Jan Massys. Loth et ses filles. Circa 1565 |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
dimanche 8 décembre 2013
Tabou or not tabou, là est l'exception.
jeudi 5 décembre 2013
Le lobbying anglo-saxon contre la laïcité française
Des avocats britanniques
Mais S.A.S. n'est pas la première à se présenter anonymement devant la Cour pour contester la loi sur la dissimulation du visage dans l'espace public. Les médias, qui s'intéressent beaucoup à son cas, n'ont sans doute pas vu que l'affaire S.A.S. est en réalité la quatrième requête sur la loi française. Madame Belliard l'a fait observer devant la Cour, notant que les trois premières ont toutes été déclarées irrecevables (24588/11 ; 41892/11 et 38827/11). Mais elles ont pour particularité d'avoir été présentées par les mêmes conseil, un cabinet britannique dirigé par Maîtres Ramby de Mello et Tony Muman et installé à Birmingham.
Ultime moyen, Maître de Mello s'appuie sur l'article 14 de la Convention pour dénoncer l'abominable discrimination dont est victime la malheureuse S.A.S., dont on apprend d'ailleurs qu'elle a toujours accepté de retirer son voile dans certaines occasions, pour se plier aux contraintes de la vie en société. Pour son conseil, la discrimination réside dans le fait que la loi vise les seules femmes musulmanes. Peu importe que le port du voile intégral ne soit pas une prescription de l'Islam. Peu importe que le champ d'application de la loi autorise les femmes voilées à circuler librement dans l'espace public, dès lors que leur visage n'est pas dissimulé. Peu importe enfin que l'interdiction s'applique à celui qui marche dans la rue le visage recouvert d'une cagoule ou d'un casque de moto.
Ce qui est discriminatoire, pour la défense de S.A.S., est que la mesure soit imposée par la majorité à une minorité, formule étrange qui va à l'encontre du principe démocratique même. En réalité, il s'agit, on l'a compris, de promouvoir une conception communautariste de la société, celle-là même qui existe en Grande Bretagne et aux Etats Unis. La laïcité, qui repose sur le principe d'intégration, est alors l'ennemi à combattre, car "elle a occulté le multiculturalisme en demandant à des minorités de renoncer à leur propre culture au nom des valeurs partagées". Le problème est que le droit français ignore les notions de minorités et de multiculturalisme. Pour cette faute impardonnable, il doit être mis au ban de la société politiquement correcte anglo-saxonne, et Maître de Mello cite alors un autre article du N.Y. Times, journal décidément en verve, qui qualifie le système française de "talibanisme inversé". Rien que ça..
Ce court rappel des "arguments juridiques" invoqués à l'appui de la requête montre que l'objet de cette dernière est d'abord de développer un discours militant dans l'enceinte de la Cour européenne. Celle-ci va-t-elle ainsi accepter de se transformer en forum d'expression pour les lobbies ? C'est toute la question de la recevabilité de la requête.
Une requête irrecevable
Pour paraphraser l'article du N.Y. Times, on pourrait dire que les conditions de recevabilité d'une requête devant la Cour conservent heureusement un solide bon sens. Celle déposée par S.A.S. est bien éloignée de l'usage normal du droit de recours individuel.
Le recours a en effet été déposé le jour même de l'entrée en vigueur de la loi du 11 octobre 2010. Cela signifie concrètement que la requérante a saisi ses avocats antérieurement. Cela signifie aussi qu'elle n'a pas été poursuivie sur le fondement du texte, et que son action repose sur sa seule crainte d'être obligée de retirer son voile intégral. Dans ces conditions, elle n'a évidemment pas épuisé les voies de recours internes, condition de la recevabilité des requêtes.
Pour être une "victime" au sens de la Convention, il faut que le requérant établisse que ses droits ont été effectivement lésés par la mesure en cause. Or, il n'est évidemment pas établi que S.A.S. ait fait l'objet d'une mesure quelconque sur le fondement de ce texte. Certes, il arrive à la Cour d'admettre la qualité de "victime potentielle" à des personnes simplement susceptibles d'être touchées par le texte, précisément lorsqu'elles sont obligées de changer de comportement sous peine de poursuite ou lorsqu'elles appartiennent à une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets du texte nouveau.
Certes, S.A.S. invoque le fait qu'elle doit désormais changer de comportement, mais le dossier mentionne qu'elle accepte de retirer son voile dans certaines circonstances. On veut nous montrer qu'elle n'est pas une fondamentaliste bornée, mais une femme moderne, intégrée dans la société et consciente de ses contraintes. Rien ne permet donc de connaître la réalité du comportement de la requérante, avant et après la loi. Dans ces conditions, il est bien difficile de se prononcer sur ce "changement de comportement" qui est la condition même de la reconnaissance de la qualité de "victime potentielle".
