« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


jeudi 5 mars 2015

Le port de signes religieux à l'Université : retour à l'analyse juridique

Dans une interview au "Talk" du Figaro, Pascale Boistard, secrétaire d'Etat chargée des droits des femmes, fait part de ses doutes sur le port du voile à l'Université. "Je n'y suis pas favorable", a-t-elle déclaré, ajoutant : "Je ne suis pas sure que le voile fasse partie de l'enseignement supérieur". Elle ne propose cependant de légiférer, affirmant que "c'est aussi aux présidents d'Université de dialoguer avec les étudiantes". La déclaration ne manque pas de courage, si l'on considère que la question fait partie de celles que les gouvernements successifs s'abstiennent de traiter. La prétendue autonomie des Universités est finalement bien commode pour laisser aux Présidents des Universités gérer une question qui relève de la loi.

Un clivage qui transcende les partis politiques


Les réactions à ces propos révèlent que le clivage est réel et transcende les mouvements politiques. L'UMP, tendance Nicolas Sarkozy, envisage aujourd'hui une proposition de la loi interdisant le port du voile dans les Universités. Il semble cependant que l'ensemble du mouvement ne soit pas d'accord sur une question qui n'a pas fait l'objet d'un débat interne. Du côté du gouvernement, les positions ne sont pas plus claires. Manuel Valls affirmait, en août 2013, que le rapport du Haut Conseil à l'intégration (HCI) préconisant l'interdiction était "digne d'intérêt". Ce rapport a pourtant entrainé la disparition immédiate du HCI. A la même époque, Geneviève Fioraso, alors ministre des Universités, déclarait que "le voile ne pose pas de problème à l'Université".

Du côté des Universités, les seuls propos publics sont ceux de Jean-Loup Salzman, président de la Conférence des présidents d'Université (CPU), déclarant à France-Inter : "La question ne devrait pas se poser (...) Je ne vois pas au nom de quoi on interdirait à des jeunes filles d'exprimer des convictions religieuses, y compris à l'Université".

Il est vrai que Jean-Loup Salzmann, Président de l'Université de Paris 13 Villetaneuse, est particulièrement au fait de cette question. D'une part, comme Président de Paris 13, il a mis fin récemment au contrat d'un enseignant vacataire. Celui-ci, constatant la présence à son cours d'une étudiante voilée, avait fait part aux étudiants de son hostilité au port de signes religieux dans l'espace public. D'autre part, un rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale relatif à l'IUT de Saint-Denis, rattaché à l'Université de Paris 13, montre que les responsables de l'Université avaient laissé s'installer dans l'établissement des associations faisant du prosélytisme musulman, pendant que le directeur de l'IUT était victime d'une agression, après des menaces de mort à caractère islamiste. Si l'on considère la situation de son Université, il ne fait guère de doute que Jean-Loup Salzmann est un ardent partisan de l'expression religieuse dans les services publics. Cette position reflète-t-elle celle de l'ensemble de la communauté universitaire ?


Plantu. Le Monde. 5 mars 2014


La reconstruction idéologique de loi de 1905


A l'appui de cette position, on trouve une interprétation, ou plutôt une déformation, de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat. Une analyse qui se revendique à la fois libérale et féministe affirme que la loi de 1905 se borne à garantir la liberté religieuse. Elle autoriserait donc toutes les manifestations religieuses, qu'elles aient lieu dans des espaces privés ou publics. L'analyse s'accompagne de la dénonciation d'une "nouvelle laïcité" liberticide qui interdit notamment aux femmes de porter le voile. Elle repose ainsi sur le présupposé selon lequel le port du voile n'est pas le signe de l'oppression des femmes mais un élément de leur liberté. La "nouvelle laïcité" reflète donc un "nouveau féminisme", qui ne dénonce pas l'oppression des femmes, mais leur droit d'être opprimées. Celles qui souffrent sous un voile imposé par les familles et les grands frères apprécieront sans doute ce soutien du mouvement féministe.

Quoi qu'il en soit, l'analyse repose sur une construction idéologique, car la loi de 1905 ne dit rien de tel. Son article premier énonce que "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes". La liberté de conscience relève de la liberté de pensée et concerne l'espace intime des convictions religieuses. Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé, dans sa décision rendue sur QPC le 18 octobre 2013 qu'elle a valeur constitutionnelle. Son fondement réside à la fois dans l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme que "nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses", et dans le Préambule de 1946 qui énonce que "nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances". Le cadre juridique de la liberté de conscience est donc celui de l'"opinion" et de la "croyance". On est bien éloigné de l'affirmation d'une appartenance religieuse par des signes extérieurs, vestimentaires ou autres.

