« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 1 juin 2018

Sites noirs de la CIA : l'acquiescement et la connivence

Le 31 mai 2018, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu deux arrêts condamnant la Roumanie et la Lituanie. Ces deux Etats, membres de l'Union européenne et, à ce titre censés défendre et respecter les droits de l'homme, ont pourtant permis à la Central Intelligence Agency (CIA) de détenir sur leur territoire des personnes soupçonnées d'avoir participé à des attentats terroristes, dans les années 2004 à 2006. Durant cette détention arbitraire dans des prisons secrètes, les intéressés ont été soumis à des mauvais traitements. La création de ces sites noirs offrait aux Etats-Unis la possibilité de s'affranchir des contraintes du droit américain, et plus particulièrement du contrôle des juges. Les deux requérants sont considérés par la CIA comme des "High Value Detainees" (HVD), c'est à dire des détenus de haute importance, notion justifiant, à ses yeux, une détention de longue durée sans aucun fondement juridique.

Abd Al Rahim Husseyn Muhammad Al Nashiri est un Saoudien d'origine yéménite, actuellement détenu à Guantanamo. Capturé à Dubaï en 2002, il est accusé d'avoir participé à l'attaque de l'USS Cole en 2000 et du pétrolier français MV Limbourg en 2002. Il a été détenu dans des prisons secrètes, en Afghanistan, en Thaïlande, puis en Pologne de décembre 2002 à juin 2003, avant d'être transféré dans cinq prisons successivement, dont une située en Roumanie, objet de la présente requête. Zayn Al-Abidin Muhammad Husayn, alias Abu Zubaydah, est, quant à lui, un apatride d'origine palestinienne, lui aussi détenu à Guantanamo. Soupçonné par la CIA d'avoir participé à la préparation des attentats du 11 septembre 2001, il a été détenu en Thaïlande, en Pologne, à Guantanamo, au Maroc, puis en Lituanie, objet de son recours. Tous deux ont déjà fait un premier recours devant la CEDH, aboutissant à une condamnation de la Pologne en juillet 2014.

La question de la preuve 



Dans les deux cas, la CEDH n'a pu recueillir un récit direct des requérants, tous deux étant détenus au secret depuis 2002. Leurs seuls contacts avec le monde extérieur ont été, depuis cette date, une rencontre avec le Comité international de la Croix Rouge (CICR) en 2006 et quelques entrevues avec leur représentant auprès des autorités militaires américaines. 

Dans ces conditions, la Cour n'hésite pas à aller chercher des preuves extérieures au dossier, c'est-à-dire concrètement tous les instruments à sa disposition : enquête menée par le sénateur suisse Dick Marty à la demande de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, enquête diligentée par le Sénat américain, mais aussi investigations des ONG comme Human Rights Watch ou Amnesty International. A cela s'ajoute le rapport du CICR sur le traitement des "High Value Detainees", rapport fondé sur les interrogatoires de quatorze détenus, dont les deux requérants. Ces documents fournissent des informations sur les lieux de détention et les mauvais traitements infligés aux détenus. Du rapport du Sénat américain, la CEDH peut ainsi retenir que le "site violet" où était détenu M. Husayn était situé en Lituanie et qu'il a fonctionné de février 2005 à mars 2006, et que le "site black", lieu de détention de M. Al Nashiri était, quant à lui, en Roumanie, ouvert de septembre 2003 à novembre 2005. 

La Cour tient compte du fait que les droits de la défense ne sont pas exercés dans leur plénitude et que les requérants n'ont pas accès à l'intégralité du dossier. Les Etats défendeurs ne doivent donc pas pouvoir s'abriter derrière l'absence de certains éléments de preuve dans le dossier, en particulier ceux concernant les lieux et durées de fonctionnement des sites noirs. En allant chercher ailleurs les éléments de preuve, la Cour utilise le système anglo-saxon selon lequel les faits doivent être établis "au-delà du doute raisonnable".

Black is black. Los Bravos. 1966

Article 3 : volet matériel et volet procédural



La question de la preuve est particulièrement délicate en matière de torture et de traitement inhumain et dégradant, pratiques sanctionnées par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Sur le plan matériel, il est difficile de démontrer que les requérants ont eux-mêmes été soumis à la torture. C'est ainsi que la CEDH reconnaît qu'il n'est pas possible de démontrer que M. Al Nashiri ait subi l'épreuve du water-boarding en Roumanie, alors même qu'il l'avait déclaré devant la commission d'enquête du CICR. En revanche, la CEDH note que les différents éléments en sa possession montrent que des mauvais traitements divers étaient infligés aux prisonniers, tant en Roumanie qu'en Lituanie : pratique habituelle du port d'un bandeau ou d'une cagoule, isolement, port continu d'entraves, exposition au bruit et à la lumière. Sans qu'il soit besoin d'individualiser ces pratiques, les conditions générales de détention étaient donc constitutives d'un traitement inhumain et dégradant. 

Reste que les responsables de ces traitements sont les geôliers, c'est-à-dire les autorités américaines. Pour condamner la Lituanie et de la Roumanie, la CEDH s'appuie sur le volet procédural de l'article 3. Dans les deux cas, elle constate des défaillances graves dans les enquêtes diligentées par les Etats sur des faits qui se sont produits sur leur territoire et dont ils étaient parfaitement informés. En Lituanie, l'enquête pénale a piétiné et les investigations ont finalement été interrompues. ll en est de même en Roumanie, où l'enquête pénale n'a été ouverte que sept ans après la fermeture du site, tous les documents relatifs aux transports aériens ayant été détruits. Quant à l'enquête parlementaire, elle s'est bornée à conclure qu'il était "probable" qu'une prison secrète ait été ouverte dans le pays.

La Cour sanctionne d'abord les deux Etats pour abstention fautive, car les enquêtes diligentées n'ont été ni "promptes", ni "approfondies", ni "effectives", trois conditions figurant déjà dans l'arrêt El Masri c. Ex- République yougoslave de Macédoine du 13 décembre 2012. Sur ce point, la jurisprudence formule les mêmes exigences que la Convention sur la torture de 1984 qui exige des Etats qu'ils procèdent à des enquêtes en vue d'établir des faits susceptibles de donner lieu à poursuites (art. 6). Il convient d'observer que la Lituanie et la Roumanie ont tous deux ratifié cette Convention.

En l'espèce, la Cour va plus loin et considère qu'ils sont véritablement complices des traitements infligés aux requérants, dès lors qu'ils n'ont rien fait pour les empêcher ni pour les punir. Ils sont coupables d'"acquiescement et de connivence", formule extrêmement dure qui fustige la soumission de certains Etats, leur dépendance à l'égard des Etats Unis, au mépris des droits de l'homme les plus élémentaires. 