De même, S.A.S. n'appartient pas à une "catégorie de personnes" risquant de subir directement les effets du texte. En effet, on l'a dit, la loi s'applique à toute personne qui a le visage couvert, sauf exceptions légales. Et il semble bien difficile d'en déduire l'existence d'une "catégorie de personnes", sauf à considérer que le recours est ouvert à tous parce que la loi s'applique à tous. Cela reviendrait à introduire l'actio popularis devant la Cour européenne des droits de l'homme, hypothèse tout de même peu probable, si l'on considère que tous les efforts de la Cour visent, depuis des années, à lutter contre l'encombrement en rendant de plus en plus difficile l'accès au prétoire.
Laïcité v. Communautarisme
On peut donc penser que la requête S.A.S. est irrecevable, comme les trois qui l'ont précédée. Sa seule fonction est finalement d'utiliser la Cour à des fins militantes. Et on voit désormais s'y déployer, comme dans la presse, une offensive contre la laïcité française, au nom du multiculturalisme prôné dans le monde anglo-saxon. Cette situation montre que la laïcité, principe d'égalité reposant sur le modèle républicain et l'intégration, n'est pas une chose acquise, le résultat d'une lutte terminée il y a plus de cent ans. La laïcité redevient un combat d'aujourd'hui, et le multiculturalisme est clairement son ennemi.
En l'occurrence, l'offensive judiciaire vise à faire consacrer le multiculturalisme comme une obligation imposée par la Convention européenne des droits de l'homme. Cette démarche évoque celle des Etats qui n'acceptent les conventions universelles relatives aux droits de l'homme que sous réserve de leur compatibilité avec la Charia. Comme on le sait, tous les partisans des droits de l'homme et nombre d'Etats parties condamnent cette attitude. Car le multiculturalisme, c'est aussi l'acceptation d'un développement séparé des différentes communautés. Et en Afrikaaner, le développement séparé se traduit par un seul mot : Apartheid.
dimanche 1 décembre 2013
Gel des avoirs irakiens, "Delisting", et droit au recours
Keith Haring. Affiche pour le 700 è anniversaire de la Confédération Helvétique. 1991 |
jeudi 28 novembre 2013
Baby Loup : "la neutralité pour transcender le multiculturalisme"
La divergence entre le parquet général et la Cour de cassation illustre la complexité d'une affaire devenue emblématique du combat pour la laïcité. Un rappel de la situation n'est donc pas inutile.
Service public et neutralité
La Cour d'appel de Paris refuse de se placer dans cette perspective et préfère envisager les missions remplies par la crèche plutôt que sa nature juridique. On sent bien, à la lecture de l'arrêt, qu'elle n'est pas convaincue par le raisonnement de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui refuse la qualification de service public.
Pour la Cour, "de telles missions sont d'intérêt général, au point qu'elles sont fréquemment assurées par des services publics". Elle ajoute d'ailleurs que Baby Loup est financée "par des subventions versées notamment par la région Ile de France, le département des Yvelines, la commune de Chanteloup les Vignes et la Caisse d'allocations familiales". Baby Loup peut alors être considérée comme ce que Jean Rivero appelait joliment un "faux nez" de l'administration. Elle entre dans la définition traditionnelle du service public comme activité d'intérêt général assurée ou assumée par une ou plusieurs personnes publiques. Dès lors, les agents qui participent à l'exécution du service public sont soumis à l'obligation de neutralité, quand bien même ils seraient titulaires d'un contrat de travail de droit privé.
La Cour d'appel de Paris ne reprend pas ce raisonnement, pourtant simple, sans doute parce que la Chambre sociale l'a déjà écarté, et que le risque est grand d'encourir une nouvelle défaite devant l'Assemblée Plénière.
Thierry Courtin. T'choupi à la crèche. 2012 |
Neutralité et prosélytisme
La Cour commence par observer que l'article 14 de la Convention relative au droits de l'enfant de 1989 impose aux Etats parties de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion "à construire pour chaque enfant". La Cour européenne des droits de l'homme ne raisonne pas autrement lorsqu'elle admet le licenciement d'une institutrice suisse qui avait refusé de retirer son foulard pour faire classe. Dans une décision Dahlab c. Suisse du 15 février 2001, elle affirme que l'atteinte portée au droit de la requérante de manifester librement sa religion est justifiée par la "nécessaire protection, dans une société démocratique, du droit des élèves de l'enseignement public à recevoir une formation dispensée dans un contexte de neutralité religieuse".
