« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 31 août 2018

Le nouveau plan d'action contre le terrorisme : 32 actions, 3 questions


Dans un discours prononcé le 13 juillet à la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), le Premier ministre a dévoilé les grandes lignes du « Plan d’action contre le terrorisme » (PACT) qui succède au « Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme » (PART) mis en place il y a deux ans. Les acronymes évoluent avec l’analyse de la menace. Edouard Philippe constate que la perte de ses territoires par Daesch renforce le risque d’un terrorisme endogène, accru par le retour de certains combattants de la zone syro-irakienne. Cette menace diffuse est d’autant plus présente sur le territoire que la radicalisation violente se développe et que les moyens utilisés sont le plus souvent rudimentaires.

Le plan affiche « 32 actions destinées à renforcer nos dispositifs de lutte contre le terrorisme », mesures permanentes témoignant d’une politique publique à long terme. Ce processus était déjà engagé avec la loi du 30 octobre 2017 qui prononçait la sortie de l’état d’urgence mais intégrait dans le droit positif la plupart des mesures qui avaient marqué sa mise en oeuvre. Le terrorisme est donc désormais perçu comme un élément contextuel de notre société et de son système juridique. Si ces « 32 actions » n’ont pas toutes une portée juridique, certaines imposent cependant une adaptation du droit positif. Elles sont autant de têtes de chapitres qui devront ensuite être précisées de manière à former un ensemble cohérent. Il reste à espérer qu’un projet de loi permettra au parlement de se prononcer sur cette politique et d’en préciser l’articulation. Les mesures annoncées se situent sur trois plans, judiciaire, administratif, et sur celui des libertés publiques.


La création d’un Parquet national antiterroriste



L’annonce de la création du nouveau Parquet national anti-terroriste (PNAT) constitue l’innovation la plus médiatisée. Cette institution nouvelle est à l’évidence inspirée par le succès incontestable du Parquet national financier qui, depuis 2013, a su développer considérablement la lutte contre la corruption. Il n’empêche que la création du PNAT est une surprise, car beaucoup de magistrats doutaient de son efficacité, estimant que l’organisation actuelle qui rattache l’activité anti-terroriste aux compétences du procureur de Paris avait fait ses preuves. Retiré du projet de loi présenté le 20 avril par Nicole Belloubet, le PNAT reparaît aujourd’hui, après que le procureur Molins ait été nommé procureur général près la Cour de cassation. Pour apaiser les tensions, le premier ministre annonce que sa centralisation sera contrebalancée par la désignation de procureurs délégués anti-terroristes « au sein des parquets territoriaux les plus exposés ». La formulation peut surprendre, si l’on considère que des attentats sont susceptibles de se produire n’importe où et qu’il n’existe plus de zones non exposées à cette menace. Quoi qu’il en soit, un projet de loi devra préciser les compétences du PNAT et des moyens juridiques et humains dont il sera doté. 


La gouvernance de l’action contre le terrorisme



Le point qui suscite le plus d’interrogations est sans doute la question de la gouvernance de la lutte contre le terrorisme. Le premier ministre attribue en effet à la DGSI un rôle inédit « de chef de file opérationnel de la lutte anti-terroriste sur le territoire national ». Celle-ci ne manque pourtant pas de responsables. Le Coordonnateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, directement rattaché au Président de la République, a une mission générale d’orientation stratégique et de développement de la coopération internationale. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), rattaché au Premier ministre, exerce, quant à lui, une fonction interministérielle d’adaptation de la posture de protection à la menace. De toute évidence, l’actuel Exécutif préfère renforcer le ministère de l’intérieur, et le SGDSN n’est plus mentionné qu’à propos de son rôle d’élaboration des plans Pirate et Sentinelle. Quelle sera l’étendue de ce rôle de chef de file de la DGSI ? Ira-t-il jusqu’à lui permettre de revendiquer le contrôle de certains services, comme le pôle national de cryptanalyse et de décryptage, actuellement placé sous l’autorité du renseignement extérieur (DGSE) ? Pour le moment, on l’ignore, et nous l’ignorerons probablement toujours car ce type d’organisation relève de textes classifiés. 


 Plan d'action contre le terrorisme
 PowerPoint présenté par des membres des forces armées américaines 
au Général Mac Chrystal, à Kaboul, en 2010

 

Secret et libertés publiques



S’il y a un tissu conjonctif dans l’ensemble de ce dispositif, c’est le secret. Il n’est pas surprenant qu’une partie des actions du PACT soient couvertes par le secret défense, mais il est plus surprenant que le Premier ministre le reconnaisse publiquement. En effet, le secret s’étend juridiquement à sa propre existence, et il n’est pas fréquent que l’on communique sur des mesures confidentielles, dont, par hypothèse, on ne peut rien révéler.

Le PACT déroge quelque peu au droit commun, non pas en renforçant les recours des individus, mais en ouvrant la possibilité d’un secret partagé, permettant d’associer les élus locaux à la prévention du terrorisme. Des conventions conclues entre le préfet, le procureur et les maires devraient permettre l’échange d’informations à caractère confidentiel. Cette mesure répond évidemment à la demande des maires qui se plaignaient de ne pas être informés du nom des « fichés S » résidant sur le territoire de leur commune. On peut comprendre cette préoccupation, mais, en l’état actuel du droit, il est difficile de déroger aux règles du secret défense par une simple convention. Il sera donc nécessaire, soit de voter une loi permettant d’écarter au profit des élus les dispositions du code pénal qui font de la compromission du secret défense une infraction punie de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, soit d’habiliter secret défense tout ou partie des 36 000 maires de France.

Conformément au droit commun, le secret demeure opposable au juge et la protection des libertés dans ce domaine risque d’être limitée à ce qui existe déjà, c’est-à-dire les vérifications faites par les autorités indépendantes comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Lorsqu’une personne pense que ses données personnelles figurent dans un fichier de sécurité ou que ses communications sont interceptées dans un but de renseignement, elle peut saisir l’autorité compétente qui exigera d’éventuelles rectifications, mais , à l’issue de la procédure, lui dira seulement, et sans davantage de précision, …  que les vérifications utiles ont été faites.


Sur la lutte contre le terrorisme : Chapitres 2, 5 sect. 1 § 2, 8 sect. 4 § 2 du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.

mardi 28 août 2018

Baby Loup fait le buzz devant le Comité des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme, chargé de contrôler la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a adopté le 10 août 2018 des "constatations" selon lesquelles la salariée licenciée en 2008 par la crèche associative Baby Loup pour avoir refusé de retirer son voile durant ses fonctions avait été victime de discrimination (art. 26 du Pacte) et d'atteinte à sa liberté de manifester sa religion (art. 1! du Pacte). Immédiatement, tous les partisans d'une "laïcité inclusive", et notamment d'une liberté totale de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail se sont bruyamment réjouis. 

