« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mercredi 1 février 2012

La loi sur le génocide arménien déférée au Conseil constitutionnel

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Lors du vote de la loi pénalisant la négation des génocides, l'intervention du Conseil constitutionnel apparaîssait comme le "dernier recours", dernier rempart contre une pratique qui fait de la loi non plus l'expression de la volonté générale mais de celle des lobbies. A dire vrai, nous n'osions espérer cette saisine du Conseil, car les clivages à propos de ce textes passaient à l'intérieur des partis politiques. Par voie de conséquence, les signataires de ces deux saisine sont issus d'initiatives individuelles, pour une fois détachées de tout attachement partisan. La saisine du Sénat est due à l'initiative du sénateur Jacques Mézard (groupe RDSE à majorité radicaux de gauche) et celle de l'Assemblée nationale a été initiée par Jacques Myard et Michel Diefenbacher (UMP). 

On ne dispose pas encore du texte de la saisine, mais on peut penser que ce sont précisément ceux qui avaient été développés par le rapporteur de la  Commission des lois du Sénat, le 18 janvier, lorsqu'elle avait précisément adopté une motion d'exception d'irrecevabilité fondée sur l'inconstitutionnalité de la loi. 

Les ricochets

On sait que la loi actuelle, celle qui a été adoptée le 23 janvier, pénalise la négation des génocides. Elle doit donc être appréciée par rapport à celle du 29 janvier 2001, dont l'article unique "reconnait publiquement le génocide arménien de 1915". Il s'agit, en quelque sorte, d'un contrôle par ricochet, la loi de 2012 pouvant être déclarée inconstitutionnelle parce qu'elle met en oeuvre la loi du 29 janvier 2001, elle même inconstitutionnelle. Ce contrôle indirect est effectué par le Conseil depuis sa décision du 25 janvier 1985.

Cette loi de 2001, qui n'avait pas été déférée au Conseil constitutionnel, recèle bien des incertitudes constitutionnelles, qu'il s'agisse de l'absence de caractère normatif de la loi ou de l'atteinte à la liberté d'expression des chercheurs. Ces arguments sont puissants, et comme il est bien difficile de les contester au plan constitutionnel, les "éléments de langage" arrivant tout droit de l'Elysée se placent résolument sur un plan politique. En clair, l'inconstitutionnalité de la loi de 2001 reconnaissant le génocide arménien reviendrait à mettre en cause, par un second ricochet, la constitutionnalité de la loi Gayssot de 1990 qui sanctionne le négationnisme, à propos de la Shoah. 

Le contrôle de constitutionnalité, non plus cette fois de la loi de 2001, mais du texte voté le 23 janvier 2012, montre cependant que les deux dispositifs sont différents. 

Vauvenargues 1715-1747


Inconstitutionnalité du texte voté le 23 janvier 2012

Bien qu'il s'en inspire, le texte actuel est différent de la loi Gayssot. La qualification de génocide, dans le cas de la Shoah, résulte à la fois d'une convention internationale, l'Accord de Londres du 8 août 1945, et d'un certain nombre de décisions de justice rendues à la fois par le Tribunal de Nüremberg et par des juridictions françaises. La Cour de cassation, dans une décision du 7 mai 2010 a d'ailleurs refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la loi Gayssot, estimant qu'elle "ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où l'incrimination critiquée se référait à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant, de façon claire et précise, l'infraction". 

S'agissant de la pénalisation du génocide arménien, on observe au contraire qu'il n'a donné lieu à aucune convention internationale, ni à aucune décision de justice rendue par une juridiction internationale ou française. Il n'existe donc pas de définition juridique précise des actes qui sont à l'origine de ce génocide et des personnes qui en sont responsables. Sur ce plan, la proposition peut être contestée au nom du principe de légalité des délits et des peines. Dans sa décision du 21 avril 2005, le Conseil constitutionnel estime que ce principe est respecté lorsque l'infraction est définie "dans des conditions qui permettent au juge (...) d'interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d'arbitraire". 

Il appartient désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces différents moyens d'inconstitutionnalité. Dans cette affaire, le Parlement a réussi à montrer qu'un texte de circonstance voté par une majorité de circonstance peut être contrecarré par une minorité de circonstance. On ne peut à cet égard exclure une autre interprétation que celle de la sauvegarde de l'Etat de droit. A vrai dire, en adoptant ce texte, le Parlement donnait satisfaction au lobby arménien. En le soumettant au Conseil constitutionnel, d'autres parlementaires de tous bords donnent satisfaction au lobby turc. Jeu de rôles... Mais au bénéfice de l'Etat de droit, on peut rappeler la formule de Vauvenargues : "Appuyons nous sur les mauvais motifs pour nous fortifier dans les bons desseins".


