Mulet, animal hybride |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mercredi 5 juin 2013
QPC : maîtres de l'enseignement privé sous contrat : on demande une réserve
lundi 3 juin 2013
Mandat d'arrêt européen : La CJUE répond à la question préjudicielle posée par le Conseil constitutionnel
La procédure d'urgence
Sur le plan procédural, les autorités britanniques sollicitent ainsi une extension du mandat d'arrêt à d'autres poursuites, pour d'autres infractions. Une telle procédure est autorisée par l'article 27 de la décision-cadre du 13 juin 2002. Elle suppose néanmoins le consentement de l'Etat requis, en l'espèce les autorités françaises. Mettant en oeuvre cette décision-cadre, l'article L 695-46 al. 4 du code de procédure pénale (cpp) énonce que la Chambre de l'instruction se prononce sur ce consentement et "statue sans recours (...), dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande".
Absence de recours
C'est précisément cette absence de recours que conteste le requérant, auteur de la QPC. Il y voit une atteinte au droit au procès équitable et à l'égalité devant la loi, dès lors que l'absence de recours en cassation entrave l'unité d'interprétation des textes.
Il faut bien reconnaîtte que Jeremy F. n'est pas sans arguments de fond. En effet, le mandat d'arrêt européen impose la règle de la double incrimination, qui signifie simplement que le comportement reproché à l'intéressé doit être illicite dans les deux pays, le demandeur et le requis. Or, la majorité sexuelle, c'est à dire l'âge auquel un mineur peut entretenir des relations sexuelles avec un adulte, est fixée à quinze ans en France et à seize en Grande Bretagne. Cette différence d'une année a des conséquences considérables, puisque la jeune fille séduite par son professeur de maths a précisément quinze ans et demi. L'article L 695-23 cpp énonce cependant que le contrôle de la double incrimination peut être écarté lorsque les agissements incriminés concernent "l'exploitation sexuelle des enfants et la pornographie infantile". Jeremy F. estime, quant à lui, que son cas ne concerne pas la pornographie infantile, et que le contrôle de la double incrimination doit conduire à exclure l'extension du mandat d'arrêt à une infraction dont il n'est pas coupable, en droit français. Il lui semble donc naturel de pouvoir contester devant le juge français l'extension du mandat d'arrêt européen qui le concerne.
La Polka des menottes. Raoul André. 1956 |
Les deux interprétations successives
Pour répondre à la QPC, le Conseil constitutionnel doit interpréter l'article 88-2 de la Constitution qui habilite le législateur à fixer "les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne". Autrement dit, le législateur applique les règles fixées par la décision-cadre du 13 juin 2002 de l'Union européenne, mais sur une habilitation donnée par l'article 88-2 de la Constitution. L'article 88-2 permet ainsi de couvrir les cas d'inconstitutionnalité ouverts par le droit de l'Union.
Mais pour interpréter l'article 88-2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel doit, au préalable, obtenir une interprétation authentique de l'article 27 de la décision cadre de l'Union européenne. Celui-ci ne prévoit pas expressément l'interdiction du recours en matière d'extension du mandat d'arrêt européen. Il se borne à imposer aux autorités de l'Etat requis de statuer dans un délai de trente jours après réception de la demande d'extension. Ces dispositions interdisent-elles tout recours qui empêcherait que la décision soit acquise dans un délai de trente jours ou imposent-elle seulement qu'une décision soit prise dans ce délai, sans interdire un éventuel recours ultérieur ?
Un recours laissé à la compétence des Etats
La CJUE, dans sa réponse, observe que la décision-cadre est tout simplement muette sur la question du recours : "la décision-cadre ne réglemente pas la possibilité pour les Etats membres de prévoir un recours juridictionnel suspensif" contre les décisions concernant le mandat d'arrêt européen. De ce silence, la Cour déduit logiquement qu'"une telle absence de réglementation ne signifie pas que la décision-cadre empêche les Etats de prévoir de prévoir un tel recours ou leur impose de l'instituer". Les Etats demeurent donc totalement libres d'organiser, ou non, un recours, selon les exigences de leur système juridique. La seule condition est, recours ou non, que la décision d'extension du mandat d'arrêt intervienne dans les délais fixés par la décision-cadre, c'est à dire dans les trente jours, délai extrêmement bref.