On a ainsi vu le rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, sans doute emporté par son enthousiasme, se féliciter sur Twitter d'une décision prise par une instance "judiciaire". Pour lui avoir fait remarquer que le Comité des droits de l'homme ne rendait pas de décisions juridictionnelles et ne pouvait donc pas être qualifié d'instance "judiciaire, l'auteur de ces lignes a été immédiatement bloquée par ce haut responsable de l'Observatoire, qui a tout de même retiré le tweet porteur d'un aussi gros contresens. Une telle attitude illustre parfaitement la manière dont cette instance perçoit le débat et la règle Audi Alteram Partem.

Quoi qu'il en soit, il convient de revenir sur cette affaire en des termes bien différents de ceux utilisés par les militants, c'est-à-dire en termes juridiques.


Pourquoi pas la Cour européenne des droits de l'homme ?

 


La première question qui se pose est alors la suivante : Pourquoi la plaignante a-t-elle choisi de saisir le Comité des droits de l'homme plutôt que la Cour européenne des droits de l'homme ? En effet, elle avait épuisé les voies de recours internes depuis l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 2014. Le licenciement avait alors été déclaré licite, car le principe de neutralité était imposé par le règlement intérieur de la crèche et justifié par les finalités poursuivies par l'établissement. La crèche Baby Loup se donnait en effet pour mission de travailler dans une ville marquée par la coexistence de multiples communautés, à la fois nationales et religieuses. La procédure logique aurait donc été de se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), en se fondant sur l'article 9 de la Convention européenne qui garantit, lui aussi, "la liberté de manifester sa religion ou ses convictions"

La réponse à la question est d'une grande simplicité : la requérante n'avait aucune chance de gagner devant la CEDH. Dans un arrêt SAS c. France du 1er juillet 2014, portant précisément sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, elle énonce ainsi que le législateur français est libre d'organiser la conciliation entre la liberté religieuse et l'exigence de laïcité selon des critères qui lui sont propres. Puis, dans une décision du 26 novembre 2015 Ebrahimian c. France, elle invoque clairement un "modèle français de laïcité" sur lequel elle refuse de se prononcer, estimant que les Etats doivent conserver une grande autonomie dans la détermination des conditions du "vivre ensemble". Devant la Cour, la requérante, et ceux qui la soutiennent, n'avaient donc aucune chance de succès.


Le Comité : un terrain encourageant



Le Comité des droits de l'homme constituait, à cet égard, un terrain plus encourageant. D'abord, il faut bien reconnaître que le Comité, initié par une instance universelle, comporte beaucoup de membres proches d'une conception anglo-saxonne qui ignore la laïcité et préfère se référer au sécularisme. Il ne s'agit plus de protéger l'Etat contre les ingérences des religions, mais de protéger les religions contre les ingérences de l'Etat. La conception française se trouve alors plus marginalisée qu'au sein d'une organisation strictement européenne comme le Conseil de l'Europe. 

D'une manière générale, on trouve aussi dans le Comité, des ressortissants d'Etats qui ignorent totalement l'idée même de séparation de la religion et de l'Etat. C'est ainsi que le membre mauritanien du Comité n'a sans doute pas fait directement état des réservées formulées au Pacte de 1966, selon lesquelles "Le Gouvernement mauritanien, tout en souscrivant aux dispositions énoncées à l'article 18 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, déclare que leur application se fera sans préjudice de la charia islamique […]". Quant au président du Comité, il est sans doute attaché à la réserve énoncée par son pays : "Les questions relatives à l'état des personnes sont régies en Israël par les lois religieuses des parties en cause".  Le Comité des droits de l'homme se trouve ainsi bien éloigné de la "laïcité à la française", pourtant reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme.

Sur le fond, toute la doctrine du Comité repose d'ailleurs sur une conception extensive du droit de manifester sa religion. Dans son observation générale n° 22, il énonce ainsi que "la liberté de manifester sa religion englobe le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs. (...) Le port d'un foulard couvrant la totalité ou une partie de la chevelure est une pratique habituelle pour nombre de femmes musulmanes qui le considèrent comme une partie intégrante de la manifestation de leur conviction religieuse". Des restrictions à ce port  ne peuvent être envisagées que si elles sont  "nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui". Dans ses "constatations" du 10 août 2018,  le Comité se réfère surtout aux "arguments de l'auteure" de la plainte, qui affirme que son choix de porter le voile ne constitue pas du prosélytisme et que les enfants de la crèche ne sont pas gênés par cet accessoire vestimentaire. Il y a donc atteinte à sa liberté religieuse, puisqu'elle le dit, et discrimination, puisqu'elle vit cette interdiction comme une stigmatisation.  A dire vrai, il n'y avait aucune chance que le Comité statue autrement, d'où l'intérêt de la procédure pour la plaignante.



Burqa Fashionista. Peter de Wit. 2010



Des "constatations" non juridictionnelles



L'inconvénient pour elle, et pour ceux qui la soutiennent, y compris Nicolas Cadène, est que ces "constatations" ne sauraient être assimilées à une décision de justice. Leur rôle est de "qualifier" une situation juridique au regard du Pacte sur les droits civils et politiques. Certains ont affirmé que le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) se serait référé, une fois, à la nature juridictionnelle des "constatations" du Comité. A dire vrai, nous n'avons pas trouvé trace d'une telle qualification, et lorsque le TPIY se réfère au Comité, c'est plutôt pour évoquer l'interprétation qu'il fait d'une disposition du Pacte. 