Voir aussi le commentaire de Marianne Gourcuff sur CPDH

lundi 30 janvier 2012

Secret des affaires, patriotisme économique et intérêts privés

Le 23 janvier 2012, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires. Ce texte est dû à l'initiative de Bernard Carayon, député UMP du Tarn, qui se présente volontiers comme un penseur de l'intelligence économique, ce qui n'engage à rien dans la mesure où personne n'est jamais parvenu à définir les contours de cette science nouvelle. 

Après trois tentatives infructueuses, il est enfin parvenu à faire voter ce texte qui punit de trois années d'emprisonnement et 375 000 € d'amende le fait de "révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance une information protégée relevant du secret des affaires de l'entreprise (...) dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle". Sur le fond, la proposition est directement inspirée de l'Economic Espionage Act, loi américaine votée en 1996, sous la Présidence de Bill Clinton. Le patriotisme économique passe donc d'abord par la copie servile des Etats Unis. Il est vrai que, depuis quelques années, nos législateurs considèrent qu'une bonne loi doit nécessairement trouver son inspiration Outre-Atlantique. 

En lisant le texte, on songe évidemment aux bureaux d'études piégés par la stagiaire chinoise, aux officines d'intelligence économique qui s'appuient sur cette pseudo-science nouvelle pour se livrer à des activités d'espionnage à l'ancienne et voler des secrets industriels, aux débauchages de cadres pour mettre la main sur les savoir-faire de la concurrence. Dans ce contexte il apparaît évidemment indispensable de protéger les données confidentielles de l'entreprise. 

Observons toutefois que, contrairement à ce que l'on nous dit, la proposition n'intervient pas dans un espace de non-droit. 

Le secret de fabrique

Issu de l'ancien code pénal, le "secret de fabrique" figure toujours dans les article L 621-1 du code de la propriété intellectuelles et L 1227 du code du travail. Il s'apparente à une forme de secret professionnel imposée aux salariés d'une entreprise, et qui a pour objet de protéger les procédés techniques de fabrication présentant un caractère innovant ou original susceptible d'intéresser la concurrence. A contrario, la Cour de cassation, dans une décision du 21 janvier 2003, estime qu'un procédé déjà très connu dans le milieu professionnel concerné ne saurait être considéré comme un secret de fabrique. Lorsque l'infraction est caractérisée, le coupable peut être condamné à un emprisonnement de deux années et une amende de 30 000 €.

Ces dispositions sont très peu utilisées, alors même qu'elles pourraient permettre d'incriminer une bonne partie des comportements d'espionnage industriel, dont les auteurs sont bien souvent les salariés de l'entreprise espionnée.  


Jean Dréville. Les affaires sont les affaires. 1942.
D'après la pièce d'Octave Mirbeau

Le secret industriel et commercial

Le "secret en matière industrielle et commerciale" figure dans la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs, alors présenté comme une exception au principe de libre communication (art. 6).  Au-delà du "secret de fabrique", l''émergence du "secret industriel et commercial" a permis d'étendre la confidentialité à tous les documents relatifs à la situation économique et financière de l'entreprise, subventions, montages financiers, stratégies commerciales et industrielles. En 2010, 14, 7% des avis défavorables à la communication de documents émis par la CADA reposaient ainsi sur le secret industriel et commercial.          

Contrairement au secret de fabrique, le secret industriel et commercial n'est pas de nature pénale, mais il a néanmoins pour objet et pour effet de garantir la confidentialité de certaines données de l'entreprise. Force est de constater qu'il est surtout utilisé pour empêcher l'accès à des données relatives à l'environnement ou la sécurité sanitaire par des associations actives dans ces domaines. 

Au-delà de ces deux notions, les secrets de l'entreprise sont également protégés par la législation sur les brevets, mais aussi par le code pénal dans ses dispositions relatives aux atteintes aux biens. Car le vol d'information n'est-il pas, avant tout, un vol ? Peuvent également être utilisés l'abus de confiance, le recel, l'intrusion dans un système informatique, la livraison d'informations à une puissance étrangère et plus généralement toutes les infractions concernant les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Enfin la "loi de blocage" du 16 juillet 1980 interdit de communiquer des renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères, y compris dans le cadre d'une procédure judiciaire. 