Quant au "libre exercice des cultes", il est vrai qu'il s'agit là d'un droit de la vie collective, qui ne relève pas du for intérieur. L'article 1er de la loi de 1905 insiste sur ce "libre exercice", mais les interprètes audacieux de ce texte devraient peut être lire la loi jusqu'à son article 27 : "Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L 2212-2 du code général des collectivités locales". Cet article, bien connu, est relatif au pouvoir du police générale du maire, pouvoir qui autorise le maire à limiter l'exercice public du culte pour des motifs d'ordre public. Certes, nous sommes en 1905. A l'époque, la loi vise les processions et les sonneries de cloches, pas le port des signes religieux On doit tout de même en déduire que la liberté de conscience change de régime juridique lorsqu'elle devient liberté d'affirmation publique d'une religion. Elle doit alors se conformer aux règles édictées pour garantir l'ordre public.

Ne faisons pas dire à la loi de 1905 ce qu'elle ne dit pas, tout simplement parce qu'elle intervient à une époque où les préoccupations sont ailleurs. Ce texte fondateur n'autorise pas le port du voile à l'Université, pas plus d'ailleurs qu'il ne l'interdit. Il se borne, et c'est déjà essentiel, à affirmer que la liberté religieuse peut faire l'objet de restrictions liées à l'ordre public.

Laïcité et neutralité


C'est à ce stade qu'intervient la notion de laïcité. Certains font observer, et ils ont raison, qu'elle ne figure pas dans la loi de 1905. Cela n'a guère d'importance aujourd'hui, puisqu'elle est mentionnée à l'article 1er de notre Constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale". En France, la laïcité a valeur constitutionnelle et est étroitement liée au principe républicain.

Dans les services publics, la laïcité prend la forme de l'obligation de neutralité. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la neutralité n'impose pas seulement une contrainte purement négative, celle de n'afficher aucune préférence pour une religion. Elle impose aussi et surtout une obligation positive de ne pas manifester ses croyances religieuses. Ce devoir ne concerne pas seulement les fonctionnaires mais aussi tous ceux qui participent au service public de l'enseignement. Dans un avis du 3 mai 2000 Mlle Marteaux, le Conseil d'Etat affirme ainsi que "les principes de neutralité et de laïcité s'appliquent à l'ensemble des services publics et interdisent à tout agent, qu'il assure ou non des fonctions éducatives ou ayant un caractère pédagogique, d'exprimer ses croyances religieuses dans l'exercice de ses fonctions". Tous les personnels de l'Université sont donc soumis à cette obligation et peuvent être sanctionnés s'ils arborent des signes religieux apparents. C'est ainsi que le tribunal administratif de Toulouse a admis, en avril 2009, la légalité du licenciement d'une doctorante allocataire de recherche à l'Université Paul Sabatier qui refusait de retirer son voile. Salariée par l'Université, elle était soumise à l'obligation de neutralité.

Le cas des étudiants est évidemment un peu moins simple. On doit évidemment écarter l'argument repris dans les médias selon lequel les étudiantes des Universités ne seraient pas soumises à l'obligation de neutralité parce qu'elles sont majeures. Le respect de la laïcité serait-il donc réservé aux enfants ? En tout cas, le Conseil d'Etat a déjà confirmé, à plusieurs reprises, l'exclusion de lycéennes majeures portant le voile au lycée (par exemple : CAA Nancy, 24 mai 2006), ce qui détruit l'argument. La circulaire du 15 mars 2004 précise d'ailleurs que l'interdiction du port de signes religieux s'applique à tous les élèves des établissements secondaires, "y compris ceux qui sont dans des formations post-baccalauréat".

L'interdiction du port du voile à l'Université violerait-elle une disposition législative en vigueur ? Certains invoquent à ce propos l'article 50 de la loi du 26 janvier 1984. Mais celui-ci se borne à énoncer que les étudiants "disposent de la liberté d'information et d'expression à l'égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels". Le mot "religion" n'est même pas prononcé. Dans l'état actuel actuel du droit, aucune disposition n'autorise formellement le port de signes religieux par les étudiants.

Reste, il faut bien le reconnaître, qu'aucune disposition ne l'interdit formellement.

Le recherche d'un fondement juridique


La jurisprudence n'apporte pas de réponse plus claire. Là encore, les partisans du port de signes religieux invoquent l'arrêt du 26 juillet 1996 du Conseil d'Etat annulant l'interdiction de port de signes religieux décidée par  l'Université de Lille II. Mais la décision ne faisait que constater l'absence de fondement juridique de nature à garantir la légalité d'une telle décision. Elle intervenait, en outre, à une époque bien antérieure à la loi Pécresse du 10 août 2007. L'autonomie accordée par ce texte est largement cosmétique, mais elle touche tout de même l'organisation intérieure de l'établissement. Pourrait-on envisager que les organes délibérants d'une Université, réunissant enseignants, personnels administratifs et étudiants, adoptent un règlement intérieur interdisant le port de signes religieux ? La question mérite d'être posée, et un tel choix présenterait l'intérêt de tester la réalité de l'autonomie des Universités.