Dans ces conditions, on ne voit pas ce qui pourrait faire obstacle à l'examen, par le Conseil constitutionnel, de la conformité de l'article L 695-46-4 cpp aux principes constitutionnels que sont le droit au juste procès ou l'égalité devant la loi. On ne voit pas davantage sur quel fondement le Conseil pourrait déclarer qu'une décision dépourvue de tout recours est conforme à la Constitution. Pour avoir la réponse définitive, il est cependant indispensable d'attendre la décision du Conseil constitutionnel.
mercredi 29 mai 2013
Supplément au mariage pour tous : la citation du jour
Hyacinthe Rigaud. Portrait de Jean de la Fontaine 1690 |
Jean de La Fontaine, Fable XX
LA DISCORDE
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme,
On la fit déloger des Cieux.
Chez l'Animal qu'on appelle Homme
On la reçut à bras ouverts,
Elle et Que-si-que-non, son frère,
Avecque Tien-et-mien son père.
Elle nous fit l'honneur en ce bas Univers
De préférer notre Hémisphère
A celui des mortels qui nous sont opposés ;
Gens grossiers, peu civilisés,
Et qui, se mariant sans Prêtre et sans Notaire,
De la Discorde n'ont que faire.
Pour la faire trouver aux lieux où le besoin
Demandait qu'elle fût présente,
La Renommée avait le soin
De l'avertir ; et l'autre diligente
Courait vite aux débats et prévenait la Paix,
Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l'on ne lui trouvait jamais
De demeure fixe et certaine.
Bien souvent l'on perdait à la chercher sa peine.
Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté,
Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles
L'envoyer à jour arrêté.
Comme il n'était alors aucun Couvent de Filles,
On y trouva difficulté.
L'Auberge enfin de l'Hyménée
Lui fut pour maison assignée.
Henri Rousseau. La guerre. 1894 |
La vie privée du simple quidam n'est pas un roman
L'écrivain n'a pas hésité à raconter l'histoire de ce couple, mais aussi et surtout celle d'Elise Bigoit, dans son roman "Les Petits". La présentation de l'éditeur affirme que "l'auteur dévoile le côté sombre de la puissance féminine et l'utilisation par certaines femmes d'un pouvoir maternel tentaculaire". Certes, Elise Bidoit y est présentée sous le pseudonyme d'Hélène, mais tous les détails de sa vie sont présentés dans le livre et relatés sans complaisance particulière.
Le caractère fictionnel de l'oeuvre
En l'espèce, le juge observe que "les liens des personnages du livre avec la réalité de la vie d'Elise Bidoit sont particulièrement forts, étroits et insistants. Qu'à l'évidence, ces personnages, et notamment celui d'Hélène, sont loin d'être des ‘êtres de papier’ pour reprendre la formule de Paul Valéry; qu'en effet, dans ce livre, la réalité de la vie de la demanderesse est reproduite tant dans les détails banals que dans des aspects les plus intimes". Le caractère non fictionnel de l'oeuvre est donc déduit de l'accumulation des détails sur la vie privée de la plaignante et surtout sur son histoire la plus intime, celle de sa vie conjugale. Dans l'affaire qui opposait Patrick Poivre d'Arvor à son ancienne compagne, le TGI de Paris, statuant le 11 septembre 2011, s'est ainsi fondé sur "l'excessive ressemblance" du personnage avec la plaignante et sur la citation servile des lettres envoyées à l'auteur et réutilisées par lui à des fins "romanesques".