Le secret des affaires

On le voit, les secrets de l'entreprises sont protégés, et même abondamment protégés, par le droit positif. Il serait sans doute utile de s'interroger sur les motifs de la relative inapplication de ces dispositions. N'est-il pas vrai qu'une entreprise victime d'espionnage industriel préfère souvent taire le désastre pour ne pas nuire à sa notoriété ? 

Quoi qu'il en soit, la proposition Carayon a pour objet de centrer le droit positif sur une notion de "secret des affaires", cette fois très largement défini. Un nouvel article 325-1 serait donc introduit dans le code pénal, selon lequel "Constituent des informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ne présentant pas un caractère public dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci."

La définition, très large, du secret des affaires ainsi que la référence aux "mesures de protection spécifiques" qui permettent à l'entreprise d'en définir elle même les contours, laisse penser qu'il s'agit de sanctuariser le secret des affaires, d'en faire une sorte de principe fondamental.

L'opposabilité 

L'enjeu de la proposition de la loi n'est pas tant de permettre la répression des infraction que d'accroître la rigueur de l'opposabilité de ses dispositions. 

Il est vrai que la proposition prévoit que le secret des affaires ne sera pas opposable au juge, ce qui entrainera nécessairement une modification des règles gouvernant le principe du contradictoire. Le juge devra conserver les pièces couvertes par le secret, et ne pas les communiquer à l'autre partie, ce qui entrainerait une violation immédiate de ce même secret. On observe à ce propos que le législateur accepte pour le secret des affaires ce qu'il a refusé pour le secret de la défense nationale... sans que l'on puisse comprendre les raisons d'une telle différence de régime juridique entre les deux types de secrets.

L'alinéa 3 du nouvel article L 325-2 du code pénal prévoit une dérogation en faveur de celui qui "informe ou signale aux autorités compétentes  des faits susceptibles de constituer des infractions (...) dont il a connaissance". Cette disposition ne concerne que celui qui dénonce à la justice les comportements délictueux. En revanche, elle ne saurait s'appliquer au syndicaliste qui fait connaître publiquement les projets de délocalisation de son entreprise. 

Patriotisme économique et intérêts particuliers

De la même manière, le secret des affaires sera parfaitement opposable aux journalistes, et par exemple au Canard Enchaîné qui ose affirmer que le groupe Bouygues aurait bénéficié de quelques avantages dans le contrat de construction du "Pentagone à la française" et qui est actuellement poursuivi devant les tribunaux. Cette interprétation est confirmée par la modification de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, qui autorise un journaliste à diffuser des informations couvertes par le secret, mais seulement "pour les nécessités de sa défense", lorsque par exemple il est poursuivi pour diffamation. 

La proposition Carayon ne vise pas seulement à protéger les intérêts légitimes des entreprises. Elle leur permet aussi d'être à l'abri des investigations dérangeantes des journalistes d'investigation. Derrière l'intérêt général et le "patriotisme économique" hautement revendiqués se cachent des intérêts privés qui préfèrent l'ombre à la lumière. Les affaires sont les affaires. 


vendredi 27 janvier 2012

Le Tonsuré désemparé face à la laïcité

ien que l'actualité juridique ne soit pas toujours de nature à faire sourire, il est cependant des décisions jurisprudentielles moins tristes que les autres. La seconde chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 20 janvier 2012 a ainsi été conduite à se pencher sur... la tonsure. 

M. X. a été ordonné prêtre en 1972, après avoir suivi une formation au grand séminaire, d'octobre 1965 à juin 1967. Ordonné prêtre en 1973, il quitte l'état ecclésiastique en 1981. Il demande ensuite la liquidation de ses droits à pension à de la caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac). Rien que de très banal. 

Le dernier recours contre "la première tonsure"

Le problème est que précisément la Caisse refuse à M. X. de valider les trimestres de formation passés au grand séminaire dans la liquidation de ses droits à pension. A ses yeux, l'élève d'un grand séminaire se consacre exclusivement à l'étude, et n'exerce aucun "ministère" ni aucune autre activité sacerdotale. C'est seulement à partir de "la cérémonie de première tonsure"qu'il devient effectivement un ministre du culte catholique, en l'occurrence le 1er janvier 1973 dans le cas de M. X. 