Cette nécessité s'accompagne d'une autre nécessité rappelée par la Cour d'appel, celle de "respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en oeuvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance". Dès lors que les employés de la crèche interviennent dans un environnement multiconfessionnel, la neutralité est indispensable pour "transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s'adresse". La formule est claire et montre bien que la neutralité est l'instrument du respect du principe de laïcité. Le respect des convictions de chacun impose l'interdiction de les afficher de manière ostensible. La neutralité est l'instrument essentiel de la protection contre le prosélytisme, à l'égard des enfants, mais aussi à l'égard de l'ensemble du personnel employé dans la crèche.
De cette situation, la Cour déduit, que dans le cas de Baby Loup, le principe de neutralité est un règle indispensable à la sérénité du fonctionnement de l'établissement, dans un contexte multiculturel. Et peu importe que la crèche soit une structure de droit privé, car la Cour européenne des droits de l'homme admet qu'une "entreprise de conviction" puisse exiger de ses employés le respect de la neutralité.
Les entreprises de conviction
L'entreprise de conviction est définie comme une entreprise ordinaire dans sa structure, mais dans laquelle "une idéologie, une morale, une philosophie ou une politique est expressément prônée". Autrement dit, l'objet même de l'entreprise, même si ce n'est pas un objet exclusif, est aussi la défense et la promotion d'une doctrine ou d'une éthique. Et la laïcité, pour la Cour européenne, c'est une conviction comme une autre.
L'entreprise de conviction vise d'abord les convictions religieuses. Dans une réjouissante affaire Schüth c. Allemagne du 23 septembre 2010, la Cour européenne a ainsi admis qu'une paroisse catholique allemande constituait une telle "entreprise de conviction". Elle a cependant condamné le licenciement de l'organiste qui entretenait une relation adultère, au motif que cette mesure reposait sur une atteinte à sa vie privée. Dans l'affaire Obst c. Allemagne du même jour, la Cour admet en revanche le licenciement par l'Eglise mormone d'un de ses cadres supérieurs tout aussi adultère, compte tenu du fait qu'il avait accepté de respecter une obligation de loyauté accrue, liée à l'importance de ses responsabilités au sein de l'Eglise. Même en partie financées par des fonds publics, ces institutions demeurent de droit privé.
La laïcité peut-elle constituer une "philosophie expressément prônée" dans l'entreprise ? La réponse de la Cour européenne à cette question est positive. Dans un arrêt Lautsi et a. c. Italie du 18 mars 2011, la Cour affirme que les partisans de la laÏcité sont en mesure de se prévaloir "de vues atteignant un degré de force, de sérieux, de cohérence et d'importance requis pour qu'il s'agisse de "conviction" au sens de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'entreprise de conviction peut donc être une entreprise de conviction laïque.
Baby Loup peut donc être considérée comme une entreprise de conviction et, dans ce cas, elle a parfaitement le droit d'adopter un règlement intérieur imposant le respect de la neutralité à ses salariés. Dès lors, la Cour d'appel de Paris n'a plus qu'à se poser la question de la proportionnalité de le mesure de licenciement par rapport à la faute commise par la requérante.
A ce propos, la Cour d'appel analyse en détail le comportement de l'intéressée, notamment après sa mise à pied, durant la période pendant laquelle ses fonctions ont été suspendues en attendant une décision définitive. Loin de chercher l'apaisement, elle a, au contraire, adopté un comportant militant, affirmant sa religion de manière ostensible. On apprend ainsi qu'elle s'est maintenue sur son lieu de travail après sa mise à pied et a fait preuve d'agressivité à l'égard de la direction et de ses collègues. Enfin, elle a fait des pressions importantes et formulé des menaces à l'égard d'autres employés ou de parents d'enfants inscrits à la crèche rusant de témoigner en sa faveur. On est donc dans le domaine du prosélytisme religieux, évidemment incompatible avec la neutralité imposée par l'entreprise de conviction Baby Loup.
Il est très probable que la requérante va se pourvoir de nouveau en cassation, et que l'affaire Baby Loup donnera lieu à un arrêt rendu en Assemblée plénière. Il n'est pas exclu que cette dernière renverse la décision de la Chambre sociale, ne serait-ce que parce que le raisonnement de la Cour d'appel est susceptible d'emporter sa conviction. Ne serait-il pas raisonnable, cependant, de mettre fin à la controverse ? Il suffirait pour cela de voter la proposition de loi déposée par la sénatrice François Laborde en octobre 2011 visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance. Votée par le Sénat en première lecture en janvier 2012, la proposition a été transmise en juillet 2012 à l'Assemblée nationale. Depuis cette date, plus personne n'en a entendu parler..
mercredi 27 novembre 2013
Le droit à l'oubli de Florence Rey
L'oubli imposé par la loi
La loi peut certes imposer le silence à la presse en matière de condamnations pénales. C'est précisément l'objet des lois d'amnistie, qui interviennent généralement dans le but d'imposer une réconciliation après un conflit, et l'on songe aux amnisties intervenues après la Commune ou la guerre d'Algérie. Dans ce cas, le rappel par la presse d'une condamnation amnistiée est toujours fautif (par exemple : Crim. 15 mars 1988). Les effets sont identiques en matière de réhabilitation, procédure qui permet à un condamné qui a purgé sa peine de bénéficier de l'effacement de sa condamnation, et donc du droit à l'oubli, s'il n'a pas fait l'objet d'une nouvelle condamnation pendant un certain délai (art. 133-12 c. pén.). Inutile de dire que, compte tenu de la gravité de ses crimes, Florence Rey n'a été ni amnistiée ni réhabilité.
