Le plaider-coupable, avantages et inconvénients
"Les Ripoux"
"Ripoux contre Ripoux"
Les conditions du plaider-coupable
En soi, une telle procédure n'est pas illicite et la Cour a eu à juger plusieurs affaires de plaider-coupable sans qu'elle voit dans cette procédure une atteinte directe au droit au procès équitable. Tel est le cas, par exemple, dans l'arrêt Slavcho Kostov c. Bulgarie du 27 novembre 2008. Encore faut-il que cette procédure réponde à deux conditions, clairement formulées par la Cour. D'une part, l'intéressé doit accepter le principe du plaider-coupable sur la base d'un consentement éclairé. Il doit donc être parfaitement informé des faits qui lui sont reprochés et des conséquences du plaider-coupable. D'autre part, l'accord européenne doit être homologué par un juge qui apprécie à la fois sa procédure et son contenu.
En l'espèce, la Cour fait observer que le requérant était conseillé par deux avocats et qu'il a pris l'initiative de solliciter un plaider-coupable. A plusieurs reprises ensuite, et notamment devant le juge chargé d'homologuer l'accord, il a affirmé qu'il était d'accord et ne subissait aucune pression. Enfin, dès lors que la peine ne peut être prononcée qu'avec le consentement du prévenu, il n'est pas anormal que la décision d'homologation ne puisse faire l'obet d'un appel. Aux yeux de la Cour, consentir à un plaider-coupable revient à renoncer au droit d'appel. Selon une jurisprudence constante, rappelée dans l'arrêt Krombach c. France du 13 février 2001, les Etats conservent d'ailleurs une grande latitude dans l'organisation concrète du double degré de juridiction.
Ces conditions une fois posées, la Cour admet l'application du plaider-coupable par les juges géorgiens. Mais c'est aussi la conformité à la Convention européenne des droits de l'homme de cette procédure qui est ainsi consacrée.
Le droit français et la loi Perben II
La décision n'est certainement pas sans conséquence pour le droit français. Le plaider-coupable a été introduit dans notre système juridique sous nom de "comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité" par la loi du 9 mars 2004, la même année qu'en Géorgie. Dix ans après, même si les critiques se sont atténuées, la méfiance à l'égard de cette procédure demeure réelle, tant il est vrai qu'elle semble privilégier la rapidité de la justice au détriment de la défense et du droit d'être jugé dans la sérénité.
Observons tout de même que le plaider-coupable à la française ne concerne pas toutes les infractions, même si la loi du 13 décembre 2011 en a étendu le champ. Exclue en matière criminelle, elle s'applique désormais à tous les délits, à l'exception des délits de presse, des homicides involontaires (art. 495-7 cpp), des atteintes à l'intégrité des personnes et des agressions sexuelles punies d'une peine supérieures à cinq d'emprisonnement.
La procédure suivie en France est à l'évidence conforme aux exigences posées par la Cour européenne. En effet, l'intéressé demande lui même le bénéficie de cette procédure, dans une pièce écrite où figure également sa reconnaissance de culpabilité. Dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs exigé que l'intéressé reconnaisse "librement et sincèrement" être l'auteur des faits, ce qui signifie que les juges sont fondés à vérifier le caractère éclairé de son consentement. La proposition de peine formulée par le procureur, et acceptée par l'intéressé, est ensuite homologuée par un juge du siège dans une audience publique. Cette décision peut être frappée d'appel, mais la cour d'appel ne peut prononcée une peine plus élevée que celle approuvée par le juge de l'homologation.
Un instrument de rigueur budgétaire
Le droit français est donc plus protecteur que le droit géorgien, précisément dans la mesure où il autorise l'appel, y compris à l'initiative de la victime. Doit-on en déduire que le plaider-coupable est désormais une procédure incontestable et parfaitement intégrée dans notre droit ? A dire vrai, on n'en sait rien, car il n'existe guère de bilan, après dix années de mise en oeuvre. Certes, le plaider-coupable est désormais très utilisé, mais on peut s'interroger sur les raisons de son succès. S'agit-il de rendre une justice de proximité permettant au coupable de mieux prendre conscience de la faute commise ? S'agit-il de mettre en place une forme de taylorisme de la justice permettant de gérer une délinquance qui s'accroit ? S'agit-il plus prosaïquement de faire des économies en évitant autant que possible de coûteux procès devant le tribunal correctionnel ? Sur ce point, le plaider coupable apparaît d'abord comme une tentative pour concilier bonne administration de la justice et rigueur budgétaire.
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