Ayant sans doute le sentiment qu'on lui cherchait des poux dans la tonsure, M. X. a donc saisi la justice d'ici-bas, à savoir le tribunal des affaires de Sécurité sociale. Après un véritable chemin de croix judiciaire, il a obtenu satisfaction devant la Cour d'appel de Dijon, dans une décision du 8 juillet 2010. Mais la Caisse des cultes et l'association diocésaine de Dijon ont saisi la Cour de cassation, qui a finalement confirmé le jugement d'appel. Conformément aux principes du droit commun, la Cour estime que l'élève d'un grand séminaire doit être considéré comme "membre d'une congrégation ou collectivité religieuse", compte tenu du "mode de vie communautaire" et de la "volonté commune d'approfondissement d'une croyance et d'une spiritualité partagées" qui y règnent. Elle en déduit donc que les années de séminaire entrent dans le calcul des droits à la retraite. 

On pourrait évidemment méditer sur cet acharnement des autorités diocésaines, bien peu charitable à l'égard d'un prêtre dont on nous dit qu'il a quitté l'état ecclésiastique. Mais l'affaire n'est pas si anodine, car derrière "la première tonsure" se cache en réalité d'autres enjeux.

Des sacrements dans le droit social, comme des cheveux dans le potage

La Cavimac gère le régime de retraite des religieux conformément droit commun. L'article L 382-15 du code de la sécurité sociale prévoit cependant, et c'est tout de même une légère entorse au principe de laïcité, la consultation d'une commission consultative bipartite, comprenant des représentants de l'administration et "des personnalités choisies en raison de leur compétence, compte tenu de la diversité des cultes concernés". Cette commission participe à l'élaboration d'un règlement intérieur de la Caisse des cultes qui définit les critères d'affiliation des assurés, "en considération des règles et spécificité de chaque culte religieux". On observe néanmoins que les représentants de la religion catholique sont au nombre de 27 dans la Commission, alors que les autres religions disposent de 5 représentants, le culte protestant ayant choisi de ne pas s'affilier à cette Caisse, mais de demeurer dans le régime général. 

L'article 1.23 du règlement intérieur établi par cette commission, et en vigueur au moment des faits énonçait : "En ce qui concerne le culte catholique, la date d'entrée en ministère est la date de la tonsure, si celle-ci a eu lieu avant le 1er janvier 1973, ou la date du diaconat si celui-ci a été conféré après le 1er janvier 1973. Depuis le 1er octobre 1988, c'est la date du premier engagement qui sera retenue". Qu'il s'agisse de tonsure, de diaconat, ou de premiers voeux,  ce sont donc des sacrements qui conditionnaient le droit à la retraite. 


Georges Brassens. La petite marguerite


L'arrêt du Conseil d'Etat de novembre 2011

Le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 novembre 2011, M. Jean Jacques A. a déclaré illégales l'article 1.23 de ce règlement intérieur. On observe cependant que la haute juridiction ne sanctionne pas ces dispositions pour violation du principe de laïcité mais pour incompétence. Ce moyen n'est pas tiré par les cheveux. Il est même parfaitement logique dans le mesure où l'incompétence est un moyen d'ordre public dont l'existence suffit à entraîner l'annulation de l'acte, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments juridiques. En l'espèce, le Conseil d'Etat observe qu'une caisse gérant l'assurance vieillesse n'est pas compétente pour définir les périodes d'activité prises en considération pour l'affiliation, ces éléments relevant du code de la sécurité sociale. 

A cet égard, la décision rendue par la Cour de cassation le 20 janvier 2012 apparaît comme la conséquence logique de l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 novembre 2011. Dès lors que le règlement intérieur qui fixait la date d'ouverture des droits selon des critères purement religieux est annulé, les ministres du culte sont donc dans la situation du droit commun, conformément à l'article L 382-15 qui précise qu'ils "relèvent du régime général de sécurité sociale".

Pourquoi tant d'acharnement des autorités ecclésiastiques à défendre un droit déja écorné par les juges du fond (voir par exemple la décision du Tribunal des affaires sociales du Morbihan du 30 juillet 2007) et presque anéanti par la décision du Conseil d'Etat ? 

L'effet boomerang de la liberté religieuse

La décision conduit à une situation étrange, car notre requérant s'appuie sur le droit laïc et demande l'application du droit commun.