Quand bien même le TPIY aurait procédé à une telle qualification, cela ne signifie, en aucun cas, qu'elle aurait une quelconque validité en droit interne français. A tout requérant qui invoque des "constatations" du Comité, le Conseil d'Etat répond invariablement "qu'il y a lieu de relever que les constatations du comité des droits de l'homme, organe non juridictionnel institué par l'article 28 du Pacte international sur les droits civils et politiques, ne revêtent pas de caractère contraignant à l'égard de l'Etat auquel elles sont adressées" (CE, 5 mai 2006). La Cour de cassation adopte exactement la même formulation, par exemple dans un arrêt du 10 décembre 2015

Les constatations du Comité des droits de l'homme ne s'imposent donc pas à l'Etat mis en cause. L'ancienne salariée de la crèche Baby Loup risque une cruelle déception, car l'indemnisation réclamée par le Comité ne lui sera probablement jamais versée. Les autorités françaises peuvent, sur ce point, s'appuyer sur le droit de l'Union européenne. La Cour de justice de l'Union européenne a en effet défini, dans deux arrêts du 14 mars 2017, les conditions dans lesquelles une salariée qui refuse de retirer son voile peut faire l’objet d’un licenciement. Dans l’affaire Samira Achbita et autres c. G4S Secure Solutions N.V., elle valide le licenciement dès lors qu’il existe dans l’entreprise un règlement intérieur interdisant le port de signes religieux pour des motifs clairement identifiés. En revanche, dans la décision Asma Bougnaoui et Association de défense des droits de l'homme c. Micropole S.A., elle considère qu’un licenciement motivé par la seule exigence d’un client, en l’absence de règlement intérieur, viole la liberté religieuse. Le licenciement de la salariée de Baby Loup était donc parfaitement licite en droit français, conforté par la double jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne. 

Ce dernier sursaut de l'affaire Baby-Loup ne présente donc, finalement, qu'un intérêt juridique bien limité. Il révèle une certaine recherche du "buzz" qui laisse penser que la salariée de Baby Loup n'est pas une malheureuse femme isolée, mais bien davantage l'instrument d'une démarche de prosélytisme. Il témoigne aussi de la persévérance de ceux qui se battent contre le système français de laïcité, y compris au sein des instances les plus officielles ayant pour mission de garantir son respect. Il est vrai que lorsque l'on "observe" la laïcité, on n'a peut-être pas le temps d'observer la jurisprudence...



                                                          
Sur les fichiers de renseignement : Chapitre 8 section 5 § 3 B du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.


jeudi 23 août 2018

Les Invités de LLC : Serge Sur : Une grande incomprise : la séparation des pouvoirs

Liberté Libertés Chéries reproduit pour ses lecteurs un article publié dans Le Monde daté du 3 août 2018. 


Voici quelques jours, on a entendu auditionner des membres du cabinet de la présidence de la République par des commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat. On a même entendu un juriste médiatique, relayant des députés de la France insoumise, soutenir que le président de la République lui-même pourrait être auditionné par ces commissions dans une affaire qui, selon eux, met en cause la présidence de la République. Que ces députés, nostalgiques du procès de Louis VXI et qui souhaitent ouvertement le renversement du régime, soutiennent une telle hérésie ne saurait surprendre. Sous le régime d’assemblée qu’ils appellent de leurs vœux, la possibilité existerait sans doute. En revanche, dans le cadre des institutions de la Ve République, cette thèse oublie ou méprise la séparation des pouvoirs, dont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen nous rappelle depuis plus de deux siècles qu’elle est la condition d’un ordre constitutionnel.

Sans doute la séparation des pouvoirs est-elle difficile à comprendre, apparemment simple et plus complexe qu’il n’y paraît. Au fond, elle se décline en trois composantes : une indépendance organique des pouvoirs ; leur interdépendance fonctionnelle ; leur autonomie juridique. Indépendance organique, puisque les pouvoirs institués, parlement, président, gouvernement, autorité judiciaire procèdent de modes de désignation différentes et ont des statuts distincts, reconnus comme tels par la constitution. Les seuls qui émanent directement du suffrage universel direct et sont représentants par excellence de la nation sont le président de la République et l’Assemblée nationale. Les autres sont élus ou nommés sans cette onction légitime directe, et leurs liens avec le suffrage universel sont plus ou moins lointains. Le Sénat lui-même, élu au suffrage universel indirect et composante du Parlement, ne représente pas la nation mais, aux termes de l’article 24, « les collectivités territoriales de la République ». 



L’Assemblée et le Président sont donc les deux seuls pouvoirs qui procèdent du suffrage universel direct et à ce titre représentent directement la nation. Ils sont organiquement séparés. Le deuxième aspect est néanmoins leur interdépendance, interdépendance médiatisée par le gouvernement, responsable devant les deux. Elle se manifeste non seulement par cette double responsabilité, mais aussi par le droit de dissolution de l’Assemblée conféré au président, et par la possibilité pour le Parlement de le destituer « en cas de manquement à ses devoirs », suivant l’article 68. Hors ces situations extrêmes, l’interdépendance entraîne aussi une coopération fonctionnelle quotidienne, lorsque le Président promulgue les lois votées par le Parlement. Au-delà de ces relations directes, des messages lus en son nom à chaque assemblée et des prises de parole devant le Parlement réuni en Congrès, la séparation des pouvoirs entraîne une indépendance complète de chacun des deux pouvoirs.

La troisième dimension de la séparation des pouvoirs, la plus discrète, la moins visible, est l’autonomie juridique de chacun d’entre eux. C’est là que le texte de la Constitution pêche, faute de l’organiser pour la présidence de la République. Elle n’existe même pas dans la constitution, qui ne parle que du Président, une personne qui est en même temps une institution mais que le texte ne traite pas comme telle. C’est ainsi que l’autonomie parlementaire implique, à juste titre, que chaque assemblée adopte son propre règlement intérieur, dispose de son propre corps de fonctionnaires et d’agents, et qu’aucun autre organe politique ne peut s’immiscer dans son fonctionnement. Imagine-t-on par exemple que le gouvernement demande des comptes à l’Assemblée sur la gestion des assistants parlementaires ? Que le Sénat établisse une commission d’enquête pour rechercher si des malversations ont été commises au sein de l’Assemblée, et réciproquement ? Que le président de la République enquête sur les affaires troubles du Sénat qui donnent lieu à des instructions judiciaires ? On imagine les cris, justifiés, des partisans de l’Etat de droit dans de telles hypothèses.

La même règle de respect de l’autonomie juridique des pouvoirs institués devrait également exclure toute intrusion d’un autre pouvoir politique dans le fonctionnement de la présidence de la République. Ne parlons même pas d’entendre le président à la requête d’une assemblée, idée bouffonne, mais ses collaborateurs devraient posséder, non pas la même immunité ou plus exactement le même privilège de juridiction que lui, mais la même autonomie. Il conviendrait donc qu’un règlement intérieur de la présidence confère à ces collaborateurs un statut propre et précise les règles de leur recrutement, de leur déontologie, de leur discipline, dans l’esprit de la séparation de la présidence de la République par rapport à tout autre pouvoir institué. Voilà une suggestion utile de réforme constitutionnelle, puisqu’elle est à l’ordre du jour. Elle rétablirait la symétrie et donc l’équilibre entre les deux institutions centrales du régime, le Président et le Parlement.