L'oubli imposé par la jurisprudence
Se voit elle pour autant refuser tout droit à l'oubli ? Certainement pas car l'essentiel du droit à l'oubli a une origine jurisprudentielle. Plus précisément, il apparaît avec la très célèbre affaire Landru, en 1965, sous la plume très critique du Professeur Gérard Lyon-Caen. A l'époque, l'ancienne maîtresse du célèbre criminel demandait, devant le juge civil, réparation du préjudice que lui causait la sortie d'un film de Claude Chabrol, relatant une période de sa vie qu'elle aurait préféré enfouir dans le passé. Le juge a alors évoqué une "prescription du silence", pour finalement rejeter la demande au motif que la requérante avait elle même publié ses mémoires, et que le film reprenait des faits relatés dans des chroniques judiciaires parfaitement accessibles (TGI Seine, 14 octobre 1965. Mme S. c. Soc. Rome Paris Film, confirmé en appel : CA Paris 15 mars 1967).
Le terme de "prescription du silence " était l'objet même de la critique de Gérard Lyon-Caen, car elle laissait supposer une certaine automaticité. Or, le juge apprécie ce type d'affaire au cas par cas, en fonction des intérêts en cause, et de la réelle volonté de discrétion affirmée par l'intéressé. C'est sans pour cette raison que le TGI de Paris, dans une décision Madame M. c. Filipacchi et Cogedipresse du 20 avril 1983, va finalement consacrer la notion nouvelle : "Attendu que toute personne qui a été mêlée à des évènements publics peut, le temps passant, revendiquer le droit à l'oubli (...) ; Attendu que ce que droit à l'oubli qui s'impose à tous, y compris aux journalistes, doit également profiter à tous, y compris aux condamnés qui ont payé leur dette à la société et tentent de s'y réinsérer".
Le droit à l'oubli a donc intégré le droit positif il y a déjà plusieurs décennies, par la voie de la responsabilité civile. Rien n'interdit cependant à l'intéressé d'invoquer devant le juge pénal son droit à l'oubli, dès lors qu'il est constitutif d'une violation de la vie privée, voire d'une diffamation. Tel serait le cas, par exemple, si la presse, rappelant le passé de Florence Rey, révélait des informations permettant d'identifier le lieu où elle réside. C'est le sens de la décision du CSA du 10 janvier 2010, qui rappelle à France 2 que l'émission "Faites entrer l'accusé" doit s'abstenir de donner à l'antenne des informations relatives à la vie présente de la personne condamnée. Lorsque celle-ci s'exprime dans l'émission, elle doit également pouvoir obtenir le floutage de son image et la transformation de sa voix.
René Magritte. L'assassin menacé. 1927 |
Etendue du droit à l'oubli
Quelles seraient les chances de succès de Florence Rey, si elle saisissait le juge pour atteinte au droit à l'oubli ? Pour le moment, il faut bien le reconnaître, elles sont assez limitées, car la jurisprudence considère que la violation du droit à l'oubli n'est constituée que si la publication ne peut être justifiée par "aucune nécessité évidente de l'information immédiate ou de la culture historique des lecteurs" (TGI Paris 20 avril 1983, Mme M. c. Kern). Dans le cas de Florence Rey, il est clair que "la nécessité évidente de l'information" existait dans les jours qui ont suivi l'arrestation d'Abdelhakim Dekhar. La nécessité est cependant de moins en moins évidente au fur et à mesure que les jours passent. Quant à la "culture historique", elle n'entre pas en ligne de compte, dès lors que le nom de Florence Rey est prononcé uniquement en liaison avec un fait divers tristement actuel.
Le juge s'efforce donc de trouver un équilibre entre le droit légitime à l'information et le droit à l'oubli de celui ou celle dont le nom est de nouveau stigmatisé dans la presse. Il appartient donc aux journaux de se montrer responsables, et de ne pas chercher à faire de Florence Rey un objet de curiosité médiatique. Dans le cas contraire, celle-ci serait bientôt fondée à invoquer son droit à l'oubli et à obtenir réparation. Considéré sous cet angle, le droit à l'oubli est aussi un moyen de ne pas transformer la coupable en victime.