L'association diocésaine, à l'inverse, s'appuie sur l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes". Elle invoque également l'article 9 de la Convention européenne selon lequel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion". Derrière ces références à la liberté de religion se cache en réalité la revendication de la supériorité du droit religieux sur le droit laïc. En l'espèce, il s'agit d'imposer un sacrement comme élément conditionnant le droit à une prestation sociale. L'atteinte au principe de laïcité est alors évidente, car la religion sort de la sphère privée pour pénétrer dans la vie sociale. 

L'enjeu de la décision était donc bien éloigné de la tonsure de M. X. En admettant la supériorité du droit religieux sur le droit laïc, le juge aurait probablement ouvert la boîte de Pandore. Pourquoi alors ne pas reconnaître par exemple la supériorité de la Charia pour résoudre les litiges civils ? De quoi faire dresser les cheveux sur la tête aux partisans de l'égalité devant la loi. 



mardi 24 janvier 2012

Génocide arménien : le Conseil constitutionnel comme dernier recours

Le Sénat a finalement adopté, le 23 janvier 2012, la proposition de la loi pénalisant la négation du génocide arménien, que l'Assemblée nationale avait votée le 22 décembre 2011. Le vote à la Chambre haute a été acquis par 127 voix contre 86, ce qui ne peut manquer de surprendre.

On pouvait espérer qu'un Sénat récemment passé à gauche se garderait de donner au gouvernement une victoire politique sur un sujet qui est bien loin de susciter le consensus et qui a provoqué une grave crise diplomatique avec la Turquie. La Commission des lois du Sénat avait d'ailleurs adopté, le 18 janvier 2012, une motion d'irrecevabilité, estimant que ce texte était contraire à la Constitution. En séance plénière cependant, le Sénat a rejeté cette motion d'irrecevabilité, comme il a rejeté la question préalable et la motion de renvoi en commission. Ce vote témoigne ainsi du succès de l'intense activité de lobbying développée par une communauté arménienne très active et dont on comprend qu'elle représente un poids électoral non négligeable.

Et maintenant ? Le seul recours est maintenant le Conseil constitutionnel

Le contrôle de la loi promulguée

On sait que la loi actuelle pénalise la négation des génocides, et plus précisément du génocide arménien. Elle doit donc être appréciée par rapport à la loi du 29 janvier 2001 dont l'article unique "reconnaît publique le génocide arménien de 1915". Si la loi de 2001 est considérée comme inconstitutionnelle, celle de 2012 pourra l'être "par ricochet", dans la mesure où elle met en oeuvre des dispositions inconstitutionnelles. Depuis sa décision du 25 janvier 1985, le Conseil constitutionnel contrôle la loi promulguée "à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine". Non seulement le Conseil accepte alors de contrôler la constitutionnalité de la loi ancienne, mais il la contrôle alors même qu'elle lui avait déjà été déférée et déclarée conforme à la Constitution  (décision du 15 mars 1999).

En l'espèce, la loi du 29 janvier 2001, celle qui reconnait le génocide arménien, n'a pas été déférée au Conseil, et on peut y déceler trois moyens d'inconstitutionnalité.

François Gérard 1770-1837
Portrait de Jean-Jacques Rousseau en costume arménien
Les moyens d'inconstitutionnalité

Le premier moyen, peut être le plus évident, réside dans l'absence de caractère normatif de la loi de 2001. Dans une décision du 29 juillet 2004, le Conseil a ainsi affirmé que "la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative".  C'est ainsi que dans une décision du 21 avril 2005, il a considéré comme inconstitutionnelle une disposition affirmant que "l'école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d'intelligence pour valoriser les talents". De la même manière, un texte qui se borne à "reconnaître" un génocide sans en tirer de conséquences particulières peut être considéré comme dépourvu de fondement constitutionnel.

Le second moyen trouve son origine dans l'atteinte à la liberté d'expression des historiens et des chercheurs, précisément garantie par un "principe fondamental reconnu par les lois de la République", depuis la décision du 20 janvier 1984. Or l'objet de la loi est précisément de consacrer une histoire officielle, à laquelle les historiens doivent se soumettre sous peine désormais de sanction pénale.

