Charles Camoin (1875-1965). Enfant |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 6 août 2013
La paternité du donneur de sperme
dimanche 4 août 2013
Les soins sans consentement en psychiatrie : nouvelle réforme
Par deux décisions rendues sur QPC le 26 novembre 2010 et le 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a brutalement mis fin à cette période de stabilité. Il a censuré les dispositifs d'hospitalisation sans le consentement du patient pour violation de l'article 66 de la Constitution. La privation de liberté qu'autorisaient ces procédures pouvait en effet se prolonger au-delà de quinze jours, sans intervention du juge judiciaire, par simple décision administrative. Le Conseil ayant repoussé l'abrogation des dispositions litigieuses au 1er août 2011, le législateur est donc intervenu, non sans précipitation. La loi du 5 juillet 2011 impose désormais l'intervention du juge des libertés et de la détention de manière systématique, dès qu'une personne est soumise à des soins psychiatriques sans son consentement. Sa décision doit être rendue à l'issue d'une période d'hospitalisation complète, puis tous les six mois si le traitement doit être prolongé.
On pouvait penser que le régime juridique des soins sans le consentement des patients était enfin établi. La présente proposition de loi montre le contraire, même si elle n'a pas pour objet de modifier l'ensemble du texte de juillet 2011. C'est ainsi qu'elle ne met pas en cause l'évolution qui a permis de passer de la notion d'"hospitalisation" à celle de "soins" sans consentement. L'idée est désormais acquise que la prise en charge de la maladie mentale ne passe pas nécessairement par l'enfermement du patient. Sans doute, mais il n'en demeure pas moins que les trois modifications introduites par la proposition de loi actuellement en débat portent précisément sur les conditions d'enfermement. Si les deux premières seront sans doutes relativement consensuelles dans la mesure où elles trouvent leur origine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la troisième, celle portant sur l'autorisation des sorties d'essai, sera sans doute davantage débattue.
Les UMD
Les UMD sont des services hospitaliers spécialisés dans le traitement des malades mentaux présentant un danger potentiel pour eux-mêmes ou pour autrui. Sur le plan thérapeutique, ils ne diffèrent guère des services de psychiatrie dans les hôpitaux ordinaires. Sur le plan de l'organisation en revanche, ce sont des espaces fermés destinés à prendre en charge la dangerosité des patients. Ces derniers y sont placés par une décision administrative, en l'occurrence un arrêté préfectoral, selon le mode SPDRE (soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat) qui a succédé à l'ancienne "hospitalisation d'office". Le Conseil constitutionnel avait sanctionné ce régime juridique comme dépourvu de "garanties légales suffisantes". Sur ce point, la proposition de loi replace simplement les UMD dans le droit commun, permettant ainsi aux patients qui y sont hospitalisés de bénéficier des mêmes garanties que ceux hospitalisés dans des services hospitaliers ordinaires.
Les irresponsables pénaux
Chacun sait qu'une personne peut être jugée pénalement irresponsable lorsque, au moment de l'infraction, elle se trouvait en un état de trouble mental si important qu'il emportait abolition de son discernement. Son dossier est ensuite transmis au représentant de l'Etat qui peut décider l'internement, soit dans un service ordinaire, soit en UMD. Là encore, le Conseil constitutionnel a estimé que ce régime juridique ne tenait pas suffisamment compte de la gravité de l'infraction commise. La proposition de loi limite donc ce type d'internement aux personnes ayant commis des actes passibles de cinq de prison pour les atteintes aux personnes et de dix ans pour les atteintes aux biens. Une telle restriction ne signifie pas qu'une personne considérée comme irresponsable à la suite d'un acte moins grave sera immédiatement relâchée. Elle pourra tout de même se voir imposer des soins, sur le fondement du droit commun, c'est à dire à partir de l'évaluation du danger qu'elle représente pour elle-même ou pour les tiers.