Il n'empêche qu'une telle solution risque de porter atteinte à l'égalité devant le service public. Les étudiants de telle université se verraient interdire le port de signes religieux, ceux de telle autre pourraient en porter librement. Cette rupture d'égalité pourrait, à terme, conduire à la constitution d'universités-ghettos dont l'existence même serait une atteinte à l'idée républicaine. La seule solution, pour disposer d'un fondement juridique solide, serait donc d'étendre à l'Université les dispositions de la loi du 15 mars 2004, aujourd'hui codifiée dans l'article L 141-5-1 du code de l'éducation. Il énonce en effet : "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". Un mot à ajouter et l'Université devient un sanctuaire à l'abri des querelles religieuse et des marques d'asservissement des femmes. Le parlement aura-t-il ce courage ?


11 commentaires:

  1. Le problème est que l'on voit toujours la question de l'islam sous l'angle de la liberté religieuse. Or, c'est moins une religion qu'une idéologie politique dont on ne peut contester le caractère totalitaire.

    Porter le voile est une forme de militance particulièrement agressive qui débute par le souci d'investir l'espace public en commençant par y introduire des références symboliques propres à cette idéologie. C'est une sorte de "colonisation" de l'intérieur.

    S'il ne s'agissait que de liberté des cultes le problème ne se poserait pas. Personne ne nie la liberté de conscience, celle de croire ou ne pas croire. Par contre, dès lors que l'on cherche à "manifester" sa religion par des accoutrements ou d'autres attitudes, cela devient suspect. Une religion n'a pas besoin d'être manifestée comme un étendard, cela n'a rien à voir avec la croyance.

    Et le droit est en porte-à-faux par rapport à cette réalité...

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    1. Si je vous comprends bien, dès lors que l'on est croyant, nous ne devons pas exprimer cette croyance en public. Qu'en est-il des autres éléments qui constituent notre conscience ?

      Autrement dit, au nom de quoi, d'un côté, une personne se verrait interdire d'exprimer son appartenance à une religion et, de l'autre, aurait le droit d'exprimer son appartenance, par exemple, à un parti politique ? En quoi les idées religieuses sont-elles plus dangereuses que les autres ?

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    2. Anonyme du 6 mars à 8h, Eclairez nous s'il vous plait de votre science et savoir, devrait-on également interdire les bonnes soeurs d'aller et venir dans la rue avec des "accoutrements suspects" ?

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    3. Relisez-moi attentivement et vous verrez que ce n'est pas ce que j'ai écrit...J'insiste tout particulièrement sur les deux premiers paragraphes...

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    4. Vous voulez dire que vous limitez votre argumentation à une seule religion, l'islam ?

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    5. Toute religion peut être concernée. Mais, à l'heure actuelle, l'introduction de symboles religieux dans l'espace public de la part de l'islam procède d'une intention qui va bien au-delà de la simple manifestation d'une appartenance religieuse.

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    6. Pour moi l’islam est au cœur de beaucoup d'attention c'est temps si.

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  2. Est-il possible de considérer que la loi du 11 octobre 2010 pourrait être un fondement à l'interdiction du voile intégral à l'université ?

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  3. Je souhaite fort que le Parlement ait ce courage. La soumission de la femme que matérialise le voile islamique est odieuse et plus celles qui le portent prétendent qu'il symbolise leur dévotion religieuse, plus on frémit d'horreur.

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  4. Selim Degirmenci29 mars 2015 à 22:47

    1/2

    Cher professeur,

    En tant que lecteur assidu et friand de votre blog, j’ai souhaité prendre le temps de vous livrer quelques réflexions sur le billet ci-dessus que je vous livre dans l’ordre du texte.

    *Vous parlez de « courage » concernant les déclarations de P. Boistard, je parlerai davantage d’ « audace » du point de vue des risques de restriction sur les libertés publiques que fait peser un tel projet d’interdiction. Pourquoi pas « courage » ? Car l’observation de la dernière décennie suffit à illustrer à quel point certains signes religieux - et en particulier un (le foulard islamique) - sont déclarés signes non grata dans différents espaces d’interaction sociale.
    cf. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1319134-.html

    *Sur le HCI, beaucoup de choses pourrait être dite : je me contenterai de vous soumettre ce texte du professeur Lochak sur les errements de cette autorité de conseil : http://www.gisti.org/spip.php?article2540

