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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
samedi 9 février 2013
Magie noire et vie privée
jeudi 7 février 2013
La communication des avis du Conseil d'Etat, exercice d'hostile ?
Bagarre à la Chambre des députés. Le Petit Journal illustré. 6 février 1898 (affaire Dreyfus) |
Un avis qui appartient au gouvernement
Cette confidentialité vise également les administrés. La loi sur l'accès aux documents administratifs du 17 juillet 1978 précise, dans son article 6 : "Ne sont pas communicables : 1° - Les avis du Conseil d'Etat (....)". Ces documents sont donc inaccessibles aux administrés, ne serait-ce que parce qu'ils sont considérés comme les pièces préparant un acte qui, lui, sera porté à leur connaissance.
Du côté du Conseil d'Etat, il est par ailleurs évident que la confidentialité lui donne l'assurance que son analyse juridique ne sera pas détournée à des fins politiques. Lorsque l'on considère l'exploitation que les parlementaires UMP font d'un avis dont ils ne disposent en principe pas, on imagine l'utilisation qui pourrait en être faite s'il était rendu public pour chaque projet de loi. Imaginons d'ailleurs, a contrario, que la majorité s'appuie officiellement, durant le débat parlementaire, sur l'avis du Conseil d'Etat pour s'opposer à un amendement de l'opposition. Celle-ci ne se lancerait-elle pas immédiatement dans un discours scandalisé ? Un avis purement administratif peut-il être invoqué pour s'opposer au peuple souverain ? On voit déjà l'orateur manifestant sa légitime indignation, avec des trémolos dans la voix et quelques centaines de rappels au règlement...
lundi 4 février 2013
Droit à l'image et photos "de charme"
Le droit à l'image prévaut sur la création artistique
Le juge de référé consacre un droit exclusif de la personne sur son image, qui prévaut sur le droit de l'artiste sur son oeuvre. Depuis une décision de la Cour de cassation du 12 décembre 2000, il est acquis que "l'atteinte au respect dû à la vie privée et l'atteinte au droit de chacun sur son image constituent des sources de préjudice distinctes, ouvrant droit à des réparations distinctes". En clair, un même comportement peut susciter une double réparation, sur la base du droit à l'image et sur celle du droit au respect de la vie privée. En l'espèce, le juge s'appuie d'ailleurs également sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantir ce droit au respect de la vie privée.
Dans l'affaire Virginie G., le juge prend en considération un certain nombre d'éléments pour déduire l'existence d'une atteinte au droit à l'image. Il envisage ainsi successivement la captation de l'image, puis sa diffusion.
La captation de l'image
Le juge commence par apprécier le contenu des photos litigieuses. Le juge fait observer qu'elles sont le plus souvent dénudées, que Virginie G. est même parfois présentée "embrassant un homme" ou "dans des ébats amoureux". Son visage est généralement parfaitement visible ce qui rend le modèle identifiable, d'autant que l'une des photos est accompagnée d'un titre qui mentionne son prénom et la désigne ainsi sans équivoque. Par cette appréciation du contenu des photos, le juge entre dans la subjectivité de l'intéressée. Photographiée nue par son compagnon, sur des clichés qui permettent de l'identifier, elle est en droit d'espérer que son image soit considérée comme un élément de sa personnalité, et protégée comme telle. A ce stade, le juge sanctionne la seule captation de l'image, qui suffit à engager la responsabilité de son auteur.
Blow Up. Michelangelo Antonioni. 1966 David Hemmings. Vanessa Redgrave |
Le défendeur estime que Virginie G. a accepté la diffusion de son image. Il déduit ce consentement du fait qu'elle l'a accompagné en 2004 à la remise d'un prix, une de ces photos ayant été récompensée lors d'un concours de photographies. Le juge écarte le cliché de son raisonnement juridique, d'autant que c'est la seule qui représente la requérante habillée, "assise, vêtue d'une robe noire". Il ne cherche pas à savoir si cette présence à la remise du prix vaut ou non consentement. Il se borne à mentionner que toutes les autres photos ont été diffusées sur internet à l'insu de la principale intéressée. Aucun consentement n'a donc été obtenu, ni même sollicité.
