« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 21 décembre 2012

La complainte des filles de joie : le racolage passif

A l'occasion de la remise du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), "Prostitutions, les enjeux sanitaires", le ministre chargé des droits des femmes, Najat Vallaut-Belkacem, a affirmé que le délit de racolage passif était "fortement préjudiciable" aux personnes qui se prostituent. 

Définition du racolage passif

L'article 225-10 al. 1 du code pénal a été introduit dans le droit positif par la loi sur la sécurité intérieure de 2003, à l'époque où Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur. Elle punit de deux mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende "le fait, par tout moyen, y compris une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération". Dans sa décision du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a estimé que ce délit est défini en termes suffisamment clairs et précis pour satisfaire au principe d'intelligibilité de la loi. On a connu le Conseil plus exigeant dans ce domaine, car cette '"attitude même passive", qui constitue le coeur de l'incrimination, peut donner lieu à des interprétations diverses. 

Les juges du fond se montrent particulièrement impressionniste et utilisent trois critères essentiels pour définir ce délit. Le premier est la tenue générale de la personne poursuivie. La Cour d'appel de Paris, dans une décision du 9 février 2005, mentionne ainsi que la prévenue a été interpellée, alors qu'elle était au volant d'un véhicule, "vêtue d'une nuisette non fermée et transparente, de couleur rose, laissant apparaître un body en dentelle". Le second est le lieu dans lequel l'interpellation a eu lieu. Le fait d'arborer une ombrelle multicolore pour attirer le client, dans une rue notoirement connue pour l'exercice de la prostitution est ainsi constitutif de racolage passif, aux yeux de la Cour d'appel d'Amiens, dans une décision du 30 mars 2005. Enfin, le dernier critère est celui de l'heure, car il y a manifestement une heure où les honnêtes femmes sont rentrées chez elles. Celle qui se tient à deux heures du matin dans les parties communes d'un immeuble connu pour être un lieu de prostitution commet le délit de racolage passif, d'autant qu'elle propose manifestement ses services aux passants (CA Toulouse, 15 février 2007). 

Georges Brassens. Concurrence déloyale

La Cour de cassation se montre beaucoup plus attentive au respect du principe d'interprétation stricte de la loi pénale et s'efforce d'imposer aux juges du fond une définition plus étroite. Dans une décision du 25 mai 2005, la Chambre criminelle énonce ainsi qu'une femme qui se trouve à minuit sur le bord d'un trottoir, légèrement vêtue, dans un quartier connu pour la prostitution, ne commet pas nécessairement le délit de racolage passif. Le juge de cassation rapproche finalement clairement le racolage passif du racolage actif, estimant que l'élément essentiel de l'incrimination est le contact avec le client, qu'il soit à l'initiative de la personne prostituée (racolage actif) ou à celle du client (racolage passif). Cette jurisprudence  illustre à tout le moins un malaise vis à vis d'un délit bien difficile à définir, tant dans l'élément matériel que dans l'élément moral de l'infraction.

Sur le plan contentieux, le délit de racolage passif a donc été d'une utilité pour le moins limitée, car il n'est utilisé que lorsque le dossier ne permet pas de prouver le racolage actif. 

Une prostitution clandestine

Sur un plan plus sociologique, ce délit a cependant des conséquences graves. A l'époque, il avait été voulu pour éloigner les prostitué(e)s trop visibles du centre des villes ou des parcs fréquentés par des enfants. Cet objectif a été rempli, au-delà des espérances, comme le montre le rapport de l'IGAS. Car la prostitution s'est effectivement déplacée, dans des quartiers périphériques, voire au milieu des bois, voire enfin sur internet. Dans tous les cas, ces espaces nouveaux de la prostitution sont difficilement contrôlables, et la sécurité des personnes qui s'y livrent ne peut pas être assurée. La prostitution devient, clandestine, ce qui rend également plus difficile les actions de prévention et de suivi sanitaire, notamment celles engagées par les associations actives dans ces domaines.

Présenté sous cet angle, le délit de racolage passif apparaît comme le pur produit d'une politique dont l'objet n'était pas lutter contre le proxénétisme ou le travail forcé, et pas davantage de garantir la sécurité à la fois physique et juridique de ceux et celles qui se livrent à la prostitution. Le seul objectif de la loi de 2003 était de cacher la prostitution, de la rendre invisible.