Cette décision doit en effet être lue comme une condamnation de deux Etats européens mais aussi comme un message adressé aux Etats-Unis. S'ils peuvent instrumentaliser des gouvernements, obtenir d'eux qu'ils cautionnent la torture et la détention arbitraire, ils ne peuvent pas instrumentaliser la Cour européenne qui, patiemment, entreprend de sanctionner les Etats qui ont été complices de ces mauvaises actions. Après la Pologne, c'est aujourd'hui le tour de la Roumanie et de la Lituanie. D'autres suivront probablement. On peut voir dans cette jurisprudence une réaction positive de l'Etat de droit face à des pratiques qui en sont la négation. 

Mais on doit aussi s'interroger sur l'échec relatif de la construction européenne. Des Etats intégrés relativement récemment ne la perçoivent pas comme un espace dominé par une conception commune des libertés, tout juste comme un espace de libre circulation des biens et des personnes, un espace dont la protection est exclusivement assurée par l'OTAN et non pas par le droit. Ils sont donc prêts à s'affranchir de ces valeurs communes si leur grand allié américain le demande. A sa manière, la CEDH s'efforce de leur montrer que la culture européenne n'est pas une culture de la soumission. Dans l'état actuel des choses, le combat n'est pas gagné.


Sur le terrorisme : Chapitre 4, section 1 § 1 A du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.


lundi 28 mai 2018

La liberté de manifestation selon le ministre de l'intérieur

Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, s'est exprimé en ces termes sur BFM TV : "Je crois que si on veut garder demain le droit de manifester, qui est une liberté fondamentale, il faut que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent aussi s'opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être, d'un certain point de vue, complices de ce qui se passe". Cette phrase a immédiatement suscité un tollé, en particulier chez les participants des "Fêtes à Macron" et autres "Marées populaires". Très présents dans les médias et les réseaux sociaux, ils ont à la fois monopolisé et politisé la critique, laissant à l'écart l'analyse juridique. C'est pourtant sur le plan du droit, et de lui seul, que la phrase du ministre doit être étudiée pour en mesurer son caractère surprenant.


La place de la liberté de manifester dans l'ordre juridique



La liberté de manifestation est-elle une "liberté fondamentale" ? Il faudrait s'entendre sur ce terme, qui laisse malencontreusement entendre qu'il existerait des libertés moins fondamentales que d'autres, des libertés de second rang en quelque sorte... Le décret-loi du 30 octobre 1935 définit, encore aujourd'hui, le cadre juridique de la liberté de manifester. Il s'agit d'un texte de procédure, qui met en place un régime de déclaration préalable, sans se préoccuper de consacrer une liberté. La seule mention de la "liberté de manifester" dans la loi figure dans l'article 431-1 du code pénal qui crée un "délit d'entrave à la liberté de manifester". L'approche de cette liberté par la loi est tout à la fois procédurale et négative. 

Le Conseil constitutionnel ne se montre guère plus volontariste. Dans sa décision du 18 janvier 1995, il a considéré qu'une disposition conférant au juge pénal la possibilité d'interdire à une personne condamnée de manifester dans certains lieux précisés par sa condamnation, n'est pas de nature "à méconnaître les exigences de la liberté individuelle, de la liberté d'aller et venir et du droit d'expression collective des idées et des opinions". Il ajoute ensuite, heureusement, que, dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité, il vérifie "la conciliation des exigences de l'ordre public et de la garantie des libertés constitutionnellement protégées".  La liberté de manifester est donc "constitutionnellement protégée", mais elle n'est qu'un sous-produit de la liberté d'expression.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), quant à elle, fonde la liberté de manifester sur l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui garantit la "liberté de réunion pacifique". Les Etats peuvent cependant apporter à l'exercice de cette liberté des restrictions "prévues par la loi" et "nécessaires dans une société démocratique". La Cour apprécie cette nécessité, jugeant par exemple, dans un arrêt Alekseyev c. Russie du 21 octobre 2010, que l'interdiction de la Gay Pride durant trois années de suite par le maire de Moscou n'était pas nécessaire, les motifs d'une telle décision résidant davantage dans l'homophobie que dans les impératifs de l'ordre public. La liberté de manifester est donc protégée par la Convention, mais elle est cette fois un sous-produit de la liberté de réunion. 

Le ministre de l'intérieur évoque les " personnes qui veulent exprimer leur opinion", formulation qui repose sur la définition donnée par le Conseil constitutionnel. Si la liberté de manifester n'est pas réellement autonome, il n'en demeure qu'elle est constitutionnellement garantie et le ministre ne semble pas l'ignorer.


Claude Nougaro. Paris mai.  1968


La police de la manifestation


La phrase du ministre pose davantage problème lorsqu'il affirme que les manifestants doivent s'opposer aux casseurs", leur "passivité" conduisant à la considérer comme "complices". Cette fois, la question posée est celle du titulaire du pouvoir de police. L'article D 211-10 du code de la sécurité intérieure précise que "dans le cas d'un attroupement mentionné à l'article L. 211-9, le maintien de l'ordre relève exclusivement du ministre de l'intérieur." Cette disposition ne fait d'ailleurs qu'appliquer l'article L 1142-2 du code de la défense qui fait de ce dernier le "responsable de la préparation et de l'exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale". Il est donc "sur le territoire de la République, responsable de l'ordre public (...)". En aucun cas, ce pouvoir de police ne saurait être délégué aux organisateurs de la manifestation.

Cela ne signifie pas qu'ils n'aient aucun rôle dans ce domaine. La déclaration préalable à une manifestation doit en effet comporter un certain nombre d'informations, sur les organisateurs, l'objet du rassemblement, sa date et son heure, son itinéraire, une estimation du nombre de participants etc. Au nombre de ces informations figure "le descriptif des dispositifs de sécurité mis en place". Les organisateurs doivent donc prévoir un service d'ordre et en informer l'autorité de police, concrètement la préfecture de police à Paris. Ce service d'ordre ne saurait être seul chargé de l'ordre public. Il n'a qu'une fonction d'assistance, d'encadrement du cortège. Son existence permet aux autorités de police d'adapter leur mode d'action et elles n'interviendront pas nécessairement de la même manière, ni avec les mêmes moyens, lorsque le service d'ordre est assuré par les gros-bras de la CGT ou par des élèves des lycées parisiens. En tout état de cause, et quelle qu'en soit l'organisation, les organisateurs de la manifestation ne sont pas responsables des violences éventuellement intervenues car le maintien de l'ordre public demeure de la compétence du ministre de l'intérieur. 