Il est vrai que les juges font preuve de prudence dans cette appréciation de l'oeuvre. La Cour européenne, dans une décision du 25 janvier 2007 Vereinigung Bildender Künstler c. Autriche, énonce que les juges doivent "examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d'un artiste". Mais cette ingérence doit néanmoins être sanctionnée lorsque l'artiste décide de quitter l'univers de la fiction.
Notoriété temporaire du simple quidam
Les avocats de Christine Angot soutenaient cependant le juge que l'identification de la plaignante était de son fait. N'avait-elle pas donné une interview au Nouvel Obs sur cette affaire, se plaignant du préjudice dont elle était victime ? L'argument ne manque pas de cynisme, car il revient à affirmer qu'elle n'aurait pas le droit de se plaindre publiquement d'une atteinte à sa vie privée, alors même que cette dernière a été livrée au public. Le juge ne s'y est pas trompé, et a réfuté l'argument avec une certaine sécheresse : "Un tel raisonnement allant jusqu'à dénier à la plaignante une quelconque vie sociale, voire l'existence même d'un environnement humain, ne peut à l'évidence être suivi par le tribunal".
dimanche 26 mai 2013
Le statut de témoin assisté, un état précaire qui ne présage rien de bon
Les bonnes causes. Christian-Jaque 1963 Marina Vlady le témoin, André Bourvil le juge d'instruction, Pierre Brasseur l'avocat |
La mise d'une personne sous statut de témoin assisté est conditionnée par l'existence d"'indices laissant penser" qu'elle a pu participer à la commission d'une infraction, comme auteur ou complice. La différence est finalement assez ténue, sur ce plan, avec la mise en examen qui s'appuie sur l'existence d'"indices graves, précis et concordants", rendant vraisemblable la participation de l'intéressé aux infractions constatées (art. 80 al. 1 cpp.). Entre les "indices rendant vraisemblable" et les "indices graves précis et concordants", le choix entre le statut de témoin assisté et la mise en examen repose finalement sur le pouvoir discrétionnaire du juge chargé de l'instruction. La plupart des commentateurs de la loi de 2000 observent d'ailleurs que le statut de témoin assisté peut parfaitement être accordé à quelqu'un contre lequel il existe des indices, et même des indices graves et concordants. Les critères du choix demeurent à la discrétion du juge, et, parmi ces critères, rien ne lui interdit de tenir compte de la notoriété de la personne concernée, tant il est vrai que la présomption d'innocence est beaucoup plus difficile à protéger lorsque l'intéressé est placé sous les yeux des médias.
Un statut changeant
Ce pouvoir d'appréciation est parfaitement conforme au droit pénal qui fait reposer l'instruction sur l'intime conviction du juge qui en est chargé. C'est si vrai qu'il peut décider le passage du statut de témoin assisté à celui de mis en examen, sous la seule condition d'informer l'intéressé de son intention et de le mettre en mesure de présenter ses observations. La Cour de cassation, dans une décision du 29 mars 2006 a d'ailleurs précisé que, pour procéder à ce changement de statut, le juge n'a pas besoin de réunir des éléments nouveaux. Cette mise en examen d'un témoin assisté peut intervenir à tout moment de l'instruction, la seule condition étant qu'il existe effectivement des "indices graves, précis et concordants" de participation à la commission de l'infraction. Peu importe même qu'aucun acte d'instruction n'ait été réalisé entre l'audition de l'intéressé en sa qualité de témoin assisté et sa mise en examen (Crim. 13 septembre 2011). Rien n'interdit au juge de procéder en deux temps pour les personnes ayant une notoriété particulière, dans le seul but d'atténuer quelque peu l'acharnement des médias.
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Après la mésaventure de M. Sarkozy, les amis de Christine Lagarde devraient sans doute faire preuve d'un peu de prudence. Car le statut de témoin assisté est, comme la santé pour le professeur Louis-Hubert Farabeuf, un "état précaire qui ne présage rien de bon".
vendredi 24 mai 2013
La révision d'un procès pénal : Le crime était presque parfait
Le faux coupable. Alfred Hitchcock. 1956 |