Pour le moment, on sait qu'une proposition de loi déposée au Sénat par Esther Benbassa et plusieurs sénateurs (EELV), visant à abroger le délit de racolage passif, a été retirée, car Najat Vallaut-Belkacem envisage un texte plus global sur la prostitution. Pourquoi pas ? Il conviendrait en effet  de remettre en cause un système juridique absurde qui considère les personnes prostituées comme des contribuables, mais pas comme des citoyens. La démarche abolitionniste est-elle pour autant une solution ? Certainement pas, car l'abolition de la prostitution ne se décrète pas, et une telle décision conduirait tout simplement à la déplacer dans des lieux encore plus obscurs, espaces clandestins où le seul droit applicable serait celui des proxénètes.



4 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. (Supprimé et re-posté après corrections parce que vraiment trop de coquilles)
    Le gouvernement se serait grandi en commençant par abolir tout de suite ce délit absurde et dangereux (par un texte d'un article et d'une ligne). Absurde : comme vous le montrez. Dangereux : par ses conséquences sur la santé et la sécurité des personnes, mais aussi parce que la technique de la loi pénale qu'on n'appliquera qu’"en cas de besoin", me paraît dangereuse par elle-même. Elle était typiquement appliquée par les régimes soviétiques : si t'es pas sage, on t'appliquera la loi.

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  3. POUR RETABLIR UNE VERITE


    Gnouf. Je Me porte bien. Didonque, Meuf : Avis aux Happy Few.

    J'en ai dit assez, Je pense, en disant Mon Nom.

    L'Elan n'est pas une fille de joie. Son racolage n'est ni actif ni passif. Pas comme l'usurpateur, le simulacre qui prétend prendre Son identité sur "Twitter". Cébienkomçakondit, Meuf , « Twitter »? Gnouf ! L'Elan n'est pas non plus du Mans. Les rillettes, pouah ! L'écorce de bouleau est Son ordinaire. Dissipez les confusions

    Par cela même kIlé, l'Elan est toujours tout cekIldoitêtre. D'où il suit que l'Elan est, et que le Non Elan n'est pas. Dunque, le prétendu "Nouvel Elan" de « Twitter » n'est qu'un faussaire. Seuls peuvent se laisser abuser les esprits simples, qui ne sauraient être des Groupies de l'Elan. Konsledise !

    Car le Nouvel Elan a disposé des Bribes de Son Blog dès 2007, année électorale. Il a fait une Apparition. Les Happy Few pourront les retrouver bientôt, par exemple tout connaître de son vieux Pote Jules César et de ses innocentes plaisanteries. Ouiii, l’Elan autorisera la mise en ligne de quelques unes de Ses Archives. Konsledise !

    Ah, quand Jules est au violon et l’Elan à l’accordéon, faudrait avoir deux jambes de bois pour ne pas danser la polka, nom d’une Raquette ! Nostalgie ! Pour vous, pas pour Lui qui, éternel, immortel incréé, n’a jamais rien compris au temps, cette création de Godie.

    Le Nouvel Elan a préféré ensuite gagner le fond des mers, rentrer dans Sa bouteille et rejoindre son vieux Pote Saint Ex, qui avait enfin réalisé son rêve d’enfance : devenir sous-marinier. Ooooh, parfois la racontouze démange l’Elan, le crissement des crabes le lasse, alors Il émet un Gnouf sur le Blog de la Meuf, ce pur diamant. En le publiant, elle fait une action parfumée aux Nostrils de l’Elan Pantocrator et combien réconfortante pour les éphémères que vous êtes, comme disait Son vieux Pote Hérodote !

    En attendant, l'Elan, consolateur exclusif de l’humanité souffrante, S'adressera bientôt à la foule déchaînée, dès qu'un post de la Meuf en vaudra la peine. Gémissez, espérez !

    Pour l’opinion du Nouvel Elan sur l’Eglise et les libertés publiques :
    http://libertescheries.blogspot.fr/2012/11/leglise-et-les-libertes-publiques-ou.html

    Pour l’opinion du Nouvel Elan sur les corridas :
    http://libertescheries.blogspot.fr/2012/09/qpc-les-taureaux-victimes-dune-loi.html



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  4. Vous maniez la langue française avec brio, et je suis d'autant plus ravie que l'objet de l'article a été abrogé... Pour combien de temps ? A quel prix ?

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