La jurisprudence européenne l'affirme clairement. La CEDH estime ainsi qu'"il incombe aux Etats parties d'adopter des mesures raisonnables et appropriées, afin d'assurer le déroulement pacifique des manifestations licites" (21 juin 1988, Plattform "Artzte für des Leben c. Autriche). Peu importe donc que le service d'ordre soit inefficace ou débordé, l'ordre public doit être assuré par les autorités compétentes. La CEDH a d'ailleurs jugé que cette responsabilité était identique dans le cas des manifestations illégales, jugeant dans un arrêt Berladir c. Russie du 10 juillet 2012 qu'elles devaient être réprimées "sans faire preuve de brutalité excessive".


Les motifs d'interdiction



Le juge administratif, quant à lui, est essentiellement appelé à statuer sur les mesures d'interdiction des manifestations. On sait en effet que le décret-loi de 1935 autorise l'autorité de police à prononcer cette interdiction lorsqu'elle estime que "la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public".  Une telle mesure est généralement prise à l'issue d'une négociation avec les organisateurs, intervenue après la déclaration, par exemple lorsqu'ils refusent de changer d'itinéraire ou lorsqu'il s'agit d'une contre-manifestation susceptible d'entrainer des violences. Appliquant la jurisprudence Benjamin de 1933, le Conseil d'Etat estime que l'interdiction ne peut intervenir que si les autorités ne peuvent matériellement assurer le maintien de l'ordre public. 

Or on ne trouve aucune décision de jurisprudence portant sur une interdiction justifiée par les insuffisances du service d'ordre. Elle serait d'ailleurs très probablement illégale, puisqu'il appartient à l'autorité de police d'adapter ses moyens aux nécessités de l'ordre public et donc de renforcer sa protection si le service d'ordre est insuffisant.  Certes, il a pu arriver, dans une ordonnance de référé très contestée, que le juge administratif refuse de suspendre l'interdiction, en juillet 2014, d'une manifestation de soutien aux victimes civiles palestiniennes de l'intervention israélienne à Gaza. Mais le juge ne se référait pas aux carences du service d'ordre, préférant s'abriter derrière une référence au "climat actuel de vive tension entre les partisans des deux camps". La décision ne mettait donc pas en cause le principe de la compétence exclusive du ministre de l'intérieur en matière de maintien de l'ordre. 

Le ministre de l'intérieur semble donc ignorer l'étendue de sa propre compétence, renvoyant aux manifestants eux-mêmes le soin de lutter contre les blacks blocs et autres agitateurs professionnels.  La formule est d'autant plus malheureuse que ces personnes sont entrainées au combat de rue, parfois armées et d'une violence extrême. Imagine-t-on un instant qu'un service d'ordre composé de citoyens lambda non armés, soit en mesure de lutter efficacement contre de tels individus ? Imagine-t-on que ces personnes puissent être considérées comme complices des auteurs de violences ? Derrière cette idée, on voit surgir le spectre de la célèbre loi anti-casseurs du 8 juin 1970 qui instituait une responsabilité pénale collective, en cas de destructions ou de dégradations causées par des rassemblements de personnes. Elle a finalement été abrogée en 1981, alors même qu'elle n'avait jamais été réellement appliquée,  mais elle est restée dans toutes les mémoires comme une violation flagrante du principe d'individualisation des peines. Peut-être est-elle restée dans la mémoire de Gérard Collomb ? On l'ignore, mais l'incident montre tout de même que le ministre de l'intérieur doit surveiller à la fois les manifestations et... ses propos.


Sur la liberté de manifestation : Chapitre 12, section 1 § 2 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.



 




dimanche 27 mai 2018

Le projet de loi de programmation pour la justice

Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (PLPRJ) a été déposé au Sénat et la procédure accélérée a été engagée le 20 avril 2018. Il n'y aura donc que deux lectures successives, la première devant le Sénat, la seconde devant l'Assemblée nationale. Il comporte soixante-deux articles répartis en sept titres et se présente comme l'ouverture d'un vaste chantier visant à réformer en profondeur l'institution. 

La partie programmatique, stricto sensu, se limite à un article unique, figurant dans un titre tout aussi unique, consacré aux "objectifs de la justice et à la programmation financière". Il invite le parlement à approuver un rapport annexé au projet. Il prévoit une progression de 24 % des crédits budgétaires sur cinq ans ainsi que la création de 6500 emplois. Sur ce point, le projet répond, au moins en partie, aux préoccupations des professionnels de la justice qui estiment que les dysfonctionnements du système judiciaire proviennent essentiellement de son manque de moyens.

Pour le reste, les réformes envisagées sont nombreuses et la lecture du projet laisse l'impression d'un foisonnement, mélange un peu hétéroclite de mesures ambitieuses et de points de détail. Le fil conducteur n'est pas indiqué dans un exposé des motifs qui se borne à un résumé de chaque article du projet. Sans prétendre à l'exhaustivité, il convient donc de chercher quels sont les axes principaux de ce texte.


Le règlement amiable des différends



L'une des finalités essentielles du projet est de rationaliser et de simplifier la justice, dans le but d'accélérer les procédures. Les modes de règlement amiable des différents sont ainsi mis en avant, à la seule et modeste condition, posée par le Conseil d'Etat dans son rapport, que ces procédures soient mises en oeuvre par "des professionnels qualifiés". En matière administrative, le principe est le même avec la prolongation jusqu'à fin 2021 de l'expérimentation de la médiation pour les litiges de la fonction publique ou le contentieux social. 

Le projet de loi va même jusqu'à admettre le recours aux services en ligne d'aide à la résolution des litiges. Les conditions de cette pratique ne sont guère précises, et le texte laisse seulement entrevoir une perspective de certification de ces services. Rien ne semble exclure, dans l'état actuel du texte, l'hypothèse d'une certification organisée par les seuls professionnels du secteur, à l'image de ce qui existe pour les activités privées de sécurité, pratique qui a été récemment dénoncée par la Cour des comptes


Le procès sans audience



Cette place importante accordée au règlement amiable des différends s'inscrit dans une démarche globale visant à limiter le recours au juge, par exemple en matière de révision des pensions alimentaires ou d'actes de notoriété liés à la filiation. Et lorsque le juge est tout de même saisi, le projet de loi envisage la possibilité de résoudre les affaires sans audience, notamment pour les petits litiges financiers. Sur ce point, le projet s'appuie sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans un arrêt Eker c. Turquie du 24 octobre 2017, a admis que l'obligation de tenir une audience publique pouvait être écartée en matière civile pour des motifs d'efficacité et d'économie, en particulier lorsque les questions de droit soulevées ne revêtaient pas de complexité particulière et que la procédure devait être conduite avec rapidité.

Le Conseil constitutionnel reprendra-t-il cette analyse ? Il ne s'est pas prononcé, jusqu'à présent, sur la règle de publicité des débats en matière civile, se bornant à affirmer sa valeur constitutionnelle dans le cas du procès pénal (décision du 2 mars 2004). S'il est saisi, il ne manquera sans doute pas de se prononcer, dans un sens qu'il est aujourd'hui difficile de prévoir.


