La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
La liberté de la presse
L'Eglise serait-elle plus tolérante à l'égard des libertés de l'homme en société, par exemple la liberté de la presse ? Après la Révolution de 1830, largement suscitée par la suspension de cette liberté, l'Eglise s'est penchée gravement sur la question. Dans une encyclique Mirari Vos du 15 août 1832, le Pape Grégoire XVI considère que le libéralisme est à l'origine des maux de l'Eglise, position qui révèle une large ouverture d'esprit. Quant à la malheureuse liberté de presse, elle est qualifiée de "liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur". Inutile d'ajouter qu'il faut aussi proscrire les " mauvais livres". Dès 1766, dans une analyse très personnelle de la philosophie des Lumières, Clément XIII publiait une lettre encyclique, affirmant qu'"il faut combattre avec courage (...) et exterminer de toutes ses forces le fléau de tant de livres funestes ; jamais on ne fera disparaître la matière de l'erreur, si les criminels éléments de la corruption ne périssent consumés par les flammes". Cette fois, c'est l'autodafé qui est légitimé, dès lors que la circulation des idées est, en soi, une hérésie.
Pedro Berruguete. Scène de la vie de Saint Dominique : autodafe de livres hérétiques. circa 1480 |
Le Syllabus, résumé des positions de l'Eglise
D'une façon générale, les positions de l'Eglise du XIXè siècle sont parfaitement résumées dans le célèbre Syllabus de 1864, publié par Pie IX, et dont on doit conseiller la lecture à tous les amis de la liberté. L'objet du texte est de dresser la liste "des principales erreurs de notre temps". Parmi celles-ci figurent évidemment des idéologies comme le socialisme ou le communisme, mais aussi le fait de refuser la soumission des lois civiles à l'autorité ecclésiastique, le refus du catholicisme comme religion d'Etat et, bien entendu, le refus d'admettre la supériorité du Pape sur l'Eglise nationale. Le Syllabus est donc, avant tout, l'affirmation de la doctrine ultramontaine.
Bien sûr, on objectera que ces exemples sont anciens, et que l'Eglise d'aujourd'hui a évolué vers davantage de libéralisme. N'a-t-elle pas fini par accepter la notion de droits de l'homme en 1963, avec l'encyclique "Pacem in Terris" de Jean XXIII qui se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'homme ? La notion de "droits de l'homme" a donc mis à peine deux siècles à s'implanter dans l'Eglise catholique.
La famille chrétienne
Aujourd'hui, les combats se sont déplacés vers les droits de la vie privée, car l'Eglise s'intéresse, avant tout, à notre vie conjugale, voire à notre vie sexuelle. Nul n'ignore que le divorce n'est toujours pas admis, dès lors que le mariage est un sacrement, un lien indissoluble qu'aucune loi civile ne peut dénouer. L'encyclique de Pie XI Casti Connubii, de 1930, affirme ainsi que "l'inébranlable indissolubilité conjugale est une source abondante d'honnêteté et de morale" reprenant sur ce point la doctrine énoncée par le Syllabus. Rien n'a changé depuis cette date, et l'exhortation apostolique de Jean Paul II, publiée en 1981, sans réellement excommunier les divorcés remariés, leur refuse toujours l'Eucharistie. Ils ne sont pas seuls dans leur cas, puisque les couples vivant sous le régime du PACS encourent la même sanction. Vivre dans le PACS, c'est vivre dans le péché.
On pourrait multiplier les exemples. Dans le domaine de la contraception, le cathéchisme de 2005 qui trouve son origine dans l'Encyclique Humanae Vitae de Paul VI (1968) n'autorise que "la continence périodique, les méthodes de régulation naturelles des naissances fondées sur l'auto-observation et le recours aux périodes infécondes". Seules ces méthodes, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles sont modérément fiables, sont conformes "aux critères objectifs de la moralité". La pilule est donc immorale. Il en est de même de l'IVG, dont l'Encyclique Evangelium Vitae, publiée par Jean Paul II en 1995, rappelle la condamnation. A ses yeux, le drame réside dans le fait que "ces attentats concernant la vie naissante (...) tendent à perdre, dans la conscience collective, leur caractère de "crime" et à prendre paradoxalement celui de "droit". Pour l'Eglise, l'avortement demeure un crime, et on se souvient qu'en 2009, très récemment, l'archevêque de Recife (Brésil) a excommunié la mère d'une fillette de neuf ans qui avait subi une IVG alors qu'elle était enceinte, à la suite d'un viol.
Le combat engagé par l'Eglise contre le mariage homosexuel n'est donc que le dernier épisode d'une lutte retardataire permanente. Après s'être opposée aux droits de l'homme, à la République, à la contraception, à l'IVG, au divorce et au PACS, l'Eglise s'oppose donc, logiquement, au mariage des homosexuels. Et tant pis pour les catholiques homosexuels, car il y en a de nombreux, qui doivent se sentir bien isolés dans leur foi, à l'écart de la communauté. Tant pis aussi pour les croyants, membres du Clergé ou laïcs, qui veulent vivre leur religion autrement, dans la tolérance et l'ouverture aux autres. En tout cas, on peut au moins louer l'institution religieuse qui sait faire preuve de rigueur et de persévérance. L'Eglise devrait pourtant se souvenir du mot de Victor Hugo : "La réaction est le nom politique de l'agonie".