André Lanskoy. Journal d'un fou. 1973 |
Les sorties d'essai
Pour le moment, ce rétablissement des sorties d'essai passe inaperçu. Sans doute sera t il cependant évoqué durant la suite du débat parlementaire. Doit-on, comme la plupart du personnel soignant, faire confiance aux médicaments et privilégier la camisole chimique à l'enfermement ? Si l'avis des experts médicaux est certainement utile, ce ne sont pas eux qui font la loi, mais le parlement. Entre le risque pour la sécurité des personnes que représente un passage à l'acte violent et l'intérêt des patients, un équilibre doit être trouvé, et l'actuelle proposition de loi offre la possibilité d'un nouveau débat sur la question.
jeudi 1 août 2013
Les invités de LLC. Serge Sur : De la permanence de l’esprit canular chez les Normaliens ou l'affaire Trayvon Martin racontée à Suzette
mardi 30 juillet 2013
Le législateur et les nouvelles formes d'esclavage
Par cette définition large, le législateur entend sanctionner les formes les plus anciennes d'esclavage qui existent toujours dans certains pays, mais aussi des formes plus indirectes avec l'exploitation de la prostitution d'autrui ou le travail forcé. Surtout, le texte rattache désormais directement à l'esclavage l'infraction de l'article 225-13 du code pénal, qui punit "le fait d'obtenir d'une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli". Cette infraction sanctionne une pratique qui consiste à faire venir en France une jeune fille étrangère attirée par un travail régulier d'employée de maison ou de garde d'enfants, et à ensuite exploiter son travail dans une condition de servitude, l'intéressée ayant été, le plus souvent, privée de son passeport par son employeur. On note d'ailleurs que c'était précisément la situation décrite dans l'arrêt de la Cour européenne C.N. et V. c. France du 11 octobre 2012. Se référant à cette définition large, le rapporteur du texte estime que 3000 et 5000 personnes seraient victimes d'esclavage dans notre pays.
Le parlement a donc choisi de distinguer "quatre niveaux de gravité" : le "travail forcé" puni de sept ans d'emprisonnement ; la "réduction en servitude", quand le travail forcé est imposé à une personne vulnérable ou dépendante, punie de dix ans d'emprisonnement ; enfin la "réduction en esclavage" et l'"exploitation de la personne réduite en esclavage", tous deux passibles de vingt années de prison, voire trente en cas de circonstances aggravantes, par exemple lorsque ce comportement concerne des mineurs ou des personnes vulnérables, ou encore s'accompagne d'actes de torture.
Par ce texte, le parlement ajuste le droit pénal interne à la jurisprudence de la Cour européenne. Il permet aussi de réprimer avec davantage de rigueur ces nouvelles formes de servitudes d'autant plus insupportables qu'elles sont souvent le fait de privilégiés qui exploitent sans scrupule la misère de personnes isolées et vulnérables.
Aboli, mais toujours réel
En même temps, on ne peut s'empêcher de penser que ce texte est aussi un constat d'échec. Presque un siècle et demi après le décret Schoelcher du 27 avril 1848, on éprouve le besoin d'insérer dans le code pénal le double crime, de servitude et d'esclavage. C'est la démonstration éclatante que l'esclavage, bien qu'officiellement aboli, n'a pas disparu. Il s'est transformé, il s'est diversifié, il a même fait preuve d'un remarquable pouvoir d'adaptation. Et le législateur, confronté à ces nouvelles formes d'esclavage, est contraint d'adopter de nouveaux textes pour lutter contre un fléau qui, en France même, n'est toujours pas éradiqué.
jeudi 25 juillet 2013
L'accueil des gens du voyage, le débat en cours
Vincent Van Gogh. La roulotte, campement de Bohémiens. 1888 |
lundi 22 juillet 2013
Les lectures de LLC :" La guerre du droit", entre globalisation et isolationnisme
Le débat s'est cependant concentré sur la question de l'atteinte à la souveraineté qu'implique, ou non, cette convention. Pour les sceptiques, elle emporte une telle atteinte, dans la mesure où la Convention est le produit de la réflexion conjuguée de fonctionnaires internationaux de l'ONU et de membres des ONG qui ont directement participé à sa rédaction. En cas de ratification, ils craignent que ce texte fonde certaines décisions de juges internationaux, imposant à l'administration américaine des charges financières nouvelles, par exemple pour assurer la circulation des personnes handicapées en fauteuil dans l'espace public. Pour toutes ces raisons, le Sénat a estimé que la Convention constitue une ingérence dans les affaires spécifiquement américaines, relevant de la compétence exclusive du Congrès. Et c'est bien là le motif essentiel du refus de sa ratification.