Mais, objectera-t-on, ce serait renforcer l’arbitraire d’un pouvoir déjà excessif. Objection sans pertinence. Un tel règlement devrait, tout comme celui des assemblées, être préalablement soumis au Conseil constitutionnel qui en vérifierait la régularité. Quant au Parlement, aux termes de l’article 24, il contrôle l’action du gouvernement, non celle de la présidence. Elle relève en revanche du contrôle de la Cour des comptes, qui surveille l’exécution du budget et la bonne gestion des fonds publics. Les crimes et délits commis par les membres de la présidence resteraient soumis au droit commun et donc justiciables devant l’autorité judiciaire, seule légitime pour mener les enquêtes relatives aux manquements au droit et pour les sanctionner. On éviterait ainsi la désastreuse confusion des pouvoirs et l’instrumentalisation politico-médiatique de faits divers dont le mois de juillet vient d’offrir l’exemple. Mais un proverbe du pays de la mère des parlements ne dit-il pas qu’en juillet les assemblées deviennent folles ?

mardi 21 août 2018

Le premier manuel de libertés sur internet : le plan

Le manuel de "Libertés publiques" publié sur Amazon présente l'originalité d'être accessible par téléchargement sur internet pour la somme de six euros. Il peut être lu sur n'importe quel ordinateur.

Ce choix de changer le support d'un ouvrage universitaire s'explique par la volonté d'offrir aux étudiants un manuel adapté à leur budget mais aussi à leurs méthodes de travail. Ils trouvent aujourd'hui l'essentiel de leur documentation sur internet, mais ils ne sont pas toujours en mesure d'en apprécier la pertinence. Bien souvent, ils piochent un peu au hasard, entre des informations anciennes ou fantaisistes.

Le manuel de "Libertés publiques" proposé sur Amazon répond aux exigences académiques et il est actualisé au 15 août 2018. Il fait l'objet d'une actualisation en temps réel, grâce au site "Liberté Libertés Chéries" qui suit et analyse l'actualité des libertés dans notre pays. Le manuel et le site sont donc conçus comme complémentaires.

Nombre d'écrits sur les libertés et les droits de l'homme relèvent de la rhétorique et du militantisme, au risque de déformer la réalité juridique.  Cette publication nouvelle ne s'adresse pas seulement au public universitaire,  étudiants et enseignants, mais aussi à tous ceux qui ont à pratiquer ces libertés. Une connaissance précise du droit positif en la matière est nécessaire, aussi bien sur le plan académique que sur celui de la citoyenneté. C'est un panorama très large des libertés et de la manière dont le droit positif les garantit qui est ici développé. En témoigne, le plan de l'ouvrage que LLC met à disposition de ses lecteurs.




Ière Partie : Le droit des libertés publiques

Chapitre 1 : La construction des libertés publiques 
La construction historique des libertés et leur régime constitutionnel. Leur internationalisation avec l'émergence d'un standard européen des libertés marqué par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne.

Chapitre 2 : L'aménagement des libertés publiques  
Les régimes répressif, préventif, et de déclaration préalable qui organisent les libertés dans le droit positif. Le droit des circonstances exceptionnelles et l'état d'urgence constituent des régimes dérogatoires au droit commun.

Chapitre 3 : Les garanties juridiques
Le contrôle de la loi par le juge constitutionnel ; La primauté des traités ; Les actes de l'administration et les contrôles des autorités indépendantes et du juge administratif.

IIème Partie : Les libertés de la vie individuelle

Chapitre 4 : La sûreté
La sûreté, situation de la personne qui n'est ni arrêtée ni détenue, est la condition d'exercice de toutes les autres libertés. Elle fonde les principes essentiels du droit pénal et de la procédure pénale. Elle connaît cependant certaines limitations avant le jugement comme le contrôle d'identité, la garde à vue ou la détention provisoire. Plus grave, d'autres restrictions peuvent intervenir sans jugement, en matière de rétention des étrangers ou d'hospitalisation des malades mentaux.

Chapitre 5 : La liberté d'aller et venir
Elle implique la libre circulation des nationaux, le droit de circuler sur le territoire et aussi celui de le quitter. Les restrictions sont plus grandes pour les étrangers, tant pour leur entrée sur le territoire que pour leur éloignement (reconduite à la frontière, expulsion, extradition...)

Chapitre 6 : Le droit de propriété
Le droit de propriété est étroitement lié aux valeurs libérales, et il fait l'objet d'une consécration aussi bien par les traités internationaux que par la Déclaration de 1789 et le code civil. Largement consacré, il fait pourtant l'objet d'atteintes importantes qui sont licites, dès lors qu'elles reposent sur des motifs d'intérêt général.

Chapitre 7 : Le droit à l'intégrité de la personne
Le droit humanitaire impose la répression des actes de torture, des traitements inhumains et dégradants ainsi que des crimes contre l'humanité et des génocides. Mais le respect du corps humain dépasse aujourd'hui le cadre du droit humanitaire. En témoignent notamment les évolutions en cours sur le droit de mourir dans la dignité ou les droits attachés à la procréation.

Chapitre 8 : Les libertés de la vie privée
Les espaces les plus traditionnels de la vie privée sont la santé et l'orientation sexuelle, la famille et la vie privée. Ils font eux-même l'objet d'une évolution, avec notamment l'ouverture du mariage des couples de même sexe. Mais le droit de l'internet et des réseaux sociaux tend aujourd'hui à donner une nouvelle définition de la vie privée. Elle implique l'émergence de droits nouveaux comme le droit à l'identité numérique ou le droit à l'oubli.

IIIème Partie : Les libertés de la vie collective

Chapitre 9 : La liberté d'expression
L'expression est d'abord celle du citoyen, avec un droit de participation incarné dans le droit de suffrage. Au-delà, l'expression est aussi une liberté de l'esprit affirmée dans le droit de la presse, de la communication audiovisuelle et du cinéma. 

Chapitre 10 : Laïcité et liberté des cultes
La laïcité est un principe d'organisation de l'Etat directement rattaché à l'idée républicaine. Elle s'exprime par le principe de neutralité et par l'intervention de la loi pour organiser les cultes. Les mouvements sectaires, quant à eux, font l'objet d'une approche uniquement pénale, à travers les infractions qu'ils sont susceptibles de commettre. 

Chapitre 11 : La liberté de l'enseignement
L'enseignement public est organisé à partir des principes de gratuité et de neutralité. L'enseignement privé, quant à lui, bénéficie d'une aide de l'Etat qui s'accompagne d'un certain contrôle exercé sur une base contractuelle.