L'Open Data



Le projet de loi offre au parlement l'opportunité de légiférer une nouvelle fois sur l'Open Data des décisions de justice. Ce principe se traduit par la consécration d'un droit d'accès et de réutilisation de ces décisions, consacré par la loi Lemaire du 7 octobre 2016. Mais le projet n'évoque pas la transparence en ce domaine. Au contraire, il s'appuie sur le droit au respect de la vie privée pour exiger l'occultation du nom des parties préalablement à toute communication d'une décision de justice à un tiers. Dans son avis, le Conseil d'Etat se montre beaucoup plus rigoureux, et élargit cette anonymisation aux magistrats et personnels de justice mentionnés dans le jugement. Il prévoit d'ailleurs un décret en Conseil d'Etat précisant les conditions dans lesquelles ces informations seront occultées. On doit en conclure que le Conseil d'Etat entend conserver la maîtrise de cette anonymisation, en définir lui-même la procédure. On se trouve ici dans la droite ligne du rapport Cadiet qui affirmait que les juridictions suprêmes devaient conserver le contrôle de l'Open Data des décisions de justice. Sur le fond, on peut se demander si un discret travail de grignotage de l'Open Data n'est pas entrepris, visant à en restreindre autant que possible le champ d'application et à rendre beaucoup plus difficile l'exercice du droit de réutilisation des données, pourtant lui aussi garanti par la loi Lemaire.

Chappatte. 5 avril 2017



Les juridictions pénales



En matière pénale, le projet est dominé par le mot "simplification", employé à de nombreuses reprises. Est d'abord invoquée la "simplification du parcours judiciaire des victimes", qui consiste à généraliser le dépôt de plainte par voie électronique. S'agit-il de développer les droits des victimes, ou, plus prosaïquement, de gagner du temps en accélérant la procédure ? La question mérite d'être posée, d'autant que le projet vise à développer autant que possible les procédures alternatives en matière correctionnelle : ordonnance pénale, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, composition pénale. L'objet de cette simplification est manifestement de compenser le manque de moyens par un développement de procédures simplifiées. 

L'expérimentation du tribunal criminel départemental répond à une finalité de même nature. Les crimes susceptibles d'une peine égale ou inférieure à vingt années de prison seront jugés par ces nouveaux tribunaux criminels, alors que ceux justifiant un emprisonnement plus long, comme les meurtres ou les assassinats, demeureraient du ressort des cours d'assises. Ces tribunaux seront composés d'un président et quatre assesseurs, tous magistrats professionnels, dont deux peuvent être des magistrats honoraires. L'objet est de désengorger les cours d'assises et de réduire la population carcérale par la réduction du nombre de prévenus. La méfiance à l'égard des jurys populaires est cependant flagrante. La justice est rendue au nom du peuple français, mais il en est concrètement exclu.


La procédure pénale



La "simplification de la phase d'enquête et d'instruction" est également l'un des objectifs affichés du projet. En réalité, il ne s'agit pas tant de simplifier que de généraliser les nouvelles techniques d'investigation. Les interceptions des communications électroniques sont permises dès l'enquête préliminaire ou de flagrance, sur autorisation du juge de la liberté et de la détention (JLD), pendant une durée d'un mois renouvelable une fois. Elles ne peuvent être utilisées que lorsque l'enquête porte sur une infraction punie d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans. En soi, il n'y a rien de bien choquant dans une telle disposition, si ce n'est que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 2 mars 2004 posait des conditions un peu différentes. A l'époque, il estimait que ne portait pas une atteinte excessive à la vie privée une interception autorisée par le JLD pour une durée de quinze jours, renouvelable une fois, et ne concernant que les infractions liées au terrorisme et à la grande criminalité.

Le même problème se pose pour l'usage de la géolocalisation au cours de l'enquête, pour lequel le seuil de gravité des infractions est à la fois réduit et uniformisé, concernant désormais toutes les infractions punies de plus de trois ans d'emprisonnement, alors qu'il est actuellement de trois ans pour les atteintes aux personnes, et de cinq ans pour les autres délits. La durée de l'autorisation est également rallongée de huit à quinze jours. Sur cette question, le Conseil constitutionnel avait aussi effectué un contrôle de proportionnalité, dans sa décision du 25 mars 2014.

Le Conseil constitutionnel acceptera-t-il ces allongements des autorisations et ces élargissements des infractions concernées ? Le risque d'une annulation existe. Il apparaît moins élevé cependant dans le cas de l'autorisation du recours aux "techniques spéciales d'enquêtes", notamment l'IMSI Catcher qui permet d'intercepter l'ensemble des communications dans un périmètre précis, et la sonorisation de certains locaux. Ces procédés sont désormais utilisables pour tous les crimes et non plus pour ceux relevant spécifiquement de la criminalité organisée. Dans sa décision du 4 décembre 2013, le Conseil constitutionnel avait déjà admis qu'ils soient utilisés pour la recherche de crimes, même non commis en bande organisée, dès lors que la situation l'exigeait.


Les procédures



Sur le plan des procédures, le projet de loi va dans le sens d'une simplification déjà largement pratiquée. C'est ainsi qu'il admet que le renouvellement d'une garde à vue, à l'issue d'une première période de 24 heures, soit effectué sans présentation physique de l'intéressé au procureur de la République. C'était déjà largement le cas, et l'essentiel demeure que la garde à vue reste soumise au contrôle direct de l'autorité judiciaire.


Les peines



Le régime des peines poursuit un but de désengorgement des prisons, avec une volonté d'étendre les peines alternatives, comme la détention à domicile sous surveillance électroniques, les travaux d'intérêt général, les stages de citoyenneté divers et variés auxquels est ajouté un indispensable stage de lutte contre le sexisme. En revanche, l'aménagement de principe des peines d'emprisonnement ne s'applique plus qu'aux peines comprises entre un mois et un de détention, et non plus deux.

