Dualité des marchés
Des contraintes juridiques d'une intensité variable
Le principe d'égalité
Dans sa décision rendue sur QPC du 7 juin 2013, à propos cette fois des motos taxis, il déclarait déjà que "aucune exigence constitutionnelle n'impose que l'activité de transport de particuliers au moyen de véhicules motorisés à deux ou trois roues soit soumise à la même réglementation que celle qui s'applique aux transport par véhicule automobile". Il en est de même dans la présente QPC : la distinction entre les deux marchés, maraude et réservation d'une voiture, fonde la création de deux régimes juridiques distincts.
La liberté d'entreprendre
Le syndicat requérant invoque une atteinte au monopole des taxis, du moins pour la maraude, activité qui consiste à charger directement des clients sur la voie publique. La jurisprudence du Conseil constitutionnel se montre cependant très réticente à pénétrer dans des analyses des marchés concernés, analyses qui sont généralement pratiquées par les juges de la concurrence. D'une manière générale, le Conseil envisage cette liberté sous deux angles différents. D'une part, la liberté d'entreprendre est d'abord la liberté d'établissement, l'accès à l'activité professionnelle de son choix. Sur ce point, elle ne se distingue guère de la liberté du commerce et de l'industrie. D'autre part, la liberté d'entreprendre, c'est aussi la liberté d'exercice, le droit d'exploiter librement son bien, de gérer son entreprise à sa guise.
C'est évidemment cette seconde facette qui est invoquée par le syndicat requérant, si ce n'est qu'il s'agit de contester l'absence de règles imposant aux VTC un délai entre la réservation et le chargement du client. Autrement dit, les taxis contestent non pas les règles qui leurs sont applicables mais l'absence de règles organisant l'activité de leurs concurrents. Le Conseil constitutionnel affirme donc simplement que "le droit reconnu aux VTC d'exercer l'activité de transport public des personnes sur réservation préalable ne porte aucune atteinte à la liberté d'entreprendre des taxis". La solution est parfaitement fondée, d'autant qu'il aurait pu sembler surprenant que le Conseil s'appuie sur la liberté d'entreprendre pour conforter un monopole.
Observons tout de même que le Conseil n'a pas estimé que le moyen manquait en droit. Il a préféré effectuer un contrôle de proportionnalité, choix lié au fait qu'il a accepté l'intervention de la Fédération française de transports de personnes représentant les VTC qui, de son côté, conteste le monopole attribué aux taxis sur l'activité de maraude. Le Conseil s'appuie sur la décision du 7 juin 2013 rendue à propos des motos-taxis, dans laquelle il avait estimé que l'interdiction de stationner sur la chaussée en quête de clients imposée à ces véhicules n'était pas "manifestement disproportionnée", "eu égard aux objectifs (...) de police de la circulation (...)". A propos des VTC, le Conseil se borne à affirmer qu'en réservant aux taxis l'activité de maraude, "le législateur n'a pas porté à la liberté d'entreprendre (...) une atthttps://www.blogger.com/blogger.g?blogID=4179588125368658397#editor/target=post;postID=1585697722136416613;onPublishedMenu=posts;onClosedMenu=posts;postNum=0;src=linkeinte disproportionnée eu égard des objectifs d'ordre public poursuivis".
Paradis fiscal et concurrence
Taxis et VTC sont donc renvoyés dos à dos par le Conseil constitutionnel. Sans doute le juge a t il aussi voulu écarter une démarche bien peu réaliste consistant à imposer aux VTC un délai entre la réservation et la prise en charge des clients, alors que son respect est pratiquement impossible à contrôler à l'ère des téléphones mobiles. A l'inverse, la Loi du 1er octobre 2014 s'efforce de rendre plus transparentes les conditions d'octroi et de cession de la licence de taxi et de faciliter le recours à la géolocalisation, afin de permettre aux entreprises de taxi de lutter plus efficacement contre la concurrence des VTC.
Reste que l'on peut se demander si ces dernières ne se sont pas trompées de combat. Ne serait-il pas préférable de saisir le juge de la concurrence, voire tout simplement le fisc ? Certaines informations parues dans la presse laissent entendre que la plus grosse entreprise de VTC ne paierait pratiquement pas d'impôts en France, ayant préféré pratiquer une "optimisation" domiciliant ses revenus dans des paradis fiscaux. Une telle pratique n'entraine-t-elle une distorsion de concurrence ?
Ces questions demeurent sans réponse et on perçoit les limites d'une jurisprudence constitutionnelle qui, comme d'ailleurs celle du Conseil d'Etat, a bien des difficultés pour appréhender les phénomènes économiques. Sur ces questions, la jurisprudence est complexe et souvent inaboutie. En l'espèce, il est évident que la profession de taxis est dans une situation légale et réglementaire beaucoup moins avantageuse que celle des entreprises de VTC. Le droit public est pourtant incapable d'en tirer les conséquences. De quoi donner des arguments à ceux qui pensent, comme Jean Peyrelevade, que les relations entre la France et son économie relèvent de la "névrose".