Deux décrets successifs
La Convention de l'OIT
Le Conseil d'Etat considère que ces dispositions autorisent précisément des dérogations, dès lors que la règle du repos hebdomadaire demeure en vigueur et que le gouvernement fixe avec précision la liste des dérogations. Les syndicats, et leurs avocats, semblent très attachés à cette convention de l'OIT qu'ils invoquent systématiquement dans tous les contentieux liés au repos hebdomadaires. Dans son arrêt CFTC du 2 décembre 2011, le Conseil d'Etat avait déjà conclu que les dérogations établies par le droit français étaient parfaitement conformes à la Convention de l'OIT.
Les "besoins du public"
C'est donc dans le second moyen que réside l'intérêt de la décision du 24 février 2015. Il s'agit en fait d'interpréter l'article L 3132-12 c.trav. qui autorise l'ouverture le dimanche lorsqu'elle est imposée par les "contraintes de la production", celles de "l'activité" ou encore lorsqu'elle répond aux "besoins du public". Les responsables des magasins de bricolage ne peuvent pas invoquer les "contraintes de la production" qui concernent par exemple les industries extractives ou celles de "l'activité" qui visent à la fois les réparations urgentes et les entreprises de pompes funèbres. Ils estiment en revanche que le bricolage du dimanche "répond au besoin du public".
Le Conseil d'Etat s'interroge donc avec gravité sur cette question. Il estime que le décret répond aux besoins "d'un grand nombre de personnes pratiquant, plus particulièrement le dimanche, le bricolage comme une activité de loisir, dont la nature implique de pouvoir procéder le jour même aux achats de fournitures nécessaires ou manquantes". Le bricolage est donc juridiquement qualifié comme une activité du dimanche, au même titre que le restaurant ou la visite des parcs d'attraction, deux types d'entreprises figurant également dans la liste de l'article R 3132-5 c. trav.
Un dictionnaire des idées reçues
La solution est placée sous le sceau du bon sens, et il est évident que l'ouverture des magasins de bricolage répond au "besoin du public" au sens du code du travail. Il n'en demeure pas moins qu'il est un peu surprenant que l'interprétation de ces besoins repose tout entière sur l'interprétation du Conseil d'Etat.Si le bricolage est une activité dominicale qui justifie l'ouverture des magasins spécialisés dans ce domaine, ce n'est tout de même pas l'unique occupation des Français le dimanche. Certains déploient leurs talents culinaires pour préparer le repas de famille, et il ne fait aucun doute qu'ils aimeraient que les supermarchés soient ouverts. D'autres font de la peinture sur soie ou du macramé et espèrent pouvoir se rendre dans une mercerie.. D'autres enfin ne font rien du tout, et aimeraient se livrer aux joies du shopping. Dans tous les cas, la jurisprudence repose sur l'appréciation par le Conseil d'Etat des activités dominicales des Français. Cette jurisprudence ne risque-t-elle pas, à terme, de se transformer en véritable dictionnaire des idées reçues ?
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