Enfin, il est sans doute possible d'invoquer l'incompétence du législateur. Dès lors que la loi votée traite de la reconnaissance d'un génocide intervenu dans un pays étranger et dont ont été victimes des populations étrangères, on peut penser que la loi empiète sur les compétences de l'Exécutif, puisque le Président de la République est "garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités" (art. 5), et qu'il "nomme et accrédite les ambassadeurs" (art. 14). Le gouvernement, quant à lui, "conduit la politique de la nation", y compris évidemment la politique extérieure. Considérée sous cet angle, la loi de 2001 porte atteinte à la séparation des pouvoirs, puisque le Législatif empiète sur les compétences de l'Exécutif (art. 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789).

Et maintenant ? 

Evidemment, il apparaîtrait logique que le Conseil soit saisi, dès l'adoption définitive de la loi... Mais le sera t il ? Le vote au Sénat vient précisément de montrer que le clivage sur ce texte passe à l'intérieur des partis. Il y a donc peu de chances de saisine avant promulgation, d'autant que chacun sait que les éléments d'inconstitutionnalité ne sont pas négligeables.

Reste donc l'hypothèse de la QPC, dans l'hypothèse où les associations arméniennes décideraient d'utiliser le texte pour engager des procédures, par exemple pour demander réparation des préjudices subis du fait des dommages causés à leurs arrière-grands-parents, voire à leurs arrière-arrière-grands-parents. Espérons qu'ils le feront, ce qui permettra enfin la saisine du Conseil constitutionnel.

Et si aucune action contentieuse n'est engagée ? La loi demeurerait inappliquée, ce qui est souvent la sanction des mauvaises lois. Et cette inapplication révèlerait urbi et orbi qu'elle n'avait d'autre fondement qu'électoral.



dimanche 22 janvier 2012

La Cour européenne au secours des enfants en rétention administrative

Le 19 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt Popov contre France qui peut s'analyser comme un camouflet à l'égard de l'actuelle politique de rétention des étrangers, préalable à leur éloignement. La Cour sanctionne en effet une politique qui admet la rétention des enfants dans des conditions rigoureusement  identiques à celle des adultes. 

M. et Madame Popov, ressortissants du Kazakhstan, venus en France en 2002 et 2003, ont vu leur demande d'asile rejetée dans un premier temps, puis finalement acceptée en juillet 2009. Durant cette période de six années, ils se sont maintenus sur le territoire de manière irrégulière, ont eu deux enfants nés en France et ont été placé en rétention en 2005 et en 2006. A deux reprises, en 2007, ils furent de nouveau interpellés avec leurs enfants âgés de cinq mois et trois ans, et placés successivement en rétention dans un hôtel d'Angers pour 24 heures, puis dans un centre de rétention administrative (CRA) à Rouen-Oissel, cette fois pour une quinzaine de jours.  Par deux fois, la famille Popov fut transférée vers l'aéroport Charles de Gaulle en vue de leur éloignement vers le Kazakhstan, mais le vol fut à chaque fois annulé.  Après la seconde tentative, le juge des libertés et de la détention ordonna leur remise en liberté. 

Aujourd'hui installés régulièrement en France, M. et Madame Popov contestent les conditions de leur rétention au CRA de Rouen-Oissel, ou plus exactement de celles de leurs enfants. La Cour européenne 
se montre particulièrement sévère et considère que l'administration française doit être condamnée car les conditions de détention des enfants peuvent être considérés comme "inhumaines et dégradantes" au sens de l'article 3 de la Convention. Il porte également atteinte au principe de sûreté (art 5 § 1) et au droit de mener une vie familiale normale (art. 8).

Un traitement inhumain et dégradant

En condamnant la France pour traitement inhumain et dégradant, la Cour se situe dans la droite ligne de sa décision du 19 janvier 2010 Muskhadzhiyeva et autres c Belgique, également rendue à propos de jeunes enfants retenus avec leurs parents. Elle reprend à son compte les différents rapports mentionnant que le "Centre de Rouen-Oissel est un lieu où règnent le surpeuplement, le délabrement et la promiscuité". Elle observe qu'aucun équipement n'est prévu pour les enfants qui dorment sur des lits d'adultes considérés comme dangereux pour des jeunes enfants, disposent d'un "bout de moquette" comme espace de jeux, "avec vue sur un ciel grillagé". Dès lors, les autorités françaises n'ont pas rempli l'obligation découlant de l'article 3 de protéger les enfants en adoptant les mesures indispensables à leur accueil. 