Un droit international non démocratique
A partir de cet exemple, les auteurs développent une vision extrêmement critique d'un droit international non démocratique, car dépossédant les autorités de l'Etat qui, elles, reposent sur le principe démocratique. Cette analyse suscite l'intérêt, surtout si on considère le domaine particulier des droits de l'homme. Les grandes conventions récentes, comme par exemple celle de Rome sur la Cour pénale internationale, n'ont elles pas été négociées largement par des représentants des ONG ? Ces mêmes ONG ne sont elles pas amenées à intervenir de plus en plus devant les juridictions internationales, comme parties ou à titre d'amicus curiae ?
Sous l'influence de ces acteurs nouveaux, on voit se développer l'idée qu'il existe un ensemble de normes de droit international qui sont supérieures à la Constitution des Etats. Peu importe qu'ils n'aient pas signé et ratifié une convention, les juges internationaux considèrent désormais que son contenu normatif peut s'imposer à eux. C'est précisément ce qu'a fait la CIJ dans l'affaire Hissène Habré, le 20 juillet 2012, en considérant que l'interdiction de la torture a acquis le caractère de norme impérative par rattachement au "jus cogens", c'est à dire finalement par la seule volonté du juge. La Cour a aussi considéré que cette convention imposait aux parties une obligation erga omnes, quand bien même elles n'avaient pas de préjudice spécifique à faire réparer. La Cour l'a fait sur une base juridique prétorienne, sans même donner aux parties à la convention l'occasion de s'exprimer à ce sujet, puisqu'elles n'ont pas été officiellement informées du contentieux porté devant elle.
La Cour internationale de justice en audience |
Le refus du transnationalisme
Cette tendance, qualifiée de "transnationalisme" par nos trois auteurs, repose sur une approche positive de la globalisation. La multiplication des échanges devrait ainsi conduire à la disparition des frontières et à l'émergence de "valeurs" communes dans un monde globalisé. Les constitutions des Etats doivent donc être mises en conformité avec ces valeurs communes, même s'il est pour cela nécessaire d'user de la contrainte. Pour les auteurs de "La guerre du droit", cette tendance est doublement dangereuse.
D'une part, elle écarte le principe du consentement des Etats, qui constitue le socle sur lequel s'est construit le droit international. A propos de la coutume, largement étudiée dans l'article, les Etats observent que la notion de "pratique des Etats" tend à évoluer. Cet élément de définition de la coutume est considéré comme présent non pas seulement si les Etats agissent conformément à la norme mais aussi lorsque leurs agents se déclarent en faveur de cette norme. On ne prend plus en considération ce que les Etats font, mais ce que leurs agents disent. La norme coutumière devient ainsi un produit de la rhétorique et non pas de la pratique des Etats.
D'autre part, sur un plan plus pratique, il est désormais très tentant d'invoquer cette prétendue supériorité de la norme internationale pour contourner l'opposition d'un parlement démocratiquement élu. Nos auteurs citent ainsi l'action du Comité des droits de l'enfant qui en 2002 estimait que les priorités budgétaires britanniques portaient atteinte aux droits des enfants et qui exigeait des explications de la part du gouvernement Blair. La finalité de la démarche était d'imposer au parlement britannique une nouvelle politique budgétaire, alors même que cette compétence est celle du parlement britannique.
La même critique est évidemment développée à propos de l'Europe, la production de normes appartenant essentiellement à des corps administratifs et à des tribunaux supra-nationaux. Et nos auteurs de dénoncer ces juges nationaux qui renforcent le pouvoir de la CEDH ou de la CJUE, au détriment de leurs propres parlements.
La protection du principe démocratique
Souvenons nous que l'âge d'or des libertés publiques en France fut précisément la IIIè République, l'époque qui a vu l'avènement de la liberté syndicale, de la liberté d'association, et du principe de laïcité, pour ne citer que les textes les plus connus. Or, ces textes sont d'origine législative, dès lors que la loi était alors la norme suprême. Aujourd'hui, la loi n'a pas disparu dans ce domaine, et on songe par exemple à l'abolition de la peine de mort ou à l'adoption toute récente du mariage pour tous. Ce caractère démocratique fait la puissance de la loi, et l'article de John Kyl, Douglas Feith, and John Fonte a le mérite d'inciter à la réflexion sur les moyens de développer le principe démocratique au niveau international, et de le protéger au plan interne.