    *Sur la légitimité du HCI à se prononcer jusqu’en 2012-2013 sur les questions de laïcité et le traitement couplé « laïcité » et « immigration » qui a été ainsi promu : http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/26/mettons-en-avant-les-libertes-laiques_1635079_3232.html

    *Sur la position de J-L Salzmann, vous le savez déjà la CPU tient la même ligne de conduite (la liberté est la règle pour les étudiants-usagers du service public universitaire) depuis l’édiction de son guide laïcité au début des années 2000. Et J-L Salzmann ne fait que réaffirmer haut et fort ces mêmes principes en ne voulant pas succomber à un certain air du temps qui se veut de plus en plus prohibitif et discriminant.
    Concernant l’affaire de l’IUT de St-Denis, les faits semblent plus complexes et sont d’ailleurs très propices à toutes sortes d’instrumentalisation. Tout le monde en a parlé mais personne ne connait le contenu exact et définitif du rapport de l’ IGEN. Concernant les menaces à l’endroit du directeur de l’IUT en question, pourquoi devraient-elles justifier des restrictions concernant l’exercice par des étudiantes de leur liberté de conscience ? Si menace il y a, le droit pénal est là à cette fin et c’est d’ailleurs, sauf erreur, le président Salzmann notamment qui a déposé plainte contre les agissements délictuels en question.

    *Sur la reconstruction idéologique de la loi de 1905, je pense que celle-ci n’est pas dans le sens que vous pensez être… L’étude de cette loi qui est sans cesse invoquée mais que très rarement connue montre à quel point elle a visé la pacification de la société à travers le respect de la liberté de conscience (comprenant la liberté de religion ou d’autres options philosophiques ou spirituelles) et de l’égalité de traitement des citoyens. Pour arriver à ces 2 finalités, elle a eu recours aux principes de neutralité de la puissance publique et de séparation des Eglises et de l’Etat. La laïcité « faite loi » (Schrameck) à cette occasion est ainsi le résultat d’exigence tenant au pragmatisme et au libéralisme de grands hommes de loi à l’instar d’un Briand, d’un Jaurès ou encore d’un Pressensé. Je l’évoque rapidement ici : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1299302-.html

    *Sur le fait que le port du voile ou du foulard islamique est systématiquement réduit à un signe d’oppression et d’inégalité, je vous invite à lire les quelques lignes que j’ai pu écrire à ce sujet http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1319135-.html.

    Il n’est pas question d’occulter le fait que le foulard peut être imposée par coercition, mais faire de cette possibilité la seule clé de compréhension du port de ce vêtement par des femmes est une approche on ne peut plus réductrice et marquée de préjugés.

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  5. Selim Degirmenci29 mars 2015 à 22:47

    2/2

    *Je crois que la réduction de la liberté de conscience que vous faites aux seules « opinion » ou « croyance » est fortement contestable et ne correspond pas au droit positif tant national qu’international. En effet, la liberté de conscience comprend également la possibilité d’un exercice public des convictions sous réserve du respect de l’ordre public… Les exemples en sont pléthore ( les processions et les sonneries n’ont ainsi pas été interdites par la loi de 1905 mais réglementées, comme vous le relevez d’ailleurs). C’est un dévoiement de la laïcité qui a été opéré ces dernières années que de vouloir restreindre la manifestation de convictions religieuses à la paisible intimité des chaumières.

    *Sur la possibilité d’une interdiction à travers le règlement intérieur de l’Université de tous signes religieux, vous le savez, autonomie ou non, c’est un choix qui revient au législateur et uniquement à lui s’agissant de l’exercice de libertés fondamentales aux termes de l’article 34 de la Constitution.

    *Enfin, pourquoi voir dans une mesure d’interdiction générale du voile une mesure de « courage » pour le Parlement ? Cette volonté n’est-elle pas au contraire le signe d’une défiance, d’une incertitude sur notre volonté ou notre capacité de vivre-ensemble ? Quel est le message qui est ainsi envoyé à des pans entiers de la société qui se sentent déjà assez discriminés (faciès, adresse, origine, couleur, religion) et notamment à des femmes qui viennent justement à l’Université pour se construire un avenir autonome?
    A cet égard, je me permets de relater ces quelques lignes rédigées par un avocat, Nicolas Gardères, dans une tribune au Monde paru il y a quelques jours à ce sujet :

    « Je ne pense pas, en effet, que les jeunes femmes voilées sous contrainte patriarcale soient nombreuses à faire des études supérieures. Le droit d’aller à l’université, lieu de risque libertaire et de diffusion d’un savoir profane, paraît largement antithétique avec ce schéma. Or, c’est précisément parce que l’université est un lieu d’exercice extrêmement large, le plus large possible, des libertés individuelles que l’interdiction du port du voile y serait profondément scandaleuse » .


    Respectueusement,
    Selim Degirmenci

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