D'autres dispositions pourraient être commentées, de la spécialisation des juridictions judiciaires aux mesures prises pour faciliter la construction d'établissements pénitentiaires. L'ensemble laisse entrevoir un chantier de longue haleine, et la justice de 2022 devrait être bien différente de celle de 2018. S'agit-il pour autant d'un progrès ? D'une modernisation certainement, avec la dématérialisation des recours, les audiences par vidéoconférence, les enquêtes assistées par Imsi-Catcher.. Tout cela était probablement indispensable. Mais la protection des requérants et des justiciables s'en trouve-t-elle accrue ?  Il est bien difficile de répondre à cette question, car les auteurs du projet ne semblent pas s'être posés la question. Il repose en effet sur une théorie du ruissellement judiciaire : la simplification des procédures, les économies dans la gestion du service public de la justice entraînent automatiquement la satisfaction des usagers et l'élargissement de leurs droits. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes judiciaires.

lundi 21 mai 2018

L'apologie d'acte de terrorisme devant le Conseil constitutionnel

Dans une décision Jean-Marc R. rendue sur QPC le 18 mai 2018, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution le délit d'apologie d'acte de terrorisme. L'idée de punir l'apologie de certains crimes n'a rien de nouveau. On en trouve trace dès la loi du 12 décembre 1893, l'une des "lois scélérates" intervenue trois jours après l'attentat de l'anarchiste Vaillant qui lança une bombe dans l'hémicycle de la Chambre des députés. Ce texte introduit  alors dans la loi sur la presse du 29 juillet 1881 un article 24 réprimant l'apologie de certains faits qualifiés de crimes, en particulier les attentats terroristes. C'est seulement avec la loi du 13 novembre 2014 que cette infraction sort du champ des délits de presse pour devenir un délit soumis, pour l'essentiel, aux procédures spécifiques mise en place dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Le requérant, ancien membre d'Action Directe a été condamné à perpétuité pour les meurtres de l'IGA René Audran et du PDG de Renault Georges Besse en 1985 et 1986. Il a bénéficié d'une libération conditionnelle en 2012. En février 2016, interrogé par un radio marseillaise, il déclare que les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 "se sont battus courageusement". Il est condamné  pour apologie d'acte de terrorisme à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis. A l'occasion de son pourvoi en cassation, il conteste trois dispositions du code pénal, non seulement l'article 421-2-5 qui punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende l'apologie publique d'actes de terrorisme, mais encore les articles 422-3 et 422-6 qui prévoient les peines complémentaires susceptibles d'être prononcées. A ses yeux, ces dispositions portent atteinte aux principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de proportionnalité des peines, ainsi qu'à la liberté d'expression.


Le principe de légalité des délits et des peines



Le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,  serait violé, dans la mesure où la loi ne préciserait pas clairement le champ d'application de ce délit. Dans sa décision QPC du 25 février 2010,  le Conseil constitutionnel affirme en effet que la définition d'une infraction doit être formulée en termes "clairs et précis", exigence qui s'impose "non seulement pour exclure l'arbitraire dans le prononcé de la peine, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche de ses auteurs".

En l'espèce, il ne voit aucun manque de précision dans la définition de l'apologie d'acte de terrorisme. D'une part, les actes de terrorisme visés sont ceux explicitement qualifiés comme tels par l'article 421-1 du code pénal, à l'exclusion de toute autre infraction. D'autre part, l'apologie est clairement définie comme l'action consistant à "justifier, excuser ou présenter sous un jour favorable un acte ou son auteur". Elle se distingue de la provocation, car elle n'appelle pas à la commission ou au renouvellement de l'acte. Cette définition est celle donnée par la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 avril 2017, confirmant la condamnation d'un individu qui, lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, avait brandi une pancarte sur laquelle étaient inscrits d'un côté "Je suis Charlie" et de l'autre "Je suis Kouachi".


Le principe de proportionnalité des peines



La proportionnalité de la peine ne donne lieu qu'à un contrôle de la "disproportion manifeste", dès lors que cette appréciation relève d'abord du législateur (par exemple, décision QPC du 7 juin 2013). En l'espèce, la peine prévue est de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Elle est susceptible d'être portée à sept ans et 100 000 euros lorsque l'infraction a été commise sur internet, l'idée étant de sanctionner plus sévèrement une action visant à l'endoctrinement de futurs terroristes.

En l'espèce, le Conseil observe que ces peines sont modulables "en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur", conformément au principe de droit commun d'individualisation de la peine. En revanche, il note que la peine complémentaire de confiscation des biens, qui est l'un des objets de la présente QPC et qui est prévue par l'article 422-6 du code pénal, ne saurait être prononcée en même temps qu'une peine pour apologie d'acte de terrorisme, car elle est prévue dans un chapitre du code pénal uniquement consacré aux actes de terrorisme, dans lequel l'apologie ne figure pas. Sous cette réserve, le délit d'apologie d'acte de terrorisme n'impose pas une peine disproportionnée.

Si la photo est bonne. Barbara. 1967


La liberté d'expression



Pour apprécier si une disposition législative porte atteinte à la liberté d'expression, le Conseil constitutionnel s'assure d'abord qu'elle répond à une finalité conforme à la constitution. En l'espèce, le délit d'apologie d'acte de terrorisme poursuit "l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions".  Dans sa décision du 18 janvier 1995, le Conseil avait déjà affirmé que la prévention des atteintes à l'ordre public et notamment des atteintes à sécurité des personnes et des biens répondait à un objectif de valeur constitutionnelle.

Si elle s'insère dans une jurisprudence déjà ancienne, cette référence à un objectif de valeur constitutionnelle de prévention des infractions contribue, dans le cas présent, à brouiller la distinction entre l'apologie et l'incitation. En effet,  la prévention des infractions vise, par définition, à empêcher la commission ou le renouvellement de l'acte, élément de définition de l'incitation, mais pas de l'apologie. Certes, le Conseil constitutionnel prend soin de n'utiliser ce fondement constitutionnel que pour justifier l'atteinte à la liberté d'expression, mais il n'en demeure pas moins que cet amalgame entre les deux notions est gênant.

Se référant à cet objectif de valeur constittuionnelle, le Conseil vérifie  qu'il justifie une atteinte à la liberté d'expression, exerçant ainsi un nouveau contrôle de proportionnalité. Il fait observer que l'apologie d'un acte de terrorisme constitue, en soi, un trouble à l'ordre public qui justifie une sanction. Les faits incriminés sont suffisamment précis pour permettre à chacun d'apprécier les faits d'apologie s'analysant comme un comportement illicite. Enfin, le fait que les poursuites ne soient plus soumises à la procédure particulièrement protectrice des infractions de presse n'emporte aucune conséquence excessive pour la liberté d'expression, dès lors que "les actes de terrorisme dont l'apologie est réprimée sont des infractions d'une particulière gravité susceptibles de porter atteinte à la vie ou aux biens".Sur ce point, le Conseil reprend exactement sa jurisprudence relative au négationnisme issue de sa décision QPC du 8 janvier 2016. Il avait alors jugé que l'atteinte à la liberté d'expression était proportionnée dans le cas d'une infraction destinée à sanctionner la négation des crimes contre l'humanité, crimes dont la gravité justifiait un telle mesure.

Comme les crimes contre l'humanité, les actes de terrorisme justifient ainsi la construction d'un droit spécifique. Le Conseil constitutionnel l'admet depuis longtemps, et il reconnaît que ce droit impose des restrictions à des libertés particulièrement protégées, telles que la liberté d'expression. Son contrôle demeure modeste, et ce n'est pas illogique. En effet, il appartient au Parlement, et à lui seul, de choisir où il convient de placer le curseur entre la liberté et la sécurité.