Le seul cas dans lequel il est possible de se passer du consentement formel de l'intéressé est celui d'une personne célèbre, dès lors que son image est captée à l'occasion de ses activités publiques. Virginie V. n'est pas une personne célèbre, et ses photos dénudées n'ont évidemment rien à voir avec ses activités professionnelles. Dès lors, M. Juan F. a effectivement commis une violation du droit à l'image de Virginie G.
Il est vrai qu'il n'est pas tout à fait impossible d'invoquer la liberté d'expression pour justifier une atteinte au droit à l'image. La Cour européenne, en particulier, admet assez largement que l'image des personnes célèbres, même captée dans des circonstances privées, soit diffusée dans la presse, lorsque l'objet de cette diffusion est de participer à "un débat d'ordre général". Dans un arrêt, d'ailleurs très discutable, Van Hannover c. Allemagne du 7 février 2012, la Cour considère ainsi que la diffusion de photos du prince Rainier de Monaco, prises à son insu dans un cadre privé, n'emporte pas violation de l'article 8 de la Convention, puisque le journal se borne à verser une pièce à un débat public portant sur la santé du prince.
En l'espèce, les photos de M. Juan F. ne participent à aucun débat public, et la liberté d'expression, même artistique ne saurait donc prévaloir sur le droit dont dispose Virginie G. sur son image. Le juge condamne donc le défendeur à verser 5000 € de dommages et intérêts à la victime, sachant qu'il avait déjà retiré les photos litigieuses des sites internet.
Les sites de vengeance
La solution, parfaitement équitable, ne doit pas cacher le nombre de situations comparables qui ne donnent pas lieu à contentieux, tout simplement parce que les victimes n'osent pas saisir le juge. On voit ainsi se développer aux Etats-Unis, et il en existe déjà dans notre pays, des sites de "vengeance" sur lesquels des hommes peuvent diffuser des photos "de charme" de leur ancienne compagne. Lorsque celle-ci proteste, elle est invitée à payer le site pour que les photos soient retirées, technique qui s'apparente au chantage pur et simple. Pour la première fois, vingt-cinq jeunes femmes ont déposé une plainte contre un site de ce type situé au Texas, et son hébergeur. La décision de justice sera certainement intéressante, car le juge texan, s'il veut garantir le droit à l'image de ces victimes, devra écarter la liberté d'expression, garantie par le Premier Amendement de la Constitution fédérale.
En tout état de cause, cette utilisation pour le moins perverse d'internet doit inciter chacun, et surtout chacune, à prendre quelques précautions. Les photos prises par un compagnon apportent souvent un plaisir narcissique, comme celles diffusées sur les réseaux sociaux. Mais demain ? N'est-il pas possible que quelqu'un utilise ces clichés à notre insu, pour nous nuire ? Une bonne question à se poser avant de sourire à l'objectif.
vendredi 1 février 2013
La Cour européenne au secours des gourous
Dans les trois cas, la Cour européenne sanctionne la pratique française de taxation d'office de ces dons manuels faits aux mouvements sectaires et contraint les autorités à rembourser plus de quatre millions d'euros à ces mouvements. L'énormité de la somme devrait d'ailleurs susciter la réflexion, si on la compare au faible nombre des adeptes de chacun des ces mouvements, environ 2000 pour le Mandarom et "entre 500 et 2000" pour l'Eglise évangélique (rapport Gest-Guyard).
