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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mercredi 18 juillet 2012
Le harcèlement moral échappe à la QPC
dimanche 15 juillet 2012
QPC : Mariage et acquisition de la nationalité
Durée du lien matrimonial
La loi exige désormais une communauté de vie effective, une durée de stabilité du lien matrimonial, à l'issue de laquelle le conjoint étranger peut décider, par déclaration, d'acquérir la nationalité. Cette durée est passée de une année en 1998 à deux en 2003, pour finalement atteindre quatre ans en 2006, voire cinq lorsque les époux n'ont pas résidé durablement en France depuis le mariage (art. 21-2 c.civ.). Le procureur de la république peut cependant refuser l'enregistrement de cette déclaration, lorsqu'il constate notamment une absence de communauté de vie qui laisse présumer un "cas de mensonge ou de fraude" (art. 26-4 c. civ.).
Dans une décision du 30 mars 2012, M. Omar S., le Conseil avait déclaré constitutionnelle la rédaction de l'article 21-2 du code civil issue de la loi du 26 mars 1998, imposant un délai d'une année avant la déclaration de nationalité. A l'époque, le recours portait essentiellement sur l'exercice des droits de la défense, dès lors que la procédure prévoit une présomption de fraude lorsque la communauté de vie a cessé durant le délai imposé. Dans l'affaire Saïd K. du 13 juillet 2012, la QPC porte cette fois sur la rédaction issue de la loi 26 novembre 2003 allongeant la durée de stabilité du lien matrimonial à deux années. Le requérant s'appuie alors sur la violation de sa vie privée et familiale, mais le Conseil fait observer, d'ailleurs très justement, que le fait de ne pas disposer de la nationalité française n'a aucune conséquence sur la vie privée ou familiale de la personne.
Jan Van Eick. 1380-1441. Le mariage de Giovanni Arnolfini |
La communauté de vie entre époux
L'article 215 du code civil, applicable à tous les mariages, énonce que "les époux s'engagent mutuellement à une communauté de vie". La loi du 26 décembre 2003, celle qui précisément est contestée, exige en outre, lorsque l'un des époux veut acquérir la nationalité française, que cette communauté soit "affective". A cet égard, la loi se montre, du moins en apparence, plus rigoureuse pour ces conjoints.
Ce caractère "affectif" manque cependant de clarté, d'autant que le droit positif, peu ouvert au romantisme, n'impose pas à ceux qui contractent mariage de s'aimer. Il tient d'ailleurs compte du fait que certains couples peuvent avoir deux domiciles distincts, par exemple pour des motifs professionnels, sans que cette séparation géographique porte atteinte à la communauté de vie (art. 108. c. civ.).
"Misérable est l'amour qui se laisserait mesurer"
Cette nécessité d'une communauté de vie "affective" dans le cas d'une acquisition de la nationalité a finalement été entendue de manière étroite par les juges du fond. Se refusant à entrer dans l'intimité des sentiments, ils s'inspirent de la célèbre formule de Shakespeare, dans Antoine et Cléopâtre : "Misérable est l'amour qui se laisserait mesurer". Ils se bornent à prendre acte de l'effectivité de la communauté de vie, reprenant finalement les dispositions de l'article 215 du code civil.
C'est également la position du Conseil constitutionnel, qui estime que cette nouvelle rédaction, n'emporte aucune violation de la vie privée et familiale. Il reprend ainsi sa jurisprudence de mars 2012, et considère que l'allongement de la durée de stabilité matrimonial exigée pour obtenir la nationalité, n'empêche pas les conjoints de mener une vie privée et familiale normale. Il rappelle cependant que la loi doit prévoir avec précision le délai durant lequel le procureur peut contester la déclaration d'acquisition de la nationalité, afin que les conjoints ne soient pas placés dans une situation d'insécurité juridique pendant une trop longue durée.
L'immobilisme même de cette jurisprudence révèle la volonté du Conseil de laisser le législateur jouer pleinement son rôle dans la lutte contre les mariages blancs, y compris en adoptant des dispositions rigoureuses pour les couples concernés. Il appartient donc au législateur, s'il le souhaite, d'alléger ces conditions d'acquisition de la nationalité, notamment lorsque le désir d'intégration du conjoint étranger ne fait aucun doute.
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