Sur la nécessité de la peine et le terrorisme : Chapitre 4, section 1 § 1 A du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.


mardi 15 mai 2018

Le projet de loi constitutionnelle

Le Parlement est saisi, depuis le 9 mai 2018, d'un projet de loi constitutionnelle "pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace". Comme bien souvent dans la période actuelle, l'intitulé de la loi tient un peu du slogan publicitaire, et on imagine tout de même assez mal que les responsables actuellement aux affaires estiment avoir été élus par une démocratie non représentative, irresponsable et inefficace. La lecture du projet rassure sur ce point, car les modifications envisagées, si elles sont loin d'être négligeables, ne modifient pas de manière substantielle, l'équilibre du régime. L'avis du Conseil d'Etat en témoigne, qui ne voit rien de choquant dans le projet, se bornant finalement à quelques suggestions de détail.

Sur le fond, l'étude sera limitée aux éléments de la révision qui touchent directement aux libertés publiques. Nous ne ferons que mentionner la transformation du Conseil économique, social et environnement (CESE) en une "chambre de participation citoyenne", la consécration de la Corse comme "collectivité à statut particulier", ou l'inscription de "la lutte contre les changements climatiques" dans l'article 34 de la Constitution. En matière de libertés, les dispositions concernent essentiellement l'autorité judiciaire, le Conseil constitutionnel, et le parlement.

La suppression de la Cour de justice de la République



Le président Macron avait annoncé la suppression de la Cour de justice de la République (CJR), dans son discours au Congrès du 3 juillet 2017, reprenant ainsi une promesse déjà faite par son prédécesseur. Créée à la suite de l'affaire du sang contaminé, la CJR s'est rapidement illustrée par sa mansuétude. Multipliant les relaxes et les condamnations accompagnées d'une dispense de peine, elle a eu rapidement la réputation d'une juridiction complaisante, d'autant qu'elle était composée de seulement trois juges auxquels s'ajoutaient une douzaine de parlementaires. Ces derniers se jugeaient donc eux-mêmes, ce qui pouvait expliquer cette constante indulgence. Les membres du gouvernement seront donc jugés dans les conditions du droit commun. La seule spécificité résidera dans le maintien d'une commission chargée de filtrer la requête, lorsqu'est mis en cause un acte commis dans l'exercice des fonctions. Il s'agit d'éviter l'instrumentalisation de la justice à des fins partisanes et d'empêcher de prospérer des recours uniquement destinés à déstabiliser un adversaire politique.

Le Conseil supérieur de la magistrature

 

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) donne lieu, quant à lui, à une réforme visant à rapprocher le statut des membres du parquet de celui des magistrats du siège. Ils seront toujours nommés par l'Exécutif, mais sur avis conforme du CSM et non plus sur avis simple. Il exercera aussi à leur égard le pouvoir disciplinaire, selon une procédure identique à celle qui existe pour la magistrature assise. Le but est d'assurer un équilibre entre des objectifs opposés, d'une part maintenir la soumission du parquet à l'Exécutif dans la mesure où il doit mettre en oeuvre la politique pénale, d'autre part renforcer son indépendance. On peut se demander si cette réforme suffira à faire évoluer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans son célèbre arrêt Moulin c. France de 2010, celle-ci avait refusé de considérer les membres du parquet comme des magistrats au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'ils demeuraient hiérarchiquement soumis au pouvoir exécutif. Or, l'évolution du pouvoir de nomination et de la procédure disciplinaire ne met pas fin au droit du ministre de la justice de donner des instructions aux procureurs.

Le Conseil constitutionnel


La suppression des membres de droit du Conseil constitutionnel s'analyse également comme une réforme attendue. Alors que la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a eu pour effet de faire participer le Conseil constitutionnel au contentieux de droit commun, soit devant le juge judiciaire, soit devant le juge administratif, la présence des anciens présidents de la République en son sein devenait de plus en plus indéfendable. L'absurde la situation a culminé avec Nicolas Sarkozy contestant le refus de valider son compte de campagne devant un Conseil constitutionnel dont il était membre de droit... On notera que la mesure ne s'appliquera pas aux membres de droit qui ont siégé au Conseil l'année précédant la délibération du conseil des ministres sur le projet de loi constitutionnelle. Cette formulation permet d'écarter tous les anciens présidents actuellement vivants, dès lors qu'aucun d'entre eux n'a siégé depuis mai 2017.

La proposition de loi constitutionnelle met ainsi fin à cette hérésie juridique que constituait la présence des anciens présidents au sein du Conseil. La question de l'impartialité du Conseil est-elle pour autant réglée ? En l'état actuel des choses, la proposition ne touche pas aux membres nommés. Or ces derniers sont désignés par des autorités politiques, le président de la République et le président de chaque assemblée parlementaire. Les affinités politiques ne sont évidemment pas absentes dans les choix qui sont effectués. Alors même que le Conseil vient de se proclamer "juridiction suprême" en obtenant de pouvoir saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une question préjudicielle, n'est-il pas surprenant de voir son président donner son avis dans les médias sur la politique extérieure de la France ? On a même vu, quelquefois, des membres s'éloigner quelque temps du Conseil pour aller faire une campagne électorale... De toute évidence, l'audace des auteurs de la proposition ne va pas jusqu'à une remise en cause de cette situation.

L'abaissement de soixante à quarante du nombre de parlementaires susceptibles de saisir le Conseil constitutionnel, dans le cadre de son contrôle a priori, n'appelle pas beaucoup de commentaires. Il s'agit en effet de répercuter la réforme qui sera introduite par une loi organique et qui réduira de 30 % le nombre de parlementaires.

Hitler en colère contre la révision constitutionnelle
Parodie de La Chute de Oliver  Hirschbiegel, 2004


Le parlement



Les dispositions relatives au Parlement visent d'abord à discipliner l'exercice du droit d'amendement. Seront systématiquement irrecevables les amendements qui ne sont pas du domaine de la loi ou qui sont "sans lien direct" avec le texte débattu. Sur ce point, la proposition reprend la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui sanctionne régulièrement des cavaliers législatifs sans rapport avec le texte. C'est ainsi que, dans une décision du 16 janvier 1991, il avait sanctionné une disposition sur le recrutement des enseignants des écoles d'architecture introduite par amendement dans une loi relative à la santé publique. Désormais, l'irrecevabilité sera opposable à tous les amendements sans lien avec le texte, qu'ils émanent du gouvernement ou du parlement. En cas de conflit, le Conseil constitutionnel aura seulement trois jours pour se prononcer. De manière indirecte, cette contrainte nouvelle devrait aussi permettre une réduction du nombre des amendements. On sait en effet qu'une des techniques les plus utilisées d'obstruction parlementaire consiste à noyer un projet de loi sous une multitude d'amendements, souvent sans aucun rapport avec le texte. 