La Cour ne manque pas d'observer que cette violation de l'article 3 est également une violation de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 août 1997. Elle énonce que dans toutes les décisions prises par les autorités publiques l'"intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale". L'article 37 ajoute que "tout enfant privé de liberté doit être traité avec humanité et le respect dû à la dignité de la personne humaine". 

Leonora. Pablo Trapero. 2008. Martina Gusman

Violation du principe de sûreté

En condamnant la France pour violation du principe de sûreté, la Cour ne s'intéresse plus aux conditions matérielles de la rétention, mais à son fondement juridique, ou plutôt à son absence de fondement juridique. 


Le droit français interdit de prendre des mesures d'éloignement à l'égard des mineurs (art. L 511-4 et 521-4 Ceseda). L'administration considère cependant que les enfants ne doivent pas être séparés de leurs parents, ce qui conduit à les enfermer avec eux dans les CRA, en attendant l'éloignement. Dans un rapport publié en 2010, cinq associations, dont la Cimade, ont recensé 356 mineurs placés en CRA, accompagnés de leurs parents. 59 % d'entre eux étaient âgés de moins de sept ans. Il est vrai que ce même rapport observe que "la durée moyenne de rétention des familles s'est raccourcie depuis 2009, passant de 5 à 2, 7 jours". 

Le seul fondement juridique à l'internement des enfants réside dans le décret du 30 mai 2005 qui prévoit qu'une douzaine de CRA sont "susceptibles d'accueillir des familles"(art. 14). Le texte se borne cependant à mentionner l'existence de "chambres spécialement équipées, et notamment de matériels de puériculture adaptés". Aucune précision n'est formulée sur l'examen de la situation particulière des enfants, et sur la recherche d'éventuelles solutions alternatives à leur rétention. 

Enfin, et c'est la conséquence logique de l'ensemble des violations constatées, la Cour déduit de l'ensemble du dossier la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention. Si l'objectif de lutte contre l'immigration peut justifier une ingérence des autorités publiques dans la vie familiale, l'internement était en l'espèce disproportionné, compte tenu de sa rigueur pour les enfants, et du fait que le placement de la famille dans un centre fermé ne s'imposait pas nécessairement. Aucun élément ne laissait penser en effet que celle ci risquait de se soustraire aux autorités.

L'extrême sévérité de la décision est évidemment un camouflet pour les autorités françaises. C'est aussi, d'une certaine manière, une sanction des juridictions suprêmes. 

Une sanction pour les juridictions suprêmes

Dans une décision du 12 juin 2006, le Conseil d'Etat avait ainsi rejeté un recours déposé par la Cimade et le Gisti, contestant la légalité du décret du 30 mai 2005. La Haute juridiction estimait alors, non sans une certaine forme d'hypocrisie, que ce texte visait seulement à organiser l'accueil des familles dans les CRA. Ne prévoyant aucune mesure privative de liberté, il ne pouvait donc pas violer la Convention sur les droits de l'enfant ni la Convention européenne. 

De son côté, la Cour de cassation, dans deux décisions du 10 décembre 2009 mettait une fin brutale à une jurisprudence des Cours d'appel de Rennes et de Toulouse qui considéraient que l'internement de très jeunes enfants violait l'article 3 de la Convention européenne. Pour la Cour de cassation, "ne constitue pas un traitement inhumain ou dégradant le maintien provisoire en rétention administrative (...) dans un espace (...) dont il n'est pas démontré que l'aménagement soit incompatible avec les besoins d'une famille et de la dignité humaine". La Cour européenne a manifestement une vision plus concrète des conditions de rétention des enfants. 

N'en déduisons pas pour autant que cette décision marque la fin de l'internement des enfants dans les centres de rétention. La Cour considère en effet que la lutte contre l'immigration peut justifier une ingérence dans la vie privée et familiale. Encore faut-il que la mesure prise soit proportionnée au but poursuivi, c'est à dire qu'il n'y ait pas d'autre solution que cette rétention, qu'elle soit réalisée à partir de fondements juridiques rigoureux garantissant les droits des enfants, et dans des conditions conformes à la dignité humaine. 

La leçon est dure mais méritée, au pays des droits de l'homme. 


vendredi 20 janvier 2012

La protection de l'identité, lien fort ou lien faible ?