Le précédent des Témoins de Jéhovah
La décision se présente comme la mise en oeuvre d'une jurisprudence inaugurée avec l'arrêt Association les Témoins de Jéhovah du 30 juin 2011. A l'époque, la Cour avait estimé que le redressement fiscal infligé aux Témoins de Jéhovah pour taxer les dons des fidèles constituait effectivement une ingérence dans la liberté de religion. Pour exercer son contrôle de proportionnalité, elle a tenu compte du montant considérable du redressement, plus de quatre millions d'euros, et du fait que disposition du code des impôts fondant ce dernier (art. 757 cgi) ne mentionnait pas formellement les associations parmi les personnes morales contraintes de déclarer ces libéralités. La Cour en a donc déduit que la créance de l'Etat était "imprévisible" et donc disproportionnée dans la mesure où elle a eu pour effet "de couper les ressources vitales de l'association, laquelle n'était plus en mesure d'assurer concrètement à ses fidèles le libre exercice de leur culte".
Les trois décisions du 31 janvier 2013 appliquent cette jurisprudence, de manière encore plus rigoureuse. Elles ne font plus allusion au montant du redressement, important ou non, mais se bornent à affirmer que l'article 757 cgi, tel qu'il était rédigé à l'époque des faits, contenait une menace "imprévisible" de redressement fiscal.
Cette perspective conduit à s'interroger sur les suites de cette décision. Les autorités françaises vont elles demander le renvoi devant la Grande Chambre ? En tout état de cause, la décision actuelle pose problème, et il faut peut être se souvenir qu'une décision de la Cour européenne s'impose aux Etats membres sur le fondement de la Convention qui en impose le respect. Au-dessus, se trouve encore la Constitution.
mercredi 30 janvier 2013
Les Roms et le droit à l'instruction
Robert Doisneau. Les Ecoliers de la rue Damesme. 1956.jpg |
dimanche 27 janvier 2013
Twitter rappelé à l'ordre... juridique français
René Magritte. La promesse. 1950 |
En conséquence, le juge ordonne à la société Twitter Inc. de communiquer aux associations demanderesses les données en sa possession de nature à permettre l'identification des auteurs d'infractions. Cette communication doit intervenir dans les quinze jours après la décision, sous astreinte de 1000 € par jour de retard, passé ce délai.
Un dispositif de signalement des contenus illicites
Le juge des référés ne se limite pas à ordonner, de manière ponctuelle, la communication des données d'identification. Il exige également la mise en place d'un dispositif permanent de signalement des contenus illicites, au regard du droit français. Cette fois, il s'appuie l'article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui autorise l'autorité judiciaire à "prescrire toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication en ligne". Dans le cadre de sa plate-forme française, Twitter doit prévoir un "dispositif facilement accessible et visible"permettant à toute personne de porter à sa connaissance des contenus illicites, notamment ceux constituant une apologie de crime contre l'humanité ou une incitation à la haine raciale.
Une régionalisation juridique
Cette décision s'inscrit dans une tentative, d'ailleurs largement partagée dans les pays de l'UE, de soumettre les réseaux sociaux au droit des Etats. Cette régionalisation juridique de Twitter est déjà commencée, et on sait que l'entreprise américaine a dû prendre des mesures pour empêcher la diffusion en Allemagne de messages néo-nazis. De tels messages peuvent donc être envoyés, mais ils ne peuvent être lus que dans les pays où ils sont licites. Même aux Etats-Unis, Twitter a dû se soumettre aux demandes d'un juge new-yorkais qui, le 30 juin 2012, lui demandait la communication de "tweets" envoyés par un manifestant d'Occupy Wall Street. Là encore, la firme avait finalement renoncé à sa conception extensive du secret de la vie privé et s'était soumise aux injonctions de la Cour.
Quoi que l'entreprise en dise, Twitter n'est pas uniquement soumise au droit contractuel qu'elle a élaboré et que l'internaute accepte par un simple clic, sans même en avoir pris connaissance. Les autorités judiciaires sont actuellement en train de trouver les moyens de soumettre Twitter au droit de l'Etat, de rétablir ainsi l'égalité devant la loi et l'efficacité du droit territorial de diffusion.