Ce n'est que récemment que le Conseil constitutionnel a attribué à ces dispositions une réelle portée juridique. Dans une décision QPC du 9 décembre 2011, il abroge ainsi une disposition refusant aux agents contractuels de droit public de Nouvelle Calédonie l'exercice du droit à la négociation collective.
Sans entrer dans ses détails, qui relèvent du droit du travail, on observe que les projets d'ordonnances reposent sur trois principes.
La simplification des structures de dialogue est d'abord recherchée. Dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, un unique Comité Social et Economique (CSE) exercera les fonctions auparavant dévolues à trois instances, délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). L'objet d'une telle réforme est d'accroître l'efficacité du dialogue social en offrant à l'entreprise une simplification et aux salariés un poids accru dans la négociation.
L'entreprise, et c'est le second principe, doit redevenir le centre du dialogue social. Si les accords de branche ne sont pas abandonnés, l'idée demeure d'accroître la décentralisation en privilégiant le niveau de l'entreprise. Chaque structure pourra ainsi définir son agenda de négociation au sein de l'espace unique que constitue le CSE.
Enfin, le dernier élément essentiel réside dans la remise en cause du poids des structures syndicales dans la négociation collective. C'est ainsi que les TPE, entreprises de moins de 20 salariés, pourront négocier un accord d'entreprise, sans intervention syndicale. La pratique du référendum d'entreprise est désormais institutionnalisée, moyen de court-circuiter le monopole syndical. Il ne fait guère de doute que ces dispositions vont susciter l'irritation des syndicats, mais elles n'ont rien d'inconstitutionnel. Rappelons en effet que le Préambule de 1946 se borne à affirmer un droit de "tout travailleur" à participer à la "détermination collective de ses conditions de travail". Et si le texte mentionne qu'il exerce ce droit "par l'intermédiaire de ses délégués", rien ne précise que ces délégués sont des délégués syndicaux. Surtout, cette évolution apparaît comme la conséquence de la chute de la représentation syndicale. En 2016, le taux de syndicalisation était de 8,7 % dans le secteur privé, chiffre qui met en question la notion même de représentation syndicale.
L'office du juge
Les projets d'ordonnance s'inscrivent donc dans une logique libérale. L'idée est d'assouplir, de simplifier, pour permettre une meilleure adaptation de l'entreprise au marché.
Il reste cependant à se poser la question du contrôle de ces nouvelles procédures. Aucune réforme des conseils des prud'hommes n'est envisagée, alors même que le poids des syndicats dans ces juridictions est souvent mis en cause et que la jurisprudence est bien souvent déterminée par une appréciation des faits largement subjective. Les projets d'ordonnances s'efforcent néanmoins de réduire l'autonomie de ces juridictions en prévoyant, en cas de licenciement, des barèmes d'indemnisation prévus par la loi.
Une telle disposition témoigne d'une grande méfiance à l'égard de l'office du juge et on peut s'interroger sur sa constitutionnalité. En effet, le principe d'individualisation des décisions de justice doit laisser au juge la possibilité de moduler la réparation octroyée, au regard de l'examen particulier de chaque dossier. Or, les ordonnances n'offrent au juge la possibilité de sortir du barème que lorsque le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour des motifs discriminatoires ou de harcèlement. Dans tous les autres cas, le juge est lié par le barème qui lui est imposé. On peut évidemment comprendre la méfiance du gouvernement à l'égard de la juridiction du travail. Mais il aurait sans doute été plus judicieux d'engager enfin une réforme d'ampleur des prud'hommes plutôt que de porter atteinte à l'office du juge et au principe d'individualisation des décisions de justice.
Sur le droit au travail : Chapitre 13 section 2 § 1 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.
mercredi 30 août 2017
Menus de substitution à la cantine : en route vers le Conseil d'Etat ?
La circulaire de 2011
L'intérêt supérieur de l'enfant
Une décision d'espèce
Sur le principe de laïcité : Chapitre 10 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.
lundi 28 août 2017
Le manuel de Libertés publiques sur internet
Ce choix d'un double support pour un ouvrage universitaire s'explique d'abord par la volonté d'offrir aux étudiants un manuel adapté à leur budget mais aussi à leurs méthodes de travail. Ils trouvent aujourd'hui l'essentiel de leur documentation sur internet, mais ils ne sont pas toujours en mesure d'en apprécier la pertinence. Bien souvent, ils piochent un peu au hasard, entre des informations anciennes ou fantaisistes.
Le manuel de "Libertés publiques" qui leur est proposé sur Amazon répond aux exigences académiques et il est actualisé au mois d'août 2017. Il fait l'objet d'une actualisation en temps réel, grâce au site "Liberté Libertés Chéries" qui suit et analyse l'actualité des libertés dans notre pays. Le manuel et le site sont donc conçus comme complémentaires.