La proposition veut aussi renforcer le rôle des commissions, dans le but d'accélérer le débat en séance plénière. A dire vrai, ce processus avait été engagé dès la révision de 2008 qui permettait de soumettre en séance publique le texte adopté par la commission, et non plus celui présenté par le gouvernement. Aujourd'hui, l'idée est clairement de faire adopter la loi en commission, le droit d'amendement s'exerçant uniquement en son sein. Seuls seront donc appelés en séance plénière les textes justifiant un débat solennel. Le Conseil d'Etat précise, dans son avis, que la loi organique devra affirmer le principe de publicité des débats en commission et définir les règles de vote. Il ajoute que la présence du gouvernement au moment du débat doit être inscrite dans la Constitution. 

Enfin, le projet souhaite raccourcir la procédure, en cas d'échec de la commission mixte parlementaire. La nouvelle lecture devant l'Assemblée sera supprimée et le Sénat se prononcera dans les quinze jours sur le dernier texte voté par l'Assemblée. Si le désaccord persiste, l'Assemblée aura le dernier mot, dans un délai qui ne devra pas dépasser huit jours. Le débat parlementaire ne doit pas trainer. C'est toute la logique de la révision et le Conseil d'Etat reconnait que ces réformes devraient permettre de "simplifier et d'accélérer" la procédure.

La maîtrise du gouvernement sur l'ordre du jour

 

Pour assurer le contrôle du gouvernement sur cette procédure, le texte rend à l'Exécutif une maîtrise de l'ordre du jour dont il ne disposait plus. Dans l'état actuel du droit, l'article 48 de la Constitution prévoit que deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité aux textes dont l'inscription est demandée par le gouvernement, deux autres sont réservées par priorité aux assemblées, dont l'une est consacrée au contrôle du gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. 

Précisément, cette semaine de contrôle risque aujourd'hui de passer à la trappe. Certes, le projet ne prévoit pas sa suppression, ce qui serait maladroit. Il se borne à élargir le champ du 3è alinéa de l'article 48 qui permet au gouvernement de demander l'inscription à l'ordre du jour, en dehors des deux semaines qui lui sont réservées, des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Le projet élargit considérablement le champ de cette inscription dérogatoire en l'étendant aux textes "relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale". Autant dire que la liste des lois déclarées prioritaires risque de s'étendre à l'infini, et que le temps consacré au contrôle et à l'évaluation risque de se réduire comme une peau de chagrin.

L'article 11 écarté implicitement par le Conseil d'Etat



Ce projet va évoluer et l'avis du Conseil d'Etat ne permet pas de l'apprécier dans toute son ampleur. Il ne porte en effet que sur la proposition de loi de révision, alors qu'il aurait été nettement plus intéressant de lui soumettre en même temps les projets de loi organique et de loi ordinaire. La vision globale fait défaut et l'on ignore encore quelle voie de droit sera utilisée pour faire aboutir ce projet.

En l'état actuel des choses, on peut penser que la procédure prévue par l'article 89 de la Constitution n'a pas beaucoup de chances d'aboutir. Si le gouvernement a une majorité solide et disciplinée à l'Assemblée, il n'en est pas de même au Sénat.. et l'on voit mal, en tout état de cause, le parlement adhérer à une révision qui implique la réduction d'un tiers du nombre de ses membres. Reste donc l'article 11 qui permet au président de la République de faire adopter directement la révision par référendum, comme l'avait fait avant lui le général de Gaulle pour contraindre le parlement à accepter l'élection du président au suffrage universel. Or, dans son avis, le Conseil d'Etat exclut purement et simplement le recours à l'article 11. Il n'a certes pas l'audace de le déclarer clairement, mais il dit qu'"aucune autre consultation" que la sienne "n'est requise sur un projet de révision constitutionnelle avant que le parlement et, le cas échéant, le peuple n'en décident". La phrase est claire : le peuple ne peut pas être saisi directement mais il ne peut être consulté qu'après le vote en termes identiques prévu par l'article 89.. Dans le cas contraire, le Conseil d'Etat aurait invoqué le parlement ou le peuple. Il reste tout de même à se demander sur quel fondement le Conseil d'Etat se permet ainsi d'exclure le recours à l'article 11. Celui-ci s'analyse comme une prérogative du Président de la République, et le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour choisir quelle voie de droit peut être utilisée pour réviser la Constitution.







jeudi 10 mai 2018

Fake News : L'avis du Conseil d'Etat

L'avis du Conseil d'Etat sur la proposition de loi relative aux fausses informations a été publié tout récemment. La première observation, de pure forme, est qu'il est long, du moins si on considère que la proposition ne contient pas plus d'une dizaine d'articles. Sans doute le Conseil d'Etat a-t-il voulu expliquer, déployer une démarche pédagogique à l'égard d'un texte dont le contenu n'est pas toujours très clair.

Une terminologie fluctuante


Le Conseil d'Etat commence par observer une imprécision terminologique. Le titre de la proposition de loi vise "les fausses informations" mais son contenu se réfère tantôt aux "fausses informations", tantôt aux "fausses nouvelles".  C'est ainsi que l'article 1er énonce que, durant la période électorale, le juge des référés pourra être saisi "lorsque des faits constituant de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusés artificiellement et de manière massive par le biais d'un service de communication au public en ligne (...)". De son côté l'article 4 permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de refuser une convention demandée par "une personne morale contrôlée par un Etat étranger ou sous l'influence de cet Etat", lorsque le service numérique est "susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation des ses institutions, notamment par la diffusion de fausses nouvelles".

La fausse nouvelle est déjà connue du droit positif. L'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 la réprime lorsque "faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler". Mais ces dispositions ne s'appliquent qu'au droit de la presse et précisément ce ne sont pas les journalistes qui, en général, sont à l'origine de ce que l'on appelle souvent les Fake News, car leur déontologie leur impose de vérifier leurs informations. Ces Fake News sont plutôt initiées par des militants, voire  par des officines plus moins opaques qui les répandent sur le net comme une trainée de poudre, avant qu'elles aient pu être vérifiées. De son côté, l'article 97 du code électoral punit ceux qui "à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manoeuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages (...)". Mais ces dispositions sont d'ordre uniquement pénal, et elles en sont guère utilisées que par personnes mises en cause par les médias et qui portent plainte pour affirmer leur innocence devant les médias. C'est ainsi que la plainte de Nicolas Sarkozy contre Médiapart après les révélations sur le financement de sa campagne s'est terminée par un non-lieu et que celle de François Fillon contre le Canard enchaîné a été classée sans suite.