Chapitre 12 : Le droit de participer à des groupements
Certains groupements sont purement occasionnels et on évoque alors les libertés de réunion et de manifestation. D'autres sont institutionnels, comme les associations et les syndicats. 

Chapitre 13 : Les libertés de la vie économique et du travail
La liberté du commerce et de l'industrie a évolué vers une notion plus englobante de liberté d'entreprendre. A ces libertés de l'entrepreneur s'ajoutent celles du salarié qui bénéficie du droit au travail, mais aussi de droits dans le travail, à commencer par le droit de grève.




dimanche 19 août 2018

"Je n'ai jamais diné avec une personne morale" : Jèze avait raison

Dans une décision du 16 mai 2018, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation affirme ce qui peut sembler une évidence : une personne morale n'a pas de vie privée, et ne peut donc se prévaloir d'une atteinte à sa vie privée.

Une liberté individuelle


Le droit au respect de la vie privée est en effet dans notre système juridique comme une liberté individuelle.  La loi du 17 juillet 1970 introduit dans le code civil un article 9 qui énonce que "chacun a droit au respect de sa vie privée". Il figure dans le titre 1er "des droits civils" du Livre Ier "Des personnes". Il s'agit donc de définir l'état des personnes physiques et non pas des personnes morales. Cette analyse est aussi de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui assimile d'ailleurs la "vie privée et familiale", les englobant dans un espace commun de protection. Enfin, le Conseil constitutionnel, ne sachant pas exactement à quelle disposition de valeur constitutionnelle il pouvait rattacher le droit au respect de la vie privée, a finalement choisi comme fondement l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans sa décision du 23 juillet 1999. Il estime ainsi que "la liberté individuelle" (...) implique le respect de la vie privée".


L'existence d'un trouble illicite



Il existe pourtant des situations dans lesquelles les requérants sont à la recherche d'une norme juridique invocable dans des circonstances particulières, dans lesquelles ils se réfèrent à un espace d'intimité, mais un espace collectif ou commun à l'ensemble des membres d'un groupement. Tel était le cas dans une décision du 17 mars 2016, lorsque la 1ère Chambre civile a statué sur le cas d'une boulangerie qui reprochait à l'entreprise voisine de locations saisonnières l'installation d'un système de vidéoprotection surveillant un passage commun aux deux immeubles. En l'espèce, le juge des référés avait été saisi d'une demande d'injonction ordonnant le retrait de l'installation et octroyant une provision sur la réparation du préjudice causé à la vie privée de la personne morale. Les juges du fond avaient alors donné raison à la société requérante, estimant que l'enregistrement des mouvements du personnel de la boulangerie, avec une visibilité accentuée par la pose d'un projecteur, constituait un trouble illicite à la vie privée de la société. La Cour de cassation, quant à elle, s'est bornée à affirmer que "seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil".

La décision du 16 mai 2018 exprime un refus identique dans une affaire bien différente. En l'espèce, une ordonnance du président du TGI de Nice a autorisé la Caisse nationale du régime social des indépendants à mandater un huissier. Il devait assister à une réunion organisée par une association, enregistrer les débats et transcrire les propos tenus. L'association a donc fait un recours contre cette ordonnance, invoquant l'atteinte à sa vie privée. Cette fois, la cour d'appel a rejeté le recours, appliquant la jurisprudence de 2016 et la Cour de cassation se borne donc à rejeter le pourvoi.

La vie privée des animaux. Patrick Bouchitey. 1990


Une bulle de protection individuelle


La Cour de cassation refuse ainsi de franchir un nouveau pas dans l'élargissement des droits des personnes morales. Elle rappelle pourtant qu'elles bénéficient du droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances, tous éléments qui, dans le cas d'une personne physique, relèvent de sa vie privée. Mais s'ils existent certains points de rapprochement, il n'en demeure pas moins que la notion de vie privée n'est pas applicable à la personne morale.

Sur ce point, la décision du 16 mai 2018 présente l'avantage de ne pas disperser la vie privée, de ne pas étendre son champ d'application au point que sa définition deviendrait imprécise. Pour le moment, on peut la voir comme la bulle de protection qui entoure la personne, dans son intimité, son domicile, sa vie familiale, ses données personnelles. Elle repose aussi sur l'idée d'une maitrise de la personne sur sa vie privée. C'est elle, et elle seule, qui décide ce qu'elle veut divulguer et ce qu'elle préfère maintenir dans la confidentialité. La vie privée d'une personne morale ne peut, à l'évidence, faire l'objet d'une analyse identique. En outre, et c'est sans doute le moteur invisible de cette jurisprudence, rien n'interdisait aux personnes privées concernées, responsables et employés de la boulangerie ou membres de l'association contrainte de recevoir l'huissier, de saisir le juge en invoquant l'atteinte à leur vie privée. Point n'est besoin en effet de reconnaitre une vie privée à l'entreprise si ceux qui y travaillent peuvent obtenir de faire cesser un trouble à leur vie privée personnelle. Pour toutes ces raisons, la décision du 16 mai 2018 aurait certainement reçu l'approbation de Gaston Jèze qui déclarait "n'avoir jamais diné avec une personne morale".




mardi 14 août 2018

"L'Etat au service d'une société de confiance" : éléments de langage

L'intitulé des lois est aujourd'hui un élément fondamental de la communication institutionnelle. Après la "lutte contre la manipulation de l'information", l'"immigration maîtrisée et (...) l'intégration réussie", le "nouveau pacte ferroviaire", la "liberté de choisir son avenir professionnel", les citoyens sont désormais assurés que l'Etat est "au service d'une société de confiance". En soi, c'est plutôt une bonne nouvelle, même si le titre de la loi du 10 août 2018 ne laisse rien percevoir de son contenu. 

En d'autres temps, ce texte aurait été présenté comme "portant diverses dispositions" ou "diverses mesures" d'ordre administratif, voire comme un texte autorisant le gouvernement a prendre des ordonnances dans le domaine de la loi. En effet, bon nombre de dispositions se bornent à énoncer une finalité très générale, dont la mise en oeuvre sera précisée par ordonnance. C'est ainsi que le gouvernement interviendra pour "renforcer la sécurité juridique des entreprises soumises à des impôts commerciaux" ou sur "les contrôles susceptibles d'être réalisés" dans la procédure d'octroi des aides européennes aux agriculteurs. Le reste du texte est composé de dispositions ponctuelles modifiant différents codes, qu'il s'agisse du code des relations avec le public, du code général des impôts, du code des douanes etc. Le résultat est que le fil conducteur n'apparaît pas clairement dans cet ensemble de dispositions assez disparates.


Les dispositions du mois d'août



Certaines d'entre elles ne peuvent manquer de surprendre dans un texte consacré à "l'Etat au service d'une société de confiance". A moins qu'il ne s'agisse de faire passer discrètement, au coeur du moins d'août, des réformes susceptibles d'être contestées ? 


Atteinte à l'autonomie des Universités 



L'article 52 autorise en effet le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi "destinées à expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche qui ont accepté le rapprochement, le regroupement ou la fusion". Les malheureux établissements supérieurs qui ont accepté de fusionner vont donc se voir imposer par l'Etat "de nouveaux modes d'organisation et de fonctionnement", "de nouveaux modes de coordination territoriale" et "de nouveaux modes d'intégration". Certes, il est précisé qu'il s'agit là d'expérimentations, prévues pour dix ans. Mais pense-t-on vraiment qu'un établissement qui aura perdu sa personnalité morale et ses modes d'organisation pourra réellement les retrouver au bout de dix ans ? Si la loi Pécresse mettait en avant un principe d'autonomie des Universités largement fictif, l'article 52 de la loi du 10 août 2018 ne se donne pas cette peine, et replace tranquillement les Universités sous le contrôle étroit de l'Etat. Sans doute une conception nouvelle de la "société de confiance"...

Trust in me. Le Livre de la Jungle. Walt Disney. 1967


Le lobbying des associations cultuelles


Une observation identique peut être réalisée avec l'article 65 de la loi. Très discrètement, il se borne à affirmer qu'à la fin de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots « dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » sont supprimés. Cette suppression a pour effet de libérer les associations cultuelles de l'obligation d'inscription sur le registre des représentants d'intérêts. Elles pourront désormais faire du lobbying tout à fait librement et dans la plus grande opacité. On doit donc en déduire que la société de confiance ne repose pas sur la transparence, du moins lorsqu'il s'agit des Eglises.


Dématérialisation des procédures



D'autres dispositions, plus bénignes, se bornent à prendre acte de l'utilisation croissante d'internet dans les procédures administratives. Le titre II joliment intitulé "Vers une action publique modernisée, simple et efficace" comporte des dispositions prévoyant la dématérialisation de certaines démarches, en particulier celles de l'état civil, ou de la gestion des ressources humaines des agents publics. A dire vrai, ce processus était engagé depuis longtemps et ces réformes ne changeront pas la vie des administrés.


Le droit à l'erreur



Le droit à l'erreur de l'administré, présenté comme l'apport essentiel de ce texte, est en réalité un "droit à régularisation en cas d'erreur". L'article L 123-1 du code des relations entre le public et l'administration énonce désormais qu'une "personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet (...) d'une sanction (...), si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué." Cette fois, il s'agit bien d'une disposition nouvelle, et positive. Cette "bienveillance" de l'administration, pour reprendre la formule de Gérard Darmanin, n'était d'ailleurs pas inconnue du droit positif. Le contribuable de bonne foi pouvait en effet déjà bénéficier de la remise gracieuse de sanctions ou de pénalités. 

Les alinéas suivants de l'article L 123-1 sont moins favorables à l'administré. Il est précisé en effet que la sanction peut tout de même être prononcée à son encontre, sans aucune invitation à régulariser sa situation, "en cas de mauvaise foi ou de fraude". En d'autres termes, l'administré est présumé de bonne foi, sauf si l'administration en décide autrement, situation qui laisse la porte ouverte à un large pouvoir discrétionnaire. Par ailleurs, ne sont ne sont pas concernées par cette présomption de bonne foi les sanctions requises pour la mise en ouvre du droit de l'Union européenne, celles prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement, celles prévues par un contrat, et celles enfin prononcées par les autorités de régulation. Le droit à l'erreur a ainsi une portée pour le moins limitée, même si on peut comprendre la volonté de soustraire de son bénéfice les grandes entreprises assistées de services juridiques et d'avocats, censés les informer convenablement sur les procédures qu'elles doivent respecter.

La "société de confiance" invoquée par la loi du 10 août 2018 ne peut donc être envisagée que sous bénéfice d'inventaire. Et précisément, l'inventaire n'incite guère à la confiance. Si l'on retire les dispositions discrètes destinées à porter atteinte à l'autonomie des Universités ou à permettre aux Eglises d'exercer librement une activité de lobbying, il reste des normes imprécises qui seront éclairées par des ordonnances intervenant dans le domaine de la loi. On pourra alors, peut-être, mesurer un peu mieux le degré de "bienveillance" de l'Etat et ce qu'apporte à l'administré cette "société de confiance".

vendredi 10 août 2018

EUDisinfoLab ou comment tester le RGPD

L'affaire Benalla a des suites tragi-comiques. Une ONG belge dénommée EUDisinfoLab aurait mené une étude présentée comme fort sérieuse sur la désinformation sur Twitter à propos de cette affaire. Les conclusions de ce travail auraient constaté l'hyperactivité de comptes "russophiles" dont certains susceptibles d'être des robots. Bref, il était quasiment démontré que l'importance médiatique de l'affaire Benalla était le pur produit d'une ingérence russe. 

Depuis lors, l'ONG a pratiqué un rétropédalage rapide, affirmant que rien, dans son travail, ne permettait d'établir clairement une telle ingérence. L'étude sur la désinformation sombre donc dans le ridicule et la désinformation ne se trouve pas nécessairement là où on l'imaginait.  EUDisinfoLab reconnait ainsi sur son site travailler avec le Think Tank Atlantic Council et la Fondation Soros, deux organisations affirmant des convictions résolument atlantistes. Il serait donc intéressant de savoir si EUDisinfoLab a pris l'initiative de l'étude contestée ou si celle-ci a été diligentée ou commandée par des tiers. 

Quoi qu'il en soit, des milliers de personnes figurent aujourd'hui dans deux fichiers que EUDisinfoLab a rendus publics en invoquant la transparence de ses résultats. Dans le premier, une liste de comptes twitter ayant diffusé des messages sur l'affaire Benalla. Dans le second, une autre liste, sélectionnant les comptes ayant pratiqué la "désinformation", choisis en fonction de leur intérêt pour des sites russophiles (Russia Today et Sputnik), du nombre de partages effectués, etc. Dans cette seconde liste, les convictions politiques des titulaires de compte sont mentionnées. Les personnes figurant dans ces listes saisissent en masse la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Devant l'afflux de ces plaintes, la CNIL déclare donc se saisir du dossier.

Derrière le côté fantaisiste de l'étude se cache un problème juridique bien réel et l'affaire sera probablement la première à susciter  un contrôle sur le fondement du règlement général de protection des données, entré en vigueur le 28 mai 2018 et dont l'intégration dans le droit français a été assurée par la loi du 20 juin 2018


Données personnelles et consentement



L'illégalité du fichage ne fait guère de doute. Selon l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978, une donnée personnelle se définit comme "toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne". La plupart des comptes Twitter ne sont pas anonymes. Ceux qui utilisent des pseudonymes peuvent souvent être facilement identifiés, soit par la transparence du pseudonyme, soit par l'observation des échanges. En tout état de cause, les fichiers constitués par EUDisinfoLab peuvent être qualifiés de "traitements de données personnelles" au sens de la loi, dès lors qu'ils constituent un "ensemble structuré" de données permettant, au moins en partie, l'identification des personnes. 

Selon l'article 7 de la loi du 6 janvier 1978 un traitement de données personnelles doit avoir préalablement reçu le consentement de la personne. Celui-ci, aux termes de l'article 4 du RGPD doit être le fruit d'une "manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque", ce qui implique qu'il soit recueilli par un "acte positif clair". En l'espèce, les abonnés de Twitter n'ont jamais été sollicités par EUDisinfoLab pour donner leur consentement à l'enquête. Ils n'ont même pas été informés. 


Convictions politiques et interdiction



L'article 8 de la même loi pose un principe d'interdiction pure et simple du traitement de données personnelles qui "révèlent (...) les opinions politiques" des personnes. Certes, les fichiers constitués par EUDisinfoLab pourraient sans doute entrer dans la dérogation prévue par l'alinéa 4 de ce même article 8. Il énonce que, dans la mesure où la finalité du traitement l'exige, ne sont pas soumis à interdiction "Les traitements portant sur des données à caractère personnel rendues publiques par la personne concernée". Il est certain que les opinions politiques des personnes, qui sont ainsi collectées, proviennent de leur propre présentation sur Twitter. Nul ne conteste ce fait, mais le problème du consentement n'est pas pour autant résolu. 

Les personnes avaient parfaitement le droit de faire connaître leurs convictions sur Twitter sans pour autant consentir à ce qu'elles soient stockées, utilisées à des fins de "recherche", puis diffusées par une ONG tierce. En l'espèce, les fichiers ainsi créés avaient pour finalité de "catégoriser" les personnes en fonction de leurs convictions politiques, d'établir des profils types "russophiles" ou "non russophiles", finalité qui n'a plus rien à voir avec la simple expression d'une conviction par l'intéressé. Il aurait donc dû donner son consentement à l'enquête, quand bien même elle portait sur des données publiques, mais personnelles.




Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes
Jean-Jacques Zilbermann. Josiane Balasko. 1993



Une opération conjointe APD - CNIL



Il reste à s'interroger sur la manière dont la CNIL va pouvoir mener son enquête, car la plupart des victimes sont des personnes de nationalité française, dont les données personnelles ont été collectées par une ONG de droit belge. Peu importe au fond, car le RGPD s'applique à tout traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre des activités d'un établissement sur le territoire de l'Union (art. 3). Concrètement, il serait possible d'envisager une enquête diligentée à la fois par l'Autorité de protection des données (APD) mise en place en Belgique et la CNIL française. L'article 60 du RGPD prévoit ainsi la désignation d'une autorité de contrôle "chef de file", en principe celle du lieu de l'établissement responsable du traitement. Le RGPD précise que les autorités de contrôle peuvent mettre en oeuvre "des procédures de coopération et d'assistance mutuelle" et réaliser "des opérations conjointes".

On ne fera que rappeler les autorités de contrôle peuvent se faire communiquer toutes les informations et données utiles à leur mission. A l'issue de l'enquête, elles peuvent exiger du gestionnaire du traitement qu'il assure sa mise en conformité avec les dispositions du RGPD. Un "rappel à l'ordre" peut être prononcé et, le cas échéant, une amende administrative. Rien n'interdit, en outre, aux victimes de saisir le juge pénal, dès lors que l'article 226-16 du code pénal punit de 5 ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende le fait d'avoir procéder à un fichage illégal de données personnelles.

L'affaire EUDisinfoLab pourrait ainsi susciter la première opération conjointe depuis l'entrée en vigueur du RGPD et marquer la mise en oeuvre d'un véritable espace européen de protection des données personnelles. Les personnes dont les données personnelles ont ainsi été collectées et conservées peuvent donc se consoler. Elles vont pouvoir bénéficier d'un test en grandeur réelle du nouveau dispositif RGDP. Avouons que cela valait bien un fichage...


 Sur la protection des données : Chapitre 8 section 5 § 1 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.

lundi 6 août 2018

La loi sur les violences sexuelles et sexistes entre en vigueur

La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est désormais en vigueur.  Comme la plupart des textes législatifs, elle a été adoptée par la procédure accélérée et n'a donc donné lieu qu'à une seule lecture dans chaque assemblée. Le vote final, après commission mixte paritaire, a été acquis à l'Assemblée nationale par 92 voix pour et 8 abstentions, ce qui signifie que 477 députés étaient absents. Les présents n'en ont sans doute que plus de mérite.


L'article 34 de la Constitution comme instrument de communication

 

Il est vrai que ce texte avait d'abord une vertu "communicante", dès lors que certaines de ses dispositions auraient pu, et même dû, être adoptées par la voie réglementaire. C'est ainsi que l'article 15 qui crée l'infraction d'outrage sexiste figure désormais, loi oblige, dans la partie législative du code pénal. Un nouvel article 621-1 est ajouté à un titre VI qui traite "des contraventions". Le titre VI qui traite "des contraventions" est désormais composé de deux articles, l'article 611-1 qui punit d'une contravention de 5è classe les clients les clients d'une personne qui se livre à la prostitution, et l'article 621-1 qui réprime d'une contravention de 4è classe le fait "d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ". 

Les autres contraventions prévues par le code pénal figurent toutes dans sa partie réglementaire, conformément à l'article 34 de la Constitution qui réserve au pouvoir législatif "la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables". Dans son avis sur la loi du 3 août 2018, le Conseil d'Etat  pourtant préconisé le respect du partage des compétences prévu par l'article 34 de la Constitution. Il avait ainsi "suggéré" "au Gouvernement de lui présenter pour avis un projet de décret créant cette nouvelle contravention". Il n'a évidemment pas été entendu.