La proposition de loi sur la protection de l'identité est au coeur d'un débat qui divise l'Assemblée nationale et le Sénat. Chose tout à fait exceptionnelle, l'Assemblée vient même d'amender le texte après son passage en Commission mixte paritaire, alors même que les deux chambres étaient parvenues à un accord. Mais il semble que le gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l'intérieur, n'aient pas été satisfaits de cet accord. 

L'objet de la nouvelle législation est la mise en place d'une carte d'identité sécurisée, sensiblement identique à ce qui existe déjà pour les passeports biométriques. Après des débats relativement denses, les parlementaires se sont mis d'accord pour une vision relativement étroite du type de données conservées, excluant notamment les données biométriques de reconnaissance faciale. In fine, les données collectées  sont à peu près celles figurant déjà sur la traditionnelle carte d'identité, c'est à dire l'état civil du porteur, mais aussi sa photo et ses empreintes digitales numérisées. 

Les finalités du fichier

Ce n'est donc pas sur les données stockées que porte le désaccord mais sur leur utilisation à travers la base de données créée par la loi. Le TES (titres électroniques sécurisés) regroupera l'ensemble de ces données, organisant ainsi un gigantesque fichier de tous les porteurs d'une carte d'identité. Certes, ce gigantisme n'est pas illicite en soi, mais les parlementaires y voient une incitation à se montrer encore plus attentifs à d'éventuels détournements de finalité. Autrement dit, il convient de prendre toutes les précautions pour que ce fichier ne soit pas utilisé à d'autres fins que celles autorisées par la loi. 

La loi affiche deux finalités. La principale réside dans la nécessité de lutter contre les usurpations d'identité, (estimées à environ 200 000 par les auteurs de la proposition de loi, et à 100 000 par les rapports parlementaires). Cette finalité est parfaitement légitime, comme est légitime la seconde finalité qui réside dans l'identification des victimes de catastrophes naturelles ou d'accidents collectifs. On peut cependant s'interroger sur l'intérêt de cette seconde finalité, dès lors ce type d'identification est généralement réalisée par empreintes génétiques. 

Le Sénat à se montre particulièrement attentif aux garanties techniques mises en oeuvre pour éviter les détournements de finalité, c'est à dire l'utilisation du fichier à d'autres fins que celles annoncées par la proposition de loi. 

Le retour de Martin Guerre. Daniel Vigne. 1982.
Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Bernard-Pierre Donnadieu


Lien fort ou lien faible ?

Les députés, sous l'impulsion du ministre de l'intérieur, se prononcent pour un "lien fort" entre les données figurant sur le titre d'identité et celles stockées dans la base. Ce lien fort permet des vérifications très approfondies et de remonter automatique à l'usurpateur de l'identité. Il permet des recherches pro-actives, notamment grâce au fichage des empreintes digitales. Dans ce cas, la tentation risque d'être grande d'utiliser le fichier dans le cadre des enquêtes policières. 

Les sénateurs préfèrent au contraire un "lien faible". Il permet de constater l'usurpation d'identité, conformément à la finalité du TES, mais pas de remonter, dans tous les cas, à l'usurpateur. La CNIL estime cependant qu'il permet "à 99, 9 %" d'identifier l'usurpateur. Si ce dernier a créé une identité nouvelle, imaginaire, il ne pourra pas obtenir de second titre, et sera identifié au moment d'une démarche administrative. S'il a usurpé l'identité d'une personne figurant dans la base de données, il sera possible de confondre immédiatement le fraudeur, par recoupement des données biométriques. Reste donc l'hypothèse où notre fraudeur a pris l'identité de quelqu'un qui ne dispose pas de carte, et qui ne figure donc pas dans le fichier.. Autant dire un cas rarissime.

Le lien faible répond donc à la finalité du fichier qui est de lutter contre l'usurpation. Le lien fort permet techniquement d'utiliser le fichier à d'autres fins. On comprend qu'il séduise le ministre de l'intérieur. 

Reste l'opinion publique, étrangement léthargique à l'égard de ce nouveau fichage de la population. Qui se souvient qu'en 1974, un projet de fichage maladroitement intitulé "Safari" avait immédiatement entraîné une véritable levée de boucliers. Le Monde titrait alors "Safari ou la chasse aux Français" et le rejet avait été si fort que le gouvernement de l'époque avait fini par créer une commission "informatique et liberté"... qui avait finalement proposé le vote de loi qui allait devenir celle du 6 janvier 1978. Autres temps, autres moeurs.