Au Journal officiel du 1er février 2022 est publié un décret du 31 janvier relatif au permis de communiquer délivré à l'avocat d'une personne détenue. De manière très concrète, il s'agit d'ajouter au code de procédure pénale un article D 32-1-2 qui précise les modalités de remise aux avocats du permis de communiquer avec les personnes en détention provisoire. Ce permis de communiquer est établi par le juge d'instruction, à la demande de l'avocat qui l'assiste. Le décret du 31 janvier 2022 précise que les avocats et collaborateurs de celui qui a été formellement saisi pourront également bénéficier de ce permis de communiquer, à la seule condition que l'avocat saisi demande qu'ils soit aussi établi au nom de ses associés et collaborateurs. La personne en détention ne saisit donc plus un avocat, mais un cabinet.
L'arrêt du 15 décembre 2021
La pratique s'était déjà établie en ce sens, sans réel fondement juridique, jusqu'à ce que la Chambre criminelle de la Cour de cassation y mette fin par un arrêt du 15 décembre 2021. En l'espèce, M. C. était poursuivi pour assassinat, destruction de bien d'autrui, recel, association de malfaiteurs et autres infractions diverses. Il a désigné deux avocats qui, dès le lendemain, ont sollicité du juge d'instruction la délivrance de nouveaux permis de communiquer comportant leurs deux noms, mais aussi ceux de leurs collaborateurs et associés respectifs.
Le juge d'instruction a refusé de faire droit à cette demande, en s'appuyant sur l'article 115 du code de procédure pénale qui énonce très clairement que "les parties peuvent à tout moment de l'information faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat choisi par elles ; si elles désignent plusieurs avocats, elles doivent faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les convocations et notifications ; à défaut de ce choix, celles-ci seront adressées à l'avocat premier choisi". Ces dispositions mentionnent ainsi que le choix de l'avocat est intuitu-personae, à l'initiative discrétionnaire du prévenu.
Bien entendu, les choses se sont mal passées. Les avocats choisis par le prévenu ne se sont pas déplacés et le placement en détention provisoire a été décidé par le juge de la liberté et de la détention (JLD), en leur absence. M. C. a ensuite pu faire un recours en invoquant le fait qu'il avait été privé de l'exercice des droits de la défense. Et la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence leur a donné satisfaction, ordonnant en même temps la mise en liberté d'une personne poursuivie pour assassinat.
La Chambre criminelle casse cette décision. Dans son arrêt de décembre 2021, elle affirme tout simplement que, conformément à l'article 115 du code de procédure pénale," le permis de communiquer est délivré aux seuls avocats désignés par la personne mise en examen".
Cours plus vite, Charlie. Johny Halliday. 1969
Le ballet de protestations
Nous sommes donc le 15 décembre 2021. A partir de cette date s'organise un véritable ballet de protestations. Le célèbre Maître Eolas joue son rôle de provocateur en demandant une réforme des permis de communiquer "en les abrogeant purement et simplement et en considérant qu'un avocat qui va voir un détenu n'a rien de suspect". N'importe quel avocat pourrait donc faire visite à n'importe quel détenu et pour n'importe quel motif.
Après cela, les autres protestations semblent plus modérées, et surtout parfaitement mises en musique. On trouve pêle-mêle l'association des avocats pénalistes, l'Union des jeunes avocats (UJA) suivie d'autres syndicats, le Conseil national des Barreaux, sans oublier une multitude d'avocats intervenant en leur nom propre.
Tout ce monde a rapidement obtenu satisfaction, car il ne faut pas oublier que le Garde des Sceaux est très sensible au bien-être des professionnels de la justice, surtout des avocats. Il profite donc de la Conférence des bâtonniers, le 21 janvier pour affirmer : "Il est indispensable que les collaborateurs d'un cabinet bénéficient d'un même permis", et il leur promet la publication prochaine d'un nouveau décret.
Dix jours plus tard, c'est chose faite, le décret est au Journal officiel. Il a été rapidement écrit, si rapidement, peut-être trop rapidement. La question de l'articulation du nouvel article D 31-1-2, à valeur réglementaire, avec l'article 115 qui a valeur législative, ne semble en effet pas résolue. Il faudra peut-être attendre une nouvelle décision de la Cour de cassation sur cette question. Peut-être aura-t-elle l'idée saugrenue de faire prévaloir la loi sur le règlement ? Sait-on jamais ?
Qui a dit que la réforme de la justice était lente à se mettre en place ? Les magistrats peut-être qui, eux, ne sont pas traités de la même manière. Le jour même du décret, on annonçait que les conclusions des États généraux de la justice étaient reportées... à une date ultérieure, après les élections présidentielles. Pas de chance.
Sur les principes généraux de la justice pénale : Chapitre 4 section 1 du Manuel