Les dispositions figurant dans le nouveau titre VI du code pénal ne sont pas pour autant inconstitutionnelles. Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 20 juillet 1983 déclare en effet conforme à la Constitution les dispositions législatives intervenues dans le domaine réglementaire, lorsque le gouvernement n'a pas utilisé les différentes procédures que la Constitution met à sa disposition pour le protéger contre d'éventuels empiètements du pouvoir législatif (articles 37 al. 2 et 41 de la Constitution).  Ainsi, le Conseil, institué en 1958 pour faire respecter la distinction entre l'article 37 et l'article 34 semble s'en désintéresser, ce qui est un étrange conception de sa mission. Pourquoi ne pas appliquer ce raisonnement à toutes les lois inconstitutionnelles, puisque, par définition, gouvernement et parlement ont été d'accord ?

Si le choix de recourir à la loi n'est pas inconstitutionnel, il témoigne toutefois d'une utilisation nouvelle de la distinction entre la loi et le règlement mise en place par la Constitution. Alors que sont en principe réservées à la loi les matières énumérées dans l'article 34, un tout autre critère répartiteur de compétence est désormais utilisé : relève du domaine de la loi les matières sur lesquelles l'Exécutif entend communiquer, et tant pis pour le partage prévu par la Constitution.

Les violences sexistes


Précisément, les violences sexistes sont un domaine dans lequel il fait bon communiquer. Qui oserait en effet défendre les auteurs de ces harcèlements ? Qui oserait même saisir le Conseil constitutionnel de ce texte ? En tout état de cause, il faudra attendre les futures QPC pour, éventuellement, s'assurer de la constitutionnalité du texte.

S'il est vrai que le harcèlement de rue est une pratique totalement inacceptable, il n'en demeure pas moins que la définition donnée par la loi n'est pas extrêmement claire. Elle est en effet de nature essentiellement psychologique. L'outrage sexiste est celui que la victime considère comme "dégradant ou humiliant", ou la mettant en situation "intimidante, hostile ou offensante". Le problème est que tout le monde n'est pas humilié ou offensé par les mêmes propos ou par les mêmes attitudes. Dans son avis, le Conseil d'Etat ne s'est pas penché sur cette question, tout simplement parce qu'il a renvoyé ses dispositions au pouvoir réglementaire... Il appartiendra aux juges du fond de donner une définition claire des comportements incriminés et, éventuellement, de transmettre une QPC reposant sur l'atteinte éventuelle aux principes de clarté et de lisibilité de la loi. 

Observons que le législateur n'a pas davantage tenu compte de l'avis du Conseil d'Etat sur le "stage de lutte contre le sexisme", peine complémentaire prévue par la loi. Il déclarait  "douter de sa nécessité", la liste de ces peines complémentaires étant déjà fort longue. Peu importe, le législateur passe outre, et le contrevenant peut désormais être condamné au "stage de lutte contre le sexisme" ainsi qu'à un "stage de citoyenneté", un "stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels" et un "stage "de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et les violences sexiste". 

Sous les jupes des filles. Alain Souchon. 1993


Le régime de prescription



Réintégrant cette fois le domaine de la loi, l'article 1er de la loi prescrit l'action publique des crimes de nature sexuelle ou violente commis sur les mineurs par trente années révolues à compter de la majorité de la victime. Il s'agit donc d'établir une dérogation à l'article 7 du code de procédure pénale, qui prévoit un délai de prescription de vingt années en matière criminelle, "à compter du jour où l'infraction a été commise". Cette formulation reprend la proposition du rapport rédigé par Flavie Flament en avril 2017. La victime d'un crime commis sur mineur pourra ainsi porter plainte, jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de quarante-huit ans. L'idée est de donner aux victimes le temps nécessaire à la dénonciation des faits, en particulier de tenir compte du phénomène d'amnésie traumatique propre aux agressions perpétrées contre des enfants. 

Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 22 janvier 1999, estime qu'aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de fixer des délais de prescription dérogatoires ou de rendre un crime imprescriptible.  Encore faut-il cependant que cette dérogation n'entraine pas une différence de traitement injustifiée. Le Conseil constitutionnel contrôle ainsi, comme il l'a fait dans sa décision QPC du 12 avril 2013, la justification et la proportionnalité des délais de prescription, en particulier au regard du principe d'égalité devant la loi. Dans son avis sur la loi du 3 août 2018, le Conseil d'Etat mettait en garde les auteurs du projet de loi contre une "disposition qui viendrait à créer une différence de traitement injustifiée pourrait en revanche encourir une censure du Conseil constitutionnel". Certes, le Conseil d'Etat ajoute ensuite que le projet apporte des justifications à l'appui de ce régime dérogatoire, mais le risque d'inconstitutionnalité n'est tout de même pas totalement écarté, si l'on considère que le délai de prescription pour un viol sur mineur sera largement plus long que celui appliqué aux personnes coupables d'un assassinat. Là encore, il faudra attendre une QPC pour être assuré de la constitutionnalité de cette disposition.

Les abus sexuels sur mineurs de quinze ans


L'article 2 de la loi vise à empêcher que les poursuites contres personnes ayant commis des abus sexuels sur des mineurs de quinze ans soient entravées par l'existence d'un consentement de l'enfant. A l'origine, la ministre de la justice avait annoncé son intention d'établir dans ce cas une "présomption de non-consentement". Heureusement, la loi ne reprend pas cette idée un peu étrange qui conduisait à établir une présomption de culpabilité de la personne majeure, principe totalement incompatible avec l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui proclame le caractère général et absolu de la présomption d'innocence, et avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui en garantit le respect.

La loi préfère donc affirmer que « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ».  Cette contrainte morale peut résulter « de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ». Il s'agit donc d'offrir aux juges d'atténuer l'effet du consentement du mineur. La jurisprudence devra évidemment préciser selon quels critères cette différence d'âge est appréciée, âge des protagonistes, maturité ou immaturité de la victime, vulnérabilité particulière etc. 

La loi du 3 août 2018 est entrée en vigueur, mais de grandes incertitudes subsistent sur sa mise en oeuvre, voire, pour certaines dispositions, sur sa constitutionnalité. La tendance du législateur serait-elle de voter des textes imprécis en laissant ensuite les juges se débrouiller au mieux ? Les réponses aux questions posées interviendront au fil de la jurisprudence. Il reste cependant à espérer que le harcèlement de rue ne donnera lieu à aucun recours, la peur du gendarme ayant conduit les harceleurs à renoncer à leur coupable activité.