La fausse information permet donc de sortir du champ pénal, puisque l'objet de la proposition de loi est de créer un recours spécifique devant le juge des référés civil, afin qu'il ordonne toute mesure de nature à faire cesser la diffusion. Dans son champ d'application, elle est également plus large, puisqu'elle supprime la condition de divulgation préalable de l'information contestée, critère pratiquement impossible à utiliser dans le cas d'une information virale diffusée de manière simultanée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Aux yeux du Conseil d'Etat, la notion de fausse information est, en l'espèce, plus opératoire que celle de fausse nouvelle. Il suggère, "par souci de cohérence et d'intelligibilité du texte, (...) d'harmoniser les différentes dispositions" de ne retenir  qu'elle.

Le champ d'application dans le temps


Il convient de rappeler que la proposition de loi a pour unique objet de sanctionner les fausses informations diffusées pendant la période électorale, c'est à dire pendant celle qui s'étend entre le décret de convocation des électeurs et la fin des opérations de vote. Le problème est qu'aucun texte ne fixe de délai impératif entre le décret et l'élection, à l'exception de la loi du 7 juillet 1977 qui, dans le cas particulier des élections au parlement européen, prévoit que le décret intervient "cinq semaines au moins" avant le scrutin. Avouons que ce n'est guère plus précis. Le Conseil d'Etat suggère donc de fixer un délai impératif de trois mois avant l'élection, délai durant lequel la diffusion de fausses informations pourra susciter la saisine du juge des référés.


Nungesser et Coli ont réussi. La Presse. 10 mai 1927

Le nouveau référé

 

Précisément, le Conseil d'Etat manque beaucoup d'enthousiasme vis-à-vis de ce nouveau recours. Il s'agit de permettre la saisine du juge des référés, afin qu'il prescrive aux hébergeurs ou aux fournisseurs d'accès toutes mesures nécessaires pour "faire cesser la diffusion artificielle et massive, par le biais d’un service de communication au public en ligne, de faits constituant des fausses informations".  A une époque marquée par l'extrême rapidité de la diffusion de l'information, la réponse du juge, même dans un délai de 48 heures, "risque d'intervenir trop tard", et le Conseil d'Etat s'interroge sur "l'efficacité incertaine" du dispositif. Il note cependant que cette nouvelle voie de référé permettra aux candidats victimes de fausses informations de se prévaloir d'une décision de justice devant l'opinion, acceptant ainsi la création d'une procédure juridictionnelle uniquement destinée à jouer un rôle de communication politique. On peut se demander si le Conseil d'Etat ne s'écarte pas quelque peu de son rôle de conseiller juridique...

Les services "sous l'influence d'un Etat étranger"


Une observation identique peut être faite si l'on étudie les observations du Conseil d'Etat sur l'article 4 de la proposition de loi. Son objet est de modifier la loi du 30 septembre 1986 qui organise l'édition de services de communication audiovisuelle distribués par les réseaux n'utilisant pas les fréquences assignées par le CSA. Dans ce cas, la loi prévoit une convention avec le CSA précisant les obligations spécifiques du service. Les auteurs de l'actuelle proposition suggèrent d'autoriser le CSA à refuser une convention sollicitée par "une personne morale contrôlée par un Etat étranger ou sous l'influence de cet Etat", lorsque le service est "susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses nouvelles". La substitution de notion de fausse information à celle de fausse nouvelle, suggérée par le Conseil d'Etat, ne suffit pas à lever toutes les incertitudes sur cette disposition.


Le Conseil d'Etat dans tous ses états


Il commence par relever des incertitudes terminologiques. Si le contrôle par un Etat étranger est une notion claire, qui renvoie aux droits de vote détenues dans le conseil d'administration du service en question, la simple influence exercée sur ce dernier constitue un critère "inédit et plus incertain dans ses contours". Pour autant, le Conseil d'Etat n'envisage pas sa suppression. Il précise seulement qu'il appartiendra au juge de l'excès de pouvoir, c'est-à-dire à lui-même de trouver des "éléments concrets et convergents" prouvant que la personne morale est sous l'influence d'un Etat étranger. L'incertitude du texte n'est donc pas mise en cause par le Conseil d'Etat dans sa fonction administrative, puisque le Conseil d'Etat, cette fois dans sa formation contentieuse et dans sa grande sagesse, y remédiera.

En revanche, le Conseil d'Etat propose la suppression pure et simple de la référence à la "déstabilisation de ses institutions", dont il fait observer qu'elle n'a pas de contenu juridique et qu'elle renvoie finalement aux "intérêts fondamentaux de la Nation". Cette redondance est donc inutile, d'autant que ces derniers sont définis à l'article 410-1 du code pénal et que le conseil constitutionnel leur a accordé une valeur constitutionnelle dans une décision QPC du 21 octobre 2016.

Pour autant, le Conseil d'Etat ne met pas en question la procédure en tant que telle, rappelant toutefois qu'elle doit être contradictoire et que la décision doit être motivée. Rien ne le choque dans une disposition qui conduit à conférer au CSA, et non pas à un juge, une compétence qui risque de le conduire à des décisions susceptibles de porter atteinte au principe de libre circulation de l'information, "sans considération de frontières", garanti par plusieurs conventions internationales, décisions d'ailleurs de nature à provoquer quelques remous dans la politique extérieure de la France.   Il suggère seulement que le CSA reprenne les critères définis par le Conseil d'Etat lorsqu'il est appelé à juger d'un refus de conventionnement ou d'une résiliation unilatérale de convention, critères reposant sur les sanctions infligées à la société requérante dans d'autres pays ou aux propos tenus sur la chaîne en cause (CE, 6 janvier 2006 Société Lebanese Communication Group). Cette fois, le Conseil d'Etat statuant au contentieux doit servir de guide à l'autorité indépendante, heureusement et par un heureux hasard, présidée par un membre du Conseil d'Etat.

Il n'est évidemment dit nulle part que cette disposition a surtout pour fonction de permettre de sanctionner un site comme Sputnik ou une agence comme Russia Today, également accusés par le Président de la République d'avoir répandu de fausses informations à son égard durant la campagne de 2017. Derrière la proposition, on voit ainsi apparaître une sorte d'abaissement de l'élection, comme si les électeurs n'avaient pas assez de maturité pour juger, par eux-mêmes, de ces tentatives de manipulation. Si l'on se souvient précisément des présidentielles de 2017,  il est parfaitement vrai que le candidat Emmanuel Macron a été l'objet de nombreuses fausses informations, de sa prétendue homosexualité aux allégations sur son compte bancaire aux Bahamas... C'est vrai, mais il a finalement été largement élu. Au-delà des imperfections techniques du texte, le groupe parlementaire LREM, à l'origine de la proposition de loi, devrait peut-être méditer l'adage selon lequel « Il ne serait décent et à honneur à un roi de France de venger les querelles, indignations et inimitiés d’un duc d’Orléans. »

Sur la liberté d'expression sur internet : Chapitre 9, section 2 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier